Archive pour mars, 2022
Les prénoms
27 mars, 2022« Holà, monsieur le duc, n’êtes-vous pas sensible aux appâts d’Anna ? »
« Nenni point, mon bon, je trouve ceux de Manon plus mignons ! »
« Pourtant, on vous a vu avec Claire dans l’eau de la claire fontaine. »
« Elle n’est pas comme Ella, qui n’est jamais là ! »
« A votre guise, monsieur le duc de Guise. Mais de grâce n’abandonnez pas Apolline qui se morfond sur la colline. Ni Coline qui y est aussi, sur la colline. »
« Je sais, mais je ne peux pas tout faire : ce soir, je dine avec Amandine. »
« Vous devriez vous méfier du comte, c’est Laura qui l’aura. »
« La comtesse Maud lui dira deux mots à ce polisson qui courtise aussi Fanchon. »
« N’avez-vous pas offert des lilas à Lilah ?»
« Si fait, mon bon, mais c’est Maelle qui les a pris pour elle. »
« Je ne vous conseille pas Esther, qui se terre sur ses terres. »
« Ni Océane qui navigue sur l’océan. »
« Voyons, voyons… ne pensez pas non plus à Maguy qui est à Guy ! »
« Imaginez mon désespoir, mon bon, Philippine est partie aux Philippines ! »
« Mais il y a une solution, monsieur le duc, Opale qui est pâle est rentrée de la côte d’Opale ! »
« N’est-elle pas a mon ami le duc de Lorraine, comme Lorraine ? »
« Ah oui ! Il y a aussi la belle Sharon, la femme du charron ! »
« Ah non ! Elle sort avec l’émir Amir qui l’admire ! »
« Et la baronne Rachel de l’Echelle qui vit à Chelles ? »
« A tout prendre, pourquoi pas Romane qui écrit un roman à Oman ? »
« En effet, mais elle est à monsieur Caron, le baron rond ! »
« Je déconseille Anaïs qui fume du maïs ! »
« Et Constance, qui est si constante, n’est-elle pas revenu du lac de Constance ? »
« Il faudrait demander à Aurore avant l’aurore, ou à Aude avant l’aube. »
« Voyons, voyons… Armande de Mende ? Non ! Sa Majesté la mande souvent. »
« Peut-être Agatha, qui vous gâta ? »
« Je préfère la blanche Blanche ou Prune la brune. »
« Non, ce sont les nièces d’Agnès ! »
« Que pensez-vous d’Eugénie qui en a … du génie. »
« Elle en a trop, monsieur le duc, orientons-nous vers la sœur de Modeste qui l’est. »
Les petites histoires à la Cour de sa Majesté
26 mars, 2022L’antipathique
22 mars, 2022« Vous êtes très sympathique. »
« Comment ça « sympathique », ça ne me convient pas du tout. N’avez-vous donc pas noté mon caractère acariâtre ? »
« Si, tout le monde l’a noté. Mais nous vous plaignons beaucoup ce tempérament est sans doute dû à une enfance peu heureuse. »
« Vous me chercher des excuses ? Vous n’avez donc pas remarqué que je fais des histoires pour un oui ou un non ? »
« Oui, effectivement. Cela est sans doute causé par un complexe d’infériorité qui vient du fait que votre papa vous obligeait à finir votre assiette de soupe sous menace des pires sanctions. »
« Non, ça suffit. Mon papa n’y est pour rien. Je suis antipathique parce que j’ai envie. Je suis assez grand pour être désagréable tout seul. »
« Je vous comprends, la vie ne vous a pas vraiment gâté. »
« Arrêtez de me comprendre ! Soyez exaspéré par mon tempérament médiocre ! Moi, je ne me permets pas de comprendre votre caractère arrogant ! »
« Ce n’est pas grave ! Vous souffrez sûrement de votre infériorité intellectuelle. Nous vous apportons tout notre soutien en cette regrettable situation. »
« Non, mais dites-donc : pour qui vous prenez -vous ? »
« Ne vous inquiétez pas. Nous sommes tous touchés par votre gentillesse et votre besoin de contacts humains. »
« Pas du tout, je ne suis pas gentil ! Qu’est-ce que ça veut dire ! Et puis ce n’est pas parce que je passe deux heures devant la machine à café à raconter ma vie que j’ai besoin de contacts humains. Si vous continuez, je vais vous snober. »
