Archive pour avril, 2010

Proverbes

30 avril, 2010

Une mouette ne fait pas le printemps.

Elle demande à l’hirondelle si elle sait le faire.

L’hirondelle répond qu’elle a perdu le mode d’emploi.

Il faut qu’elle interroge le moine.

Elle avise un homme en robe de bure.

Mais l’hirondelle est myope.

Elle se trompe  et aborde le facteur en robe de chambre !

Décidemment,  l’habit de ne fait pas le moine.

Le facteur n’a pas le temps de faire le printemps.

Il revient de la chasse mais  ne veut pas perdre sa place.

 

Pris à revers !

29 avril, 2010

Il y a un monde fou sur les boulevards. C’est la rentrée scolaire, les platanes jaunissent et les enfants rosissent. Accrochés à des mains expertes, des jupes ou des manteaux mi-saison, ils pointent le doigt vers les vitrines en s’exclamant vivement. Les couples naviguent comme ils peuvent, souvent en deux vagues : la femme ouvre la voie, l’homme, distancé de quelques mètres porte les paquets. De toute façon, il ya toujours du monde sur les boulevards le samedi après-midi. 

Pour Max, c’est une aubaine. Sa silhouette se glisse sournoisement entre les passants. Il stoppe sa course par moments, faisant mine d’admirer la devanture d’un commerce puis il reprend son allure chaotique en zigzagant entre les arbres et les poteaux indicateurs. Le voilà qui s’agenouille afin de renouer pour la troisième fois son lacet de chaussures tout en jetant des regards inquisiteurs et furieux par-dessus la monture de ses lunettes. 

Pour espérer passer inaperçu, il a ressorti le duffle-coat de ses vingt ans, celui de la fac et des soirées festives entre étudiants. Juliette ne l’a jamais vu dans cet accoutrement. Comme il a forci, le vêtement lui sculpte une allure engoncée et comique. Il a trouvé un béret et des lunettes noires qui achèvent de lui donner l’air loufoque qu’il estime suffisamment original pour ce qu’il a à faire. Il est ridicule, mais ça lui est complètement égal. L’heure n’est pas à l’élégance vestimentaire. 

Max n’écoute plus le brouhaha de la foule, bouscule parfois quelqu’un, ne s’excuse pas, ne regarde rien sauf Juliette dont la chevelure d’acajou et le manteau de daim tanguent au loin entre les familles qui déambulent. Sa silhouette fine et élancée l’émeut encore comme dans les premiers temps.

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Aujourd’hui, à notre rayon jardinerie!…

28 avril, 2010

Jeannot était de la graine de racaille.

Dans sa cité, il était toujours en train de mûrir des mauvais coups.

Depuis, le jardin d’enfant, il se distinguait par  son profil de voyou.

Il cultivait sa notoriété dans le commissariat de son quartier.

Les flics l’avaient déjà cueilli plusieurs fois.

Pourtant le Maire avait labouré le terrain.

Il avait nommé un tuteur pour chaque jeune.

Mais il avait dit qu’il ne faisait confiance à personne.

En semant le doute, il avait récolté la tempête.

Jeannot et sa bande s’entendaient à merveille pour pourrir la situation.

Ils mettaient au point des plans machiavéliques.

Et ils avaient l’imagination fertile !

 

Le Café des Sports

27 avril, 2010

D’un geste las, Gus soulève les fleurs du rideau de la fenêtre de sa cuisine. Tous les jours, à la même heure, il observe longuement la devanture du magasin d’optique qui s’est installé à la place de son Café. Le regard doux d’une belle femme, mis en valeur par une paire de lunettes à la monture translucide, rayonne à l’endroit où il avait l’habitude d’afficher les résultats du Racing Club. Chaque jour, il se remémore ces matins brouillardeux où les hommes venaient se réfugier dans la chaleur de son bistrot avant de partir à l’usine.

