Un pays de cocagne
31 janvier, 2016« Imaginons un pays où il ne se passe rien de grave. Il n’y a pas de chômage, les impôts sont faibles, les citoyens respectueux des lois et de leurs voisins quelles que soient leurs origines. »
« Ce n’est pas possible, ça n’existe pas. Il y aura toujours des politiciens et des journalistes pour flanquer la pagaille. »
« Non, comme il n’y a pas de chômage, pas de pauvreté, les hommes politiques auraient du mal à trouver des sujets de controverse. Du coup, ils ne pourraient pas prétendre qu’avec eux au pouvoir, les choses iraient mieux, puisqu’il n’y aurait plus aucun problème à régler. »
« Si les politiciens n’ont plus d’ambitions personnelles, où va-t-on ? »
« Puisque les politiciens n’ont pas grand-chose à dire, les journalistes pourraient se tourner vers des informations intelligentes. »
« Effectivement, ça changerait. Et pour l’éducation, ça se passe comment ? »
« Très bien ! Tous les enfants travaillent sagement à l’école, au collège, au lycée. Il n’y a pas de bagarre. L’autorité des profs est respectée. »
« C’est dommage, c’est quand même dans les bagarres de récré qu’on apprenait la vie. »
« Ce n’est plus utile puisque toute forme de violence a disparu ! Les citoyens vivent les uns avec les autres en bonne intelligence. »
« On risque de s’emmerder un peu. On ne peut plus se plaindre de rien dans votre pays. Heureusement, il reste le temps. »
« Euh… non. Grâce à un comportement exemplaire des familles, la nature est préservée, le climat aussi, si bien que les saisons s’enchaînent harmonieusement les unes aux autres sans excès. »
« Vous vous rendez compte du bazar que ça va être s’il n’y a plus de sujet d’inquiétude ? C’est l’angoisse assurée. »
« Comment ça, l’angoisse ? »
« Moi, quand tout est parfait, j’ai d’autant plus de crainte que survienne une catastrophe. Plus on est haut, plus on se fait mal en tombant. Dans notre petite vie médiocre, on ne risque pas grand-chose ! »
« Oui, je reconnais que trop c’est trop, c’est un peu stressant. On pourrait garder un petit sujet d’incertitude. Par exemple, un français va-t-il gagner le tour de France, cette année ? »
« Non ! Il n’y a pas d’incertitude là-dessus : de toute façon, les français ne gagnent jamais. »
« Bon, alors on pourrait inventer un délit de pessimisme. Ça occuperait les juges qui n’ont rien à faire. Tous ceux qui prévoient une catastrophe, on les mettrait en prison. »
« Et si la catastrophe se réalise ? »
« Ce sera de leur faute, on double la peine. Pour qu’une collectivité fonctionne, il faut toujours des boucs émissaires. »