Archive pour janvier, 2015

Affaires étrangères

31 janvier, 2015

Pour les autres, c’est de l’hébreu

Mais lui, il aime résoudre les casse-tête chinois,

Accompagné de son chat persan

En mangeant des cigarettes russes.

Parfois, il échoue : c’est la douche écossaise.

Alors il mange des desserts : une crème anglaise,

Un yaourt bulgare,

Une omelette norvégienne.

Puis, il se rend au pré pour caresser sa vache espagnole.

Salade de fruits

30 janvier, 2015

Herbert est une bonne poire.

Il ramène sa fraise à tous propos

Il a souvent la banane

Il se fend la pêche pour n’importe quoi

Même quand il s’est battu avec Louis qui lui a mis un marron.

Quand il a pris une prune pour stationnement illégal

Il n’est pas tombé dans les pommes,

Il a vendu sa voiture pour des queues de cerises.

Une attaque en nombre

29 janvier, 2015

Des colonnes de chiffres ont déferlé.

 Les opérations ont été rondement menées.

Les vérificateurs mènent l’enquête pour rendre compte.

Ils doivent faire un rapport.

Neuf par neuf, ils cherchent des preuves.

Des indices convergent.

Un pourcentage a été surpris à plus de 100.

Une décimale est menacée de perdre son rang.

Un arrondi est complétement rond.

Certains nombres ont été divisés en plusieurs camps.

Les ratios ont perdu la raison.

Des fourchettes ont été utilisées pour réduire des marges d’erreur.

Plus personne ne fait confiance aux intervalles de confiance.

Il n’y a plus rien de carré, même pas les racines.

Certaines fractions ont été réduites au même dénominateur.

Des taux de croissance sont négatifs.

Il n’y a plus rien de positif.

A Troyes, il n’y a plus de règle.

Les comptes ne sont plus bons.

Les soldes sont liquidés.

L’étau se resserre autour des taux.

C’est clair : les Huns sont passés par là.

Bien armé

28 janvier, 2015

C’était un drôle de pistolet.

Lorsqu’il avait décidé d’agir, ce n’était jamais un coup d’épée dans l’eau.

Il pleuvait souvent des hallebardes.

Il se réfugiait sous l’Arc de Triomphe

Où il attrapait des rhumes carabinés.

Sa femme était une actrice, un vrai canon

Qui avait été catapulté en haut de l’affiche.

Ensemble, ils se nourrissaient de steaks hachés.

Belles plantes

27 janvier, 2015

« Il parait que nous descendons des plantes ! »

« Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »

« Oui, il y a eu les plantes, puis les animaux, puis les êtres humains dotés de notre intelligence »

« Donc le chêne de mon jardin est peut-être de ma famille. »

« Peut-être. Quand on y réfléchit, les plantes se nourrissent, s’exposent ou non à la lumière, supportent plus ou moins bien le voisinage des autres, produisent des fruits, vieillissent, meurent… Enfin comme nous, quoi. Certains prétendent même qu’il y a des arbres qui se déplacent en tirant sur leurs racines. »

« Allons bon ! Il va falloir que je surveille mon chêne pour qu’il ne fiche pas le camp chez le voisin. J’ai assez de soucis avec lui comme ça ! »

« Figurez-vous que certaines plantes se protègent comme nous, contre des adversaires potentiels en sécrétant des poisons contre des insectes ennemis. C’est incroyable. »

« Après tout pourquoi pas ! Moi, je suis bien obligé de me défendre contre Martinot qui essaie de me piquer mes dossiers au bureau. Voilà encore un point commun avec les plantes. »

« Une autre ressemblance, c’est que la plupart des plantes perdent leurs feuilles comme nous, nous renouvelons nos cellules cutanées toutes les trois semaines. »

« La différence c’est quand même que, chaque automne,  je me coltine le ramassage des feuilles mortes dans mon jardin. Je n’ai encore jamais vu personne ramasser mes cellules cutanées. Vous en avez encore beaucoup comme ça ? »

« Euh… certains disent qu’on a de plus belles plantes si on leur fait écouter de la musique. De la musique classique si possible. Je ne connais pas de bégonias capables de se contorsionner en écoutant Johny Halliday. »

« Même moi, je n’y arrive pas. »

« D’autres pensent obtenir de meilleurs résultats en parlant à leurs plantes. »

« Ce serait un comble. Moi je n’arrive pas à améliorer les résultats de mes gamins en les engueulant. Par contre je pourrais avoir de très belles plantes vertes en leur faisant la causette ? »