Dès sept heures, le bar était occupé. Dans la fumée des mégots déjà calcinés, le sifflement du percolateur, le brouhaha inaudible des conversations, on se saluait d’une bourrade rugueuse, on maugréait contre le temps, les évènements, le gouvernement, la vie.

Sur le zinc, des ballons de rouges voisinaient avec des verres de pastis, très tôt le matin. Des canadiennes bourrues et des manteaux rapiécés se serraient et se tenaient chaud.

Dans la cohue informe, une voix s’élevait parfois pour héler le patron. Dans la salle Bernadette, s’activait. La jeune bonne ne comptait pas sa peine. Elle connaissait les uns et les autres et ne faisait plus guère attention aux plaisanteries lestes mais bon enfant des jeunes ouvriers qui la taquinaient jovialement.

Le père Joseph s’installait le premier, dès l’ouverture, sur le guéridon qui lui était réservé en terrasse, près du portemanteau. Les habitués se relayaient pour payer ses consommations. Lorsqu’il faisait trop froid Gus l’autorisait à coucher dans la salle du fond. Parfois un client, laissait discrètement au patron un vêtement, une boite de conserve, un peu d’argent à l’attention de l’homme décharné par la vie.

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Quel est l’objet de votre visite en ces lieux ?

26 avril, 2010

Le ticket a faim : il se restaure.

Le crayon a un rendez-vous : il se taille.

Le bas a aussi un rancard : il file.

Le téléphone est maladroit : il se donne un coup.

Le papier se prépare : il fait sa toilette.

Le fer a manqué son examen, mais il l’a repassé.

La boîte vieillit bien : on peut dire qu’elle se conserve.

Quand à la table, elle ne veut plus du couvert : elle se débarrasse.

Les bonnes habitudes  ont acheté un GPS : elles ne se perdent jamais.

Le verre arrive tranquillement : le verre est à pied.

Le linge déjeune avec sa mère. Le poulet basquaise est fade. Le linge sale en famille.

Le bal des lieux communs.

25 avril, 2010

Le Stade trépigne, gronde, s’enflamme. L’équipe locale de foot domine tous ses adversaires. Va-t-elle emporter le championnat ? Depuis l’arrivée du nouvel entraîneur, elle remonte au classement. Dans la tribune on exulte. Les hommes, engoncés dans les grosses canadiennes lorsqu’il fait froid, y vivent au coude à coude l’aventure de leurs semaines grises. On joue à guichets fermés ! Le Stade chavire de bonheur. Le Stade s’embrasse lui-même.

L’Eglise du père Renaud est attirante. Les fidèles y accourent de toute la paroisse, de plus en plus nombreux. Pourtant, l’Eglise retentit des prêches péremptoires et redoutés du père Renaud qui dénonce sans faiblesse les péchés de ses ouailles. Mais, sous ses voûtes séculaires, l’Eglise a pris un coup de jeune. Le père Renaud a su s’adapter aux mœurs de son époque. Il célèbre ses offices au son des guitares électriques pour intéresser les adolescents du quartier. L’Eglise s’est entendue avec le Stade pour harmoniser leurs calendriers. Grâce à l’énergie du père Renaud, L’Eglise est devenue communicante !

Le Bistrot du père Louis ne désemplit pas. Les piliers de la salle se confondent avec les habitués. Les filles y sont faciles, les fins de nuit plus difficiles. Jeannot, Marcel, Paulo et les autres y tiennent table ouverte jusqu’au matin. Lorsqu’à l’aube, les silhouettes voûtées ou chancelantes s’estompent dans le brouillard visqueux, le Bistrot du père Louis s’éteint pour mieux renaître au crépuscule. Le Bistrot du père Louis ne dansera pas avec l’Eglise du père Renaud, le Bistrot du père Louis est un lieu canaille !

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A l’attention de nos membres…

24 avril, 2010

Le footballeur a poussé le ballon avec la main de Dieu.

