Archive pour octobre, 2022

Un génie méconnu

31 octobre, 2022

C’est l’histoire d’Henriette qui ne savait rien faire, mais alors rien de rien. Ni la cuisine, ni le tricot, ni la couture… Elle était pourtant charmante Henriette, mais son savoir-faire tutoyait le néant. Ses parents se demandaient comment ils allaient réussir à la marier.

Un galant du nom d’Henri se présenta. Le père d’Henriette se préoccupa de la situation financière d’Henri. Le potentiel fiancé déclara qu’il était un génie méconnu. Le papa répliqua que ce n’était pas une profession très lucrative. Il dit qu’il ne pouvait donner Henriette à Henri, puisqu’elle n’avait aucune compétence employable dans une entreprise honnête.

Henri entreprit alors le tour de la région à la recherche d’un patron qui voudrait bien engager un génie méconnu. Il tomba sur Albert qui dirigeait une agence de communication. Celui-ci s’inquiéta du sort d’Henri :

— Comment se fait-il que vous ne soyez pas connu, Génie ?

Henri ne sut que répondre. « Peu importe » dit Albert. Il allait remédier à la pauvre notoriété d’Henri. Il déploya tout son arsenal de communicant : affiches, interviews, passages à la télé… Il fit tant et si bien qu’Henri devint une vedette. On l’interpellait dans la rue, on l’invitait partout, on était fier d’Henri… Son mariage avec Henriette rivalisa aisément en fastes avec celui du roi d’Angleterre.

Moralité : on ne sait toujours pas en quoi Henri était génial, mais apparemment tout le monde s’en foutait. L’important, c’était qu’il soit connu.

La belle histoire du crottin de cucumont

26 octobre, 2022

C’est l’histoire de la campagne électorale au royaume des fromages.

Au premier tour, le camembert, le brie, le gruyère étaient passés à la trappe. Il ne restait en lice que le roquefort et l’emmental. Chacun d’eux battait la campagne en faisant étalage de ses qualités. Le roquefort prétendait qu’avec lui, on devenait fort. Par contre l’emmental, disait qu’en le croquant, on prenait du mental.

Le roquefort bénéficiait du renfort de Diderot, le célèbre écrivain, qui avait dit qu’il était le roi des fromages. L’emmental prétendait qu’il était d’une saveur discrète contrairement à son adversaire.

L’un et l’autre défendaient âprement ses productions. La lutte était très indécise d’autant plus que le comté n’avait pas encore pris position. Il promenait sa meule un peu partout en claironnant qu’il fallait compter avec le comté. De son côté le camembert avait atteint le grand âge, cinq siècles d’existence quand même, ce qui expliquait qu’il ne comprenait rien à cette « élection ».

Evidemment, derrière l’opposition du roquefort et de l’emmental, se profilait l’opposition entre le peuple des brebis et celui des vaches. Les brebis étaient bien sûr pétris de féminisme. Les vaches étaient toujours prêtes à faire des coups en vache.

Heureusement, intervint le Crottin de Cucumont, fromage de chèvre que personne ne connaissait. Le nouveau venu tempéra le débat : « allons, allons, entre fromages, ne nous battons pas ! »

Finalement le Crottin de Cucumont se fit élire roi des fromages en s’appuyant sur deux avantages. D’abord personne ne le connaissait, donc il ne dérangeait personne. Ensuite, en tant que chèvre, il n’était ni du parti des brebis ni de celui des vaches.

Le pont de Gérard

23 octobre, 2022

C’est l’histoire de Gérard, l’architecte qui venait de construire un pont en bois entre le pays des Bleus et le pays des Rouges. Des deux côtés de la rivière, les gens furent contents.

Le lendemain, le pont en bois s’effondra sous le poids du carrosse de madame la Duchesse des Rouges. Gérard qui vivait dans les camps des Bleus fut immédiatement accusé d’un attentat. La Duchesse, un peu mouillée, fut sortie de l’eau par un manant qui passait par là. Elle vint rendre visite à Gérard :

— Holà, messire Architecte, votre pont était pourri !

Le pauvre Gérard tenta de se justifier :

— Madame la Duchesse aura mal compris ! Mon pont était un monument métaphorique : il s’agissait de célébrer l’union et la bonne entente entre les deux peuples. En aucun cas, il n’aurait dû être emprunté par un carrosse aussi lourd que celui de madame la Duchesse.

La Duchesse tapa du pied :

— Assez de ponts métaphoriques, monsieur l’Architecte. Je veux un vrai pont qui ne cède pas sous les roues de mon attelage.

Gérard fabriqua un nouveau pont qui craqua au passage du carrosse de la Duchesse.

— Holà, monsieur l’Architecte, s’écria-t-elle, un peu contrariée. Votre nouveau pont m’a encore trempée. J’en suis assez énervée.

