Archive pour mai, 2010

Prenons les eaux!

31 mai, 2010

Max faisait la plonge au Café des Amis

Il était mouillé dans un sombre trafic d’alcool

Dont il s’imbibait tous les soirs.

Il trempait aussi dans une histoire de jeux truqués.

Pour être tranquille,  il avait largement arrosé tous les intermédiaires.

Quand le Commissaire l’arrêta, ce fut une douche froide.

Il fut jeté dans un cachot humide,

Baigné d’une faible lueur à travers le soupirail.

Son aventure  inondait les journaux.

Il eut le temps de s’imprégner de sa propre histoire.

Comme dans le temps

30 mai, 2010

Germain Boulard fêtera ses quatre-vingt dix ans à l’automne. Le ban et l’arrière ban de sa famille sera convoqué. Il faudra que personne ne manque à l’appel. Chez les Boulard, on garde le sens des valeurs familiales ! On ira comme au bon vieux temps dans une auberge au bord de l’eau où Germain avait dignement arrosé la libération de ses obligations militaires. Et puis si cette guinguette n’existe plus, il faudra la ressusciter. 

En attendant, il sort dans la cour de sa ferme pour donner du grain à ses poules rousses qui accourent en caquetant de plus belle. Elles sont toutes nichées dans la carcasse de sa quatre-chevaux rouge vermillon, immobilisée pour l’éternité à coté de son tas de fumier, royaume interdit  de Luigi , le meilleur de ses coqs. 

S’il n’avait pas le souci du confort de ses gallinacés, il roulerait encore volontiers dans son tacot increvable, fruit de ses premières années d’économies au printemps 54. Les automobiles d’alors étaient d’une autre fiabilité que les engins électroniques  d’aujourd’hui ! 

Germain circule aujourd’hui par tout temps sur son vélo. Un vélo de course comme on disait quand il était jeune. Il en est fier : il a été fabriqué par la marque de la bicyclette sur laquelle Louison Bobet a gagné le Tour en 55. Louis, son gendre qui se qualifie de médecin, a émis de légères réserves sur les possibilités athlétiques de Germain. Il n’y connait rien. Ambroise, le grand-oncle de Germain, allait au village à pied jusqu’à 103 ans ! Amélie, sa cousine coupait son bois à la hache jusqu’à son quatre vingt dix huitième anniversaire. 

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Réflexion

29 mai, 2010

J’ai un choix cornélien à faire.

En menant un raisonnement cartésien, je peux peut-être m’en tirer.

A condition de ne pas rester dans le doute pascalien,

 Ou alors dans un mode de vie rabelaisien.

Peut-être devrais-je adopter la théorie marxiste.

Après m’être pénétré de la pensée balzacienne.

Il faudra aussi que je n’oublie pas d’être machiavélique.

Tout en ayant une attitude stendhalienne.

En un mot : soyons nous-même !

Nouvelle leçon de géométrie

28 mai, 2010

Au poker, Maurice tirait fréquemment un carré d’as.

Aux échecs, il utilisait habilement la diagonale du fou.

Mais il était entouré d’un cercle d’amis peu recommandables.

Dont les dettes croissaient à un rythme exponentiel,

Et qui finançaient leurs activités dans le milieu de banditisme.

Maurice ne voulait pas en venir à ces regrettables extrémités.

Ni même faire un bout de chemin avec ces gens là.

Sinon, il irait en ligne droite en prison.

Pour utiliser une parabole, nous dirions que :

Maurice tournait rond et le reste lui était équilatéral.

Un mercredi soir comme les autres

27 mai, 2010

-          Le 6 ! 

 Le regard de Maurice quitte un instant l’écran pour se porter sur le petit carré gris qu’il triture entre les doigts. C’est bon : il a le 6.  La présentatrice du tirage hebdomadaire a des jambes splendides, une silhouette de rêve, un maintien et un ton très professionnels. Bref, c’est l’être idéal pour vous annoncer dans la douceur et le charme que la Française des Jeux vient de vous rouler dans la farine, comme chaque semaine. En attendant, après un instant de tension savamment entretenue, la seconde boule vient d’émerger de la sphère tournoyante : 

-          Le 43 ! 

Maurice n’a jamais eu beaucoup d’imagination. Il joue toujours le 43, son année de naissance, comme tout le monde. Le problème, c’est que beaucoup de joueurs sont probablement nés en 43, malgré les hostilités d’alors. Deux numéros déjà ! Maurice est  certainement dans une bonne semaine. S’il a un troisième numéro, il va pouvoir rejouer l’argent qu’il vient de perdre sous l’œil goguenard de Lucien le buraliste, qui enregistrera son pari avec un sourire en coin, en lui jurant que, cette fois, il viendra de cocher les numéros de la fortune. Puis Lucien s’esclaffera comme toujours de sa plaisanterie dont Maurice sera obligé de s’amuser pour conserver de bonnes relations.

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Exemples de formules de malpolitesse

26 mai, 2010

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus bas.

Je ne vous tire pas, Madame ma révérence, à cause de mon mal de dos.

Quant à vous Mademoiselle, je vous prie de prendre en considération mes émotions les plus respectueuses,

Sinon, je vais être malheureux. C’est sûr.

Monsieur le Ministre, attendez un instant : je monte sur mon échelle pour vous assurer de ma haute considération.

Madame la chargée de mon dossier à la Sécurité Sociale, je vous salue beaucoup plus sèchement. Mon remboursement tarde.

Cher banquier, soyez assuré de mes courbettes les plus serviles jusqu’à l’obtention de mon prêt.

