Archive pour juillet, 2014

Réflechissons

31 juillet, 2014

« Maintenant avec l’informatique, tout va beaucoup plus vite. On gagne du temps. »

« Oui, mais on réfléchit moins. On sait qu’on peut recommencer facilement si on se trompe, donc pourquoi réfléchir  à ce qu’on fait. »

« Ah bon ? »

« Dans le temps, quand je faisais un tableau de chiffres, il fallait bien réfléchir au nombre et à disposition des colonnes dont j’avais besoin. Maintenant, avec Excel, on s’en fiche, on a autant de colonnes que l’on veut. Donc, on se lance sans trop y penser. »

« C’est un progrès. »

« Si on veut. Autre chose : avant, quand on faisait des tableaux de chiffres, on écrivait, pour ne pas se tromper dans l’opération,  les unités en dessous des unités, les dizaines en dessous des dizaines et ainsi de suite. Maintenant avec Excel, on écrit nos nombres n’importe comment et ça marche quand même. On ne sait pas pourquoi ça marche, mais on s’en fiche complètement. »

« Avec l’informatique, il n’y a jamais de soucis ou d’erreurs. »

« C’est vrai la plupart du temps, mais pas toujours. Quand il y a une erreur, il faut se pencher sur la logique de l’ordinateur pour la trouver. Et comme on a perdu l’habitude de réfléchir aux fondements de ses constructions intellectuelles, on est un peu perdu. Pire, on ne s’aperçoit pas forcément que l’ordinateur fait une erreur. »

« Donc, vous êtes contre l’informatique. »

« Pas du tout. Mais je pense que l’automatisation des tâches génère une sorte de paresse intellectuelle. Aujourd’hui, quand vous soulevez le capot de votre voiture vous tombe nez à nez avec un ordinateur, vous ne savez plus reconnaitre les pièces traditionnelles d’un moteur à pistons. Nous confions aussi notre savoir-faire à la machine. »

« Vous ne seriez pas un nostalgique du passé. »

« Un peu. Vous savez comment marche votre machine à laver, vous ? Moi, non plus. Je me contente de prier pour qu’elle fonctionne quand j’en ai besoin. Voilà où nous en sommes : nous ne dominons plus les instruments que nous avons créés et pire, nous les élevons au rang de dieux qu’il convient de supplier. »

« Vous exagérez ! »

« Pas sûr. Le problème qu’on a dans un monde où tout est automatisé, c’est de trouver des circonstances où nous pouvons faire fonctionner nous neurones. »

« Les mots fléchés, c’est bien. Ou alors les jeux débiles sur Internet. »

« Oui, mais on peut aussi lire, s’intéresser à la musique, à l’histoire. »

« Ouh, là, là ! C’est complique. Si vous croyez que j’ai le temps. Il faudrait m’inventer une machine qui se cultive à ma place. »

« Vous n’avez pas envie de réfléchir par vous-même ? »

« Comment on fait ? »

Championnat de natation

30 juillet, 2014

Maurice est en nage

Car il chasse le papillon

Il a mal au dos

Et au bassin

Il va s’allonger sur une planche

C’est sa bouée de sauvetage.

Dans son sommeil, il brasse des rêves de grandeur

Mais il ne décroche jamais la palme.

Rêves de jeunesse

29 juillet, 2014

« Je régresse. »

« Moi aussi, je recule. Vous ne pouvez pas vous abaisser autant que moi. »

« Vous plaisantez ! Au début, je voulais porter secours aux affamés d’Afrique ou alors être vedette de cinéma ou encore PDG d’une multinationale. »

« Et alors ? »

« Je suis employé municipal. Dans les bureaux, mais enfin tout de même.. c’est une sacré chute ! »

« Les employés municipaux sont des gens très honorables. Votre destin n’est pas si tragique que ça. Alors que moi, je voulais être Ministre de la République. »

« Pff.. vous êtes tout de même apprenti boulanger à 43 ans, vous êtes parti de bas pour aboutir pas bien haut. On ne peut pas parler d’une chute. Vous ne pouvez pas être aussi traumatisé que moi. Vous vous rendez compte : j’ai dû abandonner toutes mes rêveries d’adolescent. »

