Archive pour juin, 2022

Le branquignol et la cantatrice

28 juin, 2022

C’est l’histoire d’un branquignol qui ne se prenait pas pour un guignol. Sa femme était une cantatrice qui chantait souvent à l’opéra de Brignoles. Selon notre avis, elle chantait comme un rossignol.

Le branquignol se montrait partout au bras de son artiste. Très prétentieux, il plastronnait en exhibant sa femme, la cantatrice Béatrice. Le couple était envié par une armée d’envieux, qui se trouvaient donc en état de péché capital puisque l’envie en est un.

Un jour, dans la ville, s’installèrent Charlotte qui cultivait des échalotes et Pierre qui vendait des soupières. Eux étaient heureux et ne jalousaient pas du tout le branquignol et la cantatrice. Cette dernière interpella Charlotte d’un ton que nous trouvons rogue : voulez-vous bien jalouser notre bonheur ? dit-elle. Charlotte refusa et retourna à ses échalotes.

Le branquignol fit un scandale dans le magasin de soupières de Pierre : voulez-vous envier notre couple ! s’écria-t-il. Pierre, très calme derrière ses colonnes de soupières, refusa.

C’est ainsi que Pierre et Charlotte devinrent le couple vedette, admiré de tous, puisqu’ils avaient refusé d’admirer le couple-vedette.

Moralité : on trouve toujours plus vedette que soi.

 

Jean, le brigand

24 juin, 2022

C’est l’histoire de Jean, le brigand de Gand qui est pauvre. Il circule en deux-chevaux, ce qui n’est pas très pratique pour échapper aux gendarmes après chacun de ses méfaits. Comment, nous demandons-nous, une telle canaille peut-elle rester en liberté ?

C’est justement parce que Jean, le brigand de Gand, ne voyage pas dans une berline de luxe que les gendarmes ne l’arrêtent pas. Pourquoi embastiller ce pauvre hère qui ne circule qu’en deux-chevaux ? s’interrogent-ils avec bon sens.

En effet, de mémoire de gendarme, on n’avait jamais vu un malfrat pauvre, puisque le métier de voleur consiste à piller les richesses des gens aisés.  Comment – nous demandons nous avec insistance – peut-on expliquer ce paradoxe ?

C’est-à-dire que Jean, un peu pieux aspirait au plus haut des cieux. Après chacun de ses méfaits, le remords le mord. Ne suis-je donc qu’une truie de voler le bien d’autrui ? se dit-il fort à propos.

Il rend donc chaque mois, le fruit de ses larcins malsains à l’abbé Tonnière qui s’empresse d’embellir son église.

Selon la presse, le prêtre vient d’être arrêté pour blanchiment d’argent.

Moralité : en deux-chevaux ou pas, il est mal de voler

Rose et Jean-Bon

22 juin, 2022

C’est l’histoire d’un chanoine barbichu, moustachu au nez crochu. Pour ne rien arranger sa mère l’avait prénommé Jean-Bon. Nous trouvons ce pseudonyme vraiment difficile à porter !

Le chanoine Jean-Bon élevait des chats dans son château. Tous les jours, on pouvait l’observer sur les remparts : il déambulait sur les remparts suivis d’une cohorte de félins miaulant.

En réalité, Jean-Bon ne vivait pas en communauté (sauf avec ses chats) comme doivent le faire les bons chanoines qui vivent en chapitres. Ce n’était donc pas un bon chanoine.

Rose était amoureuse de Jean-Bon, mais ne supportait pas les chats du chanoine. Nous voilà déjà plongé dans les prémisses d’une situation particulièrement dramatique. Rose ne pouvait donc faire part de son affection à Jean-Bon, le faux chanoine (puisqu’il n’avait pas voix au chapitre).

Rose alla voir Igor le ténor pour que de sa voix puissante, il chante une mélodie d’amour au chanoine, chaque matin, lors de sa promenade sur les remparts.

Dès le premier jour, les chats apeurés par la puissance vocale d’Igor coururent se cacher.  Rose se tapa alors la montée des escaliers, jusqu’au dernier étage de la citadelle pour avouer sa flamme à Jean-Bon qui ne se doutait de rien.

Arrivée devant le chanoine (le faux), elle respirait avec difficulté, mais dans un dernier soupir, elle avoua à Jean-Bon que son cœur soupirait pour lui, puis elle rendit son dernier soupir.

Moralité : pleurons le sort de Rose, mais surtout celui de Jean-Bon. Quand on se retire du monde, on finit seul (avec des chats ou pas) !

