Archive pour avril, 2013

Sondage

30 avril, 2013

« Je fais un sondage. Auriez-vous quelques instants à m’accorder ? »

« Oui, avec plaisir. »

« Ça commence mal. Normalement, vous devriez me dire que vous êtes débordé et que vous n’avez  vraiment pas le temps ou alors que les sondages, ça ne sert à rien.  Enfin bref, on va se débrouiller quand même ! »

« Estimez-vous être assez payé par votre employeur ? »

« Oui, tout à fait. J’ai un salaire qui me permet de nourrir, de loger et de vêtir ma famille. Je peux envoyer les enfants à l’école et les soigner quand ils sont malades. Je peux aussi mettre un peu d’argent de côté pour partir en vacances au Lavandou comme chaque année avec Madeleine et les gamins. »

« Oui, mais enfin, tout le monde a envie de gagner plus d’argent… Vous n’êtes pas comme 99% des français, c’est très bizarre. »

« Pourquoi avoir plus d’argent ? Pour générer des besoins artificiels que j’aurais du mal à assouvir ? C’est une course sans fin ! »

« Si tout le monde raisonnait comme vous, on ne serait pas près de sortir de la crise. Enfin bref, passons à une autre question : trouvez-vous que vous payez trop d’impôts ? »

« Non ! C’est normal de payer des impôts pour financer les hôpitaux, les écoles, les routes. On en a tous besoin. Et puis, il faut aussi que la protection sociale soit assurée. C’est pour mon bien comme celui des autres. »

« Ça alors. Vous êtes content de payer des impôts ? De plus en plus étrange…  Vous n’écoutez pas les infos ? Les français sont très mécontents de la pression fiscale ! »

« Pourquoi me posez-vous des questions dont vous connaissez les réponses ? »

« Parce que vous êtes dans l’échantillon. Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? Bon allez, j’essaie encore une question. Essayez de répondre correctement pour une fois. Êtes-vous pour où contre la guerre en… ? »

« Contre…. Une guerre est une guerre. Il n’y a pas de guerre propre… »

« Oui, mais enfin, il faut lutter pour les libertés partout dans le monde. »

« Vous me posez la question de la guerre, pas celle de la liberté ! Moi, je réponds à la question pas à celle que vous ne me posez pas… »

« Au point où on en est, je suppose que le chômage ne vous effraie pas contrairement à l’immense majorité des interrogés… »

« Non pas du tout. Je pense qu’il vaut mieux un système de chômage efficace plutôt que de créer des emplois qui consistent à poser des questions idiotes. »

Symphonie orchestrale

29 avril, 2013

Il  avait tambouriné à la porte d’Elsa toute la nuit.

Les flics l’emmenèrent au violon

Où il mangea beaucoup de flageolets.

« Flûte », se dit-il.

En sortant, il ne claironna pas sa triste aventure.

Il renonça à la lutte pour conquérir Elsa.

Il repris sa place dans l’usine qui fabrique des trombones

Et des tambours de frein.

Le dimanche, il allait aux champignons pour cueillir des trompettes de la mort,

Puis s’offrait un cornet de glace.

Ensuite, il soignait ses cors aux pieds pour oublier Elsa.

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Un bosseur

28 avril, 2013

« Je n’en fiche pas une rame. »

« Il est vrai que vous êtes très paresseux. Ce n’est pas trop dur ? »

« Si, beaucoup plus qu’on ne le croit. Lorsqu’on  ne fait rien, on est tout le temps confronté à soi-même. A la petitesse de sa condition humaine. A la finitude de l’homme. Vous comprenez ? C’est plus facile d’échapper à ce douloureux dialogue lorsqu’on est abruti de travail. »

« Je compatis. »

« En plus, en regardant les autres s’agiter, je me sens envahi d’un insidieux  sentiment de culpabilité que certains, mal intentionnés, se font un plaisir de conforter en me faisant remarquer mon inaptitude à l’effort. »

« Ce n’est pas très sympathique, en effet. »

« Oui, je suis obligé de me défendre en prenant une attitude complètement indifférente à leurs efforts quotidiens pour faire quelque chose. Ça me coûte beaucoup. »

« Ne vous arrive-t-il pas d’avoir envie de lever le petit doigt ?»

