Archive pour juin, 2016

Un inadapté qui s’adapte

30 juin, 2016

« Moi je m’adapte à toutes les situations. »

« C’est bien, comment faites-vous ? »

« Si la droite est au pouvoir, je sermonne mon gamin en lui montrant les vertus du travail et en lui inculquant le sens de l’effort. »

« Il comprend ? »

« Pas vraiment, il me dit que je lui prends la tête avec mes leçons de morale à deux sous. »

« Et si la gauche gagne les élections ? »

« Je lui donne le goût du dialogue. Je lui apprends à discuter pour dénouer les conflits avec intelligence et respect de l’autre. »

« Et ça marche ? »

« Non, il hurle que je ne suis qu’un vieux soixante-huitard raté, il envoie tout promener et va se barricader dans sa chambre. Bref, ça fait des histoires ! »

« Peut-être vaudrait-il mieux qu’un homme du centre prenne le pouvoir ? »

« Ce sera pire. Il va en déduire que je ne sais pas ce que je veux, que je ne prends jamais parti, et il va se demander à haute voix comment j’ai pu épouser sa mère. »

« Ecoutez, il serait préférable pour vous de conserver votre personnalité au lieu de chercher à vous adapter à l’air du temps. »

« On est tous bien obligés de participer aux combats d’aujourd’hui. Imaginez que je me dise complètement indifférent à la problématique de l’égalité des sexes : Béatrice me quitte immédiatement, et en plus je me fais lyncher par le pool des secrétaires. Donc, je suis à fond pour le respect du droit des femmes… »

« C’est normal ! »

« Imaginez aussi que je ne sois pas préoccupé par le respect de la nature. Conséquence : je me fâche avec mon voisin Dumoulin qui passe son temps à trier ses déchets, avec ma belle-sœur qui est de toutes les manifs écolos et avec mon gamin qui va me traiter de bourreau de l’écosystème. »

« Bon d’accord ! Mais vous pourriez vous affirmer en prenant position dans une cause que personne ne connait. Militez pour la sauvegarde de la mémoire de Guillaume Tell par exemple, ça ne préoccupe pas grand monde. Ou alors intéressez-vous à la vie de l’Aglais Urticae, un papillon que personne ne connait. »

« Oui, mais je peux difficilement établir des liens sociaux en m’exprimant sur les problèmes personnels de l’Aglais Urticae. »

« Euh… il faut amener ça subtilement dans la conversation. Commencez par vous plaindre du gouvernement comme tout le monde, et puis l’air de rien, dites : ah ! si tout se passait comme dans le royaume de l’Aglais Urticae. »

Hein ! Dis !

29 juin, 2016

C’est indiscutable

Je m’indigne

Contre cet individu

Il m’indispose

Il est indiscret.

Il devrait m’être indifférent.

Mais c’est un indicateur

Indispensable.

Malchance !

28 juin, 2016

« C’est toujours sur moi que ça tombe ! »

« De quoi vous plaigniez vous, vous n’êtes pas malade ! »

« C’est bien ce qui m’inquiète. Je vais surement avoir un tas de maladie en même temps. »

« Pourquoi dites-vous que vous n’avez jamais de chance ? »

« C’est un constat. Regardez : dans ma rue, il y a eu une seule voiture vandalisée… Eh bien, c’est la mienne. J’ai pourtant la voiture de monsieur-tout-le-monde. Les gens s’en foutent puisque ce n’est pas leur bagnole. »

« Ne vous inquiétez pas, ça pourrait être pire. »

« Peut-être, mais c’est agaçant. Aux caisses du supermarché, je prends toujours la file la plus longue. Celle dans laquelle, une cliente a acheté un produit dont la caissière ne trouve pas le prix, si bien que cette dernière appelle l’accueil où personne ne lui répond. Vous voyez le cirque… Pendant ce temps, la file d’à-côté s’écoule tranquillement. Il y a même des gens qui me jettent un coup d’œil goguenard pendant que je suis coincé. »

« Je vous le répète, ça pourrait être pire. La semaine dernière, j’ai posé sur le tapis toutes mes marchandises. Au moment de passer devant la caissière, sa caisse est tombée en panne. Il a fallu que je remette tout dans mon caddy pour prendre la file d’à-côté dans laquelle la cliente qui me précédait oublia son code de carte bancaire… »

« Et moi, alors ! Au péage de l’autoroute, je choisis toujours la mauvaise file. Je suis à chaque fois derrière le conducteur qui se tortille dans tous les sens pour trouver de la monnaie ou sa carte…. Quand il ne descend pas parce qu’il a tout rangé dans son coffre…. Ou alors, il fait exprès de tomber en panne et il faut que je me dévoue pour pousser sa voiture… Avec mon mal de dos, merci bien…. »

« Je ne vous parle pas de la malchance que j’ai avec les femmes. Celles qui me plaisent sont toujours en mains ou alors c’est moi qui suis trop cool ou pas assez. Enfin, rien ne va jamais. »

« Ce n’est pas grave. Moi quand je choisis un plat au restaurant, il n’y en a plus. Le dernier vient juste d’être commandé par un autre. Quelle malchance ! »

