Archive pour mai, 2013

Nuées

31 mai, 2013

 

Je suis dans le brouillard.

J’ai l’esprit embrumé.

J’ai des nuées de mouches devant les yeux.

Il faut que j’arrête de fumer.

Sinon je vais avoir mes vapeurs.

N’ayons pas la tête dans les nuages.

Je vais me préparer une petite purée de pois

Et des œufs brouillés.

Puis je hisserai la grande voile

Pour ne pas rester dans un flou, même artistique.

Des soucis trop courants

30 mai, 2013

« J’ai beaucoup de soucis en ce moment. »

« Quel genre de soucis ? »

« Mon gamin qui fiche rien à l’école, à part le bazar partout où il passe. »

« C’est rien ça. Moi aussi j’étais un peu coquin quand j’étais jeune. »

« Ça ne me rassure pas beaucoup. Je voudrais qu’il devienne quelqu’un de bien. Un adulte responsable, quoi ! »

« Vous n’auriez pas un autre souci un peu plus… consistant. Quelque chose qui « fasse souci » ? »

« Euh… si, j’ai bien un petit découvert à la banque … »

« C’est rien ça ! Si vous voyiez le mien ! Votre banquier va être ravi de vous piquer un peu d’agios au passage. Et comme vous vous sentirez coupable, vous n’oserez rien dire. Autre souci ? »

« Bin… je ne vous raconte plus mes préoccupations, vous finissez toujours par me répondre que ce n’en est pas vraiment. Qu’est-ce que je deviens moi, si je n’ai plus de quoi me ronger les sangs ? »

« Bon attendez… je vais faire un effort. Dites-moi encore l’une de vos contrariétés. »

« Je vais dans le Périgord en vacances, dans la famille de ma femme. »

« Ooooh, mon pauvre ! C’est pas possible ce qui vous arrive là ! Qu’est-ce que vous aller vous ennuyer !  Au milieu de nulle part, pendant que je vais m’éclater à Ibiza. Je penserai bien à vous, allez ! »

« Bon, puisque c’est comme ça, je ne vous confie plus mes soucis ! Soit vous les réduisez à néant, soit vous en faites trop pour vous moquer ! »

« Oui, je le reconnais ! Mais c’est de votre faute aussi, vous n’avez pas de soucis convenables. »

« C’est quoi, des soucis convenables ? »

« Des soucis pour lesquels il n’y aurait pas de solutions en vue. Je pourrais m’inquiéter avec vous. Par exemple, vous n’avez pas de quoi vous payez le dentiste. Ce n’est pas moi qui risque de vous dépanner, vu mes fins de mois difficiles. Mais je pourrais pleurnicher avec vous… Je me lamente plutôt bien. »

« C’est sympa. Mais de ce coté là, ça va. Je préférerais que vous vous apitoyez sur les notes de mon gamin ou mon découvert ou alors mes vacances chez ma belle-mère dans le Périgord ! »

« C’est embêtant, car ça me fait plutôt rire. Vous avez inventé le genre de problèmes personnels qui font rire les autres bien que les autres les aient aussi. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils se marrent les autres : vos mésaventures les rassurent. C’est assez spécial ! Il vous faudrait des soucis plus rares que ceux-ci. Je pourrai prendre l’air consterné avec plus de conviction.»

 

Des brigands

29 mai, 2013

Le céréalier fauche son blé.

La fermière plume son poulet.

L’enfant barbote dans son bain.

Le coiffeur tond son client.

Le voyageur transporte des valises.

Le lapin grignote ses carottes.

L’infirmière pique à tours de bras.

La styliste dessine des robes.

Seul l’avion vole.

Réhabilitons le verbe faire

28 mai, 2013

« Il faut réhabiliter le verbe faire. »

« Ah bon ? C’est pourtant un verbe qu’on dit faible ! »

« Pas du tout, il est très fort. D’abord tout le monde le connait. Ensuite, il peut remplacer de nombreux autres verbes qu’on ne maîtrise pas forcément : construire, fabriquer, montrer… Et puis, il est très malin, le verbe faire car il peut s’utiliser lui-même dans l’expression ‘faire faire’ !!! »

« Pourtant, il est très imprécis. Il n’est pas recommandé d’en abuser sinon on passe pour un être fruste qui manque de vocabulaire. »

« Justement, il est très utile quand il s’agit de montrer de l’imprécision. Quand je dis que je vais faire un tour, je n’ai aucune idée de l’endroit où je vais aller, je vais simplement faire un tour. Vous comprenez ?  Il peut aussi être imagé. Quand je dis que vous me faites la gueule, on voit tout de suite la laideur de votre tête…  »