 

Le tigre et la panthère

19 juin, 2022

C’est une histoire qui se passe dans des temps reculés. Disons 100 000 années avant notre ère pour fixer les idées. Dans la jungle, le tigre se promène en compagnie de la panthère. Bigre ! fit le tigre. Il parait que l’alligator a encore mangé un homme hier.

La panthère répond que l’alligator est un irresponsable. Si l’on continue à dégommer la population humaine, l’espèce va disparaitre. Au nom de l’écosystème, il faut lutter contre l’extinction des espèces !

—      En effet, dit le tigre, il faudrait créer un sanctuaire. Si on autorise la chasse et la pêche à n’importe qui, la ressource viendra à manquer.

—      Ce n’est pas que les hommes soient d’une grande intelligence, répondit la panthère, mais ils méritent d’être sauvegardés. Nous ne pouvons dégarnir le garde-manger et en plus, ils nous fournissent un modèle à ne pas suivre.

Le Tigre semblait inquiet.

—      Mais ne craignez-vous, ma commère, qu’un jour, ce soit eux qui en viennent à nous dominer ? Plus on les attaque, plus ils fabriquent des trucs pour se défendre, et bientôt ce seront des machins pour nous attaquer.

La panthère ricana sauvagement comme savent ricaner des panthères.

—      Pas d’inquiétude compère Tigre, ils sont tellement bêtes qu’ils passeront leur temps à s’attaquer entre eux.

Moralité : méfions-nous des félins qui se promènent tranquillement dans la jungle.

 

 

Les freux affreux et le renard

17 juin, 2022

C’est l’histoire de Gérard, le Gallois, qui élevait des corbeaux.  Et pas n’importe quel corbeau : les corbeaux freux. Ces volatiles n’avaient pas très bonne réputation. Lorsqu’ils survolaient les campagnes avant l’orage, les paysans s’exclamaient : c’est affreux, les freux !

Les freux constituaient une confrérie très bien organisée. Entre eux, il y avait une vraie solidarité. Lorsqu’un freux était malade, il était tout de suite secouru par ses semblables, ce qui nous donne un bel exemple de fraternité. Cette histoire commence bien.

Les freux ne voulaient pas être confondus avec les corneilles, leurs cousines. Ils les jugeaient moins belles, moins intelligentes, moins élégantes en vol.

Gérard, le Gallois avait de nombreux clients. Rappelons ce fabuliste qui acheta un freux pour écrire une fable où l’oiseau affrontait un renard. Malheureusement, volontairement ou non (on ne sait pas), Gérard vendit au fabuliste le plus bête des corbeaux freux. Le malheureux oiseau se laissa berné par le malin goupil ce qui déchaina les rires ironiques des corneilles (afin celles qui ne baillaient pas).

Le conseil international des freux se mit d’accord sur un point. Faire un affront aux freux, c’est affreux. C’est même interdit par le droit international des freux.

Un bataillon de freux de combat fut donc missionné pour punir le renard. L’attaque fut foudroyante. En l’absence du renard, les freux envahirent son terrier et ravagèrent son réfrigérateur et son congélateur.

Moralité : à l’approche de la mauvaise saison, le renard se trouva fort dépourvu.

Seconde moralité : le freux idiot a subi un stage de remise à niveau, il va mieux. Merci.

 

C’est l’histoire de la bergère

15 juin, 2022

C’est l’histoire d’une bergère qui joue du pipeau. Elle en joue même très bien en gardant son troupeau de moutons et de chèvres, avec l’aide de Médor son chien qui aurait aimé avoir un nom plus original.

Au loin, Jeannot le gardien du phare entend tous les jours le concert de pipeau donné par la bergère sur les berges du fleuve. Jeannot en est charmé, il tombe amoureux de la belle.

Nous nous inquiétons. Comment les deux jeunes tourtereaux vont-ils se rencontrer, lui à 50 mètres de hauteur, elle à terre jouant tristement sa mélodie ?

Notre anxiété monte d’un cran, car voici que Marcel, le maréchal-ferrant, qui passe par là. L’artisan fait mille pitreries pour amuser la bergère Bérangère et en faire sa femme. Va-t-il vaincre les réticences de la jeune fille sous les yeux de Jeannot qui se morfond en haut de son phare ? Ce serait cruel. Cette éventualité nous alarme au plus haut point !

Ouf ! Nous voyons arriver qui ?  Dorine qui pêchait la daurade dans le port. C’est la promise de Marcel, le maréchal-ferrant. Dorine s’énerve en observant les manigances amoureuses de Marcel. Reconnaissons qu’elle a bien raison, Dorine !

