Archive pour mars, 2023

L’histoire de Georges et du sens de sa vie

31 mars, 2023

C’est l’histoire de Georges qui cherchait un sens à sa vie.

A chaque sortie de bal, il interrogeait les jeunes de son village : pourrais-je vous flanquer une raclée ? Telle était la question qu’il posait à tous. Par malheur, personne n’était volontaire. Georges se plaignit amèrement de cette pusillanimité :

— Comment pourrais-je montrer ma virilité aux jeunes filles si personne ne veut se battre ?

Pour plaire aux demoiselles, il faut les faire rire lui dit sa mère. Georges, très obéissant se mit à raconter des histoires drôles à tous les jupons des environs. Malheureusement son sens de l’humour restait assez lourdaud. Aucune des jeunes filles qui l’accostait ne s’esbaudit à ses historiettes. Georges gémit de nouveau :

— Comment faire la preuve de mon humour si personne ne rit ?

Un ami lui conseilla d’être romantique pour séduire les femmes. Georges se lança alors dans l’écriture de poèmes galants. Mais l’inspiration n’était pas au rendez-vous ; ses vers particulièrement plats n’éveillèrent aucun attention parmi la population féminine du village. Seule Lisette qui cherchait un numéro amusant pour son cabaret lui proposa un contrat.

On comprend le dépit de Georges. Aucune recette ne fonctionnait qui aurait pu lui permettre de rencontrer l’Amour.

— Me voilà bien embarrassé de moi-même, maugréa-t-il.

C’est alors que Maurice, un gros négociant, lui conseilla de montrer sa puissance financière. C’est ainsi que d’après lui, il avait connu un succès considérable auprès des femmes. Là, Georges se drapa dans sa dignité en disant qu’il n’imaginait pas que les femmes soient assez cupides pour être attirées par l’argent. Il jugea que Maurice était une personne bien vile de penser ainsi.

Malheureusement, aucune femme ne couvrit le féminisme de Georges de louanges. De guerre lasse celui-ci, pour finir sa vie, hésita entre le monastère ou la politique, puisque parti du Roi recrutait pour soutenir sa réforme des retraites.

 

 

Le petit déjeuner d’Alice

21 mars, 2023

C’est l’histoire d’Alice et de son petit déjeuner. Au début Alice mangeait des biscottes qui accompagnaient son café. Elle découvrit rapidement les deux inconvénients majeurs de la biscotte. D’abord elle exige un effort masticatoire intense dont elle ne se sentait pas toujours capable au réveil. Ensuite, le produit s’avérait fragile. Un geste inconsidéré pouvait facilement briser la biscotte; un morceau se détachait et tombait alors dans son café, entrainant une suite de désagrément dont le plus déstabilisant consistait à tenter de récupérer un morceau du produit gluant et informe. La biscotte perdait alors sa nature de biscotte.

Alice se dit alors qu’il fallait passer à la tartine de pain. Quelle décision malheureuse ! En effet, la confiture de fraise dont elle était friande s’infiltrait sournoisement dans les trous de la tartine et, selon le sens du vent, se jetait dans la tasse de café ou sur sa jolie robe.

Alice maugréa. Un ami lui conseilla le croissant. Certes, il fallait penser à l’acheter la veille dans la boulangerie de madame Duchemin, mais la bonne odeur du croissant au réveil plaidait en sa faveur. Le problème qui gêna Alice était qu’il était difficile de faire tenir une cuillérée de confiture de fraise sur le croissant comme on pouvait le faire sur une tartine. Alice contourna le problème en avalant une bouchée de croissant, puis un peu de confiture sur sa cuiller, puis une bouchée de croissante, etc. C’était une bonne tactique, mais elle n’accédait pas au moment d’intense saveur où elle pouvait déguster simultanément la chaleureuse consistance du croissant avec le goût sucré de la confiture.

— Zut de zut ! s’écria Alice légèrement dépitée.

Comment faire pour dépanner Alice ?

 

L’éco-lion

13 mars, 2023

C’est l’histoire d’un lion qui était gentil et qui s’appelait Marcel. Il se nourrissait d’un bouillon de légumes que sa femme la lionne Thérèse lui préparait le soir, avant qu’il se couche. Marcel avait le droit de rugir une fois par jour avant d’aller au lit.

Il était très ami avec les antilopes et les zèbres qu’il ne chassait pas du tout. Le samedi soir, il faisait la fête avec tous ceux qu’il aurait dû dévorer.

