Archive pour mars, 2010

Les grandes manoeuvres

31 mars, 2010

En sortant dans la rue, la star dut subir les attaques des journalistes.

C’était un canon de beauté !
Elle fut mitraillée par les photographes.

Les fans hurlaient à s’en faire exploser les tympans.

Les forces de l’ordre subissaient les assauts de la foule.

Elles étaient dirigées par un jeune officier qui venait d’être bombardé commandant.

C’était un drôle de pistolet.

Il n’était pas vraiment armé pour ce métier.

Il souffrait tous les soirs d’un rhume carabiné.

Quand la foule l’apprit, chacun se tira.

 

Qu’est-ce que tuveux faire quand tu seras grand ? (7)

30 mars, 2010

Moi, je serai désinvolte. Ce n’est pas un métier, c’est une attitude devant la vie. J’aborderai l’existence sans avoir l’air de la prendre ni de l’apprendre. J’aurai une attitude distinguée, décontractée, incroyablement libre d’esprit. On me prendra pour un dilettante, peut-être même pour un paresseux, un tire-au-flanc. Mais sous une apparence soignée de détachement et d’indifférence, seuls quelques initiés privilégiés comprendront que, dans le fond, je serai un grand amoureux de la vie, prêt à m’investir dans toutes sortes de grandes aventures humaines, tout en ayant la pudeur de ne pas paraître m’attacher affectivement aux situations et aux êtres qui traverseront ma route.

Je commencerai le jour du bac. Je ne réviserai rien, mais alors rien de rien. Mon mois de juin se passera à la piscine. Je ne me laisserai pas atteindre par un stress qui pourrait perturber mes capacités d’analyses pénétrantes et de synthèses fulgurantes. J’arriverai tout juste à l’heure de la première épreuve, en sifflotant, les mains dans les poches pour impressionner mon entourage et les autres candidats. Comme l’examen débute toujours par la philo, je suis sûr de moi. Mon recul sur l’existence, la qualité de ma réflexion personnelle, mon style littéraire étourdissant emporteront l’adhésion enthousiaste des correcteurs quel que soit le sujet. Peut-être même traiterai-je les trois sujets : c’est moi qui donnerait la chance aux profs de noter le devoir de leur choix. Après pour les maths, on avisera. Je trouverai sûrement une solution honorable. En histoire, ça devrait aller. J’ai lu toute la collection des Rois Maudits. Si le sujet tombe sur la guerre de 14, je ferai des rapprochements historiques somptueux qui laisseront pantois mon examinateur. Plusieurs spécialistes songeront à couronner mon devoir des palmes académiques.

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Leçon d’anatomie

29 mars, 2010

Maurice mesurait deux mètres. Il  travaillait d’arrache-pied,

En utilisant beaucoup d’huile de coude.

Il déjeunait souvent sur le pouce pour ne pas perdre de temps.

Mais son collègue  Duchemin lui avait donné un coup de poignard dans le dos.

Il avait protesté, mais Duchemin lui avait répondu que ça lui faisait une belle jambe.

Louise, la femme que Maurice  avait épousée sur un coup de tête,  lui cassait les oreilles.

Il n’aurait jamais du demander sa main.

En outre, il avait tout le temps froid et claquait des dents toute la journée.

La santé, c’était son tendon d’Achille.

Maurice était donc un colosse aux pieds d’argile.

Un vrai cauchemar

28 mars, 2010

Pendant onze mois, j’avais enduré Martinaud. La direction avait mis au point un projet de performance qu’il s’empressait de nous faire appliquer avec un vrai sadisme. Ses réunions de comptes-rendus hebdomadaires s’étaient peu à peu transformées en procès permanents de nos états de services. Plusieurs avaient craqué et se retrouvaient à la rue ou ailleurs, mais en tous cas, en recherche d’emploi. Même Duchemin ne faisait plus d’humour. Moi, non plus.

Marie m’avait durement reproché ma déprime, puis était partie. Elle ne supportait plus mes jérémiades et mon manque de combativité. J’étais selon ses termes charmants une vraie lopette. Et puis, insulte suprême, je ne la faisais plus rêver.

