Archive pour novembre, 2016
Dîner d’imbéciles
29 novembre, 2016« Je vous invite à mon dîner d’imbéciles. »
« Je vous remercie, c’est agréable ! »
« Ne craignez rien, nous serons entre nous. La conversation sera bas de gamme, personne ne dira quelque chose d’intéressant. »
« Voilà qui ne me rassure pas, j’aime bien partager des idées intéressantes. »
« Nous nous partagerons le vide de nos personnalités respectives. »
« Bon, je vais faire un effort de nullité : je pourrais parler de mes vacances à la Grande-Motte ? Au boulot, ça n’intéresse personne. Pourtant, j’ai beaucoup à dire sur le temps qu’il a fait. »
« C’est bien, mais si vous pouviez aussi colporter quelques lieux communs. Par exemple, quand on va arriver sur le politique, vous pourriez dire : tous pourris ! »
« Votre diner est aussi nul que ça ? »
« Oui, mais vous pouvez aussi vous distinguer en affirmant que les politiciens ne font rien à part se remplir les poches. »
« On peut parler sport ? »
« Oui, bien sûr. Parlez foot. Il suffit de dire que Didier Deschamps ne comprend rien au foot, qu’il sélectionne n’importe qui et qu’à ce rythme, on n’est pas prêts d’aller à la prochaine coupe du monde. »
« Tout le monde est d’accord avec ça ?»
« Oui et puis si vous pouviez ajouter que les footballeurs s’en mettent plein les poches aussi, vous feriez un triomphe. »
« Euh… dans ces conditions, je préfèrerais parler littérature. »
« Ah…mince ! Là, je n’ai personne pour vous donner la réplique ! Je vais faire venir Jeannot, il a l’habitude de lire les 4 ème de couverture, ça peut peut-être suffire. »
« Vos amis ne sont pas très cultivés. Je vais avoir du mal à me mettre au niveau. »
« Ils sont incultes, c’est pour ça que je les réunis. Ils se sentent moins seuls. »
« Alors pourquoi me faire venir ? »
« Pour qu’ils vous détestent un peu. Vous avez des airs supérieurs, ça leur permettra de se conforter dans le sentiment d’appartenance à la classe des imbéciles. Tout le monde a droit à un minimum de fraternité ! »
« Je ne vais pas me sentir très à l’aise. »
« J’espère bien. Nous pourrons alors dire, entre nous, que les gens cultivés comme vous ne savent pas se mettre à l’écoute et au niveau du peuple. Si vous pouviez avoir un vocabulaire châtié et une attitude maniérée, ça m’arrangerait aussi. »
Un personnage romanesque
28 novembre, 2016Rendez-vous dans 20 ans
27 novembre, 2016« Hier, j’ai rencontré un type que je n’avais pas vu depuis vingt ans. »
« Et alors ? »
« Il m’a reconnu au premier coup d’œil. C’est assez gênant. »
« Pourquoi ? »
« Parce que moi, je ne l’ai pas remis tout de suite, ce qui signifie implicitement que je trouvais qu’il a beaucoup plus vieilli que moi. »
« Bon, alors vous avez échangé des souvenirs ? »
« Euh… non, au départ, on ne sait pas trop quoi se dire. Heureusement, j’ai été plus rapide que lui pour lui poser la fameuse question : qu’est-ce que tu deviens ? »
« Et alors ? »
« Il m’a dit qu’il était médecin, marié, trois enfants. Et il a ajouté : et toi ? Toujours cette manie des hommes de vouloir se comparer entre eux. J’ai été obligé de dire que je n’étais pas grand-chose. »
« Qu’est-ce qu’il a dit ? »
« Il a essayé de parler d’autre chose pour faire celui qui ne se glorifiait pas de sa réussite personnelle. »
« Alors, j’ai dit qu’il faudrait qu’on prenne un café. »
« Alors, vous avez pris un café et vous avez échangé des souvenirs. »
« Bin… non, il m’a répondu qu’il était pressé. Il a dit : un autre jour ! Et puis, il a ajouté que ça lui faisait plaisir de m’avoir revu. Je lui ai donné ma carte de visite pour l’obliger à me donner la sienne parce que je sentais qu’il était pressé de me quitter pour vingt nouvelles années. »
« C’est fou ça ! On se dispense de la présence de quelqu’un pendant vingt ans et quand on le retrouve, on ne sait pas quoi lui dire. »
« Oui, mais je l’ai rappelé au téléphone. »
« Et alors ? »
« Il ne savait toujours pas quoi me dire. Au téléphone, c’est encore plus gênant : les blancs dans la conversation sont plus évidents. »
« Alors, vous avez pris ce café et il vous a invité à diner chez lui. »
« Oui, on a pris un café, mais il ne m’a pas invité. Nous ne sommes pas de la même classe sociale, ce qui ne le met pas très à l’aise, d’autant plus que je lui ai rappelé toutes les idioties que nous commettions ensemble au lycée. »
« Et alors ? »
« Il s’est forcé à rire, il a dit qu’il était pressé, puis il m’a offert mon café. »
C’est bien beau tout ça !
26 novembre, 2016On a retrouvé FiFi !