« Jamais. D’ailleurs, il y a là un sujet de préoccupation de plus. Pourquoi ne suis-je pas animé de l’intention d’accomplir un geste constructif ? C’est un vrai calvaire. Je n’ai jamais ressenti cette exaltation du travail fait et bien fait. »

« J’en suis navré pour vous parce que c’est très intéressant comme impression. On ressent comme une onde de fierté qui vous donne envie de recommencer. »

« C’est difficile pour moi. Surtout en hiver. Je ne peux même pas me donner comme excuse de bronzer au soleil. En été, mon attitude parfaitement immobile peut au moins se justifier par une exposition prolongée aux rayons solaires. »

« Je comprends. Mais ne craignez-vous pas pour votre santé ? »

« Si, un peu. Parce que pour faire du sport, il ne faut pas trop compter sur ma personne. C’est encore pire que de travailler. On se fatigue sans but précis. Sans autre objectif que celui de se fatiguer. C’est un comble pour un type comme moi ! »

«Finalement, vous êtes courageux ! »

« Oui, quand je vois tout ce que je pourrais faire autour de mon fauteuil, je me demande comment je fais pour résister. Vous vous rendez compte, je sacrifie tout. Même ma culture puisque je n’ai pas envie d’aller au cinéma ou de lire. »

« Même pas un petit peu ? »

« Bof ! A la rigueur un livre avec des dessins. Mais il faut que quelqu’un aille me l’acheter. Le seul fait de me lever de ma chaise longue me traumatise. D’ailleurs pourriez-vous aller me chercher un verre d’eau, au lieu de me faire parler ? »

Nos mauvais poèmes

27 avril, 2013

Je n’irai pas à Paris.

J’en prends le pari.

Je n’en serai pas marrie.

Car je regarderai la télé avec mon mari.

Un film avec l’inspecteur Harry.

Sa source d’inspiration n’est pas tarie.

Puis j’irai au dentiste, me faire soigner une carie.

Avant d’aller au zoo, pour voir l’éléphant qui barrit

Je terminerai la soirée dans mon sari.

Et je m’occuperai de mon canari.

 

A l’attaque !

26 avril, 2013

Julien n’est pas un foudre de guerre.

Il redoute les conflits avec les autres.

Il n’a jamais d’opinion très tranchée.

Sa chambre est un vrai champ de bataille.

Avec lui il faut s’armer de patience

Et faire assaut d’amabilités.

Il attend paisiblement la retraite.

Il se charge de le dire à qui veut l’entendre.

 

Parlons d’argent

25 avril, 2013

« Si on parlait d’argent ? »

« Il ne vaudrait mieux parler d’autre chose, ça se finit toujours mal. »

« Pourquoi ? »

« Il y a deux solutions. Si vous en gagnez plus que moi, je serais obligé de vous jalouser un peu, tout en vous parlant avec déférence. Bref, je ne serai pas très à l’aise. Si je gagne plus que vous, je ferais semblant de ne pas m’en apercevoir pour ne pas vous intimider. Vous voyez, c’est compliqué dans tous les cas. »

« D’après vous, nous devrions ne pas en parler ? »

« Non plus. Si nous n’en discutons pas, vous allez m’accuser d’avoir des tabous, ce qui n’est pas très bien vu dans la société d’aujourd’hui. »

« On pourrait revenir au troc ? »

« Je ne suis pas favorable car si je vous donne un kilo de sucre contre trois kilos de cerises, chacun de nous va se demander s’il ne sait pas fait avoir par l’autre. Cet échange va alimenter la suspicion réciproque, ce serait assez malsain. »

« Bon, alors on fait comment ? »

