Archive pour novembre, 2014

Parler avec les mains

30 novembre, 2014

« Je vous passe un coup de fil demain. »

« Bin, non ! Dans mon entreprise, c’est interdit. D’ailleurs, on n’a pas de numéro. Il faut me tchater. C’est obligatoire. Vous devez me parler avec vos doigts et votre clavier. »

« Pas de téléphone ! Pff… Avec mes doigts, je ne m’exprime pas bien. J’ai un visage et une voix beaucoup plus expressifs. Comment voulez-vous que je vous convainque de quoi que ce soit avec mes doigts ? »

« C’est fait exprès. D’abord vos coups de fil me dérangent en plein travail, ça fait baisser ma productivité, les patrons ne sont pas contents, ça fait un tas d’histoires. »

« Comment ça ? »

« Je suis soupçonné de passer mon temps au téléphone au lieu de bosser ou alors de prendre mes rendez-vous chez le coiffeur ou au garage. Ce qui n’est pas toujours vrai. »

« Le tchat, c’est mieux ? »

« Oui, parce que comme ça vous fatigue de taper votre message, que ça vous énerve de faire des fautes de frappe ou d’orthographe et d’être obligé de revenir sur vos mots, les patrons sont sûrs que vous me dérangerez moins longtemps et moins souvent. »

« Avouez que ce n’est pas très sympa de ne plus se voir ou de ne plus se parler. La plus grande partie de la communication entre êtres humains se passe dans la gestuelle ou dans la voix… et on supprime tout, pour réduire l’échange au minimum… »

« C’est comme ça. Aujourd’hui, on n’a pas besoin de votre baratin et encore moins de votre cinéma. Vous dites ce que vous avez à dire en deux phrases. Ce n’est même pas la peine de faire attention à la syntaxe ou l’orthographe et c’est terminé. »

« C’est très appauvrissant sur le plan humain. »

« Euh… peut-être, mais sur un plan économique, c’est très enrichissant. Si vous y tenez vraiment, vous pouvez essayer de glisser un peu d’ironie dans vos messages. Mais c’est très risqué. Comme vous n’avez pas de gestuelle accompagnatrice, je risque de ne pas comprendre vos astuces et de m’énerver après vous. »

« Donc, les nouvelles manières de communiquer assèchent la communication. On pourrait en revenir aux signaux de fumée … comme les indiens… »

« J’en étais sûr ! Les sarcasmes commencent ! Il va falloir tout de même quitter le passé et vous mettre au goût du jour, parce que vous n’avez encore rien vu. »

« Comment ça rien vu ? »

« Oui, bientôt, on va inventer le tchat automatique. Pour commander un bouquin par exemple, vous n’aurez même plus la peine d’écrire avec vos petits doigts malhabiles. Vous pourrez appuyer sur un seul bouton correspondant au livre et ça générera un message bien poli de commande ! N’est-ce pas merveilleux ? »

« Non, je ne pourrais même plus faire part de mes goûts littéraires au libraire et engager avec lui une conversation de haute tenue culturelle. »

« Vous rigolez ? Qui vous a demandé d’avoir de la culture et d’embêter les pauvres salariés avec vos goûts en la matière ? »

« Euh… bon, là, je vais mettre fin à notre tchat parce que je commence à avoir les boules. Il faut d’ailleurs que je tchate avec mon gamin… on prend un rendez-vous visuel tous les trois mois …. Au coin du couloir et de la salle de bains … Vous comprenez ? »

De l’air !

29 novembre, 2014

Anne allaite son bébé

Jules suffoque de joie.

Il fera un beau cadeau à Anne.

Il peut respirer :

Il est pépé avant d’expirer,

Avant d’exhaler son dernier soupir.

Il pourra souffler tranquillement ses cent bougies.

Sans s’étouffer avec le gâteau.

C’est fort !

28 novembre, 2014

Je suis formel

Fortuné a beaucoup d’argent.

