Archive pour janvier, 2019

En prison, l’écrivain !

31 janvier, 2019

« Allez hop ! En cellule l’écrivain ! »

« Qu’est-ce que j’ai fait ?

« Vous écrivez ! Ne mentez pas ! On vous a vu ! »

« C’est défendu ? »

« Oui ! Vous donnez des idées aux gens ! Vous vous rendez compte de ce qui va arriver si les gens trouvent les bons mots pour s’exprimer. »

« Ce serait plutôt sympa, non ? »

« Non pas du tout. Il y a des lois pour restreindre le vocabulaire, sinon on ne s’en sort plus. »

« Bon, alors qu’est-ce qu’on peut dire ? »

« Des trucs comme : ça va, bonne année, c’est clair, t’as vu le match hier soir, qu’est-ce qu’on bouffe ce soir…. C’est bien suffisant. »

« Vous croyez que je vais pouvoir bâtir un roman avec ce genre d’expressions complètement nulles. »

« Ce n’est pas mon problème. Au-delà de 500 mots de vocabulaire, les gens deviennent intelligents et dangereux, c’est scientifiquement prouvé. Donc des lascars comme vous, c’est la direction prison, sans discuter. »

« Alors, on va se retrouver entre gens intelligents en prison. Et je vais en sortir plus intelligent que je n’y suis entré. »

« Non, car il y a des cours de rééducation. »

« Ah bon, comment ça marche ? »

« On vous réapprend les mots homologués et les expressions autorisées : truc, machin, c’est naze, je vais me déchirer, keum, meuf, bouffon… Il y a un cours d’onomatopées pour les cas où vous envisagez d’exprimer quelque chose : bof, beurk, waoouh… »

« Mais je ne peux pas oublier les autres mots. »

« Tout mot employé n’appartenant pas à la liste officielle entraine une lourde amende, ça vous fera passer l’envie de faire le malin. »

« Waaoouh… »

« Voilà, ça commence à rentrer. »

Est-ce que…

30 janvier, 2019

L’escadre

Fait escale.

Sur un escorteur,

Une escarmouche pour une mouche.

Un escogriffe sort ses griffes,

Un escroc montre ses crocs.

Depuis un cargo, un escargot dit go.

Tandis que l’eskimo ne dit mot.

Les services publics

29 janvier, 2019

« Eh voilà, c’est terminé ! Dans le temps, on pouvait vouer le personnage aux gémonies ! Le percepteur des impôts était honni, vilipendé, moqué ! C’était chouette, on pouvait se défouler. »

« Maintenant, c’est fini. Avec le prélèvement à la source, on ne va même plus s’apercevoir qu’on paie des impôts. Contre qui allons-nous exercer notre rancœur ? »

« C’est vrai, le gouvernement ne prend pas assez en compte notre besoin de détester l’autorité. »

« Il y a bien les patrons… »

« Encore faut-il en avoir un ! Et puis ce sont eux qui nous paient. »

« C’est vrai ! Je pourrais détester le facteur… mais maintenant, je n’ai plus beaucoup de courrier…  Je ne le vois plus que pour le calendrier ! »

« Au train où vont les choses, on va être obligés de se détester entre nous. Ça vous dérangerait si je dis du mal sur vous ? »

« Je vous en prie, faite comme bon vous semble. D’ailleurs, j’aimerais volontiers vous rendre la pareille. »

« Il faudrait que vous me fassiez une crasse. Bon… attendez, je vais vous prêter 1000 euros et vous ne me les rendrez pas. Qu’est-ce que vous en pensez ? »

« Rien parce que je vous ai prêté 1000 euros, il y a un mois dont j’attends toujours le remboursement. »

« Vous ne m’arrangez pas. »

« J’ai une proposition : on ne peut plus détester le facteur, on va donc se moderniser : détestons notre fournisseur d’accès Internet. »

« Très bonne idée, il y a de quoi dire. Dès que vous avez le moindre problème, il n’y a plus moyen de joindre quelqu’un de compétent. Je ne vous pas les coûts téléphoniques ! »

« Et le gouvernement qui s’en fout, évidemment ! »

« Ah, ça va mieux ! On peut enfin dire du mal de quelqu’un ! »

« Oui, mais quand même, le percepteur, c’était une figure locale. On avait un service de détestation à portée de mains, encore un service public qui disparait ! Plus de curé, plus de bistrotier, plus de percepteur… »

Beau mois de mai

28 janvier, 2019

Tu sais,

En mai,

Dans la baie,

C’est la paix.

Derrière la haie

Un geai

Naît.

C’est fait.

 

Mes limites

27 janvier, 2019

« Vous avez dépassé les bornes. »

« Lesquelles ? Les miennes ou les vôtres ? »

« Les miennes, bien entendu. Les limites de ma patience ont été violentées.  Je suis outragé. »

« Pas de problème, je vais reculer : je n’avais pas vu les panneaux indicateurs. »

« Faites attention en reculant, vous risquez de dépasser mes limites du bon goût. »

« Mais vous en avez combien des limites ? Vous semblez très limité ou alors très susceptible. »

« Il faut également tenir compte des limites de mon intelligence, de mon courage et de ma bonne volonté. »

« Je vois : on ne va pas très loin avec vous. »

« Oui, je suis quelqu’un de très limité. Et je défends ardemment mes frontières. C’est pour ça que je dois vous reconduire chez vous. »

« Donc vous n’aimez pas les migrants ? »

« Surtout ceux qui dépassent les limites. »

« Vous délivrez des visas ? Comme ça je pourrais dépasser vos limites ? »

« J’ai une politique de quotas. Je ne veux que des personnes qui supportent mes habitudes à l’intérieur de mes limites. »