« Pour les gens malchanceux, ne pas avoir de chance c’est normal. Tenez, quand je loue pour aller au spectacle, il ne reste jamais de place. C’est systématique. Ou alors, il reste des places pourries et très chères. »

« J’ai encore mieux. Lorsque je suis en retard, je suis sûr qu’un incident va me mettre encore plus en retard. Un lacet de chaussure qui casse au dernier moment, par exemple, c’est très irritant. On dirait qu’il le fait exprès. »

« Dans le domaine de la grande revanche des choses sur les hommes, vous avez la voiture qui refuse de démarrer, le jour où vous êtes pressé. En plus, il y a une espèce de conspiration organisée : pour tomber en panne, elle choisit de préférence un jour férié ou un dimanche, de façon à ce que vous ramiez beaucoup pour trouver un dépanneur. »

« Moi, pour corser le tout, il faut toujours que je tombe sur des gens encore plus malchanceux que moi. »

Entrez dans la danse

27 juin, 2016

Ça va jaser

Les cancans vont bon train.

Jules est à Java

Il danse le cha-cha-cha avec son chat

Et il se pavane

Avec une grande gigue

Gaillarde

Et toujours bourrée.

On a le droit de ne pas aimer les choses claires

26 juin, 2016

« Moi, j’aime que les choses soient claires et nettes. »

« Pas moi, je préfère les trucs approximatifs, c’est beaucoup plus intéressant. »

« Ah bon ? Par exemple ? »

« Par exemple, vous. Je ne sais pas si vous m’êtes sympathique ou non. Parfois, vous avez l’air cordial. Parfois vous m’agacez. Je ne sais pas si on peut être amis. De toute façon, je n’ai pas envie de savoir. »

« On est mal barré. En gros, vous ne savez pas ce que vous voulez ! »

« Si, je sais ! Le problème, c’est que je ne sais pas en définir parfaitement les contours. Ainsi, je voudrais atteindre le bonheur, mais je ne sais pas le décrire. Vous savez, vous qui êtes si malin ? »

« Non, je reconnais que le bonheur, c’est un peu compliqué. »

« C’est pour ça que je préfère les choses vagues. Comme ça, je ne me casse pas la tête à en chercher l’exact définition. Ainsi je ne donne jamais mes rendez-vous à heure fixe. Je dis par exemple : autour de midi ! »

« Quel intérêt ? »

« Si vous arrivez avant midi, j’ai une bonne surprise. Si vous tardez après midi, je vais m’impatienter. En un mot, je ressens de vraies émotions. »

« Si je comprends bien, arriver à l’heure convenue c’est un peu frustrant ! »

« Oui, c’est un peu comme lorsque vous dites que je devrais venir diner chez vous. Ce n’est jamais sûr puisque vous ne me donnez jamais de date. J’aime bien ! Comme ça, un jour, j’aurais une belle surprise. »

« C’est pour ça que vous me répétez depuis trois mois qu’il faudrait que vous me rendiez le livre que vous m’avez emprunté ! »

« Exactement ! Vous comprenez l’avantage d’être flou ! Un autre exemple : si vous dites à votre femme que vous l’aimez sans autre démonstration, vous ne vous engagez pas trop, tout en l’assurant de votre affection. C’est très prudent ! »

« On voit que vous ne la connaissez pas ! Si je n’ai pas l’air convaincu de ce que je dis, elle n’est pas très contente. »

« Faites la rêver ! Expliquez-lui que vous pourriez passer les vacances à Venise, ou au Maroc, ou dans la forêt brésilienne. Vous finirez l’été à Palavas-les-Flots comme d’habitude, mais au moins elle aura rêvé. Et pour rêver, il faut des choses floues. »

« C’est un peu manipulatoire votre raisonnement. »

« Tout à fait. En général, les gens affirment qu’ils aiment les choses claires et précises. Mais lorsque leur projet les engage vraiment, ils sont bien embêtés. Moi, j’aime bien dire n’importe quoi, ça me permet de faire ce que je veux après. »

Jeu : découvrir les couleurs du texte

25 juin, 2016

Parbleu !

Il est amaigri

Dans sa masure

Où il pleut des embruns

Il mange de la guimauve.

Dans son univers

Médiocre

Résonne son courroux.

Il ne fait pas semblant.

Petit poème

24 juin, 2016

Max

Revient de Saxe.

Il a fait le max

Pour obtenir sa relaxe

Dans une affaire de taxe.

Il va jouer du saxe

A Dax

S’il n’a pas mal au thorax.

Sinon, il enverra un fax.

