La bêtise
31 mai, 2018« C’est contagieux la bêtise ? »
« Certaines sortes de bêtise peuvent être très virulentes. Le meilleur moyen de ne pas être infecté, c’est d’être bête soi-même. C’est comme si on était vacciné. »
« Y-a-t ’il des symptômes, docteur ? »
« Oui. Si vous confondez Astérix et Vercingétorix, c’est que ça ne va déjà pas fort : il faut consulter. Lorsque vous vous avachissez tous les soirs devant votre télé, c’est déjà plus grave. Ça devient très préoccupant quand vous insulter tout le monde derrière votre volant ou que vous dénigrer tous vos collègues autour de la machine à café. »
« Comment peut-on en guérir, docteur ?»
« La bêtise, c’est comme le chiendent, on ne l’éradique pas facilement. Dans certains cas, les patients vivent très bien avec, ils forment la population qu’on appelle couramment : les imbéciles heureux. »
« Oui, mais encore… si je veux m’en sortir ? »
« Le mieux, c’est de fréquenter des gens intelligents dotés d’assez de générosité pour supporter votre présence, mais c’est rare. »
« Il n’y a pas de personnel spécialisé ? »
« Non, et c’est bien dommage. Mais il y a un personnel mort qui peut aider. Il suffit de lire les classiques : Voltaire, Montaigne, Diderot, etc… Bref, des gens qui ont réfléchi à la vie. »
« N’y a-t ’il pas un risque de confondre bêtise et connerie, docteur ? »
« Si ! Vous avez raison. La connerie, ce n’est pas plus grave, mais c’est plus gênant pour les autres. Le con n’est pas forcément bête. Il peut utiliser son niveau d’intelligence pour embêter les gens. Par exemple, celui qui vous dénonce parce que vous tondez votre pelouse le dimanche matin, il a juridiquement raison, mais il est un peu con quand même. »
« La nuance est très subtile. »
« Oui, d’autant plus que les deux pathologies sont souvent liées. Dans mon cabinet, je rencontre beaucoup d’individus à la fois bêtes et cons. »
« La connerie n’est-elle pas plus sournoise ? »
« Si, vous avez raison. Elle peut infecter n’importe qui, n’importe quand. Depuis que nous parlons, j’ai même peut-être sorti des conneries sans m’en apercevoir. Heureusement, ça passe rapidement. La connerie devient dangereuse lorsqu’elle est permanente. »
« Certains arrivent à s’en tirer en présentant des regrets. »
« C’est un excellent remède. Ceux qui regrettent leurs conneries s’en sortent au moment même où ils prononcent leur regret. Mais il faut faire attention, c’est une rémission qui peut être très temporaire. Le patient peut replonger rapidement. »
« Bon, à tout prendre, moi je préfère être bête. »