Archive pour octobre, 2016
Conflit de générations
30 octobre, 2016« Moi, ton père, je te le dis : vous les jeunes, vous perdez vos repères. Vous accumulez les erreurs. »
« Alors là, elle est bien bonne ! Si on faisait le compte de vos erreurs à vous ? »
« Nous, on faisait attention à tout.»
« Oui, par exemple, en 68, vous avez obtenu le droit de fumer que vous avez supprimé 40 ans plus tard dans tous les lieux publics. Belle conquête sociale. »
« Oui… enfin… il faut se replonger dans le contexte de l’époque. La cigarette, c’était comme un sentiment de liberté. Et puis pour le cancer du poumon, on ne pouvait pas savoir. Personne ne nous avait prévenu. »
« Et le tramway que vous avez supprimé dans les années 50 ! Et vous redéfoncez les rues aujourd’hui pour le remettre en marche aujourd’hui ! »
« Pour le pétrole, on ne nous avait rien dit, on ne pouvait pas savoir. »
« Et la suppression du service militaire que les gens du gouvernement veulent réactiver maintenant. Ce n’était pas une erreur, ça ? »
« On n’avait pas l’insécurité. On ne savait pas… »
« Et ton abonnement à la salle de sport qui te coûte un bras, alors que tu as tout fait pour être dispensé de gym au lycée ! N’y aurait-il pas comme une contradiction ? »
« Tu mélanges tout ! »
« Mais oui bien sûr ! Votre génération s’est marié à tour de bras pour augmenter exponentiellement le nombre des divorces vingt ans plus tard. Nous avons été obligés d’inventer d’autres formules pour vivre ensemble. Ou pas. Encore une insuffisance. »
« Tu exagères : nous avons inventé les plateformes téléphoniques ! »
« Belle invention. Vous avez commencé par les mettre en Afrique et puis, comme tout le monde trouvait curieux de traverser la mer pour s’adresser au toubib de son quartier, vous les avez rapatriées. Le comble, c’est qu’actuellement vous essayez de remettre du contact humain dans les entreprises. »
« Le progrès a des effets collatéraux qu’il faut assumer ! »
« Et les grandes barres d’HLM que vous êtes obligés de faire sauter. Très belle performance de prospective ! »
« Il faut se replonger dans le… »
« Dans le contexte de l’époque, je sais ! Et les notes à l’école, vous les supprimez, vous les rétablissez. Bref vous ne savez pas ce que vous voulez ! »
« Ça, ça ne compte pas, c’est l’Education Nationale ! »
« Conclusion : vous pourriez nous laisser faire nos conneries tranquillement. »
Ah ! La ! La !
29 octobre, 2016Uniquement pour les nuls
28 octobre, 2016« C’est comme ça, je suis nul : nul en sport, nul au boulot, nul à la maison… Ma nullité m’impressionne moi-même. »
« Vous vous auto-flagellez ! »
« Oui, c’est très à la mode. C’est en souffrant qu’on progresse. Quand je me rends compte que je suis nul, je me rends compte des efforts que je devrais faire. »
« Et vous les faites ? »
« Pas forcément. Si je ne suis plus nul, je n’aurai plus d’efforts à faire. Il faut que je sois intransigeant avec moi pour bien me rendre compte de ce que je devrais faire. »
« Vous ne vous trouvez aucune circonstance atténuante ? »
« Aucune. Si on commence avec les circonstances atténuantes, on rentre dans le camp des mous. Je suis peut-être nul, mais pas mou. »
« Mais tout de même… il y a bien un domaine où vous excellez. »
« S’il y en avait un, vous pensez bien que depuis 40 ans, je m’en serais aperçu. Mais non, rien de rien. Dugenou, mon chef de service, a raison : on ne voit pas bien où est ma valeur ajoutée. A la maison, personne ne sait à quoi je sers. D’ailleurs, il n’y a plus personne.»