« Je reconnais qu’il est facile à utiliser : je fais, tu fais, il fait… j’ai fais, tu as fais…  bien que ça se corse un peu au subjonctif. « Je veux que vous fassiez… » : il faut déjà une solide culture grammaticale pour lancer correctement cette expression. »

« Oui, mais c’est un peu pour tous les verbes pareils. Il ne faut pas trop leur en demander. « Faire » est pratique pour l’usage de tous les jours dans un dialogue populaire. Par exemple, si j’affirme que vous faites le malin, je n’ai pas beaucoup d’autre expression rapide pour dire que vous vous donnez l’allure d’un être particulièrement subtil. »

« Pendant qu’on y est, il faudrait avoir plus de considération pour le verbe « mettre » aussi… »

« Vous avez raison. Il peut être aussi très expressif. Quand je dis que « les patrons s’en mettent plein les poches », on voit tout de suite de quoi il s’agit. On imagine très facilement un capitaliste piquer dans la caisse des tas de billets pour les enfourner en toute hâte dans son grand manteau ! »

« Et pourquoi ne pas avoir plus de révérence pour le verbe « être ». Il n’y en a pas beaucoup de plus simple. Certains prétentieux vous dirent : « Mon cœur déborde de joie ». Moi, lorsque j’affirme : « je suis content ! », tout est dit en trois mots. Il n’est pas besoin d’en rajouter. On connait mon état d’esprit. »

« Oui, mais attention de ne pas trop en faire dans le registre de la simplicité. Vous pourriez dire simplement « content » pendant que vous y êtes. Il y a mille manières d’extérioriser son ravissement. Et puis le verbe « être » à ses limites. Vous ne pouvez pas l’utiliser à la place de son concurrent « avoir ». Tandis que « faire » peut s’utiliser à la place de beaucoup de confrères ou alors ne rien remplacer, se suffire à lui-même. »

« Comme dans l’expression « vous me faites suer ». Je ne vois pas bien comment dire les choses autrement. »

Une petite coupure

27 mai, 2013

Il court vite : il se taille à la moindre alerte.

Mais il n’a pas inventé le fil à couper le beurre.

Il débite des âneries.

Il se fend la pèche.

Au lieu de trancher dans le vif.

Il ne sait pas scinder les difficultés pour mieux les résoudre.

On dirait qu’il est amputé d’une main.

Je vais être obligé d’écourter mes vacances

Et d’arrêter de saucissonner sur l’herbe.

On est plusieurs

26 mai, 2013

« On est plusieurs. »

« Oui, j’ai remarqué, il y a vous et moi. »

« Non, je veux dire que chacun de nous est plusieurs. Plusieurs personnages nous habitent, vous et moi. J’en connais deux qui sont les plus importants : le J’menfoutiste et le Scrupuleux. Ils sont très opposés l’un à l’autre. Il y a des gens chez qui c’est le J’menfoutiste qui domine et des personnes pour qui le Scrupuleux est le maître. »

« Comment les reconnaît-on ? »

« Grâce au test du papier gras. »

« C’est-à-dire ? »

« Vous laissez trainer un papier gras dans la rue. Celui qui est plutôt d’accord avec son J’menfoutiste passe devant sans le regarder, le type dominé par son Scrupuleux ramasse. »

« Mais il doit arriver que le Scrupuleux du J’menfoutiste se révolte parfois ? Non ? »

« Dans ce cas, le J’menfoutiste fait appel à un autre personnage qui roupille dans la même enveloppe corporelle : le J’aipasletemps. A partir du moment où les deux s’allient l’un à l’autre, le Scrupuleux est obligé de se taire. »

« Et  sila personne qui est plutôt en accord avec son Scrupuleux a la tentation de s’acoquiner avec son J’menfoutiste ? »

« Bin… non, c’est impossible parce que le Scrupuleux ne le permet pas, sinon il ne serait pas Scrupuleux. Son J’menfoutiste essaie de se soulever mais il n’a pas beaucoup de soutien. La seule façon de bien vivre pour cette personne serait de casser la figure à celui qui est dominé par son J’menfoutiste de façon à venir en aide au Scrupuleux de ce dernier. »

« L’idéal serait donc que chacun accorde une priorité à son Scrupuleux !  Ce serait peut-être un peu ennuyeux, non ? »

« Oui, mais on en est pas là. Les gens d’accord avec leur J’menfoutiste sont très forts. C’est plutôt eux qui assomment les autres. Le J’aipasletemps, c’est l’homme de main du J’menfoutiste, vous comprenez. Le Scrupuleux, avec ses petits poings, ne peut pas grand-chose. »

« C’est un peu comme la fable du Lion et du Rat. La raison du plus fort est toujours la meilleure. C’est comme au foot aussi : à la fin, c’est toujours les allemands qui gagnent… »

« Soyons un peu moins fatalistes… Ne dites pas ça trop fort, sinon votre J’menfoutiste va se réveiller et sera ravi d’en profiter pour vous dire que vous vous fichez complètement de mes histoires et que si vous persistez à m’écouter, il va appeler le J’aipaletemps ! »

Batterie de cuisine

25 mai, 2013

Maurice n’a pas un poil dans la main.