Patiemment, il s’est forgé

Une immense fortune

En tant que fort des halles.

Fort heureusement, ce n’est pas un pirate.

Souvent, il fait des promenades en forêt

Pendant lesquelles il réfléchit fortement.

En son for intérieur,

Il se sent formidable.

Drôlement fortiche.

Un homme providentiel

27 novembre, 2014

« Comment se fait-il qu’on est toujours en train de chercher un homme providentiel ? »

« Parce qu’on a tous envie de se reconnaître dans un justicier solitaire. On a envie de se dire qu’on a tous son courage, son abnégation, son dévouement. Autrement dit, il faut que vous et moi ayons toutes ces qualités incarnées sous nos yeux ébahis pour que nous soyons convaincus d’avoir les mêmes. En plus si c’est un chef, c’est encore mieux, parce qu’on peut se dire qu’on a un exemple à suivre qui nous plait. »

« Euh… pourtant beaucoup d’hommes politiques finissent devant les juges. »

« Oui, mais ce ne sont pas des hommes providentiels. L’homme providentiel, c’est celui qui ne se fait pas prendre. S’il peut mourir en héros, c’est encore mieux. »

« Comme Jeanne d’Arc… »

« C’est ce qu’on fait de mieux en matière d’homme providentiel. Elle est pauvre, pucelle, mystique et c’est une femme. Et brulée vive. Son image est à l’abri de toutes les bassesses. »

« Moi, j’aimerais bien un homme providentiel vivant. »

« C’est très compliqué. Aujourd’hui, tout le monde a quelque chose à se reprocher : un conjoint en trop, un compte en banque trop garni, un passé d’activiste douteux, des mauvaises notes à l’école. Comment voulez-vous incarner la Providence dans ces conditions ? »

« Je pourrais peut-être être Celui que tout le monde attend ! »

« Non, je ne pense pas. Vous n’avez peut-être pas de compte en Suisse, mais vous n’avez pas non plus de charisme. Quand je vous regarde, je sens tout de suite que votre cote de popularité dans les sondages va sombrer avant même d’avoir augmenté. »

« C’est sympa. Mais finalement, est-ce qu’on a besoin d’un Sauveur ? Nous pourrions peut-être nous débrouiller entre nous tranquillement. Je n’ai pas tellement envie de m’incarner dans qui que ce soit. J’ai beaucoup de qualités et je le sais sans être obligé de les observer dans le comportement d’un autre. »

« Donc, vous êtes un anarchiste. Vous ne voulez d’aucun pouvoir. »

« Non. Il faut bien quelqu’un pour établir les règles de vie en commun. Il n’y a pas besoin d’avoir l’air d’un héros de l’Histoire pour ça. »

« Ah, nous y voilà ! Vous voudriez un homme ordinaire pour vous gouverner. Bin, non… ça ne va pas non plus. Pour bien vivre, chacun a besoin d’un bon revenu, mais aussi d’une espérance que le chef saura lui faire miroiter. Sinon, le citoyen se demandera pourquoi il va au turbin chaque matin, et tout ça se terminera dans la morosité. »

« Si je comprends bien, quand un bébé vient au monde, il faut le nourrir, le soigner, l’éduquer et en plus qu’un gourou lui explique qu’il faut voter pour lui, moyennant en quoi, il sera plus heureux qu’il n’est au moment de l’élection. Même s’il est déjà heureux. »

« C’est à peu près ça. Chacun a besoin d’un homme providentiel au même titre qu’un père et qu’une mère. L’homme a besoin de suivre des traces, sinon il ne fait que des bêtises. Quand on sait où mènent les traces, c’est encore mieux. »

« C’est défendu de ne pas suivre les sentiers battus ? »

« Non, mais dans ce cas vous êtes un homme providentiel ou un gangster. Ou alors les deux. »

De l’énergie à revendre !

26 novembre, 2014

Louis a des ampoules aux pieds

Pour un être aussi raffiné, c’est ennuyeux.

