« Je suis un être borné. »
« Mais non, ne dites pas ça, vous vous faites du mal ! »
« Si ! Si ! J’insiste : à part les programmes de télé, je ne connais pas grand-chose. Et encore ! »
« Vous avez raison. D’ailleurs, je me demande si tout n’est pas organisé de manière que nous devenions un peuples d’incultes. »
« Dans le temps, nos pères et nos grands-pères savaient des poèmes par cœur. C’est vrai qu’il n’avait que ça comme distraction : réciter des vers. »
« Maintenant, qu’apprend-on à la fac ? Hein ? Eh bien je vais vous le dire : mon gamin apprend à faire des curriculum vitae ou alors à passer des entretiens d’embauche. »
« La frousse du chômage, c’est tout ce qu’on leur enseigne ! »
« Et au bureau, vous connaissez des gens cultivés ? »
« Non, je connais des gens performants, bons managers, en pointe, qui parlent un charabia franglais auquel je ne comprends rien. »
« Oui, moi j’hésite à parler de Voltaire, Rousseau ou Ronsard, ils croient que ce sont de nouveaux clients. »
« Moi, c’est pire. Un jour, j’ai cité des vers de Baudelaire en réunion de service, le patron m’a demandé si j’étais fatigué. »
« Ça ne va pas aller en s’arrangeant. Quand on voit les messages qui passent sur Internet, on se demande si on n’est pas dans un monde de dérangés mentaux. »
« C’est vrai, chaque fois que j’essaie d’envoyer un message en langage correct, je me fais ridiculiser ! »
« Et la radio, vous écoutez la radio ? Les chansons n’ont plus de paroles, on ne comprend rien à ce que disent les chanteurs. Les speakers n’ont rien à dire à part donner l’heure de temps en temps. »
« Et la pub ? Les messages sont tellement sophistiqués qu’on ne comprend plus de quel produit il est question. Il est loin le temps de la « lessive qui lave plus blanc ».
« Cachez-moi, je vais citer Théophile Gautier :
Mais, avant de partir, mon bel ange à l’œil bleu,
Va trouver de ma part ma pâle bien-aimée,
Et pose sur son front un long baiser d’adieu ! »