En juin, je nourris le fol espoir de ne pas revenir de mes congés, tout en sachant qu’à cinquante quatre ans, je n’avais pas d’autre avenir professionnel que de retrouver le sourire satisfait et méprisant de Martinaud en septembre. Sauf si…

L’actualité me donna une idée. Ce genre d’idées incongrues qui viennent à ceux qui n’en ont plus d’autres. Sauf celle de tout larguer.

Je décidai de partir en Afrique, le continent du début et des fins. Mon choix se porta sur l’un des hôtels les plus sordides des quartiers mal fréquentés d’Abidjan. La préposée de l’agence de voyage attira mon attention sur l’aspect un peu simple de l’hébergement que j’envisageai.

A mon grand soulagement, elle avait raison : je ne suis même pas sûr que la mansarde dont j’ai chèrement payé la location, soit qualifiable de chambre d’hôtel.

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Habillé pour l’hiver

27 mars, 2010

Dumoulin était un fayot.

Ennuyeux comme un bonnet de nuit,

Mais toujours prêt à cirer les pompes de la direction.

Il changeait d’avis comme de chemise en fonction des ordres des patrons.

Même lorsqu’il prenait une veste, il remerciait les chefs de leurs précieux conseils.

En réunion, il ne lésinait pas sur les effets de manche pour séduire le président.

Il lui tirait fréquemment son chapeau pour se faire bien voir.

Mais devant Madame Gilet, la femme de ménage, il était dans ses petits souliers.

Lorsqu’il laissait trainer des papiers gras sur son bureau, il se faisait littéralement écharpé !

Bulletin scolaire

26 mars, 2010

Maurice avait une ardoise chez Louis, le tenancier du bar des Amis.

Tous les jours, Il y racontait sa vie d’avant, lorsqu’il était baron.

Il menait ses domestiques de main de maître.

Ses réceptions brillantes avaient beaucoup de classe(s).

Son père l’avait mis à bonne école.

Il avait fait la guerre en homme de devoir.

Mais les affaires de Maurice avaient suivi le cours de la crise.

Le tableau était devenu soudain très noir.

Lorsqu’il avait fini de réciter sa vie.

Maurice levait de nouveau le doigt pour demander à Louis de remplir son verre.

Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? (5)

25 mars, 2010

Moi quand je serai grand, je serai en retard. Il existe plusieurs façons d’être en retard. En gros, on peut dire qu’on peut distinguer deux catégories de retardataires : ceux qui ont laissé passé l’heure par mégarde et ceux qui le font exprès. J’ai testé les deux registres : dans les deux cas, l’effet final est assuré.

L’année dernière, j’ai fait ma première communion. Le jour dit, j’étais pourtant pétri de bonnes intentions. La veille au soir, ma mère avait soigneusement préparé mes vêtements de cérémonie à coté de mon lit. Mes chaussures, pour une fois, avaient été astiquées. Le fameux brassard blanc qui devait signaler à l’attention de l’assistance les héros de la fête, reposait délicatement sur le dossier d’un fauteuil.

A mon réveil, le brassard avait disparu. Panique dans la famille, recherches vaines dans les armoires, sous les lits, dans les commodes. Jusqu’à ce que mon père comprenne que Pompom, la chatte de la maison s’était emparée de l’objet sacré jusqu’à l’entraîner dans sa couche qu’elle estimait sans doute manquer de confort. Elle avait passé la nuit mollement pelotonnée sur l’insigne qui devait me distinguer tout au long de cette journée.

Il fallut débarrasser l’objet des poils du félin. Je pénétrai donc dans l’église, sur la pointe des pieds, largement après le début des débats. Mon arrivée allait rester dans les annales de l’évêché. Alors que l’Abbé Péruchet qui avait passé les six dernières semaines à mettre au point l’ordonnancement millimétré de la cérémonie avait entamé un sermon de haute tenue spirituelle sur l’entrée dans la vie de ces jeunes âmes sans tâches, j’essayai de me glisser comme je pouvais à ma place en bousculant une rangée de congénères qui ne purent s’empêcher d’amplifier le dérangement que je causais en criant « Aïe », « Ouïe ». Je m’arrangeai tout de même pour écraser au passage les tarses et métatarses du grand Pierrot en souvenir des crocs-en-jambe dont il m’avait gratifié lors de notre dernière partie de foot.

