Archive pour août, 2009

L’histoire animale de Cunégonde et Hilaire

31 août, 2009

Cunégonde était une femme à cheval sur les principes.

Elle attrapait la mouche facilement quand on l’énervait.

Elle n’aimait pas l’eau, préférant le plancher des vaches.

Tout le monde connaissait sa démarche en canard.

Son mari Hilaire mangeait comme un cochon.

Rusé comme un regard, il lézardait souvent au soleil.

Il prétendait souvent être fatigué car il courrait plusieurs lièvres à la fois.
Cunégonde, ayant une mémoire d’éléphant, ne le croyait pas.

Parfois, elle rugissait après lui comme une lionne.

Hilaire s’agenouillait alors en la suppliant : « Mon poussin ! »

 

Kidnapping

30 août, 2009

Le noir complet. J’ai les yeux bandés et les mains entravées. Probablement ligotées aux montants d’un lit puisque je suis couché. J’ai la bouche pâteuse et la tête lourde. Ils ont du me drogué et j’ai sûrement dormi pendant plusieurs heures. Je n’ai plus la moindre notion du temps. En résumé, j’ai été enlevé.

J’ai l’impression d’avoir fait des cauchemars délirants. Un carrelage noir et blanc tanguait sous mes yeux tandis qu’un curé en soutane psalmodiait au loin dans une langue inconnue. Puis la neige m’a enseveli peu à peu alors que des enfants en pèlerine sombre défilaient en chantant.

Soudain, une main déchire mon bandeau. Un éblouissement. Puis mes rétines se calment et je les dévisage. Dévisager est un grand mot, car je ne distingue justement pas leurs traits. Ils sont six, tous vêtus d’une longue robe monastique et d’une cagoule pointue qui me dissimule leur physionomie à l’exception de leurs regards luisants. Leurs yeux me fusillent sur place. C’est bien ma veine : je suis tombé sur une espèce de secte de dégénérés, façon Klux-Klux-Klan des  années soixante. Cinq d’entre eux sont vêtus de noir. Les mains dans les manches, dans une attitude soumise, ils attendent que le sixième prenne la parole. Lui a droit à porter un uniforme immaculé. Pour compléter sa mise en scène, il porte une arme blanche à son ceinturon. Ce doit être le Chef.

Il s’avance au pied du lit et me prévient d’une voix gutturale que je suis leur prisonnier. Je lui réponds que j’ai remarqué et que, jusque là, nos points de vue concordent. Le « Chef » me fait savoir que, dans ce genre de situation, il serait convenable que je ne fasse pas le malin et que j’obéisse servilement. Contrairement à ce qu’il croit connaître de mes habitudes, c’est lui désormais qui me commande et qui décidera de mon sort. Pas de bêtises !

(suite…)

Tentations

29 août, 2009

Reprendre deux fois du dessert.

Se vautrer sur le divan en regardant le foot à la télé.

Glisser la poussière sous le tapis.

Rester au lit jusqu’à midi.

Bidonner son rapport d’activité annuel.

Se vautrer sur le divan en regardant le foot à la télé ET en buvant de la bière.

Entasser la vaisselle dans l’évier pour voir si elle se lave toute seule.

Faire sonner son portable pour s’échapper d’une réunion gênante.

Laisser couler l’eau en se lavant les dents parce que c’est plus pratique.

Faire semblant de ne pas avoir vu qu’on a éraflé la voiture d’à coté en se garant.

Dire du bien de son patron quand c’est nécessaire.

Dire du mal de son patron quand c’est nécessaire.

Sainte Nitouche, délivrez nous de la tentation !

 

Ponctuation

27 août, 2009

En ouvrant son journal dans le train qui le mène à son bureau, Paulo se dit qu’il va mettre son niveau d’information au point.

La rubrique politique dévoile les méfaits d’un ministre coquin : Paulo pousse un exclamation.

En lisant la météo, il s’aperçoit que l’on a prédit un grand soleil alors qu’il pleut à verse depuis trois jours. Paulo est saisit d’une interrogation.

A la page sport, il est informé que son joueur de foot préféré est sous le coup d’une suspension.