25 novembre, 2016Le pouvoir
24 novembre, 2016« Ainsi, vous vous présentez aux élections ? Pourquoi ? »
« Parce que je veux du pouvoir. LE pouvoir. Je veux faire ce que je veux. Créer par moi-même. »
« En fait, vous vous prenez pour le bon Dieu Créateur. »
« Oui, tous les hommes aspirent à Créer. C’est la seule chose intéressante à faire sur Terre. Ma différence, avec les autres, c’est que je me donne les moyens d’y parvenir. »
« On pourrait considérer qu’accéder au pouvoir pour n’en faire qu’à votre tête, c’est aussi une démonstration de votre infantilité. »
« Finalement, se prendre pour le bon Dieu ou faire un caprice infantile, c’est peut-être la même chose. »
« Mais en plus, vous vous ajoutez à votre appétit de puissance une belle démonstration de narcissisme. »
« C’est vrai. Je veux créer et aussi imposer ma puissance créatrice aux autres. Sentir ma volonté s’imposer sur celle des autres. »
« Ça ressemble à de la jouissance physique. Le pouvoir, c’est donc aussi un truc très proche de l’amour charnel. »
« Absolument, j’y ajouterais une certaine dose de sadisme. Contempler l’abaissement des autres. Etre entouré de courtisans prêts à n’importe quoi pour que je remarque leur servilité. Me délecter de leur jalousie. Sentir la menace de leur envie sur ma position. La lâcheté de leur esprit de soumission. »
« Donc, résumons-nous. Le pouvoir : c’est le plaisir de la Création divine, la réalisation d’un caprice enfantin, le paroxysme de votre tendance à la suffisance, une satisfaction de votre besoin d’amour physique et une touche de sadomasochisme. »
« Grosso modo, c’est à peu près ça. »
« C’est le portrait d’un dérangé mental. Qu’est-ce que vous faites de l’Autre ? Il a aussi le droit d’exister. »
« Quel Autre ? »
« Ceux qui vous entourent et qui vous confient un pouvoir sur leurs vies. »
« Rien, je n’en fais rien. Ils servent à me permettre d’assouvir ma soif de pouvoir. »
« Le jour où ils vont vous virer du pouvoir, vous allez devoir affronter un grand vide. »
« C’est justement pour ça que je m’accroche. Et puis si les autres me débarquent, ça prouve qu’ils sont méchants avec moi et que j’ai bien fait de ne pas les ménager. »
« Oui, mais enfin, il y a des règles, vous ne pouvez pas exercer le pouvoir indéfiniment à moins d’être dictateur. »
« Euh …. Vous me tentez. ! »
Bon appétit !
23 novembre, 2016Un hommage
22 novembre, 2016« Je voudrais rendre un hommage appuyé à moi-même. De mon vivant, c’est quand même plus sûr. »
« Pourquoi ? Vous avez fait quelque chose de bien ? »
« Oui. Je me suis éduqué. Je suis allé à l’école longtemps, sans trop renâcler, pour apprendre beaucoup de choses. Les esprits forts diront que la plupart ne m’ont servi à rien. Peut-être, mais tout ce que l’on sait n’a pas forcément vocation à servir à quelque chose. »
« Voilà une sage parole. »
« Ensuite, j’ai poursuivi un effort soutenu pour vivre. J’ai bossé sans embêter personne. Certes, être salarié, c’est abandonner une partie de sa liberté d’action contre un salaire, mais enfin il fallait bien que je m’assure le dîner et le gîte. »
« Vous étiez heureux ? »
« Le mot est un peu fort, mais j’ai fait ce qu’il fallait pour m’habituer à cet état bizarre où l’on évite de se demander si l’on est heureux ou pas. »
« Et avec les autres, ça se passait bien ? »
« Là aussi, j’ai fait des progrès. Je salue tout le monde avec affabilité. Je parle de tout et de rien (surtout de rien) pour meubler la conversation. Je m’intéresse aux soucis de mes voisins, enfin … j’essaie. Parfois, je rencontre certaines personnes avec plaisir parce que je sais qu’on rigole des mêmes choses. »
« Et vous trouvez que tout ça mérite un hommage particulier. »
« Oui, parce que comme je me connais, si je n’avais pas lutté contre ma nature profonde, personne ne m’aimerait. »
« Effectivement, vu comme ça, je vous félicite d’avoir su vous faire aimer par votre entourage. Notez tout de même que c’est le cas de millions de personnes qui ne s’auto-décernent pas de médaille pour autant. »
« Vous êtes en train de me dire que je suis comme tout le monde. Mais pourquoi tout le monde ne mériterait-il pas une récompense ? C’est une belle performance que de vivre avec plusieurs autres millions de personnes sur un même territoire sans se taper dessus. »
« C’est ce qu’on appelle être civilisé et puis, de toute façon, a-t-on vraiment le choix ? »
« Bien sûr qu’on a le choix. On peut très bien décider de ne pas vivre en paix avec les autres. Certains ne s’en privent pas. On peut aussi décider de ne pas vivre en paix avec soi-même et de toujours se chercher querelle pour un oui ou un non. »
« La guerre ou l’autoguerre ne sont pas une solution. Les vaincus d’hier se relèvent toujours et deviennent les vainqueurs de demain. Et ainsi de suite. »
« C’est pour ça que je ne fais la guerre à personne, pas même à moi. Je me décerne donc mon prix Nobel de la paix. Si vous restez, je fais un discours. »