Archive pour avril, 2020

Soirées

30 avril, 2020

« Le jeu n’en vaut pas la chandelle. D’où vient cette expression, maître ? »

« Au XVIe siècle, les gens devaient s’éclairer à la chandelle. Lorsqu’une famille recevait en soirée pour jouer aux cartes par exemple, il était d’usage que les invités laissent un peu d’argent pour participer à l’éclairage puisque la chandelle était un bien coûteux. Il était possible que les contributions ne couvrent pas la totalité de la dépense. »

« Voilà qui est éclairant, maître… si j’ose dire ! »

« C’est comme si je vous envoyais ma note d’électricité chaque fois que vous passez la soirée chez moi, pour regarder la Ligue des Champions à la télé. »

« En effet, ce serait hilarant. »

« Je pourrais aussi vous présenter la note de l’épicier correspondant à toutes les bières que vous éclusez. Sans compter les paquets de cacahuètes. »

« Oui, certes, mais il y a un moment où il ne s’agit plus d’une invitation. Nous passons dans un modèle de bar, avec soirée télé. »

« Enfin, bref. Je trouve assez remarquable que nos aïeux passaient leurs soirées à la chandelle en lisant, en conversant agréablement ou en jouant à des divertissements intelligents, alors que nous nous essayons de nous esbaudir péniblement devant des matchs de foot, des variétés débiles ou des feuilletons américains mortels. »

« Si je comprends bien, vous regrettez l’invention de l’électricité. On pourrait même regretter l’invention du feu. Avant le feu, comment faisaient les hommes préhistoriques avant que l’un d’entre eux ait l’idée de frotter deux silex l’un contre l’autre ? »

« En hiver, ils vivaient probablement dans le noir la moitié du temps. Les bons jours, ils pouvaient compter sur la lueur dispensée par la lune. Et puis, il est probable qu’ils n’invitaient pas leurs voisins dans leurs grottes pour jouer aux cartes ou regarder la télé. »

« Vous avez raison, ça devait être étrange pour ceux qui avaient peur du noir. Il était préférable d’avoir de gros besoins de sommeil. »

« Moi, j’aurais eu peur de la présence de bêtes sauvages carnivores qui bénéficiaient peut-être de la vision nocturne. Autant dire qu’il était préférable de ne pas s’endormir n’importe où, si l’on tenait à se réveiller le lendemain matin. »

« Finalement, nous sommes très dépendants de la production électrique. Je ne sais pas vous, mais moi, je vais faire un stock de chandelles. »

« Le problème de la chandelle, c’est qu’il faut un chandelier. Chez nos ancêtres, le chandelier était un objet ouvragé de grande qualité qui donnait une touche d’élégance à l’intérieur des maisons. »

« Vous avez raison, je vais investir en chandeliers. Pendant que j’y suis-je vais acheter aussi les valets de pieds chargés de les entretenir et de les activer. Ce sera du dernier chic. »

« N’oubliez les perruques et le style vestimentaire Louis XV. »

« D’accord. Ça me donne l’idée d’organiser des parties fines. Mon éclairage à la chandelle laissera des coins plongés dans la semi-obscurité où tous les excès de la chair seront permis. »

« N’hésitez pas à m’inviter, c’est une reconstitution historique qui m’intéresse. Les soirs où il n’y aura pas de foot évidemment. »

Une histoire du Duc

29 avril, 2020

Le Duc de Guise agit à sa guise.

Fort, il fait des efforts.

Au Havre, il trouve un havre.

Et un taulard qui se fait du lard 

Dans la pénombre, il étudie les nombres.

Il est sur le sable, ce n’est pas pensable !

Le duc le remet à la tâche avec sa moustache.

Puis, il s’appuie sur le bord du puits,

Et écoute les orgues avec morgue.