Les maîtres de la jungle se réunirent en conseil :

— Que va-t-on faire de Marcel ? se plaignit Alfred le crocodile. Il ne mange personne.

— Si tout le monde commence à être gentil avec tout le monde, où va-t-on ? dit le tigre Pablo avec véhémence.

— Il dit qu’un régime à base de viande ne lui convient pas, avertit Anna, la femme du léopard. Il préfère un régime à base de carottes-salades !

—Si le lion ne dévore pas les antilopes comme il se doit, nous allons être infestés par ces gazelles. Je ne peux pas dévorer à sa place, dit le léopard. Je finirai par me rendre malade.

— Hier, il a voulu fournir un effort, rapporta l’éléphant. Il s’est jeté sur un zèbre, mais celui-ci s’est écarté et le gentil lion s’est écrasé à terre.

— Et voilà, ajouta le condor, non seulement il ne fiche rien de la journée, mais encore il va nous coûter des frais d’hospitalisation. Qu’il respecte la nature de sa nature !

La tourterelle déclara qu’elle avait une idée. Personne ne connaissait la raison de la présence d’une tourterelle dans une assemblée de bêtes sauvages. Aussi, on se méfia. Elle trouva néanmoins la solution. On estima que pour une bête immigrée, elle n’était pas bête.

— Nous pourrions dire que Marcel est le premier éco-lion. Dès qu’il y a « éco » quelque part, les hommes accourent pour s’emparer du produit. Ils pourraient nous libérer de Marcel.

PS : Le président des animaux, le crocodile Alfred trouva ce conte animalier stupide, mais il fut ravi de se débarrasser d’un lion encore plus bête.

 

 

 

 

Soyons moroses !

8 mars, 2023

C’est l’histoire de Jean, le fils de madame Loubard qui vendait des serpillières. Le jour, Jean aidait sa mère au magasin de serpillières. Lorsqu’un client achetait une serpillière bas de gamme, Jean lui jouait un air d’harmonica pour l’encourager. Pour l’achat d’une serpillière de couleur, l’acheteur avait droit à un air de saxophone. Pour la serpillière premium, Jean prenait sa cornemuse et sa mère dotée d’une très belle voix entonnait « Amazing grâce ».

Les clients adoraient venir dans la boutique de madame Loubard. La vente de serpillière prit un essor considérable. Pour le plaisir d’entendre la musique de Jean, les clients constituaient des stocks de serpillières.

Un concurrent de madame Loubard, monsieur Tournevisse voulut se servir du concept commercial qu’elle avait inventé. Lui vendait des sacs poubelles. Il trouva astucieux de se spécialiser dans les sacs de 30 litres. Lorsque les clients arrivaient dans sa boutique, un chanteur d’opéra qu’il avait embauché faisait entendre sa voix profonde dans  les grands airs classiques. Les clients s’empressèrent dans le magasin de monsieur Tournevisse. Dans les ménages, on ne savait plus où ranger les sacs poubelle.

De nombreux commerçants prirent le même genre d’initiative. Par exemple, un constructeur automobile  mobilisait un orchestre symphonique pour récompenser les acquéreurs de ses modèles. Le gouvernement, informé de ces succès, offrit une séquence de rap chaque fois qu’un contribuable payait ses impôts. Les banques mirent en place un concert de rock alternatif pour tout dépôt d’argent. Dans les collèges et lycées, chaque bonne note était saluée de l’hymne national.

Les gens étaient ravis de payer des impôts. Ils se précipitaient pour sortir leur argent de leurs armoires et le déposer en banques. La plupart des élèves travaillaient très bien. Madame Lombard et monsieur Tournevisse décidèrent de se marier, à eux deux ils avaient accumulé une fortune considérable.

Mais le Diable veillait. Une sorte de mécanisme pervers se mit en place. Pour Lucifer, le bonheur ne devait pas exister, surtout accompagné de musique. Il soutenait que cela créait beaucoup trop de chômage : les journalistes ne pouvaient plus relater de catastrophes, les politiciens n’avaient plus rien à faire, les gens qui n’aimaient pas la musique déprimaient…

Comme souvent dans cette population, un parti des « antis » (bien aidé par Lucifer) se souleva, exigea et obtint la fin de toute réjouissance musicale sauf le 14 juillet. C’est ainsi que naquit un pays submergé par la grisaille, la tristesse et la morosité du quotidien.