Archive pour février, 2017

Ennui

28 février, 2017

« Je m’ennuie. »

« Comment ça, vous vous ennuyez ? Vous bossez, vous vous occupez de votre famille et vous trouvez le temps de vous ennuyer ? »

« Je ne fais que des choses obligatoires quand on est père de famille et, en plus, je les fais mécaniquement, ça ne m’intéresse pas beaucoup. »

« Qu’est-ce que vous voulez alors ? »

« Un truc qui me transporte, qui ne me donne pas l’impression d’être une machine à vivre, vivre tout simplement. »

« Vous voyez bien que vous n’avez pas le temps de vivre, puisqu’après le boulot, après la soirée avec la famille, les devoirs des enfants, vous êtes crevé et bon à mettre au lit ! »

« Et vous trouvez ça marrant ? »

« Bon, je vois ce que c’est… Prenez un week-end à rallonge avec madame au bord de la mer, ça ira mieux après. »

« Pas du tout ! Voilà qui va me donner le goût de la liberté. Quand je reviendrai, je serai d’autant plus amer. »

« Bon, alors on fait quoi ? On abandonne son job, sa famille ? »

« Bin…non ! C’est encore moi qui aurait tort ! On me trouve quelque chose qui me permet d’exprimer ma créativité, un machin dans lequel je puisse m’exprimer pleinement. »

« Et voilà ! Vous avez tout fait pour vous mettre sur les bons rails : un job bien payé, une famille aimante, et tout à coup, ça ne vous convient plus… »

« Les bons rails, dites-vous ? C’est ça le problème :  les rails…  Je veux tout le confort, mais pas les rails qui me donnent l’impression de me conduire inexorablement à la fin du trajet. »

« Passionnez-vous pour le modélisme, la pâte à modeler, la numérologie…le foot. »

« Le foot peut-être, finalement c’est le seul évènement que je connaisse où personne ne connait la fin avant de commencer. On dirait qu’il n’y a pas de rails. »

« Ce n’est pas très culturel. »

« C’est vrai. Ma femme ne va pas apprécier. Parce qu’il me faut une passion et en plus qu’elle soit homologuée par mon entourage. »

« En fait, il vous faut un truc sans rail. Un truc auquel vous seriez confronté dont vous ne connaitriez ni le début, ni la fin, ni la direction. Il y a bien Dieu, mais je crains que votre entourage ne valide pas. »

« Vous pensez que la religion peut me sauver de l’ennui ? »

« Il est vrai qu’à l’origine, ce n’est pas tellement fait pour ça. Tout compte fait, gardez donc le foot. Le PSG ne sera pas forcément champion : il reste un zeste d’incertitude. »

Le Khmer du maire

27 février, 2017

Chez le maire

Amer

Vivent un Khmer

Et sa mère

Qu’il nomme mémère.

Ils n’ont jamais vu la mer.

Ils apprennent la grammaire

A l’école primaire.

 

La grève !

26 février, 2017

« Les bus sont en grève, ce n’est pas la peine d’attendre. »

« Si, c’est la peine. »

« Ah bon, pour quoi ? »

« Je montre ma solidarité. Si les conducteurs sont en grève, c’est sûrement pour de bonnes raisons. Pour amplifier leur mouvement et provoquer une prise de conscience générale, je rends visible leur mouvement social par ma présence stoïque. »

« Et quand la télé est en grève, vous restez aussi devant votre écran. »

« Bin … non, parce que personne ne me voit. Par contre lorsque les éboueurs s’arrêtent de bosser, je me dépêche de sortir toutes sortes de poubelles sur le trottoir pour qu’on se rende compte de leur absence. »

« Finalement, vous avez peut-être raison, pour pouvoir faire grève, Il faut que votre absence soit remarquée, et pour qu’elle soit remarquée, il faut qu’elle soit gênante pour les autres. Merci de paraître gêné par la grève des autres. »

« Je vous en prie ! »

« Donc, si je vous suis bien. Votre présence obstinée à cet arrêt de bus fait prendre conscience à la population, qui vous observe avec intérêt, de l’utilité des transports en commun pour qu’un pauvre hère comme vous n’en soit pas réduit à attendre un bus qui ne viendra pas. »

« Voilà, vous avez tout compris. »

« Bon, moi, quand je suis à mon travail, personne ne me remarque. Quand je m’absente, personne ne remarque non plus mon absence.  Puisque c’est comme ça, je vais me mettre en grève aussi, et je compte sur vous pour être gêné par mon mouvement. »

« Qu’est-ce que vous faites comme job ? »

« Je mène des enquêtes pour des instituts de sondage. »

« Alors là, ça va être compliqué d’être gêné, parce que quand vous arrêtez de travailler, les gens sont contents de ne plus être embêtés avec des questions idiotes. Personne ne vous interpellera pour répondre à des questions que vous ne posez plus. »

« Bon, alors comment je fais pour faire la grève ? »