Dans un article scientifique, un grand savant démontre que l’existence de l’homme n’est, au sein de l’espace temps, qu’une minuscule virgule.

Arrivée aux faits divers, il tombe sur une photo qui l’apostrophe.

Guillemette, sa voisine de trajet, s’inquiète.

Mais Paulo, ponctuant sa réponse d’un sourire navré, répond que son chanteur préféré de

la Star Ac a, à sa jeune carrière, mis un point final.

Notre mère nourricière

26 août, 2009

Ce 20 juillet 2098, la journaliste Pamela Mercadier et son cameraman Jean Dubillard sont passés chez leurs notaires respectifs pour signer leur testament.

Pamela est une jeune femme qui n’a pas froid à ses yeux vert émeraude. Des risques, elle en a toujours pris. Sa queue de cheval blonde et son énergie farouche sont connus et respectés dans toute la profession. Mais aujourd’hui, elle sait que la partie sera serrée. Dubillard partage avec sa compagne un goût immodéré pour l’aventure. Il a promené son crâne rasé, ses yeux gris et son allure décontractée  sur tous les théâtres d’opérations journalistiques à grand spectacle Ils ont été en reportage sur tous les points chauds de la planète : l’Afghanistan, l’Iran, l’Indonésie. Des pays où l’on n’en finit pas de se battre. Mais cette fois-ci, ils prennent un risque insensé : un reportage en Limousin.

Depuis soixante dix ans, les villes se sont largement étalées en tâche d’huile. Les campagnes sont désertées. La plupart sont laissées à l’abandon. Il semble même que des brigands de grands chemins fassent de nouveau la loi dans certaines forêts en rançonnant les imprudents qui s’y aventurent, comme au Moyen-âge. 

Mais à 100 kilomètres de Limoges, sur les hauteurs verdoyantes du plateau de Millevaches, un arriéré résiste. Il s’est taillé une réputation nationale : c’était le dernier paysan français. Le dernier des Mohicans comme il se surnomme lui-même.

En ces temps de concurrence acharnée entre chaînes de télévision, Luc Morin, le rédacteur en chef a désigné deux volontaires pour aller enquêter pendant une journée sur la vie de cet individu que personne n’ose aborder tant son existence parait étrange.

(suite…)

Odontologie

25 août, 2009

Maurice n’aimait pas les autres.

Il avait une dent contre son voisin de bureau, Norbert.

Il avait horreur de sa grande mâchoire édentée qui s’ouvrait à tout propos, découvrant ses nombreuses prothèses métalliques.

Maurice avait envie de le mordre quand il lançait des boulettes de papier mâché au plafond.

Norbert avait les crocs dès onze heures du matin.

Il mastiquait alors longuement un chewing-gum de manière écoeurante pour Maurice.

En outre, Norbert ne faisait rien, mais il était dévoré d’ambition : ses incisives rayaient le parquet.

Heureusement le soir, Maurice retrouvait Hector : il avait au moins une amitié canine dans sa vie.

Un sauvetage in extremis

24 août, 2009

Germain Ducourson a réservé une table réputée. Comme chaque année, il s’offre un repas somptueux pour honorer la Vie. C’est une tradition : tous les douze mois Germain célèbre la Création par une cérémonie gastronomique. Les restaurants les plus réputés de la ville ont été l’autel de la grand’ messe solitaire dont Germain est l’inspirateur, l’officiant et le seul paroissien. Cette soirée, Germain Ducourson la prépare pendant un an. C’est comme l’élection de Miss France ou la rentrée scolaire : à peine la fête est-elle finie que le temps est venu de travailler à la suivante. Germain Ducourson a besoin de temps pour se décider. Il recense, analyse, soupèse, compare les menus, les prix, le service, le cadre des établissements avant de fixer son choix sur le restaurateur qui aura l’honneur de le recevoir le jour de son prochain office.

Ce soir, nous sommes le 25 juin. C’est Maurice, le directeur de l’Etoile d’Or qui l’a accueilli à la descente de la limousine noire devant les portes de son temple gastronomique. Germain Ducourson en frac et haut de forme salue gaiement l’aubergiste :

-          Honneur à la Vie, Maurice !

