Archive pour février, 2019

Services publics

28 février, 2019

« Eh voilà, c’est terminé ! Dans le temps, on pouvait vouer le personnage aux gémonies ! Le percepteur des impôts était honni, vilipendé, moqué ! C’était chouette, on pouvait se défouler. »

« Maintenant, c’est fini. Avec le prélèvement à la source, on ne va même plus s’apercevoir qu’on paie des impôts. Contre qui allons-nous exercer notre rancœur ? »

« C’est vrai, le gouvernement ne prend pas assez en compte notre besoin de détester l’autorité. »

« Il y a bien les patrons… »

« Encore faut-il en avoir un ! Et puis ce sont eux qui nous paient. »

« C’est vrai ! Je pourrais détester le facteur… mais maintenant, je n’ai plus beaucoup de courrier…  Je ne le vois plus que pour le calendrier ! »

« Au train où vont les choses, on va être obligés de se détester entre nous. Ça vous dérangerait si je dis du mal sur vous ? »

« Je vous en prie, faite comme bon vous semble. D’ailleurs, j’aimerais volontiers vous rendre la pareille. »

« Il faudrait que vous me fassiez une crasse. Bon… attendez, je vais vous prêter 1000 euros et vous ne me les rendrez pas. Qu’est-ce que vous en pensez ? »

« Rien parce que je vous ai prêté 1000 euros, il y a un mois dont j’attends toujours le remboursement. »

« Vous ne m’arrangez pas. »

« J’ai une proposition : on ne peut plus détester le facteur, on va donc se moderniser : détestons notre fournisseur d’accès Internet. »

« Très bonne idée, il y a de quoi dire. Dès que vous avez le moindre problème, il n’y a plus moyen de joindre quelqu’un de compétent. Je ne vous dis pas les coûts téléphoniques ! »

« Et le gouvernement qui s’en fout, évidemment ! »

« Ah, ça va mieux ! On peut enfin dire du mal de quelqu’un ! »

« Oui, mais quand même, le percepteur, c’était une figure locale. On avait un service de détestation à portée de mains, encore un service public qui disparait ! Plus de curé, plus de bistrotier, plus de percepteur… »

Un poète

27 février, 2019

Sur l’herbe

Le Serbe

Acerbe

Et imberbe

Récite Malherbe,

Ses proverbes

Et ses verbes

Superbes.

Les coiffeurs

26 février, 2019

« Pourquoi passe-t-on autant de temps sur sa coiffure ? »

« Parce que c’est la partie de la tête la plus importante sur laquelle vous pouvez intervenir pour essayer de rattraper les malfaçons du visage. D’ailleurs la plupart des coiffeurs sont coiffeur-visagistes, ce qui veut bien dire qu’ils essaient de compenser les dégâts de la nature pour les moches. »

« C’est vrai que pour vous, c’est important. Vous devez en passer du temps chez le coiffeur ! »

« Coiffeur ! En voilà une belle profession ! C’est un métier qui n’est pas près de disparaître. Les hommes et les femmes auront des cheveux pour longtemps. En l’an 3000, nous serons tous chômeurs ou rentiers et eux, ils seront toujours là ! Et tous les matins, nous nous trouverons encore une tête à faire peur. »

« Les coiffeurs ont un rôle social très important. Les bistrots disparaissent, les épiciers aussi, les vocations de prêtres sont moins nombreuses… Bref, le coiffeur ou la coiffeuse est la dernière personne avec laquelle je peux papoter ou dire n’importe quoi. Il est toujours d’accord avec ce que je dis, ce n’est pas comme à la maison ! Le coiffeur, c’est une vraie thérapie. »

« Le coiffeur a aussi un rôle d’informateur. C’est là que j’ai appris que Meghan Markle allait enfanter. Même la télé n’en a pas parlé ! »

« Et puis les revues disponibles donnent des idées, moi j’envisage la coupe de Kate Middleton, ça va bien avec l’éclat de son visage et du mien. Ou alors, je me coiffe comme Claire Chazal, ça me donnera l’air cultivée. »