« Je sens comme une réticence ironique dans votre voix. Vous êtes un rationaliste, je suppose. Le monde n’est pas forcément ce que l’on croit. Enfin ce que la pensée matérialiste et unique a établi une bonne fois pour toute. »

« Vous avez peut-être raison, mais c’est déjà suffisamment compliqué comme ça sans en rajouter. J’ai déjà du mal à m’entendre avec ma femme, mes voisins, mes collègues, mon chat … Je ne vais pas me mettre à être saisi d’inquiétude chaque fois que mon géranium me regarde de travers. »

« Vous préférez rester dans l’ignorance ? »

« A tout prendre, oui. Mon coefficient d’incertitude est assez élevé comme ça. J’aime bien que tout soit à sa place. Que le repas soit prêt à l’heure. Que mes chaussettes soient dans le bon tiroir. Que le bus ne soit pas en retard…. Et que le chêne du jardin reste à sa place ! Si vous jetez le doute sur tout ça, je ne sais pas si vous vous rendez compte que vous allez déstabiliser tout le quartier. »

« Bon… d’accord. Pas d’ennui avec le police !»

Prend garde

26 janvier, 2015

Son aïeul était garde-chiourme aux galères du Roi

Elle est garde-barrière à Vierzon.

Lorsque passe le train, elle est au garde-à-vous.

Sa garde-robe est mince.

Pas de quoi aller à une garden-party.

Mais le garde-manger est rempli.

Son mobilier n’est pas au garde-meuble.

Et elle prend garde à toutes ses dépenses.

Oui, chef !

25 janvier, 2015

« On aime élire le Président de la République au suffrage universel, car ça donne l’occasion à chacun l’impression d’avoir du pouvoir et l’occasion de s’empoigner un peu avec les autres, donc de vivre. Mais une fois qu’il est élu, on ne l’aime plus beaucoup, justement parce qu’il est chef. »

« C’est général : la période précédente la désignation d’un chef est excitante. C’est comme l’arrivée du 1er janvier : parce que c’est nouveau, chacun croit ou aimerait croire que –puisque c’est nouveau – sa situation personnelle va changer. Une fois qu’il est en place, on n’aime plus le chef justement parce qu’il est chef. »

« Ce qu’il y a de paradoxal, c’est qu’un chef a toujours un chef au-dessus de lui, même quand le sur-chef est une entité (un marché financier par exemple). Seul le Bon Dieu échappe à ce constat.. et encore c’est pas sûr : je ne connais personne qui soit aller y voir. »

« Ce qu’il y a d’encore plus marrant, c’est que les chefs peuvent être chefs sans avoir beaucoup de pouvoirs. Qui commande ? Le président de la république, la Chine, les Américains, la Bourse de New-York, l’Union Européenne, les glaciers de l’Antarctique ? »

« Oui, on peut ajouter que dans certains cas, ce sont les non-chefs qui commandent. Si on sait s’y prendre, un chef est gérable. C’est comme ma femme, pour être tranquille, il me suffit de lui laisser l’impression que c’est elle qui commande. »

« Vous dites ça par dépit, parce que vous aimeriez bien être chef. »

« Non, beaucoup de gens considèrent que ce n’est pas une fin en soi. Surtout s’il s’agit d’être « petit » chef. On est alors triplement embêté : d’abord par vos subalternes qui ne vous aiment pas, ensuite par les « grands » chefs qui trouvent que vous ne tirez pas assez parti de vos subalternes, et enfin par les autres « petits » chefs avec lesquels vous rivalisez pour devenir un « petit grand chef » et qui ne vous aiment pas non plus. »

« Eh voilà… à partir du moment où vous introduisez de l’affectivité dans la question, tout est faussé, on ne comprend plus rien. Votre chef n’est pas votre conjoint, vous n’avez pas à l’aimer ou ne pas l’aimer. Vous avez à travailler sous ses ordres, et éventuellement à lui donner l’apparence d’un chef même s’il ne gouverne pas grand-chose. »

« Bon… peut-être, mais admettez qu’un chef qui a des idées novatrices et même créatrices, qui sait en susciter chez les autres, on préfère en général !… Il y a même des chefs qui ont de la culture, mais ce n’est pas un argument déterminant. »

« Oui, certains préfèrent des chefs intéressants, mais d’autres non, ça les dérange. Il y a des gens qui préfèrent gérer des procédures bien rodées en attendant que l’heure passe et qu’on puisse aller se plaindre des chefs devant la machine à café ou à la cantine. »