De retour sur la place du village Dorine donne un soufflet à Marcel, qui — rappelons-le — est maréchal ferrant, sous les moqueries des passants.

Pendant ce temps-là qu’advient-il de l’aventure sentimentale entre Bérangère et Jeannot ?

Nous n’en savons rien.

Moralité : quand on commence quelque chose (y compris un joli conte), il vaut mieux avoir une idée de la fin.

 

L’histoire du sot solitaire

11 juin, 2022

C’est l’histoire d’un sot. Il était laid, presque sourd et bégayait. Gageons que l’insertion personnelle et professionnelle de notre pauvre sot dans la population était bien difficile.

En effet, sa sottise faisait l’objet de railleries. Il ne connaissait rien des programmes de télévision. Il mélangeait le nom des footballeurs professionnels. Il partait en vacances chez lui. Il n’était pas au courant des affaires judiciaires des politiciens. Bref… nous comprenons que son incompétence en matière de conversation de bistrot le rendait complètement inapte à une vie en collectivité.

Sa laideur faisait peur dans son quartier. A son passage, les femmes gardaient les enfants dans leurs jupes. Il était petit, enrobé, un peu bossu. Il avait le visage grêlé, le nez épaté, le cheveux gras et rare. Personne ne pouvait le regarder sauf l’artiste peintre qui lui trouva de la personnalité.

Nous plaignions donc notre sot. Tout concourrait à en faire un sot solitaire.

Eh bien, nous avions tort ! Sachons le reconnaître !

Le sot étant presque sourd, il n’entendait aucune des remarques désobligeantes qui courraient sur son compte et il s’en félicitait vivement. Comme il bégayait un peu, il parlait lentement. Et comme il parlait lentement, on comprenait ce qu’il disait, contrairement à tous ces jeunes godelureaux qui considèrent que s’exprimer à toute vitesse est une manière d’imposer leurs points de vue. On s’aperçut donc que le sot disait des choses intéressantes malgré sa sottise et que — pour peu qu’on fasse attention — il n’était pas aussi sot que ce que l’on pensait. Ses rares phrases étaient reprises par les médias dans lesquels on n’avait plus l’habitude des constructions simples avec sujet, verbe, complément.

En plus l’artiste peintre fit un portrait de notre sot qui connut un grand succès. En effet, beaucoup de gens souffrent de cette pauvre habitude d’aimer frissonner devant la différence. En conséquence, par une espèce de contorsion de l’opinion publique, les visiteurs du musée qui l’exposait finirent par aduler le tableau qui représentait notre sot.

Notre sot (qui rappelons-le, n’était pas forcément aussi sot que ça) finit sa vie très riche car on s’intéressait beaucoup à lui et à sa vie peu ordinaire. Des spectacles payants étaient organisés pour contempler son histoire. On se disait : comment peut-on être aussi sot, souffrir d’autant de défauts et en plus devenir très fortuné ?

Moralité : on peut être un sot solitaire et très entouré.

Autre moralité : notre philosophe appelée en renfort posa cette question : « Déviance et succès ne vont-ils pas de pair ? »

 

 

L’histoire d’un peau-rouge qui se baignait

9 juin, 2022

C’est l’histoire du peau-rouge qui se baignait dans la mer Rouge. On se demande ce que cet apache faisait là, mais enfin, il était là. Disons que ça nous arrange pour la suite de l’histoire.

Evidemment, il était invisible puisque son corps se confondait avec l’élément maritime. L’indien se baignait nu, ce qui ne choquait personne. De nombreux observateurs vinrent avec l’ambition de voir un phénomène invisible.

Un jour, il sauva une jeune femme que les flots commençaient à dévorer. La nageuse se sentit pousser vers la côte par une espèce de force invisible, ce qui était dû à l’action salvatrice de notre apache. Quand elle fut déposée sur le sable blond, la belle ne remercia pas le peau-rouge puisque, selon elle, elle était revenue sur la plage par ses propres moyens.

Un poisson rouge qui passait par là que personne n’avait vu, mais qui avait tout vu, le poisson-rouge — disons-nous — s’indigna du manque de reconnaissance de la belle. Ce que nous ne pouvons qu’approuver.

Le peau-rouge s’approcha de la belle qui reprenait ses esprits. Ebloui par le corps carmin de son sauveteur, la belle rougit fortement.

Si bien qu’on aurait pu voir une jeune femme rouge dans les bras d’un peau-rouge sur fond de mer rouge. Sauf qu’au final, on ne vit rien de ce tableau charmant, mais monochrome.