« Moi aussi, je rêvais d’un poste de Ministre de l’Agriculture, j’aurais donné des ordres à tout le monde… et maintenant, j’ai du mal à me diriger moi-même. Je n’ai même pas de chauffeur à ma disposition. »

« En même temps vous n’avez pas de voiture… Moi ce qui me manque, c’est ce sentiment d’exaltation qu’on ressent lorsqu’on voue sa vie à secourir celle des autres. »

« C’est un peu orgueilleux. Vous devriez vous contenter de gérer celle de vos concitoyens. Il parait que vous prenez cinq semaines de vacances, cet été. »

« Et alors ? Vous ne croyez tout de même pas que je vais leur faire cadeau de mes RTT. Et vous dans la boulange, on me dit que vous faites la sieste tous les jours. »

« Oui, mais je fais partie des français qui se lèvent tôt pour gagner durement leur vie. Ah ! Si j’avais été Ministre, je pourrais faire la sieste aussi, mais personne n’en parlerait. Mais j’y pense… vous pourriez encore partir en Amérique du Sud, il parait qu’il y a encore une misère noire là-bas. »

« Vous rigolez ? Et qui c’est qui va arroser mes géraniums pendant ce temps ? Et puis, je dois emmener les enfants au Lavandou au mois d’août. Il faut qu’ils passent du temps avec leur père sur la plage… »

« Et les miséreux ?… Moi quand j’aurais fini mon apprentissage, je distribuerai gratuitement des croissants aux SDF…. Enfin, pas trop parce qu’avec les taxes et les charges… vous voyez ce que je veux dire… »

« Euh… non pas trop … mais c’est bien d’y penser… on n’est pas obligé de le faire… Moi, j’avais pensé aussi à aller manifester en Chine pour la liberté dans le monde… Mais il y a des formalités et puis Monique dit que je ferai mieux de commencer par m’occuper d’elle au lieu de faire le malin en paroles. »

En arrière, en avant

28 juillet, 2014

Nous avons une belle arrière-saison

Avec un arrière-goût d’été

Dit mon arrière-grand-mère.

Elle porte une robe d’avant-garde

Offerte par son époux qui joue avant-centre

Dans l’équipe qui est avant-dernière.

Elle a encore perdu avant-hier

C’est un signe avant-coureur :

Désormais, il jouera à l’arrière.

Soucis quotidiens

27 juillet, 2014

« Ce n’est pas normal, je n’ai encore eu aucun pépin aujourd’hui. »

« Pourquoi voulez-vous être embêté à tout prix ? »

« Parce que c’est tous les jours comme ça. Le paquet de café qui est vide quand je me réveille, des travaux ou un accident imprévus qui vont me mettre en retard au bureau, la secrétaire qui est restée chez elle pour garder son gamin soi-disant malade, mon PC qui tombe en rade…. Eh bien, rien de tout ça aujourd’hui ! Vous trouvez ça normal ? »

« Ce n’est pas habituel, en effet. »

« Ça me déstabilise. Je suis en train de me demander quelle tuile va me tomber sur la tête. Vous comprenez, quand vous avez des ennuis toute la journée, vous vous blindez. Un de plus, un de moins, ça n’a pas d’importance. Le soir venu, vous pouvez accueillir sereinement le carnet de note de votre fils ou les reproches de votre femme. Par contre, lorsque vous avez été épargné toute la journée, un rien peut vous agacer, et alors là tout peut partir en vrille ! »

« Vous avez raison, il faudrait qu’on embauche quelqu’un qui serait chargé de soulever des problèmes de façon à ce que nous soyons toujours sur le qui-vive. »

« En attendant, j’en suis réduit à me mettre à coté de Ludo à la cantine. Il va encore me parler foot, ça va me gâcher mon repas. C’est toujours ça de pris. »

« Impossible, Ludo est en congé ! »

« Génial ! C’est mon premier accroc de la journée. Je ne peux même pas compter sur Ludo pour me pourrir ma pause méridienne. »

« Et si je demandais à Mauricette de se tromper dans mes photocopies ? »