« Vous interrogez les gens avec des questions qui n’ont qu’une réponse possible. Résultat : vous aurez 100 % de réponses semblables, c’est-à-dire une enquête sans intérêt. Vous aurez valorisé votre travail en anéantissant son intérêt. Ce sera comme si vous n’aviez rien fait.  Vous comprenez ? »

« C’est tordu, mais je comprends. Et pour lutter pour la sauvegarde du droit de grève, on fait comment ? »

« On met tout le monde au travail : les malades, les anciens, les jeunes, les chômeurs… Résultat : circulation saturée, réseaux informatiques inaccessibles, plus de place à la cantine… Bref, si tout le monde travaille c’est le bazar. Le gouvernement sera bien obligé de reconnaître le droit de grève pour s’en sortir. »

« C’est toujours le même principe : pour qu’on s’aperçoive de l’utilité de quelqu’un ou de quelque chose, il suffit de l’enlever ! Très intéressant ! Et pour que je prenne de l’importance chez moi, vous croyez que ça marcherait ? Kidnappez-moi ! »

« Euh… j’ai déjà essayé de me faire enlever, mais ma mère a donné de l’argent pour qu’on me garde ! J’ai été obligé d’avertir la police … qui était en grève. »

Allons, allons !

25 février, 2017

Non,

Je ne suis pas sous le pont

Long,

Mais je n’ai plus un rond

Je mange du thon

Dans les joncs,

Avec du son,

C’est bon.

Fais-moi un don,

Mon tonton.

But !

24 février, 2017

Quand cette histoire débute,

Jules butte

Un rosier sur la butte.

C’est son but.

Rien ne le rebute.

Mais, contre un caillou il bute,

Et fait une culbute.

A la malchance, il est en butte.

Un être bon ?

23 février, 2017

« Je vous complimente. »

« Ah bon, pourquoi ? »

« Je n’en sais rien, mais vous avez surement des qualités qui suscitent l’admiration, comme tout le monde. »

« Vous flagornez. Qu’est-ce que vous attendez de moi, en échange de vos flatteries. Ne seriez-vos pas en train de me rejouer la scène du corbeau et du renard ? »

« Je n’attends rien. Promis. C’est étonnant comme les gens n’aiment pas qu’on dise du bien d’eux. Voilà qui montre bien que nous sommes dans une société où la règle, c’est l’agression entre les individus. »

« Peut-être, mais là vous me mettez dans la situation où je vais être obligé de vous trouver des qualités et de les énoncer alors que je n’en ai pas tellement envie. »

« Vous allez me gêner. »

« Alors qu’est-ce que je fais de vos compliments ? Je dis qu’ils sont bien trop élogieux et que je ne les ai pas mérités ? »

« Non, si vous faites ça, je vais être obligé d’en rajouter une couche en disant qu’en plus vous êtes d’une très grande modestie qui vous honore. »

« Vous avez raison, ça ferait beaucoup. Je vais dire qu’en effet je suis doté de toutes les qualités que vous me reconnaissez. »

« C’est mieux. Il faut savoir s’assumer, même quand on est un être merveilleux. »

« Vous êtes sûr que je ne peux pas vous complimenter aussi ? »

« Non. D’autant plus qu’à côté de vos mérites, les miens sont peu de choses. »

« Vous voyez… Déjà, on peut dire que vous êtes modeste ! »

« Ah oui ! Mince ! Je n’ai pas fait exprès. Le mieux serait que vous me détestiez. »

« … Ce qui ne va pas tarder ! On ne déballe aux gens leurs qualités comme vous le faites ! C’est très malséant. »

« Je suis désolé, je n’ai pas été très bien élevé par mes parents. C’est vrai, ils auraient pu m’apprendre la méchanceté gratuit en dénigrant tout le monde ! »

« Vous avez l’air d’avoir eu une enfance difficile. »

«Oui. Dès l’âge de 3 ans, j’ai dû apprendre à respecter mes camarades de bac à sable. A 6 ans, je protégerais les plus faibles dans la cour de récréation. A 10 ans, j’organisais une caisse de secours pour les enfants sans Noël. »

« Je comprends mieux votre obsession d’être bon pour les autres. »

« Le corps médical ne m’a pas laissé beaucoup d’espoir d’en sortir. »

De toutes les couleurs

22 février, 2017

Marie-Claire

Est un fin cordon-bleu.

Elle sait aussi soigner son laurier-rose.

Elle travaille à La Croix-Rouge.

Son mari est Peau-Rouge.

Il chasse le col-vert,

Avec ses gris-gris,

Et ses armes en fer blanc.