« Ce serait assez sympa de votre part. »
« Voila, j’en étais sûr. Ma présence vous indispose. Vous me dites sympathique pour que je me calme. Quelle hypocrisie ! »
« Si, si tout le monde vous aime bien. Vous nous faites apprécier ce que nous sommes devenus : des gens paisibles, pondérés, raisonnables. »
« Si je comprends bien, vous tirez parti de mon côté insupportable pour valoriser vos pauvres petites personnalités. Puisqu’il en est ainsi, je vais devenir charmant ! »
« Non, ne faites pas ça ! De qui va-t-on médire ? Et puis vous savez ce qu’il faut faire pour être charmant ? »
« Mais tout à fait, je peux couvrir de louanges les travaux de chacun par exemple. Ou alors ne plus vous voler la dernière crème brulée à la cantine. Ou encore arrêter de mobiliser deux places de parking à moi tout seul, alors que je viens en trottinette. »
« Ah mince ! Vous sortez l’arme de dissuasion massive. Vous n’allez pas faire comme Dugenou qui rend service à tout le monde ? »
« Alors arrêtez de dire que je suis sympathique ! »
La bavarde
21 mars, 2022« Vous êtes une grande bavarde. »
« Oui, j’aime bien bavasser. Il est important que mon entourage soit au courant de mes pensées tout au long de la journée. »
« Vous êtes sûre ? Parce que certaines de vos amies pensent que vous ne dites pas que des choses intéressantes. »
« Ce sont des jalouses. Elles n’ont pas autant à dire que moi. Je suis au courant de tout, je sais beaucoup de choses. Je peux en dire plus encore. »
« Mais vous avez un débit de mitraillette. C’est assez difficile à supporter. Quand vous avez fini de parler, on a toujours l’impression que vous allez en rajouter. »
« J’aime bien parler, ça me détend. Les autres n’ont qu’à m’écouter, c’est la seule chose que je leur demande. Ce n’est pas trop fatigant ! »
« Eux aussi aimerait bien se détendre, mais c’est difficile de vous couper la parole ! »
« J’espère bien ! De toute façon, c’est interdit ! »
« Ce n’est pas mal d’écouter les autres de temps en temps. Vous pourriez apprendre des choses intéressantes. »
« Je vois ça ! Ils vont me pourrir la vie avec leurs problèmes de santé, leurs difficultés avec leurs gosses, leur époux, leur patrons… Enfin, je n’en ai aucune envie ! »
« Et vous, votre dernier week-end chez votre beau-frère dans les fins fonds du Cantal, vous croyez que ça intéresse beaucoup de monde. »
« Evidemment que ça les intéresse, il s’est passé plein de choses. Par exemple, c’est la première fois que j’arrive à battre mon neveu à la pétanque ! »
« Effectivement, ça méritait bien une conférence à l’heure du café. »
« Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Je ne vais tout de même pas laisser la mère Boulard pérorer sur ses vacances au Guatemala ! »
« Je vois ! C’est une vraie compétition ! Madame Boulard pourrait vous apprendre des choses sur le Guatemala ! »
« Pas du tout, la seule chose qui l’intéresse, c’est qu’une meute d’admirateurs l’écoutent. La semaine dernière, elle a profité de mon retard pour gaver tout le monde avec la fracture du poignet de sa belle-mère. Il faut que je la surveille de près ! »
« Quel est votre prochain sujet pour vos prestations à la machine à café ? »
« A partir du cas de l’époux de ma cousine qui court le jupon, j’envisage un développement sur le caractère volage des hommes. »
« En effet, l’infidélité des hommes, voilà un sujet sur lequel il y a beaucoup à dire. »
« J’en profiterai pour m’indigner longuement sur leur caractère menteur, veule, lâche. Nous pourrions déboucher assez rapidement sur leur tendance innée à l’alcoolisme. »
« Là, madame Boulard et son Guatemala seront battus à plate couture ! »
Clément et Cécile
19 mars, 2022Leçon de maths. Ne fuyons pas.