Les courtisans

28 avril, 2020

« Vous avez vu : sa Majesté boite et est bossue. »

« Sa Majesté se serait-elle blessée à la chasse ? »

« Pas du tout ! Elle le fait exprès ! Sa Majesté se compose un look misérable pour mieux surprendre son monde. »

« Par exemple, si vous marchez plus vite qu’elle. Hop ! Elle vous administre 15 coups de canne ! Voilà qui vous passera l’envie de faire le malin. »

« Nous avons une Majesté assez perverse. »

« Ce n’est pas tout. Sa Majesté se promène avec un cornet à l’oreille pour faire semblant d’être sourde ! »

« Quelle est donc le but de cette manigance ? »

« Le courtisan qui dit une méchanceté dans son dos en espérant ne pas être entendu est conduit directement à la prison ! »

« Est-ce que ça vaut bien le coup de courtiser dans ces conditions ? »

« Vous faites comme vous voulez, moi je me retire sur mes terres. J’aime trop les tomates. »

« C’est péché d’aimer les tomates ? »

« Absolument ! Sa Majesté déteste les tomates. Alors, à sa table, personne ne doit déguster des mets qu’elle déteste, sinon c’est le bourreau direct. »

« Ne serait-on pas en présence d’un régime monarchique totalitaire ? »

« Allez donc lui dire si ça vous chante. Le duc lui a composé récemment un quatrain où il comparait sa Majesté au soleil. Eh bien ! Actuellement le Duc rame aux galères ! »

« C’était pourtant déférent d’assimiler sa Majesté au soleil. »

« Pas du tout ! Sa Majesté a pris un décret pour signifier qu’il est interdit de la comparer à quoique ce soit et notamment pas au soleil. »

« Qu’est-ce qu’on peut faire ou dire alors ? Rien ? »

« Non, ceux qui ne disent rien sont traduits devant un Tribunal. Il est interdit d’ennuyer sa Majesté en restant silencieux les bras ballants comme un imbécile. Vous comprenez pourquoi je suis pressé de regagner mes terres. »

« Nous pourrions fomenter un attentat, c’est une chose qui se fait en cas de régime trop autoritaire. Nous retrouverions une Cour normale, c’est-à-dire une réunion des nobles grassement payés à ne rien faire ! »

« Attenter à la vie de sa Majesté est également interdit. Elle vient de rééditer son catalogue de tortures en tous genres, avec des dessins très jolis en couleurs pour ceux qui se risquent à lui faire des misères. En plus sa Majesté n’aime assister aux tortures, ça la fait pleurer ! »

« Sa Majesté va faire fuir tous ses courtisans ! »

« C’est pour ça que je veux m’embarquer dans la première diligence en partance, car elle va sûrement fermer les portes du château. »

C’est hard !

27 avril, 2020

Harassé,

En harde,

Je harangue

Avec hargne

Les harpies

Et leurs harpes

Sans harmonie.

Elles me harcèlent !

La bêtise

26 avril, 2020

« Ça y est, c’est sûr ! Il y a une épidémie de bêtise. Elle a été transmise de l’âne à l’homme. »

« Oui, mais ça fait longtemps. »

« Tout à fait, Charles, mais les savants viennent seulement d’isoler le virus. »

« Quel est le profil des personnes infectées, professeur ? »

« Toutes le couches de la population sont concernées. Du plus jeune au plus vieux. Du plus ignare au plus diplômé. Le virus fait du dégât partout. »

« Et comment le virus agit-il ? »

« On peut l’attraper n’importe comment. Beaucoup de personne sont infectées en regardant les programmes de télé. Le virus s’introduit même par les pieds. D’où l’expression ancestrale : bête comme ses pieds. On n’en connaissait pas l’origine, maintenant, grâce à me travaux, on sait. »

« Y a-t-il des vaccins, professeur ? »

« Il n’y a pas de vaccins proprement dits, mais nous avons des remèdes qui peuvent atténuer la douleur. Ils sont tous à base le développement de l’esprit critique. »

« Je suppose que les chercheurs sont à l’œuvre. »

« Nous travaillons d’arrache-pied. En attendant, il faut appliquer des gestes barrières : fermer sa télévision, ne plus aller sur les réseaux sociaux, ne plus attacher d’importance à des évènements qui n’en n’ont pas, lire, aller au cinéma… »

« Le virus de la bêtise est-il transmissible, professeur ? »

« Bien entendu et c’est là son principal danger. Un enseignant atteint peut contaminer des dizaines d’élèves. »

« Quels sont les symptômes, professeur ? »

« Tout commence par un comportement arrogant, un refus du dialogue avec les autres, un sentiment de supériorité… ce n’est pas toujours facile à repérer. »

« Nous pourrions décréter la fermeture des frontières. »