« C’est impossible. Comme elle fait tout à l’envers, elle va vous rendre vos photocopies parfaitement triées ! »

« Bon, je suis coincé alors ! »

« Désolé, je  ne peux tout de même pas vous faire cadeau de mes soucis d’aujourd’hui. Moi, ça va plutôt bien. Je suis enrhumé, j’ai accroché ma bagnole dans le parking, la femme de ménage a renversé son café sur mon PC, je sors d’un entretien d’évaluation avec Dugenou… On ne fait pas plus pourrie comme journée. »

« Veinard ! C’est toujours les mêmes qui ont de la chance ! Je devrais venir en bagnole peut-être… ou bien bousculer la femme de ménage ou alors demander un autre entretien d’évaluation à Dugenou… »

« Euh, vous habitez à cinq minutes à pied. Madame Bardin est dotée d’une certaine carrure qui la rend difficile à bouger. Quant à Dugenou, il m’a dit qu’il ne peut plus nous voir en peinture. Il a parlé d’une bande de branquignols à notre sujet ! »

« J’ai une autre idée : je vais goûter suavement à la vie. Je vais commencer par prendre une quatrième pause cigarette. »

Les dégats de la désertification rurale

26 juillet, 2014

« Je reçois de moins en moins de courrier, bientôt le facteur va disparaitre. »

« C’est le sens du progrès. »

« Après la disparition du bistrotier, de l’instituteur, du  curé, du cantonnier… Qu’est-ce qui va rester du village d’autrefois avec le progrès ? »

« Le dépanneur informatique… »

« Mais on ne peut plus parler avec lui, il dit des mots étranges : système, Windows, ouifi, etc… avant on pouvait colporter des ragots. Avec lui, on ne colporte plus. »

« Mettez-vous à twitter, on peut colporter… »

« Oui, mais on ne voit pas la tête des gens quand on colporte. Ce qui est intéressant, c’est de voir votre interlocuteur pendu à vos lèvres quand vous dites du mal des autres. »

« Bon, je vois, Monsieur est opposé aux nouvelles technologies…. »

« Non, pas forcément. Je suis pour l’invention d’un humanoïde auquel je pourrais dire n’importe quoi et qui me renverrait des émotions stupides comme dans le temps, quand je discutais trois heures avec la boulangère pour dire du mal de la mère Dupin qui en faisant autant de son côté avec la mère Durand, la postière. Ça, c’était de la vraie vie ! »

« C’est-à-dire que pour inventer des humanoïdes aussi bêtes que vos copines, il va falloir faire fort. Je ne sais même pas si les japonais en seront capables. Raconter n’importe quoi à n’importe qui, n’importe quand, juste pour se sentir exister un moment dans les yeux d’autrui, c’est quelque chose de profondément humain… »

« Bon, alors…. Engageons des chômeurs. Ils iraient de maison en maison pour discuter sans raison. Ils écouteraient les états d’âme des uns et des autre et véhiculeraient les rancœurs, les rumeurs infondées, les mensonges…. Ça mettrait un peu d’ambiance. Ce serait les troubadours des temps modernes. Je pourrais dire tout le mal que je pense de la mère Dupin sans risque… »

« Euh… je crois que la mère Dupin est décédée l’an dernier… Elle n’a pas de descendance..  »

« Ah, mince ! Qu’est-ce je vais pouvoir raconter maintenant. Il faudrait que les chômeurs-troubadours aient aussi pour mission de nous aider à commérer. Ils auraient une réserve de rumeurs et de ragots pour que je puisse déverser ma bile sur quelqu’un…. »

« Mais sur Twitter… »

« Vous rigolez… Il y a plein de gens qui surveillent : la cyber-police, les journalistes, les politiques… on ne peut plus être méchant tranquillement sans que ça ne fasse tout une histoire. Autrefois, on entretenait des rivalités de clan dans le village et personne ne venait nous dire que c’était très mal. Mais comme tout le monde part… je ne peux même plus m’énerver autrement que de manière courtoise après moi-même ou le chat, à la rigueur. »

Un homme de couleur

25 juillet, 2014

Henri est un vert-galant

Il a de l’expérience, ce n’est pas un bec-jaune.