Gérard avait encore une excuse :

— C’était un pont symbolique, madame la Duchesse, il symbolisait le pont du 1er mai, qui réunit tous les travailleurs des deux camps. Il ne pouvait être franchi que le jour de cette date. Quiconque l’emprunterait à un autre moment se retrouverait dans les eaux. Il y a un moment où il faut lire les notices d’emploi des ponts que je livre, madame la Duchesse !

La Duchesse qui avait déjà ruiné deux robes de bal dans l’eau posa une grosse bourse pleine de pièces d’or sur la table :

— Voilà, monsieur l’Architecte, pour un pont qui ne soit ni métaphorique ni emblématique.

Finalement, Gérard construisit un vrai beau pont, qui fut inauguré en grandes pompes par la Duchesse laquelle prit un air pincé pour l’admonester :

— Vous voyez, monsieur l’Architecte, quand vous voulez…

Le lendemain le camp des Rouges envahit le camp des Bleus en passant par le pont.

L’origine du festival annuel de bourrée auvergnate

16 octobre, 2022

C’est l’histoire d’une escargote Margot (la femme du célèbre Escargot Bigot) du Togo et de son ami le Gorille qui aimait les morilles. Un jour, l’escargote Margot qui cheminait tranquillement sur la route croisa un joueur de cornemuse.

— Holà, sire Ecossais, que faites-vous par les chemins de notre contrée, dit-elle.

—Holà, maîtresse Escargote, je suis bien aise de vous rencontrer. Je suis à la recherche d’un public.

L’Escargote  Margot se félicita de cette intervention car il y avait peu de sonneurs dans sa région.

— Qu’à cela ne tienne, sire Ecossais, je vais faire venir mes amis pour vous écouter.

L’Escargote Margot organisa donc une soirée « cornemuse » à laquelle furent invités le Gorille et sa femme la Gorillesse Bertille, ainsi que leurs amis.

L’Ecossais fut un peu troublé de jouer « The Brave » devant un public de gorilles qui encadraient un escargot. La musique fut si bien jouée que le public fut saisi d’émotion. Beaucoup de gorilles et de gorillesse pleurèrent en écoutant cet hymne éternel à la gloire du courage écossais. L’Escargote Margot n’en finissait pas de baver.

C’est de cette époque que date le célèbre festival interceltique qui enchante la jungle chaque année. On dit qu’un lapin du Cantal en visite au Togo, s’en inspira pour créer un festival de bourrée auvergnate de Laroquebrou.

Histoire à finir par le lecteur !

11 octobre, 2022

C’est l’histoire d’Ella, d’Emma et d’Eva, les trois sœurs qui n’étaient pas des triplées, mais qui se ressemblait fortement.  Elles se marièrent respectivement avec des hommes qui s’appelaient Yves, Yvon, et Yvan. Remarquons avec stupéfaction que ces prénoms sont de consonances très proches.

Ella et Yves eurent une fille qu’elle nomma Ella et un garçon qui reçut le prénom d’Yves. Quelle stupéfaction ! Surtout quand on sait qu’Emma et Yvon donnèrent naissance à Emma et Yvon. Eva n’entendit pas se singulariser et avec l’accord d’Yvan, elle mit au monde Emma et Yvan.

Les nouvelles Ella, Emma et Eva pratiquèrent de la même façon que leurs mères pour nommer leurs enfants, qui eux-mêmes — croyant à une règle dont personne n’expliquait l’origine — eurent des enfants qui s’appelaient Ella, Emma, Eva pour les filles et Yves, Yvon, Yvan pour les garçons.

A la dixième génération, les filles commencèrent à trouver que la blague avait assez duré. Au lieu de nommer leurs filles Ella, Emma, Eva comme l’exigeait la tradition séculaire, elles leur attribuèrent respectivement les prénoms de Julie, Julia, Juliette, ce qui était beaucoup mieux.

Par un hasard malencontreux, elles épousèrent respectivement Luc, Lucas, et Lucien.

Les couples ainsi formés donnèrent naissance chacun à une fille et un garçon.

Le choix des prénoms fut difficile. Finalement les trois couples optèrent pour…

La valise de Marceau

9 octobre, 2022

C’est l’histoire de Marceau qui était vieux et avare. Il avait l’habitude de voyager accompagné de toute sa fortune, en billets de banque, contenus dans une grosse valise. Un jour, il oublia sa valise dans le compartiment de son train. Furieux, il se propulsa devant le commissaire de police Adémar pour lui dire qu’il avait intérêt à retrouver son bien.

Le policier, un peu sur la réserve, reçut le plaignant :

— Bien le bonjour, monsieur Marceau… Alors, comme ça, on a oublié sa valise dans le train !

— Pas du tout, commissaire, on me l’a volé. J’étais assis à côté d’un moine qui me paraissait bien suspect. Arrêtez tous les moines du département !

Ce qui fut fait. Le commissaire se retrouva très embarrassé avec plusieurs dizaines de robes de bure qui envahirent ses locaux. Mais comme tous les religieux avaient fait vœux de pauvreté, il fut obligé de les relâcher.