« Vous comptez rester dans cet état ? »
« Oui, c’est très reposant. Les gens ne me demandent rien qui exige une mise en œuvre sérieuse de peur que ça tourne en catastrophe. »
« Et si quelqu’un se risque à vous demander un travail. »
« Je soulève toutes sortes d’objections. Par exemple si Dugenou me confie un rapport urgent, je lui signale que je vais être en RTT ou que je ne me sens pas bien ou que je vais enterrer ma quatorzième vieille tante. S’il insiste vraiment, je ne dis que je ne sais pas taper à l’ordinateur ou alors que je n’ai pas pratiquer l’écriture depuis l’école primaire. »
« Et il vous garde. »
« Oui, comme exemple de la nullité qu’un salarié peut atteindre s’il se laisse aller. Certains collègues viennent de voir quand ils se sentent déprimés. Après m’avoir longuement observé, ils repartent ragaillardis en se disant que leur situation n’est pas si catastrophique qu’ils le pensaient. »
« Et à la maison ? »
« Je fais encore pire. Toutes mes ex ont fui. Je suis incapable de comprendre le fonctionnement d’un aspirateur et encore plus la nécessité de le passer. Mes tentatives de cuisine ont conduit à dépenser une fortune en pizzas. »
« Et le psy, qu’est-ce qu’il vous a dit ? »
« Il pense que j’ai un problème. »
Nos mauvais poèmes
27 octobre, 2016Peste ! Un test ?
26 octobre, 2016Encore un problème de communication
25 octobre, 2016« Quand je t’écoute, je n’entends que des borborygmes confus. »
« C’est normal, je n’ai pas beaucoup de vocabulaire. En cours de français, je chassais les Pokemon. Alors ça se résume à : c’est clair, voilà, grave, je te kif, j’ai la haine, voilà, nique ta race…. »
« Et vous vous comprenez avec ça ? »
« Il faut tenir compte des gestes et des expressions. Si je me marre nerveusement, c’est que je me moque de toi. Si je te casse la figure, c’est que je ne suis pas content du tout. Je peux aussi te jeter un regard de dédain si tu es plus fort que moi, etc… »
« Quand même, tu prononces quelques phrases de temps en temps ! »
« Oui, mais je marmonne tellement vite que ça ressemble à une sorte de bouillie. Je ne comprends pas toujours ce que je dis. »
« Si c’est la fin de la langue, c’est la fin de la civilisation. »
« T’inquiètes ! Y’a toujours moyen de s’en tirer. Chez les commerçants, je désigne ce que je veux du doigt. Sinon, j’ai un grognement pour chaque situation : je grommelle quand j’ai faim, je marmonne quand j’ai sommeil, je ronronne quand je suis content et ainsi de suite. Après tout, les chats et les chiens se comportent comme ça. »
« C’est effarant, ça nous ramène au temps de Cromagnon ! »
« C’est vrai ! Dans la préhistoire, l’intérêt c’est qu’on allait à l’essentiel : manger, boire, dormir. On ne se compliquait pas la vie avec des détails : le baccalauréat, le chômage, le fric… Cromagnon ne passait pas son temps à dire qu’il est en retard. »
« Tout de même, tu es bien content qu’on ait inventer Internet. »
« Oui, mais Cromagnon aurait peut-être pu l’inventer aussi, si on l’avait laisser faire. En fait la grande préoccupation de l’Homme depuis 2000 ans, ça a été de partir à la guerre. Il a inventé Internet dans une courte période d’armistice. »
« C’est grâce à Internet que tu peux encore communiquer un petit peu avec tes semblables. Parce que je suppose que tu n’as jamais écrit des lettres sur du vrai papier à lettres. »
« Du papier à lettres ? Qu’est-ce que c’est ? Il faut sûrement appliquer des règles d’orthographe. Ce n’est pas possible. J’écris des textos n’importe comment, ça va plus vite. Après tout les anciens sculptaient ce qu’ils avaient à dire sur des tablettes, il ne pouvait pas s’étendre longuement sur leurs états d’âme. »
« Malgré tout, là en ce moment on a une conversation. »
« Je suis bien obligé de m’adapter. Apparemment, tu n’es pas très cultivé. Il faudrait que tu fasses un effort pour arrêter le vieux français. C’est terminé tout ça. »
« Bon, je vais essayer. Qu’est-ce que tu veux ? »
« 50 balles pour aller à Pôle Emploi. »
La thèse de la Niortaise
24 octobre, 2016Le premier jour
23 octobre, 2016Le plus difficile, ce n’est pas le premier jour. Certes, il faut se lever tôt, mais on peut encore imaginer qu’il s’agit d’une nouvelle excursion de vacances, comme –par exemple- la visite guidée des grottes de Machin-Chouette. Certes, ce lieu touristique sent curieusement le neuf, mais on peut croire que c’est une odeur typique d’un endroit où des hommes préhistoriques malaxaient toutes sortes de matières pour tenter de vivre.