Tous les jours, il va néanmoins au charbon.

C’est un être simple, qui ne bâtit pas des usines à gaz.

Il turbine dans un bureau.

Il se tient au courant des affaires.

Mais parfois, il y a de l’électricité dans l’air.

Pour faire preuve de résistance,

Louis s’en met plein la lampe à la cantine.

Leçon de langue de bois

25 novembre, 2014

« Je veux du concret. Avec moi, pas de bla-bla. Des résultats. »

« Vous croyez que je peux dire ça ? Je vais passer pour un inculte, sans idée. »

« Pas du tout. Les idées, c’est long, c’est filandreux, c’est difficile à comprendre. Bref, ça fait perdre du temps. Pas de ça avec vous ! Aucun risque que ça vous arrive ! Vous allez passer pour quelqu’un de rétrograde si vous ne parlez pas de choses concrètes. »

« Mais il faut pourtant bien avoir des idées pour avancer dans le travail. »

« Non, pas spécialement. Je peux vous donner des trucs qui marchent à tous les coups et qui feront de vous un homme résolument tourné vers l’avenir. »

« Ah bon ? Attendez, je note. »

« Par exemple : il faut de la mobilité, il faut se bouger pour ne pas s’encrouter … »

« Mais si les gens sont bien là où ils sont ? »

« Aucune importance, vous n’avez qu’à dire que ce sont des assistés sociaux. »

« C’est très insultant… »

« Oui, c’est fait exprès. Vous dites ça et vous passerez pour un homme à poigne qui n’a pas peur d’exercer son autorité. Si on vous conteste, vous pouvez ajouter que vous êtes comme vous êtes et qu’il faut vous prendre comme vous êtes. »

« Oui, mais quand même… ça ne suffit toujours pour être efficace. »

« C’est sans importance : si les choses vont mal, dénoncez les planqués, notamment les fonctionnaires qui n’en foutent pas une rame. C’est un truc qui marche bien. Vous pouvez aussi dire qu’à l’étranger, ça se passe beaucoup mieux et que le mal est bien français. »

« Quel mal ? »

« J’en sais rien. Tous les maux, ça n’a pas d’importance. C’est toujours mieux en Allemagne ou aux USA. Evitez de citer l’Italie ou l’Espagne. »

« Mais si je veux mettre en avant mon côté humain… »

« Il faut en avoir un, mais pas trop quand même. Dites que vous aimez travailler en équipe ou alors que le boulot ne vous empêche pas de savoir vous reposer et de partir en vacances. A l’étranger, bien sûr. »

« Tout ça, ça va me faire passer pour un inculte, pour un cadre qui a cédé à la civilisation de la performance, des indicateurs de résultats et du consumérisme ! »

« Pas de problème. Vous pouvez aisément vous en sortir en vous indignant contre la guerre où qu’elle soit. C’est dégoutant ! Il suffirait que les parties se mettent autour d’une table ! Vous pouvez aussi tranquillement critiquer les jeunes qui –comme chacun sait – n’ont plus de repères, plus de valeurs et qui sortent du lycée sans savoir lire et écrire… »

« C’est pas mal en effet…. Je serai un homme droit sans concession… Je pourrais même ajouter que dans la vie, il faut savoir ce qu’on veut ! »

« Eh ben, vous voyez ! Quand vous voulez, vous aussi vous pouvez être nul ! »

Nos militaires

24 novembre, 2014

Paul est un médecin chasseur

Et bon cavalier.

Il sait faire le zouave pour amuser Lisette, sa femme.

Mais Lisette est un vrai dragon

Lorsqu’elle est au volant de son estafette.

Elle la conduit à la hussarde.

Parfois, elle a des accidents qui ne sont pas mineurs.

Paul doit lui faire une ordonnance pour la calmer.

Bienvenue !