Corruption

23 juin, 2016

« Si vous me versiez un pot-de-vin, je ferais avancer votre dossier plus vite. »

« Si je comprends bien, vous sollicitez une tentative de corruption de ma part. »

« Non, pas une tentative, mais une vraie corruption. Vous comprenez, je ne suis pas très bien payé. Il faut que je m’occupe de mes intérêts. »

« C’est illégal. »

« Oui, je sais, mais ne le répétez pas. Je vous offre une faveur, mais tout a un coût. Vous l’offrir gratuitement ce serait encore pire, ça signifierait que je me déterminerai en fonction de la tête du client. Je tomberai sous le coup de la loi contre les discriminations. »

« Effectivement, ce serait regrettable. Et si je refuse de payer ? »

« Votre dossier va prendre sa vraie place, sous le dessous de la pile. Plus vous me soudoyez, plus il remonte. »

« Et si deux personnes vous versent le même bakchich, vous faites comment ? »

« Je suis obligé de faire jouer les prolongations. Je dois leur demander un nouveau pot-de-vin pour acheter une super-faveur. Si vous croyez que ça m’amuse ! »

« Je pourrais vous dénoncer à votre supérieur. »

« Oui, mais ça ne marcherait pas puisque j’achète son silence. C’est d’ailleurs pour ça que je suis obligé d’augmenter mes tarifs. Je ne suis qu’un pauvre producteur face à une grande centrale d’achats qui nous écrase de sa puissance. »

« C’est désolant ! »

« Tout à fait, si je n’étais pas pressuré, je pourrais vous vendre mes faveurs à un prix correct. Corrupteurs et corrompus, même combat ! Je ne prends que du liquide et des petites coupures s’il vous plait ! »

« Et si je m’adressais au guichet d’à côté. »

« Chez Fred ? Je veux bien, mais il vient de s’acheter une maison. Il a des traites faramineuses. Il est beaucoup plus cher que moi ! »

« Il devrait y avoir une loi qui vous oblige à afficher vos tarifs de corruption. »

« On va y penser. Oh ! Mince ! Votre dossier vient de descendre de plusieurs étages dans la pile ! »

« C’est combien ? »

« Si vous prenez la formule simple, ce n’est pas cher. Mais je vous conseille la formule Premium, c’est le double de prix, mais c’est plus sûr. »

« Qu’est-ce qu’elle a de plus ? »

« Non seulement, je traite votre dossier en priorité, mais je retarde les autres. Éventuellement, je peux être malade juste avant de traiter les dossiers de vos concurrents. »

« Effectivement, vous me semblez un peu pâlichon »

Texte boiteux

22 juin, 2016

Le boiteux

Travaille dans ma boîte

Et dans une boîte de nuit.

Il est souvent mis en boîte

Par sa boîte vocale.

Ça lui fait mal à sa boîte crânienne.

La boîte de Pandore est ouverte.

Il vaudrait mieux ouvrir la boîte à idées.

Dispute impossible

21 juin, 2016

« Je vous ai attaqué et vous ne me répondez pas. »

« Non, je suis au-dessus de vos insultes. J’ai de la retenue et de la noblesse de caractère. Vous n’avez pas remarqué ? »

« Je m’en fiche un peu de votre noblesse. Je constate qu’il n’y a pas le moyen de s’engueuler si vous ne me répondez pas. »

« Ayons plutôt une discussion loyale. Ne soyons pas médiocres. »

« Moi, j’ai envie d’être médiocre. Si on dialogue avec des arguments, c’est encore moi qui vais perdre et me sentir humilié. Vous ne pouvez pas savoir à quel point, ça me contrarie. »

« Si je vous injurie, c’est moi qui vais me sentir humilié. Je n’ai pas l’habitude de m’abaisser à ce point. Il faut comprendre que j’ai une certaine classe. »

« Vous pourriez au moins me dire que je suis un petit con, ça se fait chez les gens normaux. A partir de là, je pourrais commencer à envisager des représailles physiques. En clair de vous casser la figure. »

« Ce qui ne fera pas avancer la résolution de notre problème. Pour vous contenter, je pourrais éventuellement vous traiter de paltoquet ? »

« Comme je ne sais pas ce que ça veut dire, je ne peux pas me sentir insulté, donc je vais avoir des hésitations pour vous flanquer mon poing dans la figure. »

« Bon ! Négocions : à part ‘petit con’, quelle injure me conseillez-vous pour vous vilipender ? »

« Je n’en connais pas beaucoup : ‘connard’, peut-être. »

« Voilà ce que c’est quand on sort de l’école avant le bac : on manque de vocabulaire. Vous devriez prendre des cours de rattrapage de langage grossier pour vous battre noblement avec votre prochain. Si je vous traitais de foutriquet, en attendant ? »

« C’est bien ça, foutriquet ? »

« C’est un peu familier, ça signifie : homme insignifiant. »

« On a beau dire, ça ne vaut pas ‘connard’ qui sonne beaucoup mieux. J’aime bien quand ça claque. »

« Bon, vous m’avez dit connard, mais vous, vous êtes un maroufle. »

« Il faut me traduire pour que je vois si je dois m’énerver. »

« Maroufle, c’est un homme qui manque d’éducation, ça correspond assez bien avec votre faiblesse en vocabulaire. »

« C’est un peu faible. Certes vous me reprochez de m’être barré de l’école sans rien y apprendre, mais je ne me sens pas insulté pour autant. Au contraire, je me suis marré dans la rue tandis que vous vous coltiniez des devoirs de maths et de français. »

« Bon, je regrette, mais nous ne pouvons même pas nous chamailler tranquillement dans ces conditions. »

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