17 mars, 2022« Puis-je faire partie du cercle de vos amis ? »
« Je ne sais pas. Vous manquez un peu de surface. »
« Vos fonctions sont-elles si importantes ? »
« Absolument, j’ai beaucoup de hauteur de vue. Je peux faire bouger les lignes sur tous les plans. »
« Vous êtes un homme droit. »
« En effet, jamais un regard oblique. Je suis toujours positif. »
« Corollairement, ne pensez-vous que vous êtes un peu prétentieux ? »
« Pas du tout, je connais mes limites. »
« Et la croissance, comment va-t-elle se présenter ? »
« Je n’ai aucun doute : elle sera exponentielle. Je m’en occupe. »
« Mais avec le déficit qui augmentent, ça risque d’être un peu tangent, non ? »
« Pas du tout ! Je multiplie les mesures de relance. »
« Vous êtes quelqu’un de carré ! »
« Tout à fait. En plus, j’ai le compas dans l’œil. Tout doit être d’équerre. »
« Certains vous trouve obtus. »
« Voilà qui m’est complètement équilatéral ! »
« Il faut dire que, dans votre domaine, vous en connaissez un rayon. »
« Parfaitement, dans ma sphère, je ne me connais pas d’égal. »
« A la base, de quel milieu venez-vous ? »
« Mon père fabriquait des quadrants d’horloge. Ma mère faisait du trapèze. »
« Voilà un ensemble curieux qui a donné un drôle de numéro. »
« Peut-être, mais ils ont été les vecteurs de ma carrière. Je suis arrivé au somment grâce à eux. »
«Vous ne deviez jamais de votre axe ? »
« Jamais ! Je suis une grande figure de la science. »
« Avez-vous plusieurs cordes à votre arc ? »
« Bien entendu, je suis un être multidimensionnel. »
« Vous travaillez dans l’hexagone ? »
« Parfaitement ! Ceux qui disent le contraire ne sont que des petits rapporteurs ! »
« Quelles sont vos relations avec vos semblables ? »
« Nous avons de bonnes relations, très symétriques. »
« Bon, laissez-moi vos coordonnées ! »
Misère !
16 mars, 2022« Je suis dans la mouise. »
« Qu’est-ce qui vous arrive, mon brave ? »
« J’ai beaucoup trop d’argent, j’ai un boulot passionnant, une famille formidable, je suis en bonne santé. »
« Et alors, c’est bien ! »
« Non, ce n’est pas bien du tout. Quand on est au sommet, on ne peut que redescendre, ça s’appelle la loi de la gravité. Je suis très inquiet. »
« Allons, allons, beaucoup de gens voudraient être à votre place. »
« Vous en parlez à l’aise. Si vous tombez vous, ça ne sera pas de très haut. Moi, je dépense une énergie folle à rester aux sommets. »
« Donnez votre argent aux pauvres. »
« Mais ils vont connaitre le même malaise que moi. Ce n’est pas un service à rendre. »
« Faites-vous des ennemis. Soyez odieux avec votre entourage ! »
« Vous voulez me rajouter des dilemmes moraux ! Merci bien ! »
« Finalement, dans la vie, on se met en quatre pour accéder aux sommets, et quand on y est on se fait un sang d’encre : on a peur de chuter ! »
« Eh oui, c’est comme ça ! Je n’aurais pas voulu être roi de France. Je ne sais pas si vous imaginez le stress du type qui arrivait à ce niveau. »
« Le mieux ce serait peut-être de se contenter d’une vie modeste. »
« Comme Dugenou ? Mais le pauvre s’ennuie ! Et madame Dugenou passe son temps à lui reprocher son manque d’ambition. Ce n’est guère agréable. »
« Bon, alors on fait comment ? »
« Il faudrait virer le mot ‘objectif’ du vocabulaire. Si nous n’avions plus rien pour désigner ce concept, peut-être vivrions nous plus en paix avec nous-même. »
« Ne craigniez-vous pas que cela nous ramène au niveau de l’animal ? »
« Pardon ! Pardon ! L’animal a l’objectif de manger, de dormir et d’avoir des mômes pour survivre. »
« C’est un peu ce que je fais : je dors, je vais au boulot, je mange, un coup de télé et je m’endors. »