L’ouvrier défile en levant le poing vers le ciel.

Le juge désigne le coupable d’un doigt vengeur.

Le travailleur s’est hissé au sommet à la force du poignet.

Le bébé suce son pouce goulument.

L’automobiliste fait un bras d’honneur à son voisin.

Le spectateur joue des coudes pour arriver au premier rang.

Mon petit doigt m’a raconté un secret.

Tout ça nous fait une belle jambe !

Nos Grands Textes

23 avril, 2010

Louis était d’une constitution fragile.

Il avait arrêté de fumer depuis longtemps.

Ainsi en avait décrété son médecin.

Qui faisait la loi, la pluie et le beau temps dans son quartier.

Mais Louis n’était pas à l’article de la mort.

Il courait régulièrement, avec application,  dans le parc public, sur un parcours circulaire.

Tout en respectant l’obligation réglementaire de ne pas marcher sur les pelouses.

Louis était un fonctionnaire obéissant, respectueux des textes sacrés.

 

Vox populi

22 avril, 2010

Le roi Maurice parcourt son royaume dans un carrosse doré. Son attelage mené par huit destriers blancs empanachés est entouré de soldats en armes, dans leur tenue d’apparat. Tout au long du trajet, le peuple amassé hurle sa joie de pouvoir admirer sa Majesté dans ses plus beaux atours, des bonnets sont jetés en l’air, des mains se lèvent, des cous se tendent, des bébés sont à califourchon sur des épaules solides. Tous crient : 

-          Vive le roi ! Longue vie au bon roi Maurice ! 

Car le roi Maurice est un bon roi et il tient à ce que sa bonté soit reconnue et admirée. Certes, il a augmenté quelque peu les impôts et les taxes pendant ces dernières années. Mais sa dignité royale exige des dépenses somptuaires pour habiller sa personne et ses courtisans.  Il n’aurait pas convenu non plus que la Cour se nourrisse mal ou de mets grossiers comme le font les gens du peuple. Le roi doit donc faire venir les mets les plus raffinés d’Extrême Orient à dos de chameau ou sur ses galères parfois abordées par des pirates sanguinaires. Les chameliers exigent désormais des droits pharaoniques tandis que les pirates respectent de moins en moins le pavillon royal. Le peuple comprendra sûrement que les caisses de sa Majesté ne sont pas inépuisables ! 

Les gouverneurs du Roi en province, dont la fonction est de prélever l’impôt, ont donc du pressurer davantage les paysans qui se bousculent néanmoins sur le passage du cortège de sa Majesté, laquelle voit là le témoignage de la justesse de sa politique fiscale. 

Lorsque le carrosse est passé, les soldats dissimulés dans la foule, chargés de stimuler la joie du peuple, se portent un peu plus loin sur le parcours pour indiquer aux gens de basse extraction qui ne comprennent rien, combien la vue de sa Majesté les transporte de bonheur. 

Ainsi donc le voyage de sa Majesté se déroule-t-il à la satisfaction générale quand l’incident se produit. 

 

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Une histoire littéraire et animalière

21 avril, 2010

Paul était un vrai rat de bibliothèque.

A 10 ans, il s’infiltrait dans la librairie de son père par un trou de souris.

Au lieu de jouer à chat perché comme tous les enfants.

Il n’aimait pas leur compagnie : il pensait que c’étaient des moutons de Panurge.

Pour Paul, leur donner des livres, c’était donner de la confiture aux cochons.

La lecture était sa nourriture, et il avait une faim de loup.

A l’école, il était mauvais en calcul, mais s’en tirait en disant qu’on ne pouvait pas courir deux lièvres la fois.

Capable de réciter tout ce qu’il avait lu, il avait une mémoire d’éléphant.

Lorsqu’il rencontra Juliette, il détala comme un lapin.

Elle regardait ses livres comme une poule regarde un couteau.

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