Conclusion : par son courage, le peau-rouge se distingua, mais ne se distingua pas.

Moralité : si l’on ne veut pas se fondre dans son environnement, il vaut mieux ne pas être de la même couleur.

L’histoire de l’empereur bigleux

7 juin, 2022

C’est l’histoire de l’empereur romain qui avait besoin de lunettes. En effet, il était particulièrement myope. C’était un handicap qui l’empêchait de distinguer les esclaves et les hommes libres. Aussi était-il très poli avec tous les gens, y compris les esclaves.

Parmi les esclaves, il y avait Babette, une joueuse de luth que l’empereur trouvait particulièrement belle, alors que — soit dit entre nous — elle était assez laide.

L’empereur désira se marier avec Babette qu’il trouvait si séduisante. Malheureusement, elle était aussi courtisée par Luc qui était fort comme un Turc et qui pratiquait la lutte. L’entourage de l’empereur lui conseilla de marier la joueuse de luth et le champion de lutte, puisqu’ils allaient bien ensemble.

L’empereur regimba. Notons que Babette, en ces temps reculés, n’avait pas son mot à dire ce qui nous indigne. L’empereur qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez se maria avec Babette. Le Turc se déclara furieux. Babette était en effet fille d’un riche propriétaire de vaches espagnoles et le champion de lutte n’avait pas un sou dans sa hutte.

L’empereur qui voyait trouble fut troublé. Il décida de donner au Turc la sœur de Babette en mariage. Cette dernière (qui s’appelait Lulu) était très belle et le souverain la voyait très moche. Nous pensons bien que le Turc ne se le fit pas dire deux fois. Il convola avec Lulu.

Moralité : tout est affaire de point de vue.

Encore un point pour bien comprendre cette histoire : les premières lunettes de vue datent de 1727. Notre empereur fut bien en peine de se rendre compte de sa méprise.

 

L’histoire des sous de Charlotte

5 juin, 2022

C’est l’histoire de Charlotte qui vit dans une vieille roulotte. Dans son matelas, elle accumulait les billets et les pièces d’or, ce qui n’était pas d’une grande prudence.

Monsieur Hector, le banquier, lui fit remarquer que des brigands malfaisants pourraient l’attaquer pour la voler. L’argent de Charlotte serait à l’abri dans les coffres de la banque de monsieur Hector, n’en doutons pas. Certes, monsieur Hector aurait des frais et se rémunèrerait sur les dépôts de Charlotte, mais enfin il faut bien que monsieur Hector (qui a une femme et trois enfants) puisse vivre.

Charlotte n’était pas convaincue par ces beaux discours, d’autant plus qu’elle voyait tous les jours monsieur Hector circuler dans une magnifique voiture, payée grâce aux dépôts des autres gens. Elle constatait aussi que monsieur Hector s’habillait chez les tailleurs les plus habiles, qui travaillaient des tissus prestigieux au profit du banquier.

Monsieur Hector se trouvait embarrassé. Il avait beau se vêtir de guenilles et arriver à vélo pour discuter avec Charlotte, rien ne la faisait plier.

Le banquier décida de payer un brigand venu de Belgique pour voler l’argent de Charlotte, en espérant lui faire entendre raison. Cet homme, bien connu des services de police, c’était Jean, le brigand de Gand. Jean déroba le bien de Charlotte.

Là se situe une bascule de l’histoire.

Hector, toujours vêtu de guenilles de banquier, vint faire la leçon à Charlotte : confier son argent à sa banque permettrait d’être tranquille. Mais Charlotte resta sur ses positions, ce qui fut d’autant plus facile qu’elle n’avait plus rien à mettre dans les coffres de monsieur Hector.

Hector, très remonté, proposa un deal à Charlotte : il lui rendait son bien (volé par Jean, rappelons-le), mais elle le plaçait dans sa banque. Ainsi, on vit monsieur Hector arriver chez Charlotte avec une valise pleine de billets sur le porte-bagage de son vélo. C’était la fortune de Charlotte, déduction faite de la rémunération de Jean, le brigand de Gand, dont les services ne sont pas donnés, comme nous le savons.

La scène suivante fut cocasse puisqu’on vit Hector rendre son argent à Charlotte, laquelle la remit instantanément à Hector.

Moralité : Hector put s’acheter un nouveau vélo avec les intérêts produit par l’argent de Charlotte. A la réflexion, nous pensons qu’il aurait été plus moral que Jean, le brigand de Gand, garde le magot pour lui, de façon que le banquier ne profite pas de son méfait.

 

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