(suite…)

Violences

23 août, 2009

Hier, j’ai été témoin d’une bataille de clochards qui se sont littéralement mis dessus.

En rentrant, je me suis accroché avec Madame Dugenou, la voisine,  à cause du vacarme de la dernière soirée de Jérémy dans notre appartement.

Ce matin, je me suis engueulé avec Marine. Ce n’était peut-être pas son tour de descendre la poubelle, mais enfin tout de même ! Etait-ce bien une raison ?

En partant, elle a disputé Jérémy du fait du niveau particulièrement élevé de son carnet scolaire. Il s’en fout complètement.

En arrivant au bureau, deux automobilistes se cassaient réciproquement la figure sur le trottoir.

Puis Dugon-Martin m’a passé un savon au motif du retard de mon dernier rapport.

La société est d’une violence ! Mais alors d’une violence !

Notre rubrique sportive

22 août, 2009

La marquise était particulièrement prolifique. Avec 15 bâtards en vingt huit ans dont cinq de sang royal, elle dominait aisément la comtesse dont le compteur était resté bloqué à trois enfants de la couche royale sur un ensemble de douze garçons et filles parfaitement illégitimes. Mais la jeune duchesse de la Bonbonnière faisait figure de favorite favorite dans la course au titre. Elle avait enfanté déjà trois fois des œuvres de sa Majesté à trente trois ans seulement. Le sprint était serré entre les trois femmes.

La vieille vicomtesse du Trognon, un temps bien en Cour, avait été distancée rapidement malgré ses efforts pour faire reconnaître son fils Renaud comme premier bâtard de sa Majesté, alors qu’à l’évidence la longueur du nez de cet enfant le disqualifiait, seul le comte de Bergerac étant affublé d’un appendice de cette taille parmi les habitués de la cour.

Il était donc important que la marquise ne perde pas son avantage dans cette dernière étape de montagne qui, après avoir franchi les sommets du col de Galipette, devait conduire les coureuses à la fin de leur carrière de fécondité.

Une réussite sociale

21 août, 2009

Directeur de communication chez Morrisson-France grâce aux recommandations de ma mère, j’avis une place enviée, aucun souci matériel et une existence de rêve. A vrai dire, je ne faisais rien et mon inactivité ne préoccupait personne. Je dirais même qu’elle rassurait Venturini, le directeur général de Morrisson-France qui avait pris soin de placer à mes cotés Claudine qui, elle, s’occupait du reste, c’est-à-dire de tout.

Je n’avais même pas très bien compris l’activité principale de Morrisson France. J’hésitais entre plusieurs hypothèses : j’avais entendu parler de conseil stratégique international ou alors de transactions financières stratégiques. Le seul élément que j’avais intégré, c’est qu’il y avait le mot « stratégique » dans la raison d’être de la firme. Je ne manquais pas de l’employer chaque fois que les circonstances me plaçaient dans une situation à caractère professionnel.

Claudine avait rapidement compris mon inaptitude à entendre quoique ce soit aux affaires, et l’inadéquation entre mon tempérament indécis et les qualités indispensables à une activité spécialisée digne de ce nom. Avec ses jupes droites, ses chemisiers blancs, et ses lunettes à fortes montures, elle m’impressionnait par sa propension à mener à bien plusieurs sujets à la fois. Convaincue de mon inutilité chronique, comme moi-même d’ailleurs, elle ne me demandait rien d’autre que de paraître parfois dans des cocktails ou des réunions de pince-fesse en évitant de prononcer trop souvent le mot « stratégique ». Elle m’avait mis au point quelques phrases types que je pouvais utiliser sans ruiner la réputation de la maison. « Cher ami, compte tenu de l’envergure internationale de votre firme, nous devrions travailler ensemble » était du meilleur effet devant un acheteur potentiel. J’étais autorisé à dire également « Le Président tient beaucoup à vous recevoir, vous savez ». J’ignorais de quel président il s’agissait, mon interlocuteur aussi, mais la phrase ouvrait toutes les éventualités.

(suite…)

123