Il est toujours bronzé grâce à des séances d’ultra-violets.

C’est aussi un cordon-bleu

Amateur de pâtisserie, il aime la forêt-noire

En hiver, il utilise son grille-marron

Et ses ustensiles en fer-blanc.

Pour se porter chance, il a un gris-gris

Et un rouge-gorge, nommé Victor

Les félins

24 juillet, 2014

Louise est une couguar

Qui circule en jaguar

Son auto a un tigre dans le moteur

Elle fait du sport vêtue en Puma

Elle est coiffée à la lionne.

Louis la courtise, mais il a une haleine de chacal

Un rire d’hyène

Elle lui préfère Martin, son chat siamois.

Ca balance

23 juillet, 2014

Lancelot du Lac

Est venu à Lens

Pour honorer l’ancêtre de sa famille

L’Anselme

Qui s’est battu à coups de lance

Malgré une douleur lancinante

Contre une armée de lance-pierres.

Son histoire, Lancelot l’enseigne aux écoliers.

Panurgisme

22 juillet, 2014

« J’aime bien les lieux communs. C’est rassurant : quand j’en sors un, je suis sûr de ne pas être contredit puisque tout le monde est d’accord, sinon ce ne serait pas un lieu commun. »

« Autrement dit, vous êtes content de masquer votre manque d’imagination. »

« Absolument, quand je dis qu’après la pluie viendra le beau temps, je n’ai pas à chercher plus loin. D’ailleurs, je ne vois pas bien ce qu’on pourrait dire d’autre. Et puis, c’est une phrase qui peut être pris dans un sens abstrait, ce qui me donne l’air encore plus intelligent. »

« Si je comprends bien, vous avez une réserve de phrases qui vous permet d’intervenir n’importe quand sur n’importe quoi. »

« Oui, mais ce n’est pas si simple que ça. Il faut une grande pratique pour en arriver là. Par exemple, si je dis que le risque zéro n’existe pas, je peux participer de manière pertinente aussi bien à une discussion sur l’énergie nucléaire qu’à une conversation sur le prochain match de foot de l’équipe de France. »

« On pourrait vous reprocher votre manque de réflexion. »

« Peut-être, mais je n’ai pas envie de proférer des idées qui pourraient être facilement attaquées puisqu’elles ne font pas partie des « idées reçues ». Je me sentirai offensé. Par exemple, je dis que « les politiciens sont tous des pourris »…   ou que les « nordistes sont des gens chaleureux », ce qui a été scientifiquement prouvé par la chanson d’Enrico Macias. Personne ne peut me contredire. »

« Il y a pourtant des exemples du contraire, ça ne vous gêne pas. »

« Non, je peux très bien m’en tirer en sortant le lieu commun  de secours : à toute règle, il y a des exceptions ! Avec ça, on dépasse toutes les contradictions. »

« Vous vous rendez compte que certains lieux communs sont complètement faux. Par exemple : la vérité sort de la bouche des enfants… Quand je pense à tous les bobards que me raconte mes gamins… »

« Evidemment, si vous ramenez tout à votre cas personnel… Il faut comprendre qu’on parle de l’enfant idéal, complètement innocent… Et puis quand le mien me dit que vous n’êtes qu’un bouffon, ça m’évite d’avoir à le dire, tout en me réfugiant derrière ce qu’il vient de dire puisque selon le proverbe, c’est la vérité ! »

« Finalement, les lieux communs permettent de manipuler les autres avec l’accord général. Vous pouvez éviter de faire ce qui ne vous plait pas ou ce que vous considérez comme inutile en disant simplement : en théorie, vous avez raison ; en pratique, c’est trop compliqué. En vous donnant l’air de vous placez du côté des gens « pratiques », vous êtes sûr de gagner l’assentiment des autres qui n’aiment pas les théories parce que ça les oblige à réfléchir. Les théoriciens sont des gens qui réfléchissent, donc des gens mal vus. »

« Absolument, il faut se débrouiller pour utiliser le panurgisme général à son profit. Si on commence à utiliser des arguments de fond… »

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