« Bon… si je comprends bien, les chefs, on n’aime pas forcément, mais c’est un besoin génétique. Telle une horde de loups, on a besoin d’un chef. Et si on a envie d’être chef soi-même, il faut se battre comme une bête en prenant le risque de se prendre une torgnaule une fois sur deux. »

« Vous pouvez aussi rester seul dans votre tonneau. Ce n’est pas interdit. Je vous conseille d’être dotée d’une riche vie intérieure. Vous pourrez alors devenir philosophe et dire du mal de tous ceux qui ont envie d’être chefs tout en se plaignant des chefs. »

« Il faut dire que c’est spécial. »

« Oui, mais c’est comme ça que tout fonctionne, à coups de contradictions. »

Double jeu

24 janvier, 2015

Pol n’est pas un poltron

Qui prend la mouche à la moindre escarmouche.

Il a joué dans un vaudeville en ville.

Puis il est sorti de sa coquille pour jouer aux quilles.

Avec Thomas qui aime les tomates et qui a de l’estomac.

Et Ric qui est euphorique.

Puis ils se sont faufilés dans les cuisines pour manger un faux-filet

Et boire un café dont l’arôme lui rappelait Rome.

Enfin, ils sont allés à la messe pour respecter leur promesse.

Tin-tin

23 janvier, 2015

Le lutin

S’appelle Martin

C’est un pantin

Qui a le nez mutin

Et les cheveux châtains.

Il est habillé de satin.

A Tain,

Il circule en patins.

Malgré les potins,

Il poursuit son destin

De libertin

D’un air hautain.

 

 

Un spectateur

22 janvier, 2015

« J’ai passé mon temps à regarder les autres. »

« Drôle d’occupation. »

« Ça a démarré à l’école. Je regardais les profs s’agiter au tableau. Ce qu’ils disaient ne m’intéressait absolument pas, mais j’étais sidéré par la conviction avec laquelle ils s‘exprimaient. Ils avaient l’air absolument certains de ce qu’ils disaient et absolument sûrs que ça me passionnait. »

« Ils ont dû déchanter. »

« Oui, mais ce n’était pas agréable pour moi d’être spectateur. D’autant plus que je regardais aussi avec étonnement les premiers de classe qui eux se sentaient très inspirés par le discours du prof. »

« Mais plus tard, vous avez bien été obligé de vous impliquer dans la vraie vie ? »

« Pas tant que ça. Au boulot, je m’agitais comme tout le monde, mais j’avais l’impression d’être le spectateur de moi-même. Quand je fayotais un peu auprès des chefs, je me faisais rire moi-même. »

« C’est ennuyeux votre affaire, si vous ne croyez à ce que vous faites, vous êtes un vrai handicapé ! »

« C’est pire. J’observe ce qui se passe, mais je n’en déduis pas grand-chose. Quand je vais au ciné, je suis incapable de parler intelligemment du film que je viens de voir. »

« Mais enfin, il y a bien un moment où vous êtes devenu acteur ? »

« Bin… non, même quand je me suis marié à l’église, je me suis vu en train de me marier et me suis demandé ce que je foutais là. »

« C’est terrible. »

« Plus tard, j’ai eu des enfants, mais je n’ai pas réussi à être père de famille, je me suis juste regarder faire le père de famille. Apparemment, je m’en suis pas mal tiré. Mais quand même, jouer sa propre vie, c’est inquiétant. Je suis peut-être quelqu’un d’autre que moi-même ! »

« C’est un phénomène inquiétant. »

« Mais ça continue. Aujourd’hui, je passe mes journées sur le banc des vieux. Je regarde passer les gens, les enfants, la vie. Je suis ce que j’ai toujours été : un spectateur. Sauf qu’à mon âge, tout le monde fait comme moi. A mon âge, il ne reste plus que la possibilité de regarder vivre les autres. »

« Bon, mais des spectateurs, il en faut. Quand vous pensez au nombre de gens qui aiment se donner en spectacle, des êtres comme vous sont indispensables. Vous avez dû rendre service à beaucoup d’egos surdimensionnés. »

« Vous avez raison, j’ai donné aux autres l’impression qu’ils avaient de l’importance. Mais tout de même j’aurais bien aimé en avoir aussi. »

« Pour bien faire, il faudrait créer des gens qui sont spectateurs des spectateurs. Mon chat, par exemple, il aime bien vous regarder sur votre banc des vieux. »

123