« En plus, grâce aux coiffeurs, l’industrie des produits de beauté est florissante. Elle a inventé le shampooing, l’après-shampoing, l’avant shampooing… le truc qui fait les cheveux lisses, celui qui les fait bouclés, le machin qui donne du volume ou qui fait plat… »

« Il manque encore le bidule qui fait repousser les cheveux. Celui qui trouve la formule, sa fortune est faite ! »

« Oui. Mais certains vanteront alors le charme de la calvitie, surtout pour les hommes. Parce que pour nous, hein…. Le même qui a inventé les cheveux qui repoussent pourra doubler sa fortune en inventant le produit qui empêche les cheveux de pousser. »

« Le plus terrible, ce serait que quelqu’un invente le robot-coiffeur ! »

« Ce serait bien un coup des japonais, ça ! »

Ce n’est pas con

25 février, 2019

A son balcon,

Sous les flocons,

Le gascon

Au visage rubicond

Boit au flacon

Observe le vol du faucon

Sorti de son cocon

Fécond.

 

Un évadé

24 février, 2019

« Vous avez vu ? Je suis relaxé ! »

« Vous étiez en prison ? »

« Non, je me suis échappé des petits soucis quotidiens. Par exemple, si le ménage n’est pas fait chez moi, je m’en fous complètement. Ou alors, si je n’ai pas payé une facture, ça m’est complètement égal. »

« Voilà qui doit valoir des ennuis ! »

« Non, certainement pas. Je n’ai pas échangé des soucis contre des ennuis. Il ne manquerait plus que ça. »

« Et faire des courses au supermarché, vous n’y pensez pas ? Moi, quand le paquet de café est vide le matin, ça m’énerve. »

« Et voilà, c’est comme ça que commence les problèmes d’estomac. Vous n’avez qu’à descendre au bistrot pour prendre votre déjeuner. En plus, c’est dans une ambiance populaire. C’est plus sympa que boire votre jus en compagnie de votre frigo. »

« Et quand votre femme n’a pas repassé votre chemise blanche sous le fallacieux prétexte que vous pourriez vous occuper de vos affaires ? »

« Je m’en fous aussi. Si vous croyez que votre patron va perdre son précieux temps à regarder votre chemise. »

« Mais justement… N’est-il pas interdit d’avoir l’air trop décontracté dans votre boite ? »

« Euh… non, pourquoi ? »

« Parce que dans la mienne, prendre l’air surbooké et complètement halluciné par la peur de ne pas tenir ses objectifs, c’est obligatoire. »

« Moi, j’ai proposé une salle de relaxation pour soulager les gens comme vous. »

« Et vous pouvez vous reposer 10 minutes de temps à autre ? »

« Oui… enfin, non… hier, j’ai été tiré de ma sieste vers seize heures par le bruit de la photocopieuse, juste à côté. Le patron s’est excusé. »

« Il est de bonne composition. »

« Oui, il me montre en exemple. Je suis celui qui refuse de se tuer au travail. Si tout le monde était comme moi, il y aurait moins d’absentéisme. »

Tout contre

23 février, 2019

Dans le contre-la-montre,

Le comte

Contre-attaque

Contre

Le contre-amiral,

Pilote d’un contre-torpilleur

Et un haute-contre

Qui fait du contre-espionnage.

Dessous !

22 février, 2019

Dans le sous-bois,

Le sous-officier

Et le sous-fifre

Sont en sous-vêtements.

Ils sont sous-équipés,

Sous-alimentés,

Sous-employés,

Mais il ne faut pas les sous-estimer.

Tout va mal !

