« Il faut toujours que tout soit ordonné, c’est très contraignant. »
« Vous trouvez ça bien de vivre dans le désordre ? »
« Je ne sais pas si c’est bien, en tous cas c’est plus reposant. Sinon, il faut ranger, toujours ranger… Les chemises avec les chemises, les chaussettes avec les chaussettes, etc… Où est ma liberté individuelle ? Elle est brimée, jusque dans mon frigo où il faut ranger les victuailles par date de consommation ! Vous vous rendez compte ? »
« Oui, mais enfin, ranger vos affaires, c’est aussi la garantie de les retrouver facilement. Si tout est en désordre, vous faites comment ? »
« Je retrouve ce que je cherche à l’instinct, tel le chat retrouvant le chemin de son écuelle… »
« Et quand votre instinct a une défaillance… »
« Je m’énerve, ça me fait du bien de m’énerver après des choses qui fuient mon regard. »
« Vous ne seriez pas un peu paresseux ? »
« Si ne pas avoir envie de passer son temps à ranger, c’est de la paresse, oui. D’autant plus qu’avec le progrès technologique, il y a de plus en plus de choses à ranger dans un ménage. Les papiers administratifs, les fichiers dans mon ordinateur… je ne vous dis pas. On pourrait inventer une nouvelle profession : rangeur à domicile, ça créerait de l’emploi. »
« Mais vous devez perdre pas mal de trucs… »
« En fait, j’ai un certain sens de l’ordre quand même…. Comme j’entasse les objets les uns sur les autres, les derniers que j’ai manipulés se trouvent nécessairement sur le dessus de la pile. Il y a juste un inconvénient, c’est qu’il faut choisir la bonne pile quand je cherche, c’est pour cette raison que je ne fais pas beaucoup de piles. »
« Et pour les articles que vous n’avez pas manipulés depuis longtemps ? »
« Alors là, c’est un risque à prendre. C’est là où intervient mon instinct de chasseur. J’essaie de me rappeler l’endroit où je me trouvais au moment où j’ai vu l’objet convoité pour la dernière fois, ça me donne déjà une indication sur la pile qui peut le receler. Ensuite, il faut retourner la pile pour avoir une chance de le dénicher. Il fat admettre un certain coefficient d’échec…. Si vous voulez retrouver tout à coup sur, vous ne vivez plus ! »
« Il y a quand même des choses indispensables qu’on ne peut pas se permettre de perdre : les clés de voiture, la télécommande, le portefeuille, etc… »
« Oui, alors là, j’ai deux techniques. D’abord, la technique du « je laisse trainer » : je laisse trainer les choses dans mon champ de vision pour être certain de les voir. Par exemple, je laisse trainer la télécommande de la télé sur mon fauteuil. La seconde, c’est celle du « poids dans la poche ». Par exemple, je mets mon trousseau de clé dans la poche droite de mon pantalon de façon à ce que le haut de ma cuisse soit habitué à sentir sa présence. En cas d’absence, l’épiderme de ma cuisse m’avertit instinctivement. C’est ce qu’on peut appeler une réaction épidermique. »
« Et la carte bleue ? »
« Oui là, il faut être prudent, mais admettez que j’ai bien réduit le champ des soucis de perte ce qui permet de me concentrer sur la sauvegarde d’objets indispensables. »