« Euh, c’est compliqué, il faudrait faire passer des examens à tous ceux qui arrivent ! »

« Et si on se confinait, professeur ? »

« Oui, mais alors confinement total : pas de télé, pas de smartphone, pas de réseaux sociaux, pas de journaux. Je ne suis pas sûr que tout le monde tienne le coup. »

« Les monastères feraient fortune. »

« Oui, c’est pourquoi je propose d’inverser les termes du problème. Les personnes infectées du virus de la bêtise sont déjà confinées dans leurs univers intellectuels très restreints. Il s’agirait plutôt de les déconfiner, c’est très difficile, tant le virus s’accroche fort à leur esprit. »

« Je comprends, professeur, il faudrait des stages d’ouverture d’esprit. Mais ne va-t-on pas stigmatiser ses personnes ? N’est-ce pas anti-démocratique ? »

« C’est la bêtise qui est anti-démocratique. »

 

 

 

 

 

 

 

On joue ?

25 avril, 2020

Bonjour,

Je jouis

De mon séjour

Depuis huit jours

En Anjou.

Je fais joujou

Avec des jouets

Et des bijoux.

Bisou sur la joue.

Les joueurs de luth

24 avril, 2020

Lulu

Et Luc,

Joyeux lurons,

Petits lutins

A lunettes

Jouent du luth

Sous la lueur

De la lune

Depuis des lustres.

Celui qui a toujours raison

23 avril, 2020

« Je suis un ponte, un grand spécialiste, si vous préférez. Je dis des choses qui ne souffrent pas d’être contredites. C’est assez extraordinaire. J’ai toujours raison avant tout le monde.»

« Vous en avez de la chance. Moi, il suffit que je dise quelque chose pour que Josiane me contrarie. »

« Mon don n’est pas une chance : c’est assez terrifiant d’avoir toujours raison. Vous pourriez peut-être me faire connaitre Josiane ? »

« Ce ne serait pas un service à vous rendre. »

« C’est dommage parce que les français vont encore perdre Roland-Garros. C’est moi qui l’ai dit, donc je vais encore avoir raison. J’aurais aimé entendre Josiane me démontrer le contraire. »

« Il ne faut pas la sous-estimer. Avec elle, il est souvent préférable d’avoir tort. Des fois, je prétends qu’il faudrait que nous allions passer des vacances en montagne, comme ça, je suis sûr qu’on va à la mer ce qui me convient beaucoup mieux. Autre exemple : je dis que nous allons chez sa mère pour le déjeuner de dimanche prochain, comme ça, je suis sûr qu’elle trouvera un empêchement. »

« Il est vrai que lorsqu’on a toujours raison, des mal intentionnés peuvent nous manipuler, mais nous pouvons aussi manipuler les autres. Par exemple, j’ai dit que j’allais être nommé chef de service en ayant l’air assuré, tout en soutenant officiellement la candidature de ce crétin de Dugenou. Comme personne ne voulait de Dugenou, j’ai encore eu raison. »

« Vous devez être fatigué à la longue ? Faire des prévisions en promouvant la solution inverse suffisamment idiote pour qu’elle ne se produise pas, de façon à ce que vous ayez raison au final, cela doit être éprouvant ? »

« Oui, mais je résiste vaillamment. J’avais prévu que Mollard allait battre le patron au tennis… Eh bien, ça n’a pas trainé. Il l’a laminé en deux sets. »

« En même temps, ce n’était pas difficile : tout le monde sait que le patron est nul en tennis. C’est comme si vous me disiez que le lundi de Pentecôte tombe un lundi. »

« Pas de chance, jeune freluquet, le gouvernement vient de déplacer le lundi de Pentecôte au mercredi 14 juillet. »

« Bon d’accord ! Et l’existence de Dieu, vous en pensez quoi ? »

« J’ai un avis nuancé. D’un côté, on ne le voit jamais, de l’autre, sa main me guide puisque j’ai toujours raison, au final. Je ne peux pas prétendre qu’une main qui me conduit n’existe pas, même si on ne le voit jamais. Toutefois, une main ne veut pas dire que c’est la main de Dieu, il se peut que d’autres entités interviennent. »