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Un problème de circulation

24 mars, 2010

Monique pensait que Monsieur Dubois exagérait. Il avait dépassé les bornes.

Depuis qu’il avait obtenu le feu vert du patron pour réformer le service,

Il avait franchi la ligne jaune.

En outre, malgré ses allures de taureau, il n’était pas très futé.

Monique, sa fidèle secrétaire,  estimait qu’il avait pris un virage fatidique,

Au moment où il avait décidé d’emprunter le chemin des économies budgétaires.

Elle allait couper les ponts avec lui,

Après lui avoir fait comprendre qu’il avait poussé le bouchon trop loin.

Leurs routes se sépareraient.

Ce serait un tournant et l’occasion de changer de vitesse.

Supersorcier

23 mars, 2010

Maurice allait le long des rues, le dos courbé, dans une attitude prostrée et vaincue. Il lui semblait que le sol meuble se dérobait sous ses pas, mais il avançait néanmoins comme s’il était déplacé par une force inconnue. Sur son passage les regards de tous ceux qu’il avait fidèlement servis se détournaient avec gêne. Lorsqu’il les croisait, certains d’entre eux, comme Cristobal Dumortier, faisaient mine de constater subitement que leurs chaussures étaient délacées et plongeaient immédiatement à terre pour s’occuper de ce souci.   

Pourtant, il avait emmené Cristobal Dumortier dans tous les pays du monde, lui qui n’avait jamais dépassé les faubourgs de Melun ! Grâce à Maurice, Cristobal Dumortier pouvait parler des Grands Canyons du Colorado comme personne lors de la Fête des Têtes Blanches de son quartier. Eléonore était tombée sous le charme de ses récits du haut de ses quatre-vingt six ans. Cristobal l’avait draguée comme un malade en lui décrivant les chutes du Zambèze devant lesquelles il n’avait jamais mis les pieds. Aujourd’hui, Cristobal et Eléonore coulaient des jours heureux en se tenant par la main sur le banc public, celui qui est juste devant le bureau de poste.

Mais Maurice savait que l’Evènement devait arriver. Il poursuivait son chemin de croix sans un regret, sans une amertume. Au-dessus de sa tête, des rapaces aux regards perçants et méchants tournoyaient en poussant des cris gutturaux qui ressemblaient à des messages de vengeance. 

 Il en avait pourtant rendu des services ! Il n’était pas pour rien dans la réélection de Geoffroy de Poutignac au Conseil Général. La veille du scrutin, son adversaire s’était trouvé, comme par un enchantement absolument pas mystérieux, propulsé dans un univers à cinq dimensions dans lequel ses exactions financières peu conformes à la législation en vigueur, sa tendance à lutiner les éléments les plus féminins de son secrétariat, et enfin son intérêt prononcé et très concret pour les problèmes viticoles de sa région avaient été révélés crûment au grand public. Il s’en était suivi un carnage effroyable au cours duquel le candidat au fauteuil de conseiller général s’était trouvé écartelé plusieurs fois et réduit à rechercher les petits morceaux de lui-même pour les recoller tant bien que mal avant de se réveiller au petit matin, dans un état si piteux, qu’il préféra illico renoncer aux affaires publiques à la grande joie de Geoffroy de Poutignac.

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Leçon de botanique

22 mars, 2010

Le Commissaire Arien était parti, dans cette affaire, la fleur au fusil.

Il  allait prendre le problème au ras des pâquerettes.

Son adjoint Berthier compliquait tout : ce n’était pas la peine de chercher une aiguille dans un tas de foin.

Lors de la dernière enquête, Berthier s’était couvert de lauriers.

Cette fois-ci, Berthier n’allait pas lui couper l’herbe sous les pieds.

Le Commissaire Arien découvrirait le pot aux roses par lui-même.

C’était lui le chef ! Il ne fallait pas pousser mémé dans les orties !

L’alibi du témoin ne tenait pas : c’était l’arbre qui cachait la forêt !

Et en plus, il lui racontait des salades !

C’était le bouquet !

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