Archive pour juin, 2017
Un romantique
29 juin, 2017« Je fais partie de ces andouilles sentimentales qui aiment bien aimer et aussi qu’on les aime. »
« Oh, mon pauvre ! Ce n’est pas trop dur ? »
« Si un peu ! Les gens se moquent de moi. »
« C’est qu’aujourd’hui, vous n’êtes plus à la mode. Il faut se ficher complètement des sentiments. Et quand on en a, il faut faire comme si on en n’avait pas. »
« Je peux écrire des vers romantiques à ma bien-aimée ? »
« Sûrement pas. Elle va s’écrouler de rire. Pourquoi pas aller lui chanter quelque chose sous son balcon pendant que vous y êtes ? »
« Bon alors, je l’emmène sur la plage abandonnée, au mois de novembre, quand il n’y a personne et nous courrons dans les vagues avec de grands rires d’adolescents. »
« A la rigueur, mais elle risque d’avoir froid. »
« C’est que j’ai envie de me sentir transporté, moi ! »
« Ce n’est pas possible. Il faut gérer vos affaires de cœur comme un processus industriel, avec des objectifs, des contrats de mission, tout ça…. quoi ! De toute façon, ce sera un truc à durée déterminée. »
« Evidemment, si on commence comme ça, ça ne va pas aller loin. »
« D’abord, vous avez une copine ? »
« Bin… non. J’essaie simplement de construire une offre commerciale, mais si je ne peux même plus proposer des mots doux ou des diners à la chandelle, je fais comment ? »
« Il vous reste les sorties en boite. »
« Là où la musique est tellement bruyante que personne n’entend ce que je dis. »
« Oui, de toute façon, ce n’est pas très intéressant. L’essentiel, c’est de s’enivrer à deux, de façon à ne plus savoir ce que l’on fait ensuite. »
« Bon d’accord. Et le lendemain, je l’emmène sur une plage déserte pour se rouler sauvagement dans les vagues… »
« Pas du tout. Le lendemain, elle file à toute allure parce qu’elle a une réunion de service. Avec un peu de chance, elle dit : on s’appelle. »
« Donc, je lui envoie des fleurs à son bureau. »
« Toujours pas, parce que ses copines vont se marrer bêtement et elle a horreur de ça. »
« Alors, je fais quoi. Je ne vais pas aller à la plage tout seul ! »
« Vous ne faites rien. Si rien ne se passe, c’est bon signe. On est dans une époque où ne rien faire est une démonstration d’affection. Dites-vous bien qu’elle pourrait vous dire de lui lâcher les baskets. Et vous traiter de gros naze par la même occasion. »
Une histoire de moines
28 juin, 2017Lieux communs
27 juin, 2017« Je vais dire un truc qui va prendre place dans le grand livre des lieux communs. »
« Allons-y. Je m‘attends à tout. »
« Le temps passe à la vitesse de l’éclair. »
« Effectivement, c’est du lourd ! »
« Vous en avez de bonnes. Les hommes ont inventé le langage pour se comprendre entre eux. Ensuite, ils ont créé les lieux communs pour non seulement se comprendre, mais aussi ne pas se surprendre mutuellement. »
« Pourtant, c’est agréable d’être surpris. »
« Si je vous dis que le temps passe à la vitesse du faucon pèlerin (l’un des animaux les plus rapides), vous allez en rester coi et me prendre pour un original, ce qui est très déplaisant pour moi. »
« Si je comprends bien, il vaut mieux se dire des banalités. »
« Sauf si j’ai envie de faire mon malin, mais alors, il faudrait que vous me demandiez quelle est la vitesse du faucon pèlerin. »
« D’accord. Quelle est sa vitesse ? »
« Quand il est en grande forme il peut atteindre 390 Kilomètres-heure. Le TGV est enfoncé ! Si vous partez en même temps de Lyon, c’est lui qui vous attendra à Paris ! »
« Allons bon, ça vaut le coup de vous parler. Je peux dire un autre lieu commun ? »
« Je vous en prie. »
« La vérité sort de la bouche des enfants. »
« On voit bien que vous n’avez pas les miens. Comme manipulateurs on ne fait pas mieux. C’est un lieu commun idiot, comme il en existe tellement. Il faudrait dire ‘menteur comme un sale gosse’. »
« Bon, je vais en dire un autre pour passer le temps : l’erreur est humaine. »
« Sûrement pas, elle peut très bien être animale. Le corbeau qui – bassement flatté par le renard – lâche son fromage ne commet-il pas une erreur ? »
« Le lieu commun rassure. Si je vous dis que l’erreur est humaine, c’est pour que vous ne vous sentiez pas seul quand vous vous gourrez. »
« C’est sympa, mais c’est faux. C’est une phrase qui met l’accent sur mes erreurs ! »
« Le mieux serait de se dispenser d’émettre des lieux communs. »
« Si on est obligés de dire des choses intelligentes et originales chaque fois qu’on ouvre la bouche, on ne va plus se dire grand-chose. »
« C’est vrai. Alors gardons les lieux communs qui ne prêtent pas à discussion. Par exemple : ‘il parle anglais comme une vache espagnole’. On peut prendre plusieurs nationalités pour caractériser la vache de façon à renouveler un peu la phrase, ce qui ne change rien au fait qu’elle est complètement nulle (la phrase… mais la vache aussi). »
Il a eu du pot !
26 juin, 2017C’est le progrès ?