 

Un éloge

21 février, 2017

« Je suis en train d’écrire mon éloge. »

« Vous avez raison. Si vous ne le faites pas, je ne vois pas bien qui va s’en charger. Vous avez fait des choses exceptionnelles ? »

« Non, pas vraiment. J’ai eu une vie très banale. »

« Alors là, ça va être compliqué pour en tirer un discours. »

« Je pourrais insister sur ma modestie légendaire. J’ai tout fait pour ne pas sortir de l’anonymat. »

« Ce sera donc un éloge de la médiocrité, mais enfin… pourquoi pas. Si tout le monde sortait de l’anonymat, il n’y aurait que des vedettes sur terre, et nous serions tous des anonymes parmi les vedettes. »

« Ma façon de rester dans la foule des anonymes est exemplaire. Certains prétentieux croient en sortir en faisant des efforts. Moi, j’étais tellement sûr de ne pas en sortir que je n’ai fait aucun effort. »

« C’est d’une grande sagesse. Encore un bon point à mettre à votre actif. »

« Je me suis contenter de naitre, d’aller à l’école, de bosser et d’arrêter de bosser. Sans me plaindre de ma condition. »

« Voilà qui est méritoire. Quand on pense au nombre de personnes qui descendent dans la rue pour un oui ou un non, le gouvernement a bien besoin de gens de votre docilité. »

« Vous êtes sûr que je peux mettre ça dans mon éloge. »

« Ce sera original. Vous serez celui qui ne s’est jamais rebellé. Il faut beaucoup d’abnégation pour tout accepter de la vie. »

« Je pourrais mettre aussi en avant mon caractère affable. Malgré mon manque total de réussite professionnelle et personnelle, je n’en veux pas à la Terre entière. Aucune trace d’amertume dans mon comportement. »

« Effectivement, je suis très impressionné. Vous ne rejetez pas la faute de vos insuffisances sur vos profs, vos parents, votre patron… Vous êtes sûr d’être normal ? »

« Oui, je prends la responsabilité de toute mes erreurs. »

« Autant de lucidité, c’est admirable, mais il faudrait aussi penser à vous trouver une qualité. Dans un éloge, ça se fait. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que vous avez été parfaitement lucide sur votre lamentable sort. »

« Alors là, ça va être compliqué. »

« Ecrivez que vous êtes gentil, intelligent… Enfin, des qualités que tout le monde possède. Comme ça, vous serez tranquille, ça ne vous sortira pas de l’anonymat, même quand vous ne serez plus là. »

« Vous avez raison, il faut que je me fasse un éloge à mon image : complètement nul. »

C’est relatif !

20 février, 2017

Un je-ne-sais-quoi,

Comme qui dirait un bruit !

C’est peut-être un iroquois

Ou n’importe qui.

C’est pourquoi,

Je reste sur le qui-vive,

Qui que ce soit

Je reste coi.

C’est toujours pareil !

19 février, 2017

« Je dis toujours la même chose, c’est consternant. »

« Comment ça ? »

« Toujours la même chose, je vous dis. J’ai l’impression d’avoir un vocabulaire limité. Je sors toujours les mêmes phrases. »

« Par exemple ? »

« Le soir quand je rentre, je dis que je suis fatigué et que j’ai une journée de merde. Dire tout le temps que je suis fatigué, ça me fatigue. »

« Mais c’est peut-être vrai ? »

« Ce n’est pas tout. J’ai des refrains pour chaque situation. Sur le temps, bien entendu, je suis irrésistible quand je dis qu’il fait froid ou qu’il fait chaud, ou alors qu’au printemps, on ne sait jamais comment s’habiller. »

« C’est vrai que c’est assez pauvre, mais en ce qui concerne la météorologie, il est assez difficile de se distinguer. »

« Mon pauvre ! Je n’en rate pas une ! En début de semaine, je clame : comme un lundi ! Dès qu’on me demande de mes nouvelles. Ou alors, à partir du jeudi, je ne manque jamais le célèbre : vivement le week-end ! Ce serait dommage. »

« Mais tout le monde fait ça ! »

« Oui, mais alors moi, je m’en rends compte et je m’agace moi-même ! Si je ne dis pas : « j’ai un de ces boulots », chaque matin en arrivant au travail, je ne me sens pas bien. D’autant plus que ça n’est pas toujours vrai. »

« Ne vous inquiétez pas, ce sont des phrases réflexes. »

« Mais il y a pire, docteur. J’ai un refrain sur l’incapacité du gouvernement à nous administrer que je sers à tout propos. Quelle que soit son orientation politique, je ne résiste pas au plaisir de dire que nous sommes gouvernés par des incapables. »

« Vous n’avez pas forcément tort. »

« Ce n’est pas une raison pour tenir une demi-heure sur ce sujet à la cantine. J’exagère… J’alterne avec les programmes de télé qui sont tout débiles. J’ai un argumentaire très au point pour le démontrer. Vous voulez que je vous en fasse profiter. Je ne sais dire que ça. »

« Non merci, j’ai déjà entendu ça quelque part. Mais finalement qu’est-ce que vous voudriez ? »

« J’aimerais avoir des sujets de conversation nombreux, variés, intéressants. Ou alors ne pas dire les mêmes mots sur les mêmes sujets. J’ai l’impression d’être une mécanique remontée pour sortir les mêmes imbécillités. »

« C’est inévitable. Les uns rassurent les autres. C’est animal : les chats et les chiens ont besoin des mêmes lieux et des mêmes parcours pour se sentir bien. » 

« J’aimerais bien me situer un peu au-dessus du niveau bestial. »

123