— Sacrebleu, s’écria Marceau en s’étouffant de rage. Il y avait aussi un joueur de luth près de moi. Veuillez arrêtez tous les joueurs de luth du département, commissaire !

Marceau étant un homme important, le commissaire exécuta son ordre et rassembla tous les luthiers des environs.

— Messieurs les luthiers ! s’écria-t-il, de lourds soupçons planent contre vous. Nous allons tous vous fouiller pour être sûrs que vous ne cachez pas la valise de monsieur Marceau dans vos poches.

Mais le chef des luthiers réagit :

— Monsieur la commissaire ! Nous sommes tous très riches ! Voler la valise de monsieur Marceau ne pouvait pas nous intéresser !

Le commissaire, un peu confus, répondit :

— Ah oui ! Zut ! Je n’y avais pas pensé !

Le commissaire convoqua alors Marceau :

— Je suis bien désolé monsieur Marceau, mais votre argent n’intéresse personne, j’en conclus qu’il n’y a pas eu vol.

Monsieur Marceau fut bien marri. Comment pouvait-il se faire que sa fortune n’intéresse personne ? Personne n’avait donc de considération pour moi, l’homme le plus riche du département ! se dit-il.

Moralité : pour contrarier un fortuné, il suffit de mépriser sa fortune.

Une nouvelle source d’énergie !

5 octobre, 2022

C’est l’histoire de Louis. Dès l’enfance, son corps était doté d’une particularité. Comme un vers luisant, il était éclairé de l’intérieur. Partout où il passait, on pouvait dire : Louis éblouit !

A son sujet, les plaisanteries pleuvaient. Par exemple, certains trouvaient son discours lumineux. D’autres proféraient des remarques plus acerbes en faisant semblant de chercher l’interrupteur. Louis était professeur à l’université ; les étudiants trouvaient ses cours très éclairants.

Beaucoup de femmes se pressaient autour de lui, attitrées par ses lumières. Les chats aimaient ronronner sur ses genoux pour bénéficier de la chaleur particulière qu’il dégageait. Les hommes mariés le jalousaient un peu puisque, par comparaison, leurs épouses les trouvaient ternes.

Les politiciens commencèrent à s’en préoccuper avec retard comme d’habitude. Ils votèrent une loi ordonnant d’éteindre Louis entre 22 heures et 6 heures du matin. Louis déposa un recours devant le Conseil Constitutionnel : il ne savait pas s’éteindre. En plus, il ne consommait pas trop d’énergie comme le disaient ses critiques puisqu’il était lui-même producteur d’électricité, ce qui ne tomba pas dans l’oreille de sourds.

Voici que Louis tomba amoureux d’une jeune femme, nommée — comme par hasard — Louise. Le couple se forma. Louise devint lumineuse dans sa robe de marié. Les Louis enfantèrent un petit Louis qui devint lui-même éclairant.

Les politiciens, très à l’aise dans leurs raisonnements simplistes, décidèrent de connecter tous les Louis au réseau national électrique pour soulager les périodes de surconsommation hivernale. Tous les citoyens qui dénoncèrent un Louis purent bénéficier d’une prime supplémentaire.

Une enquête sérieuse fut déclenchée sur les filles qui s’appelaient Claire, soupçonnées de véhiculer un éclairage particulier sur les affaires publiques.

Le coin de l’arboriculteur

2 octobre, 2022

C’est l’histoire d’un coing qui discutait avec une mirabelle.

— Vous êtes bien belle mirabelle, dit le coing.

— Et vous, pourquoi restez-vous toujours dans votre coin, coing ? Répondit la mirabelle.

Le coing se trouvait bien entre ami coings. Ils étaient tous de bonnes pâtes. La mirabelle s’ennuyait un peu au milieu de ses congénères.

— Vous avez vu, dit-elle, nous sommes de la même couleur. D’un jaune très appétissant.

— Absolument, dit le coing. Nous aussi pour point commun de faire d’excellentes confitures. Ceci dit, ajouta-t-il, je me demande ce que vous faites ici. Je vous rappelle qu’une mirabelle ne pousse pas sur un cognassier. Est-ce que je vais m’accrocher sur un prunier, moi.

La mirabelle convint qu’elle s’était un peu aventurée :

— Mais tout de même, si les arbres fruitiers échangeaient davantage entre eux, ce serait plus sympa, dit-elle.

—Euh… je n’ai pas trop envie d’être pris pour une poire, répondit le coin, avec un solide sens de la répartie.

— C’est dommage, trouver plein de cerises sur un prunier, ce serait une belle surprise. Vous ne croyez pas, coing ?

— Remarquez que s’il y a beaucoup de cerises sur un prunier, il y a un moment où l’on peut parler de cerisiers.

— Vous manquez de poésie, dit la prune.

Concluons que l’idée de la mirabelle n’était pas mure. Ne nous étonnons pas que des arbres différents donnent des fruits qui peinent à se mélanger.