25 juin, 2017« On a beau dire la robotique, l’industrie numérique, tout ça, ça va nous faciliter la vie. »
« Si on veut ! Remarquez que nous n’avons pas attendu le numérique. Et puis les robots n’ont pas une vie éternelle. Un robot chassera l’autre, tandis que d’autres inventions traverseront les âges parce qu’elles sont simplissimes : le post-it ou le trombone par exemple. »
« Ce n’est pas du numérique, ça ! »
« Non, justement, c’est mieux. C’est fondé sur l’observation de nos gestes et de nos habitudes les plus simples. Le post-it, par exemple, il repose sur l’idée qu’on ne se parle pas forcément entre humains, simplement parce qu’on n’est pas ensemble au même lieu, au même moment, disposés à parler du même sujet. Un petit carré de papier jaune permet de surmonter cette difficulté. »
« Un mail pourrait faire l’affaire ! »
« On peut oublier d’ouvrir un mail ou alors il peut tomber dans les spams. Essayez donc de ne pas voir le petit carré jaune que votre femme a accroché sur la porte du frigo pour vous dire d’aller chercher les enfants à l’école. »
« Dois-je en conclure que vous êtes contre le progrès ? »
« Pas du tout. Je dis simplement qu’il y a des progrès qui peuvent se dispenser d’un outillage technique compliqué et que ces inventions-là sont plus durables que les autres. On n’est pas près de remplacer le trombone par exemple, compte-tenu de son principe génialissime. »
« C’est vrai qu’on ne remplacera pas la fourchette de sitôt dans nos contrées, sauf à retourner à des pratiques ancestrales où l’on mangeait avec ses doigts. »
« Ni le porte-manteau. Comment peut-on vivre sans porte-manteau ? Chaque fois que vous arrivez quelque part, vous avez forcément besoin de suspendre votre vêtement ! Ce n’est quand même pas une technologie compliquée, un porte-manteau ! »
« Voilà qui ouvre beaucoup de perspectives à ceux qui ne comprennent rien au numérique. »
« Oui, par exemple, il reste à inventer le truc qui ouvrira les pots de confitures en souplesse pour tous ceux qui ne disposent pas d’une force herculéenne. »
« Ou alors le tube de dentifrice qui se vide complètement. Je suis toujours obligé de le tortiller n’importe comment pour en extraire la dernière goutte, sans réussir complètement d’ailleurs. »
« Euh… le progrès finalement, ça consiste à fabriquer des trucs qui permettront de ne pas se fatiguer. N’allons-nous pas être transformés en ectoplasmes fainéants, partisans du moindre effort ? »
« C’est bien possible. Déjà certains nous épargnent de laver la salade à la main en nous la vendant toute préparée en sachet ! »
« En fait, il conviendrait de favoriser le non-progrès. Par exemple, on pourrait écrire à la plume sur parchemin, je trouve que ça avait une autre élégance que l’envoi par mail bourré de fautes d’orthographe. »
Ah ! Ah ! Ah !
24 juin, 2017A cor (et à cri)
23 juin, 2017Revenir
22 juin, 2017« Moi, je reviens de Los Angeles. »
« Et moi, je reviens de Montélimar. »
« C’est nettement moins bien, il faut revenir des States pour avoir l’air de quelque chose. Montélimar, pff… ET pourquoi pas de Brive-la-Gaillarde ? »
« Justement, j’y ai fait un petit détour en revenant. »
« Aucun intérêt. Il faut revenir d’un séjour à L.A. pour avoir de la classe, à l’extrême rigueur un retour de New-York est admis. »
« Et qu’est-ce que vous avez fait à Los Angeles ? »
« Rien. J’y suis allé pour en revenir. »
« Voilà qui fait cher le snobisme. »
« Remarquez, j’ai rencontré des gens extraordinaires : le douanier à l’aéroport, le chauffeur de taxi très pittoresque, le mendiant qui m’a agressé dans la rue … »
« Bon, alors vous allez y retourner ? »
« Pour le moment j’ai d’autres projets encore plus snobs. »
« Le Lavandou en plein mois d’août ? Vous pourriez y rencontrer beaucoup de personnages très typiques. Il faut aimer le style franchouillard évidemment. »
« Vous galégez ! Je pense à un séjour traditionnel en yourte avec les cavaliers mongols. Quelle civilisation ! Ce qui m’embête un peu, c’est qu’ils n’ont pas le réseau là-bas. »
« C’est ennuyeux ! »
« J’avais songé aussi à la Colombie, mais avec les trafiquants, je ne suis pas sûr de revenir et surtout de pouvoir dire que j’en reviens. »
« Il y a aussi le Pôle Nord. Aller au Pôle Nord et en revenir avec un visage complètement cramé, ça vous classe, non ? »
« Non, j’ai la peau délicate. »
« Bon, il vous reste le Portugal ou l’Afrique du nord. »
« Euh… sûrement pas, ça c’est pour les touristes bourgeois qui veulent se donner l’air de voyager, mais s’en aller trop loin quand même. Moi, je suis un aventurier. D’ailleurs, vous n’avez pas eu l’air d’admirer le fait que je reviens de Los Angeles. »
« Si, si, j’admire… Evidemment vous parlez anglais ? »
« Quel rapport ? Non, les français sont tellement aimés à l’étranger qu’on passe sur leurs nullités en langues étrangères. »
« Bon, mais quand même… Vous avez vu qu’en France, il y a des douaniers, des chauffeurs de taxis et des SDF comme à Los Angeles ? »