« On pourrait peut-être en parler pour se demander pourquoi on ne peut pas en parler. Comme ça, on aurait une attitude décontractée vis-à-vis de l’argent tout en évitant de comparer nos situations financières respectives. »

« C’est curieux tout de même d’en arriver là. Qu’est-ce que ça peut vous faire que je gagne plus que vous ? »

« Ça me renvoie l’image de mes échecs. C’est désagréable. Je serai obligé de penser que vous êtes un être arrogant et imbu de votre personne qui ne pense qu’au fric. »

« Pff… Bon, finalement, on va en revenir aux vieilles recettes. Les riches vont avec les riches et les pauvres avec les pauvres. Il suffit de remettre en place des codes qui permettront à chacun de savoir à qui il a à faire. »

« Euh… ça s’est assez mal fini en 1789.. »

« Donc il reste plus que la solution de ne pas se parler ou alors de se comporter comme des loups qui établissent une hiérarchie entre eux par le seul biais de la force. Les plus faibles savent qu’ils sont plus faibles et respectent donc les plus forts pour ne pas prendre une raclée. On n’a encore jamais vu de révolution sociale chez les loups. »

« Votre solution est parfaitement réactionnaire, je suis outré. Après vingt siècles de civilisation, nous n’allons tout de même pas retomber dans l’animalité.  »

« Bon, alors c’est quoi la solution ?»

Leçon d’astronomie

24 avril, 2013

Elle est née au mois de mars.

Sous une bonne étoile.

Mais elle est toujours dans la lune.

Elle ne se croit pas sortie de la cuisse de Jupiter.

Lorsque le mercure monte, elle est souvent dehors.

Elle est très terre à terre.

Elle n’a pas d’ambitions astronomiques.

Mais c’est une belle femme, une vraie Vénus.

Aussi est-elle entourée d’une constellation de courtisans.

Soyons amis

23 avril, 2013

« Nous pourrions être amis ».

« Ça va être difficile. Il faudrait d’abord que nous ayons les mêmes centres d’intérêt. Par exemple, c’est quoi vos artistes préférés… ».

« Euh… Florent Pagny… par exemple ».

« Mais, mon pauvre, ça ne va pas du tout ! Tout le monde le connait, Florent Pagny. Tandis que moi, je suis fan de The Enormous Hystery. Leur dernier concert à Brioudes-les-Bains a été énorme. Vous ne pouviez pas y être, nous étions entre spécialistes ».

« Je ne connais pas…  »

« Heureusement, sinon il faudrait que je change de groupe. Et en littérature, vous lisez quoi ?».

« Euh… bin… Marc Lévy, Amélie Nothomb… »

« C’est affligeant ! Tout le monde lit ça. Moi, je viens de finir Le rire de la Baleine Jaune de Siegfried Van Rubensthal. J’aime autant vous dire que c’est autre chose : ça décoiffe. Vous ne sortez pas indemne de ce genre de lecture. On peut dire que Van Rubensthal réinvente le Monde. La puissance de son écriture dérange tous les acquis. Vous ne l’avez pas lu ? Remarquez, vous ne pouvez pas y accéder, j’ai raflé les cinq exemplaires existants ».

« Moi, mon vrai domaine c’est l’Histoire de France ».

« Ah oui ? Er quel est votre personnage historique préféré ? »

« J’aime bien Duguesclin, par exemple ».

« Duguesclin… Mais tout le monde aime Duguesclin. C’était le Zidane du quatorzième siècle. On ne fait pas plus commun comme héros ! Pourquoi pas Jeanne d’Arc pendant qu’on y est ? Vous n’avez pas de références très originales. Moi, je m’intéresse à François II… »

« Qui c’est ? »

« Le roi de France qui a régné un an et demi. Un record ».

 « Il ne doit pas avoir eu le temps de faire grand-chose ».