Madame l’épicière, veuillez agréer l’expression de ma plus faible estime pour votre soupe aux légumes en sachet ?

Grosses bises, chère Mémé !

Ils l’ont franchi !

25 mai, 2010

 En ce matin de printemps, Marcellus réveille doucement Livia dans la hutte qu’ils partagent au fond de la forêt. Tandis que la jeune fille s’éveille en étirant ses bras fuselés et en ébrouant sa longue chevelure noire, Marcellus s’affaire rapidement pour réactiver le feu qui s’est éteint durant la nuit. Comme un chat aux aguets, Livia se lève souplement. Sa peau sombre et ambrée luit dans la pénombre. L’homme, impassible d’ordinaire, semble agité et soucieux. Livia sait qu’il ne faut pas l’interroger tant qu’il n’a pas décidé de parler.

D’un geste impérieux, il fait signe à la jeune fille de le suivre. Le climat de la région est doux même durant la mauvaise saison. Derrière son compagnon, Livia, vêtue de peaux de castors, ploie sa haute taille pour éviter les branches les plus basses. Sur ces chemins forestiers qu’elle connaît parfaitement, encore étourdie de sa nuit, elle s’étonne de l’empressement inhabituel de Marcus mais le suit comme elle l’a toujours suivi.

La brume ne s’est pas encore levée. En levant le regard, Livia ne distingue pas le sommet des chênes centenaires. Seul le bruissement léger de sa marche légère sur le tapis ocre de feuilles mortes et d’aiguilles de pins trouble le silence matinal. Livia ne perd pas de vue la haute stature de Marcellus qui progresse à grandes enjambées. Comme d’habitude, elle ne sait pas où il a dormi. Peut-être est-il allé avec les loups. Elle sait qu’il a ce pouvoir mystérieux de communiquer avec les animaux de la forêt.

A part ça, elle connaît peu de choses de Marcellus depuis ce jour lointain où il l’a recueillie, bébé abandonné sur les rives du fleuve. Marcellus a élevé Livia dans son antre pendant déjà dix huit années. Il lui a tout appris de la forêt, du fleuve, des plantes qui soignent, des fruits qui nourrissent, des animaux qui protègent lorsqu’on en prend soin. Aujourd’hui, Livia serait capable de survivre, seule durant plusieurs jours, dans cet univers hostile.

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Histoire complètement hermétique

24 mai, 2010

En tant qu’usager, Jean est usagé. Il faudrait le changer.

Comme habitant, il est habité de l’esprit de revanche sur le destin qui n’a plus qu’à bien se tenir.

Lorsqu’il est électeur, il a  tort. Toujours.

Il ne paie plus l’impôt, mais quand il fut contribuable, il but à table. Pour oublier.

C’est un citoyen moyen.

En tant qu’employé, il est ployé. De rire.

En amant, il ment. En allemand aussi, lorsqu’il passe le Rhin.

En consommateur, c’est un amateur mateur des jolies femmes de la pub.

Seul le français sait.

Le voleur de phrases célèbres

23 mai, 2010

L’ombre enjamba sans difficulté le chambranle de la fenêtre du salon après avoir découpé habilement au diamant l’espace qui allait lui permettre de manœuvrer l’espagnolette d’une main longue, souple, experte et gantée. La silhouette se glissa à l’intérieur de la pièce  sans un bruit. 

Comme d’habitude, le voleur avait préparé de façon très professionnelle son expédition. Il avait constitué un dossier complet sur le propriétaire des lieux, un vieil aristocrate terrien qui avait fait fortune dans des affaires d’import-export particulièrement louches, peu utiles à l’économie nationale, mais très juteuses pour leurs protagonistes. 

Le cambrioleur, pour l’appeler per son nom, s’était invité par relation interposée au mariage de la petite nièce du châtelain ce qui lui avait permis de disposer d’un repérage très précis des pièces du château. Le vieux se méfiait de tout, surtout des banques. Il conservait une bonne partie de ses titres et liquidités dans un coffre dissimulé derrière un Utrillo de la meilleure époque, pendu au mur de son salon. 

L’ombre dont nous parlons travaillait avec une méticulosité minutieuse et une tranquillité qui aurait exaspéré n’importe quel apprenti malfrat. On pourrait même parler de décontraction totale tant elle était sûre de chacun de ses gestes. Les chiens de garde à l’entrée du parc avaient été d’une compréhension particulièrement amicale après s’être partagé d’appétissantes escalopes largement arrosées de produit soporifique. L’homme s’était abonné aux bulletins météorologiques les plus compétents. Il fallait qu’il soit certain que les cieux soient lourdement chargés de nuages noirs pendant les nuits où il opérait. 

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Les mélanges de Mauricio

22 mai, 2010

Mauricio ramassait les feuilles mortes à la pelle.

Mais beaucoup d’entre elles lui échappaient, poussées au loin par le vent maraud.

Il rencontra le pélican, rentrant d’un long voyage,

Qui lui dit qu’il était lassé de toutes ces histoires.

Mauricio se rendait-il compte ? En deux mots, le pélican raconta.

Ils partirent vingt mille pélicans et peu sont rentrés !

Sur ces entrefaites, la mouche intervint pour demander où était passé le coche.

La rose n’en savait rien car elle n’avait vécu qu’une matinée

Et nous étions en plein après-midi !

Mauricio qui commençait à se sentir mal trouva un prétexte pour s’éclipser

En aidant Perette à porter son pot au lait, car Perette en avait assez de le laisser tomber.

Puis, il lui récita des vers, assez maladroits, il faut bien le dire.

Dans le genre :

‘Belle marquise, mourir vos beaux yeux me font ».

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