23 novembre, 2014

« J’en peux plus des plateformes téléphoniques. Il y a d’abord le message préliminaire pour dire qu’on va peut-être être écouté pour améliorer le service, mais ça n’améliore pas grand-chose. »

« Oui et puis après, il faut écouter le numéro qui correspond à ce qu’on veut. »

« C’est là que, lorsqu’on arrive au 6, j’ai oublié à quoi correspond le 1 ou le 2… et que je ne sais plus sur quel numéro où je dois appuyer… »

« Moi, comme par hasard, je ne trouve jamais le numéro qui va bien à ma demande… donc je laisse la voix aller jusqu’à la fin. En général, on vous dit que pour toute autre demande, il faut patienter et que l’un de « nos conseiller » va vous répondre… »

« Oui, mais peut-être pas. Parfois, il y a une liste limitative de numéros et si vous n’avez pas trouvé le vôtre et bien c’est tant pis pour vous. »

« C’est pas tout. Le standard est saturé. C’est fait exprès pour vous décourager. Dans le meilleur des cas, on vous donne une estimation du temps d’attente. Mais c’est plus rentable de vous laisser dans l’ignorance, comme ça vous raccrochez par épuisement ou parce que vous avez autre chose à faire, vous vous gardez votre question qui est sûrement dérangeante pour les services et au final, ça arrange tout le monde sauf vous. »

« Et pendant ce temps-là, le compteur tourne, votre facture téléphonique s’allonge imperturbablement. »

« Oui et le mieux, c’est lorsqu’après avoir passé le cap de la voix anonyme, des trente minutes d’attente, vous tombez sur un interlocuteur qui vous raconte qu’il n’est pas au courant ou alors que la personne compétente est en congé et qu’il faudra rappeler plus tard. »

« Vous n’avez qu’à lui demander le numéro de sa ligne directe. »

« Non, c’est interdit. Il n’a pas le droit d’en avoir. Il ne doit pas être dérangé par vos questions lorsqu’il travaille. Ce n’est pas parce que vous êtes client de l’entreprise que vous pouvez parler à n’importe qui. Non mais alors !… »

« Donc, je recommence à perdre trois-quarts d’heure le lendemain… »

« Oui, mais cette fois, la personne compétente est en stage ou alors vous avez oublié de vous munir de votre numéro d’identification et elle ne vous retrouve pas dans ses fichiers. Vous n’êtes pas très organisé ! Rappelez donc plus tard ! »

« Donc, pas de ligne directe… »

« A la rigueur, si vous êtes un très, très gros client… et encore… Au mieux, le chef de service a quand même un numéro particulier pour appeler les pompiers ou alors pour parler à sa mère, mais vous, simple citoyen, vous n’avez pas à le savoir. »

« Et si je me déplace pour casser la figure à tout le monde. »

« Il faudra déjà que vous trouviez l’adresse, écrite en tout petits caractères sur le site Internet de la boîte, dans un endroit le plus caché possible. Et même si vous arrivez à vous présenter à la porte de l’entreprise,  il n’y a pas d’hôtesse d’accueil, vous n’avez pas de badge, il y a juste un vigile  très musclé qui vous empêchera d’entrée »

« Et alors ? »

« Et alors, c’est lui qui vous cassera la figure. »

Le bal est ouvert

22 novembre, 2014

La ballerine est triste

Elle balaye sa chambre

En chantant une ballade.

Elle ne fera plus de balades

Avec son beau balafré

Qui était balèze.

Un jour, il a fait son baluchon

Sans balbutier un adieu.

Il l’a balancée.

Drôles d’oiseau

21 novembre, 2014

Le Duc mesure deux mètres. C’est un grand duc.

Il vit à Milan

Dans un chouette appartement

Avec une bécasse

Qui lit Corneille.

Avant lui, elle était marié avec un flamand

Qui s’appelait Matin, il était pêcheur.

Dans le Nord elle avait froid : ça caille ! Disait-elle.

Martin avait été élevé à coups de martinet.

Un jour, en faisant ses courses, il s’était perdu

Décidemment, ce n’était pas un aigle.

123