« Ce n’est pas le problème. Personne ne le connait. A part moi et quelques férus d’Histoire. C’est suffisant. Finalement…. Vous n’avez de goûts très intéressants. Comment voulez-vous que nous soyons amis ? A la rigueur sur Facebook et encore… ».

« C’est vrai. Vous êtes un peu spécial ».

«Dites, à la réflexion, vous pourriez me servir de faire-valoir en société. Vous lancez un sujet… n’importe lequel, j’ai un avis sur tout…. Et j’enchaîne en montrant l’étendue de ma culture et de ma curiosité intellectuelle à propos de personnages complètement inconnus… Ça vous convient ? »

A notre rayon patisserie

22 avril, 2013

Helmut est allemand, bavarois pour être exact.

Il se porte bien, il a même un peu de brioche.

Sa femme Charlotte le dorlote :

Elle lui apporte ses chaussons lorsqu’il rentre du travail.

C’est qu’il gagne une grosse galette, Helmut !

Ce n’est pas un mendiant !

La sœur de Charlotte est devenue religieuse.

Mais elle pleure comme une madeleine.

Elle aurait préféré faire des tartes

Au soleil du Midi, car elle est tropézienne.

Le lever

21 avril, 2013

« Je suis de mauvaise humeur en me levant. »

« Moi aussi, je me sens pâteux. Et ça m’énerve de me sentir pâteux. »

« En plus, j’ai mauvaise haleine. Je ne suis pas très sexy. J’ai l’air amorphe. Quand je n’ai pas dormi seul, ça la fout mal. Je perds tout mon crédit. »

« La première difficulté, c’est qu’il faut s’extraire de la chaleur des couvertures pour affronter le froid en plein hiver. Personne ne se doute du courage dont je fais preuve. Surtout quand je dois tâtonner pour retrouver ma robe de chambre ou lorsque mes pantoufles se sont cachées sous le lit. Je vous passe la difficulté qu’il y a à stopper la sonnerie du réveil dans le noir. Elle est beaucoup trop forte. On a l’impression que quelqu’un augmente son volume durant la nuit. »

« Le pire, c’est qu’il faut faire le déjeuner. Quand on est seul, c’est compliqué. Il ne faut pas que le paquet de café ou de biscottes soient vides, ça m’énerve. Je suis obligé de constater que j’ai oublié d’en racheter comme un imbécile. La journée commence par un immense sentiment de frustration et d’autoculpabilisation. »

« Quand on est deux, c’est encore pire. Parce qu’il y a une lutte d’influence pour savoir lequel va se dévouer pour préparer le déjeuner. Il faut avoir les nerfs solides pour ne pas céder trop vite. C’est une cause de tension dans le ménage. »

« Oui, et si on arrive à éviter la préparation du déjeuner, il faut arriver à la table familiale en souriant sinon on est accusé de faire la gueule. En plus, c’est à ce moment qu’on vous rappelle tous les moments désagréables de la journée : passer au pressing, aller à la réunion des parents d’élèves, téléphoner à sa belle-mère. Ce n’est guère motivant. »

« Ce qui m’agace encore plus, c’est que pendant que je suis dans le potage, les animateurs dans la radio se font un plaisir de rigoler. On voit bien qu’ils se sont levés à quatre heures du matin pour faire les andouilles. Je n’ai pas encore trouvé de station où les speakers seraient ensommeillés et partageraient mon envie d’aller se recoucher. »

 « Moi, je baille beaucoup le matin. Je ne sais pas vous, mais moi, je baille beaucoup. Et plus je baille, plus j’ai envie d’aller me recoucher. C’est terrible. »

« Le problème, c’est de faire bonne figure au moins jusqu’au moment de la douche. Après, la mécanique humaine se met en mouvement, ça va mieux. »

« L’idéal, ce serait de commencer par la douche. Mais je n’aime pas me doucher quand j’ai faim. »

« Le comble, c’est qu’après avoir surmonté l’épreuve du lever, il faut réussir l’exploit de ne pas se mettre en retard ! »

« Le mieux serait de ne pas se lever. »

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