Rouspéter
« Vous êtes bougon, mon vieux. »
« C’est possible, j’aime bien râler. »
« Mais ça doit vous faire beaucoup de mal ! «
« Non, pas du tout. Au contraire, je me sens vivant. D’ailleurs rouspéter, c’est dans notre culture. Comment voulez-vous vous affirmer si vous ne pouvez pas vous élever véhémentement contre quelque chose ou quelqu’un. »
« Oui, mais vous passez à côté de toutes les bonnes choses de la vie. Il y a de la beauté, de la générosité, des amitiés, etc. »
« Ah bon ? Les bonnes choses – s’il y en a – resteront ce qu’elles sont, tandis qu’on peut toujours espérer corriger les mauvaises. »
« Mais vous vous énervez contre des trucs auxquels vous ne pouvez rien. Vous n’allez pas me dire que vous pouvez changer le temps qu’il fait ? »
« Non, mais on peut changer le gouvernement. Ce qu’il fait ne me convient pas du tout. Donc je bougonne à qui mieux mieux. »
« Remarquez, c’est inévitable. Les gens élisent une majorité parlementaire en croyant changer la vie et un an plus tard, comme rien ne change, ils bougonnent. »
« Ah ! Vous voyez… Le peuple bougonne, donc comme je suis le peuple, je bougonne. »
« Tout cela va vous pourrir la vie mon pauvre. Soyez heureux, c’est la santé. »
« Je ne vais tout de même sourire béatement au chômage, à la baisse des revenus, aux problèmes de santé, à la difficulté de vivre ensemble… »
« Vous ne voulez pas adhérer à ma ligue anti-bougon ? »
« Qu’est-ce ? »
« C’est un club dans lequel il est obligatoire de considérer que tout va bien. Par exemple, on est content d’être au chômage, ce qui permet de réfléchir à une réorientation professionnelle plus satisfaisante. »
« Non, moi je fonderais plutôt un ligue anti-satisfaits pour combattre tous ceux qui trouvent que tout va bien. »
« En fait, je crois que le problème n’est pas de savoir si tout va bien ou tout va mal, le problème, c’est plutôt de survivre le plus paisiblement possible en accord avec soi-même. Donc vous allez arrêter de bougonner ! »
« Non, vous n’avez rien compris ! Ma nature profonde, c’est de bougonner, donc je bougonne. »
« On n’est pas sorti de l’auberge avec une mentalité comme la vôtre. »
« Si vous croyez que c’est facile la rouspétance. Il faut trouver des sujets et puis, il faut savoir se réinventer dans la rouspétance ! »
« Dans le fond, vous avez raison. S’il n’y avait pas de rouspéteurs en France, je m’inquiéterais. Vous êtes rassurant. »
« Bon, vous pouvez considérer que je rouspète contre ceux qui me trouvent rassurants ! »
Rigolo…
Faut-il rouspéter contre « les autres » ou commencer par changer soi-même ?
Peut-on être heureux tout en sachant que rien n’est parfait ?
Bien amicalement
Dernière publication sur Vie intérieure : ÉVANGILE DU JEUDI 12 DÉCEMBRE