« J’ai beaucoup de soucis en ce moment. »
« Quel genre de soucis ? »
« Mon gamin qui fiche rien à l’école, à part le bazar partout où il passe. »
« C’est rien ça. Moi aussi j’étais un peu coquin quand j’étais jeune. »
« Ça ne me rassure pas beaucoup. Je voudrais qu’il devienne quelqu’un de bien. Un adulte responsable, quoi ! »
« Vous n’auriez pas un autre souci un peu plus… consistant. Quelque chose qui « fasse souci » ? »
« Euh… si, j’ai bien un petit découvert à la banque … »
« C’est rien ça ! Si vous voyiez le mien ! Votre banquier va être ravi de vous piquer un peu d’agios au passage. Et comme vous vous sentirez coupable, vous n’oserez rien dire. Autre souci ? »
« Bin… je ne vous raconte plus mes préoccupations, vous finissez toujours par me répondre que ce n’en est pas vraiment. Qu’est-ce que je deviens moi, si je n’ai plus de quoi me ronger les sangs ? »
« Bon attendez… je vais faire un effort. Dites-moi encore l’une de vos contrariétés. »
« Je vais dans le Périgord en vacances, dans la famille de ma femme. »
« Ooooh, mon pauvre ! C’est pas possible ce qui vous arrive là ! Qu’est-ce que vous aller vous ennuyer ! Au milieu de nulle part, pendant que je vais m’éclater à Ibiza. Je penserai bien à vous, allez ! »
« Bon, puisque c’est comme ça, je ne vous confie plus mes soucis ! Soit vous les réduisez à néant, soit vous en faites trop pour vous moquer ! »
« Oui, je le reconnais ! Mais c’est de votre faute aussi, vous n’avez pas de soucis convenables. »
« C’est quoi, des soucis convenables ? »
« Des soucis pour lesquels il n’y aurait pas de solutions en vue. Je pourrais m’inquiéter avec vous. Par exemple, vous n’avez pas de quoi vous payez le dentiste. Ce n’est pas moi qui risque de vous dépanner, vu mes fins de mois difficiles. Mais je pourrais pleurnicher avec vous… Je me lamente plutôt bien. »
« C’est sympa. Mais de ce coté là, ça va. Je préférerais que vous vous apitoyez sur les notes de mon gamin ou mon découvert ou alors mes vacances chez ma belle-mère dans le Périgord ! »
« C’est embêtant, car ça me fait plutôt rire. Vous avez inventé le genre de problèmes personnels qui font rire les autres bien que les autres les aient aussi. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils se marrent les autres : vos mésaventures les rassurent. C’est assez spécial ! Il vous faudrait des soucis plus rares que ceux-ci. Je pourrai prendre l’air consterné avec plus de conviction.»