« Votre devoir est bourré de fautes d’orthographe. Et je ne parle pas des fautes de grammaire ou de la faiblesse de votre vocabulaire. »
« J’ai pourtant fait bien attention. »
« C’est encore pire. Qu’est-ce que ça doit être quand vous ne vous appliquez pas ! Je préfère ne pas y penser. »
« J’avoue que je n’ai pas toujours le temps. La vie est tellement trépidante maintenant. Vous savez ce que c’est : on est toujours en train de courir après le temps. »
« Il y a des règles. Il faut les apprendre et les appliquer. »
« Les règles, c’est très ennuyeux. Moi, je suis plutôt pour la liberté. »
« Y-a-t’il une liberté individuelle possible sans respect des règles collectives ? Vous pourriez réfléchir à cette question au lieu de jouer au foot à la prochaine récréation. »
« Alors là, c’est très philosophique, ça vole trop haut pour moi. »
« Comprenez au moins que c’est le langage qui nous unit. Donc si vous écrivez n’importe comment vous vous excluez vous-même de la société. Vous allez finir comme un marginal ».
« Tout ça parce que je n’ai rien compris à l’accord avec le verbe avoir. C’est cher payé. Si je comprends bien l’orthographe est compliquée pour que les gens compétents puissent rester entre eux. C’est l’oligarchie de la conjugaison ! »
« C’est une interprétation audacieuse. L’orthographe est le produit de l’histoire du langage. Elle évolue dons dans le temps. Vous devez adopter les règles en vigueur à votre époque. »
« Ah ! J’en déduis donc que lorsque j’écris n’importe comment, je fais moi aussi évoluer l’histoire du langage ! Vous avez devant vous quelqu’un qui est en avance sur son temps. Je ne m’en étais pas aperçu, mais maintenant que vous le dites… »
« Ça m’étonnerait. Il faudrait que beaucoup de gens écrivent aussi mal que vous pour que ça devienne bien. Il faut que l’usage se manifeste avant d’admettre une évolution dans la langue. Vous comprenez ? »
« Bin… pas trop. Ce qui est mal devient bien si tout le monde le fait. En gros, c’est ça ? »
« Euh… bin… en attendant, vous avez zéro à votre devoir. »
« Je trouve que c’est un peu sévère, il vaudra peut-être vingt dans cinquante ans. Méfiez-vous des jugements à l’emporte-pièce. Je vous propose de surseoir à la notation car vous pourriez commettre une grave erreur. Vous pourriez anéantir ma carrière scolaire. Vous vous rendez compte de la responsabilité que vous prenez ? »
« Hé bien, on en reparlera. Passez me voir dans cinquante ans, je vous promets de relire votre copie avec attention »