« C’est très restrictif. Et vous ? Vous dépassez souvent les limites des autres ? »

« Je m’aventure chez les autres seulement lorsqu’ils respectent mon mode de vie. Je ne vais tout de même pas aller chez quelqu’un qui n’a pas les mêmes marques de céréales que moi ! »

« En effet, ce serait délicat. Mais si chacun reste à l’intérieur de ses limites, le monde ne va pas beaucoup progresser. J’ai peut-être des habitudes qui pourraient être importées à l’intérieur de vos frontières. »

« Non, ça pourrait me déstabiliser. »

« Dépasser mes limites, mon vieux ! Je suis sûr que vous vous sentirez mieux. »

« Bon d’accord, mais n’en profitez pour dépasser mes bornes, pendant que j’ai le dos tourné. J’aime bien les échanges internationaux à condition d’être le seul à en profiter. »

Bonnet d’âne

26 janvier, 2019

Ha ! Ha !

L’âne

D’Anne

A une âme.

Sans hâte,

Il fait de l’art.

C’est un as.

Ah non !

Il ne veut pas d’anon.

Hon, hon !

25 janvier, 2019

Bon !

Dans le fond,

Je n’ai pas un rond.

Non,

Je ne ferai pas de don,

Même si vous haussez le ton.

Je vais plutôt cueillir des joncs

En amont

Du long

Pont.

Re-looking

24 janvier, 2019

« Il y a une grave injustice. »

« Ah bon ? Qu’est-ce qui vous arrive encore ? »

« Vous les filles, vous avez mille produits de beauté : maquillage, crème apaisant, revigorante, défoliante, shampooing doux, pour cheveux longs, courts, des trucs pour donner de la profondeur ou de l’éclat à votre regard… Bref, vous avez les moyens d’être belles en toutes circonstances. Pendant ce temps-là, moi je suis moche. »

« Mais non, mais non, qu’est-ce que vous me chantez là ? »

« Si, si, je suis moche. Ma seule façon d’espérer briller en société, c’est la carcasse. En bougeant ma carcasse par le sport, je peux peut-être me faire remarquer autant que vous. »

« Mais c’est bien de faire du sport, on n’est pas obligé d’être moche pour ça. »

« C’est beaucoup plus fatigant que de se relooker. Après huit ans d’abdos, j’attends toujours mes tablettes de chocolat. »

« D’accord, mais vous avez la santé. »

« Et mes épaules, vous ne les trouvez pas intéressantes ? Pourtant je me défonce dans les exercices de muscu ! »

« Euh… moi, j’aime bien vos avant-bras, si ça peut vous soulager. »

« J’aurais préféré que vous louiez la puissance de mes mollets, mais enfin bref… va pour les avant-bras. »

« De toute façon, c’est l’allure générale qui compte, arrêtez de vous découper en tranches ! »

« Là, je crois que je progresse. Vous avez vu la souplesse de ma démarche. Et la fluidité de mes gestes, qu’est-ce que vous en pensez ? »

« Si vous pouviez arrêter de dodeliner de la tête quand vous avancez… On dirait un bovin qui va au champ. Tenez votre regard haut. »

« Comme ça ? »

« Oui, et puis alors, si vous pouviez essayer de ne pas marcher en canard, on se croirait dans une basse-cour. »

« Bon, je vous dois combien ? »

Complaisance

23 janvier, 2019

« Je suis assez complaisant, mademoiselle. »

« En général, ce n’est pas très bien vu. Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »

« Je sais m’adapter au goût des autres. Par exemple, si vous aimez l’art, je peux vous accompagner avec plaisir dans les musées pour partager votre intérêt. »

« Je vois, mais si vous en faites trop, ça devient de la flatterie, je dirais même de la flagornerie. »

« Et voilà ! Dès qu’on essaie d’être agréable, on se fait stigmatiser. »

« Ne vous énervez pas. Moi, je veux bien que vous m’accompagniez dans les musées, mais à condition que ça ne soit pas pour faire comme si nous avions des centres d’intérêt commun de façon à me séduire, si vous voyez ce que je veux dire. »

« Vous me soupçonnez de bien viles intentions, mademoiselle. »

« Le mieux, ce serait peut-être que soyez complaisant avec vous-même. C’est-à-dire savoir ce qui vous plait vraiment et connaitre les plaisirs que vous avez vraiment envie de partager avec d’autres. »

« Vous avez raison. »

« Attention, j’ai parlé de plaisirs pas de vices. Ne vous complaisez pas dans l’alcool et le tabac par exemple. C’est très mal. »

« Loin de moi cette pensée. Je me complais dans la course à pied. C’est bien ça ? »

« Oui, mais gare aux excès. Si vous vous accordez trop d’importance, nous frisons la vanité. Ne soyez pas trop complaisant avec vous-même. »

« Si je comprends bien la notion de complaisance est subtile. Il faut s’intéresser à soi-même, mais pas trop, pour ne pas avoir l’air vaniteux. Il faut aussi s’intéresser aux autres, mais pas trop pour ne pas avoir l’air de les flatter. »

« Oui, en gros c’est ça. C’est l’école de la juste mesure. »

« Eh ben, ça ne m’intéresse pas beaucoup. Je veux m’intéresser fortement à moi-même d’abord pour me connaitre à fond et puis – on ne sait jamais – parce que je suis peut-être intéressant. Et puis, je veux aussi m’intéresser fortement aux autres, parce que je suis curieux et qu’ils peuvent me faire découvrir des trucs passionnants dont je ne soupçonnais pas l’existence. »

Paul, l’idole

21 janvier, 2019

A l’école

Paul

Est une idole.

C’est un pipole

De haut vol

Qui picole

Et se hausse du col.

On en rigole.

Ça lui fait une belle guibole.

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