Le premier jour d’école, c’est bien, parce qu’on a le temps de rien faire.
Cependant, ça ne commence pas très bien. A partir d’un magma de gamins perdus, des rangs se forment, rectilignes et soudainement silencieux. Il faut que, piétinant telle une armée de galériens enchaînés, les intéressés trouvent les bancs où ils subiront leur châtiment pendant de long mois.
Puis commence la cérémonie dites « des petits papiers ». Il y a d’abord ceux sur lesquels il faut écrire comment on s’appelle, quel âge on a, ce que font les parents (quand on en a une idée). Puis viennent les papiers qu’il faut faire remplir par les géniteurs. Leur contenu est parfaitement hermétique, mais on suppose qu’eux ils comprendront. Là, les menaces commencent : si on ne rapporte pas ces documents avant 3 jours, ce sera au choix deux heures de colle, pas de récré pendant une semaine, une kyrielle de zéros pointés (avant même que le puni ait eu le temps de faire étalage de son brillant niveau).
Bref… Le premier jour, on peut être sûr de ne rien apprendre de sérieux. On est même à l’abri de toute interrogation surprise, puisque les tortionnaires n’ont pas pu préparer les tests de notre incompétence.
Le problème, c’est le second jour. Je passe sur le stress qui saisit l’intéressé, s’il a oublié de rapporter les papiers du jour précédent, dûment remplis par les parents. L’illusion d’une visite d’un site préhistorique accompagnée de la distribution de prospectus aux couleurs chatoyantes s’estompe au profit d’une cruelle réalité. Dénonçons cette infamie : il s’agit d’une gigantesque entreprise de privation de liberté.
Des premiers regards suspicieux s’échangent entre prisonniers. Les forces de l’ordre édictent la liste des règles à suivre et les inévitables sanctions qui s’en suivraient en cas de rébellion. Les premiers devoirs arrivent en rafale. Dans la tête des condamnés défilent, comme des rêves enfuis, des images de plages infinies, bordées de cocotiers penchés et de filles en bikini aux sourires bienveillants.
Les premiers échanges verbaux se déroulent dans la cour de promenade. On évalue le degré de vacherie potentielle des différents matons. Des alliances se nouent contre les prisonniers le plus faibles ou les moins intégrés, repérés grâce à leur accoutrements vestimentaires non conformes aux standards. Des projets de cassage de gueule s’élaborent en grand secret.
Les jours suivants sont déterminants. Les relations prisonniers-gardiens se nouent : les premières punitions sont prononcées pour les conforter définitivement. Les plus forts s’en remettent aisément et joueront la provocation pendant toute la durée de leur séjour. Les plus faibles tremblent, parfois victimes de la double peine lorsqu’ils devront affronter la vindicte parentale. Après une phase d’observation entre prisonniers, s’ouvrent l’étape des complots et des règlements de compte.
L’apprentissage de la survie en milieu hostile commence.