« C’est vrai. Le problème, c’est que vous, vous en rendez compte. Eliminez le mot ‘objectif’ de votre vocabulaire et ça ira mieux. »
« Mais dans ce cas on tombe au niveau de la machine. On fera des trucs, mais sans savoir pourquoi on les faits. C’est le pire ! »
« Ah oui, mince ! Je n’avais pas vu les choses comme ça ! »
« Nous sommes damnés, je vous le dis. De tous les côtés, ça ne nous apporte que des inconvénients. Il ne nous reste plus que compter sur l’intervention d’une entité surnaturelle qui nous délivrerait de toutes ces diableries. »
Drôles de zèbres
14 mars, 2022« Les bêtes ne sont pas aussi bêtes. »
« Comment ça, maître ? Nous les hommes, nous ne sommes donc pas les maîtres de l’univers ? »
« On peut se poser la question. Les scientifiques viennent de comprendre pourquoi les zèbres ont des rayures noires et blanches sur leur peau. »
« En effet, c’était étrange. Je me posais justement la question en venant ici. »
« Figurez-vous qu’il y a très longtemps des docteurs-zèbres ont déterminé que les insectes volants dangereux (porteurs de maladie) ne se posent pas n’importe où. A l’aide d’expériences précises, ils ont démontré que les rayures noires et blanches provoquaient une illusion d’optique chez les insectes qui préféraient atterrir ailleurs. Du coup le président des zèbres ayant réuni son conseil scientifique décida qu’il fallait avoir des rayures noires et blanches. »
« Quelle belle histoire, maître ! »
« Il y a eu des récalcitrants qui ne trouvaient pas cette allure très seyante. »
« Que sont-ils devenus ? »
« On ne sait pas trop. Peut-être qu’ils ont été éliminés ou alors envoyés chez les chevaux. »
« C’est fascinant ! Heureusement que notre gouvernement ne nous oblige pas à nous habiller tous de la même manière pour échapper à un prédateur ! »
« On peut interpréter cette histoire de différentes manières. On peut dire que le président des zèbres était un dictateur. Mais on peut dire aussi qu’il avait le souci de la survivance de l’espèce qu’il a assurée en faisant prévaloir l’intérêt collectif sur l’intérêt individuel. »
« C’est une bonne leçon, maître. Personnellement, je n’aimerais porter les mêmes baskets que les autres, mais j’ai peut-être tort. Une production monocolore de baskets permettrait d’abaisser les prix de vente et tout le monde y gagnerait. »
« En effet, élève, on peut se demander si notre tendance à l’individualisation de notre société ne contribue pas à sa disparition progressive. »
« Les hommes sont assez contradictoires. Ils n’aiment pas se ressembler entre eux tout en étant jaloux de la voiture de leurs voisins si elle est plus belle que la leur. »
« Si les zèbres avaient lambiné, il y aurait des zèbres de toutes les couleurs et nous aurions des difficultés à retrouver les vrais zèbres. »
« Remarquez, maître, que nous avons aussi des « tendances zèbre ». Ainsi vous ne pouvez pas peindre votre maison de n’importe quelle couleur, il faut qu’elle soit en harmonie avec le paysage. »
« Oui, élève. On pourrait vous rétorquer qu’il s’agit d’esthétisme et non pas de sauvegarder l’espèce humaine. Pourtant, je me pose la question : le pouvoir d’apprécier la beauté de nos paysages n’est-elle pas justement une caractéristique de l’espèce humaine ? »
« En effet, maître ! Il reste que nous oscillons continuellement entre un comportement moutonnier et notre tendance solitaire. »
« Les zèbres ont tranché la question, car leur seul et unique objectif est de survivre, tandis que nous, nous en avons beaucoup d’autres : aller au ski, acheter une bagnole, se taper une petite bouffe au resto, avoir un job bien payé… Toutes ces choses qui nécessitent le « chacun pour soi ».