Sortir de la crise ou pas ?
8 novembre, 2012« Il ne faut pas toujours jouer les Cassandre ».
« Peut-être, mais enfin les gens sont beaucoup plus intéressés par les mauvaises nouvelles que par les bonnes. Quand vous leur annoncez que tout va mal et que ça va encore aller plus mal, vous faites courir un frisson de terreur le long des échines, c’est très excitant ! »
« Moi, j’aimerais bien qu’on me dise que je vais sortir de la crise ».
« Vous êtes spécial. Si je vous dis ça, vous allez vous trouver sans perspective. Vous n’allez plus avoir de quoi vous plaindre. Vous vous trouverez très mal tandis que si je vous dis de vous attendre à souffrir encore plus, vous serez de plus en plus soucieux donc plus intéressant pour vous et les autres. Vous vous imaginez vous lever le matin d’une humeur joyeuse, sans préoccupation ? »
« Je pourrais me préoccuper d’autre chose que de nourrir ma famille. Me cultiver par exemple ou faire du sport ».
« Euh… bin, non. Lire ou aller au musée exige une tension intellectuelle dont vous êtes incapable. Vous êtes beaucoup trop sollicité : le bureau, la voiture, les enfants, la télé … Quant à faire du sport, vous n’avez pas un dynamisme suffisant. Vous attrapez des courbatures à la moindre gesticulation corporelle et vous finissez par gémir sur votre sort. Avec la crise, vous gémissez aussi, mais dans le confort de vos articulations ».
« Bon d’accord. Mais reconnaissez que la crise est difficile à supporter. Ce n’est pas la peine de m’expliquer toute la journée que ça va être encore plus difficile ».
« Euh… si. Parce qu’il ne faut pas que vous ayez un espoir. Sinon, vous allez relâcher vos mœurs. Peut-être même que vous vous offrirez le voyage de vos rêves. A ce train-là, nous allons vers une société avachie, faible, déclinante. Pensons un peu à nos enfants ! »
« Justement, j’aimerais bien qu’ils ne souffrent pas trop. Julien déprime facilement et Marie me fait une colère dès qu’elle est contrariée ».
« C’est la crise de l’adolescence. On a tous connu ça. Quand ils deviendront adultes, ils feront comme tout le monde : ils accepteront la dureté des temps et ils seront très contents de gémir. Vous n’allez tout de même pas les priver de se lamenter sur leur sort pour attirer l’attention d’autrui. Pauvres enfants ! Vous les voyez sérieusement, à quarante ans, arriver au bureau en sifflotant et en repartir en trouvant que la vie est belle ! ».
« Vous avez raison. Je vais essayer de les culpabiliser davantage pour qu’ils s’acclimatent à l’idée de pâtir. Après tout, moi il y a quarante ans qu’on me parle de crise. C’est vrai qu’ils me coûtent cher. Je vais réduire le budget de Noël ».
« Voilà qui est sérieux. Vous verrez, vous leur donnerez une raison de vous en vouloir, donc de se sentir vivre. Un adolescent qui est content de tout ne se prépare pas un bel avenir ».
« Euh…. Vous n’auriez pas un autre bon conseil ? Vous êtes bien sûr qu’on ne va pas sortir de la crise rapidement ? Je ne voudrais pas qu’on n’ait plus assez d’ennuis ».