Il se coupe en quatre pour faire bouillir la marmite.

Il ne traine pas de casseroles derrière lui.

Il n’et pas du genre à fréquenter des cocottes.

Il fait tout à la maison.

Il baigne sa petite-fille : « Au bain, Marie ! »

Pour se détendre, il joue de la batterie.

En plus il est cultivé : ce n’est pas un homme plat.

Il est aussi goal au foot, mais ce n’est pas une passoire.

Rien de rien

24 mai, 2013

Jean les avait à zéro.

L’assemblée des nuls se tenait ce jour.

Les principaux intervenants étaient absents.

Il n’y avait rien à l’ordre du jour.

La salle était presque vide.

Les discours sonnaient creux

Ou se résumaient à peu de choses.

On parlait du néant.

Ainsi que du désert.

Jean pensait à ses vacances.

Plus ça change, plus c’est pareil

23 mai, 2013

« Nous marchons tous sur la trace de nos ainés. Finalement, nous n’avons pas beaucoup d’imagination. On va à l’école, on se marie, on fait des enfants, on va au boulot, on vieillit et on meurt à la fin ».

« C’est un peu réducteur. Vous ne tenez pas compte du progrès technique. Nous vivons de manière plus confortable que les anciens ».

« Bon, peut-être. Disons qu’on ne court pas tout nu en pleine nature à la poursuite du gibier qui nous servira de pitance. Nous ne traversons plus la France à dos de cheval en trois semaines. On ne s’éclaire plus à la bougie. C’est différent, mais enfin c’est toujours pareil. On aime son voisin ou on ne l’aime pas. On est prodigue ou avaricieux. On est menteur ou honnête. On est beau et fort ou laid et en mauvaise santé ».

« Certes, mais que faites-vous du progrès  médical ? Par exemple, vous ne mourrez plu à trente ans à la moindre épidémie. Vous vous goinfrez tous les jours à la cantine, la famine n’existe plus…. »

« Oui enfin, sauf pour quelques milliards d’êtres humains dans des contrées lointaines. Et je vous raconte pas les guerres que nous ne connaissons même pas entre peuplades inconnues au fond d’une forêt exotique ».

« Bon, comme je vous connais, vous n’allez pas me dire que le sort de l’humanité vous hante chaque matin lorsque vous mettez les deux pieds sur votre bureau en commandant votre café à la secrétaire que vous maintenez en état de servilité ».

 « Je devrais peut-être penser plus aux autres. Finalement, le progrès dont nous bénéficions ne s’est-il pas accompagner d’un développement de l’indifférence ? Hein ? Dans le temps  il y avait une certaine solidarité entre nos ancêtres paysans. On s’entraidait au moment des récoltes. On se préoccupait des vieux…. Hein… Et maintenant ? »

« Vous n’avez pas de champ de blé que je sache. La civilisation rurale est finie. Il faut regarder la réalité des choses en face, on ne vit plus comme les anciens ! »

« Eh bien, on devrait peut-être ! Je vous donne un exemple d’actualité : nos aïeux avaient horreur du crédit. S’endetter était une infamie. En un mot, on ne vivait pas au-dessus de ses moyens. Si nous en étions restés là, nous n’aurions pas la crise sur les bras. Quand je vois certains s’acheter systématiquement la dernière voiture à la mode ou alors la technologie téléphonique la plus récente, je me dis où allons-nous ? »

« C’est une attaque personnelle ? »

« Euh, non. C’est une réflexion d’ordre générale. Je ne savais pas que vous changiez de voiture deux fois par an ni que vous n’aviez jamais le même téléphone ».

« Finalement, vous avez peut-être raison. Il y a des choses qui ne bougent pas d’une génération à l’autre : la jalousie, l’envie, l’avarice… »

La basse-cour

22 mai, 2013

 

Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois.

Ni poser de lapin aux autres, ce n’est pas bien.

Il est également défendu de faire l’âne pour avoir du son.

Ça ne sert à rien de hurler comme un veau.

Mettre la charrue avant les bœufs n’est pas très opérationnel.

Restons les deux pieds sur le plancher des vaches !

Ne nous attardons pas à savoir qui, de la poule ou l’œuf a conçu l’autre.

C’est la seule manière de ne pas être le dindon de la farce

Et de conduire son projet à bon port.

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