« Oui, enfin bref, vous ne vous engagez pas. Remarquez que vous pouvez toujours prétendre que vous avez raison de ne pas vous prononcer. Une façon d’avoir toujours raison, c’est dire noir et blanc dans la même phrase. »

« Absolument, ainsi, j’évite de mettre de l’huile sur le feu. A quoi sert d’aggraver les polémiques ? Là, j’ai mille fois raison. »

« J’aimerais bien savoir ce que ça fait d’avoir raison. »

« Je vous donne un truc simple : dites que le PSG va gagner son prochain match, vous avez raison d’avance ! En plus Josiane dira le contraire, vous aurez le plaisir d’avoir raison contre Josiane ! »

« Elle va faire un tas d’histoires. »

Le retour du B

22 avril, 2020

Sous le baobab,

Dans le bibliobus

Le bébé

De Babeth

Babille.

Sous son bibi,

Elle en est baba.

Bobby

Dans ses babouches

Lui lit un Babar.

Bon appétit !

21 avril, 2020

« Repas de fêtes, diner d’amoureux, déjeuner d’affaires… Depuis la nuit des temps, les gens règlent leurs affaires autour d’une bonne table ! »

« Pourvu que l’on n’invente le repas en pilules. Je ne me vois pas dire à ma promise : ma chérie, si nous prenions ensemble nos pilules, ce soir. »

« En effet, vous pourrez toujours mettre deux bougies sur la table, mais ce ne sera pas très galant. »

« Soyons vigilant ! La vie est déjà en train de nous saboter le petit déjeuner ! Combien d’entre nous en sont à avaler une tasse de café en enfilant leur manteau et en se sauvant parce qu’ils n’ont pas le temps ! »

« Et ceux qui déjeunent devant leur ordinateur, un œil sur le chich Kebab et l’autre sur leurs mails. Quelle poésie ! »

« C’est-à-dire que les temps de repas ne sont pas considérés comme très productifs ! »

« Nous y voilà ! Fondons un grand mouvement populaire pour la défense des moments improductifs ! »

« Vous avez raison ! Organisons la convergence des luttes improductives : les déjeuners à rallonge, la sauvegarde des machines à café, la pérennisation de la pause cigarettes, le maintien des réunions inoffensives… Il y a du boulot ! »

« Ce serait une grande cause. Moi, j’y ajouterais volontiers une rénovation totale des cantines, une multiplication des cafétérias. C’est quand même dans ces espaces qu’on peut le mieux dire du mal des patrons et des collègues qu’on ne supporte pas. »

« Pour revenir aux repas, il faudrait dans chaque entreprise un emploi consacré à la recherche des meilleurs restaurants à proximité. Un emploi à temps plein, bien sûr, parce qu’il faudrait aller tester chaque table ! »

« On ignore souvent l’effet du repas sur la productivité des employés. Moi, par exemple, il est inutile de me déranger l’après-midi du jour de la choucroute à la cantine. »

« Les directions ne font pas assez attention à ce qu’on mange. Dans mon entreprise, je ne vous dis pas la révolte quand il a été question de supprimer le jour du couscous. »

« Tout commence et finit par la bouffe. A la maison, je me suis fait vilipender par mes gamins quand j’ai voulu supprimer les soirées pizzas-télé. »

« Et moi quand j’ai voulu draguer en me dispensant de l’invitation au resto, je ne vous dis pas le succès que j’ai eu. Ma dernière quasi-conquête s’est sauvée en me traitant de radin ! »

« Il faut s’y faire, nos vies passent forcément par des détours devant l’assiette. »

« Ce n’est pas tout de manger, il faut savoir parler de ce qu’on mange, de ce que l’on ne mange pas, ou de ce que l’on pourrait manger. »

« Remarquez, ça a l’intérêt de fournir des sujets de conversation quand la conversation est un peu terne. La bouffe et le foot, ça marche toujours à la cantine ! »

« Nous n’avons pas encore rendu grâce à nos paysans qui arrachent à la terre de quoi alimenter nos cuisines ! Ni à nos chefs cuisiniers ! »

« Et les vendeurs de cuisine qui construisent nos plans de travail ? Et les fabricants de couverts et de serviettes en papier ? Finalement, quand on mange, on ne se rend pas compte du nombre d’emplois qu’on crée ! »

« Vous avez le menu de la cantine ? »

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