21 février, 2019

« Tout va très mal, mon pauvre. La Terre est de plus en plus polluée. La pauvreté s’étend dans le monde. Il y a encore des guerres partout… »

« Vous êtes sinistre ! Essayez de vous concentrez sur les petits plaisirs de la vie. Le diner du dimanche en famille, le printemps qui pointe son nez, la musique que vous aimez… »

« Moi, je veux bien, mais l’addition des petits plaisirs n’a jamais fait un gros plaisir. Même le jour de la Saint-Valentin, il y a encore des hommes qui exterminent les autres quelque part dans le monde ! »

« Certes, mais enfin la paix gagne peu à peu du terrain. »

« Donc, si je comprends bien, vous trouvez que tout va bien ? Et votre pouvoir d’achat, il va bien ? Comment il se porte votre pouvoir d’achat ? »

« Euh… et le crédit, vous avez certainement entendu parler du crédit ? Grâce au crédit vous avez une belle voiture, une belle maison… »

« Et voilà ! Je vis grâce aux banques ! J’aimerais bien vivre librement, un jour, pour voir comment ça fait ! »

« Mais vous êtes entièrement libre, mon cher. »

« Libre de payer mes traites, oui. Libre de regarder avec un microscope ce qui me reste à la fin du mois. »

« Et si on était un peu optimiste ? Nous pourrions aller au stade municipal samedi soir ? »

« Pour hurler comme des crétins en espérant que les mercenaires recrutés par notre club local battent les mercenaires recrutés par le club voisin ? »

« Bon… alors restez donc devant votre télé. »

« Pour voir des séries américaines qui se ressemblent toutes ou alors des chanteurs et des animateurs qui rigolent entre eux. Si c’est tout ce que vous avez à me proposer, merci bien ! »

« Allons, allons, vous avez sûrement de bons moments à passer. Plus vous êtes pessimiste, plus vous êtes malheureux. »

« Vous m’agacez avec votre optimiste. Vous vous ne pleurnichez jamais. Ce qui soulage les pessimistes, c’est de pouvoir se lamenter en groupe. Vous ne m’aidez pas beaucoup. »

Derrière !

20 février, 2019

Dans l’arrière-pays,

C’est l’arrière-saison.

En arrière-plan,

Il y a une carrière.

Le garde-barrière

Ne garde plus que son arrière-train

Et son arrière-grand-mère,

Sans arrière-pensée.

Les objets

19 février, 2019

« Quand j’étais à l’école, j’étais une vraie passoire. Dans la vie aussi d’ailleurs. »

« Vous ne reteniez donc pas ce que vous appreniez ? »

« Non, le principe de la passoire n’est pas celui qu’on croit. La passoire laisse passer ce qui n’est pas intéressant et retient ce qui vaut la peine d’être retenu. »

« C’est vrai, la passoire n’est pas un objet à mépriser. »

« Absolument, il faut savoir laisser tomber ce qui ne présente aucune utilité pour vous. Si vous me racontez votre journée, je vais m’empresser de l’oublier. »

« C’est sympa, votre truc. »

« Oui, si vous voulez que je vous prenne en considération, il faut que vous réfléchissiez à ce que j’ai envie de retenir. »

« Et si vous laissiez passer des choses importantes ? »

« Tant pis. Si vous retenez tout ce qu’on vous dit, vous vous mettez en situation de surconsommation d’informations et vous ne pouvez plus trier ce qui est important ou non. »

« Je ne regarderai plus ma passoire du même œil. »

« Oui, parfois les objets ont plus de sagesse que nous. Par exemple, les couteaux nous permettent de ménager nos dents et nos estomacs. »

« Vous avez raison. Certains de ces objets seront éternels, tandis que nous, les humains, auront une vie limitée. »

« J’aimerais bien voir la passoire de l’an 3000, je suis sûr qu’elle ne serait pas très différente de celle de nos ancêtres. »

« Et le taille-crayon, vous croyez qu’il va nous survivre ? »

« Autant que le crayon. Je ne vois pas comment les enfants du troisième millénaire pourraient vivre sans dessiner. »

« Peut-être avec un crayon électronique ? »

« Peut-être mais votre crayon électronique s’usera par contact, il faudra l’aiguiser avec un truc qui ne s’appellera peut-être pas taille-crayon, mais qui fera le même effet. »

« Je vois… Il faut beaucoup plus de respect pour nos objets usuels qui resteront longtemps après nous ! »

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