Archive pour août, 2022

L’auberge de maître Poulard

30 août, 2022

C’est l’histoire de Lucienne de Sienne. Elle chemine à pied sur la route. Soudain, elle trouve un parchemin sur son chemin. Le texte lui conseille d’éviter de passer par le bois où vivent des brigands, laids comme des balais, de vrais soudards qui sont saouls très tard.

Le pli propose à Lucienne de passer plutôt sur le long de la rivière. Sur la berge, elle trouvera une auberge très bien notée sur le guide du cheminot. L’aubergiste, maître Poulard lui servira ses excellentes poulardes pour lui permettre de se restaurer.

Lucienne aurait préféré passer par le bois : le chemin eut été plus court. Mais la perspective d’une bonne table dans l’auberge de maître Poulard la séduisait aussi. On comprend qu’elle se trouvait en plein dilemme : quelle solution allait l’emporter ?

Cette histoire présente la curiosité de suggérer une morale avant la fin du récit. La leçon de cette demi-histoire, c’est que lorsqu’on est en face de deux options qui se présentent comme un choix cornélien, il suffit d’en inventer une troisième pour échapper au dilemme présenté par le vieux Corneille.

Lucienne appela la gendarmerie pour sécuriser son passage par le bois, ce qui fut fait avec diligence. Le lendemain, elle vint déjeuner avec ses amies à l’auberge de maître Poulard. Excellement ! Elle vous remercie ! Comme le menu nous intéresse, nous sommes en mesure de dire que l’aubergiste régala les convives d’un velouté aux girolles, d’un rôti de veau façon grand-mère et d’un clafoutis soufflé aux fruits rouge.

La cave de l’auberge étant à la hauteur, nous révélons qu’à l’issue de ce déjeuner, la table de maître Poulard gagna une étoile au guide, nouvelle qui n’a — disons-le — aucun rapport avec le dilemme du début de cette histoire.

Il s’en passe de belles au château !

28 août, 2022

C’est l’histoire de Roger, l’horloger. Il était réputé pour réparer tout ce qui donnait le jour et l’heure : horloges normandes ou pas, montres éventuellement suisses, clochers de villages pittoresques ou non, etc… Un jour le duc lui apporte une horloge à coucou qui ne fonctionnait plus :

— Holà, Maître Horloger, dit-il d’un accent dominateur. J’ai une belle horloge, mais le coucou n’en sort plus quand il convient d’en sortir.

En effet, Roger constata le dysfonctionnement. Le coucou n’émergeait plus de sa boîte et, en plus, éprouvait le besoin de chanter à un moment complétement aléatoire de la journée. Roger dit :

— Holà, Maître Coucou, n’y a-t-il pas dans votre étrange comportement la volonté de narguer monsieur le Duc.

— Si fait, répondit le volatile, j’ai décidé de sortir ma cachette quand je le désire.

— Prends garde, oiseau frondeur, dit Roger : monsieur le Duc pourrait te remplacer par le merle siffleur qui n’attend que ça.

Le coucou répondit qu’il serait fort surpris d’une telle manœuvre, car il en savait long sur le Duc. En fait, expliqua-t-il, il sortait de son logement chaque fois que le Duc lutinait la belle lingère Simone dans le salon. Le coucou disposait donc de toutes les preuves susceptibles de confondre le Duc devant la Duchesse.

Le Duc informé de la trahison du coucou décida de modifier ses habitudes : désormais il lutinait Simone, la belle lingère dans la chambre de celle-ci où vivotait une vieille horloge normande qui s’en fichait royalement, vu qu’elle avait officié autrefois en face du lit de sa Majesté.

De son côté, le coucou fort mécontent de la tournure des évènements, parla à la duchesse qui s’en ficha aussi puisque la place dans le salon étant libre, elle y accueillit très favorablement Edmond, le palefrenier.

L’odorant Evariste

26 août, 2022

C’est l’histoire d’Evariste Lefort qui n’était pas très fort, et qui sentait fort en dépit de ses efforts. Evariste vivait dans la forêt en compagnie de son pivert Alberic. Il faut dire, pour comprendre la suite de l’histoire, que la mine d’Evariste n’était guère engageante. Ses yeux bleus se perdaient dans la profonde pilosité qui cachait son visage. La crasse qui recouvrait son corps sentait fort l’animal sauvage. Seul Albéric était en mesure de l’approcher sans masque à oxygène.

Parfois, l’homme et le volatile se rendaient au supermarché pour faire quelques emplettes. A son arrivée, la clientèle vidait les lieux, ce qui mettait monsieur Dupoulet, le gérant, dans une triste situation. Mais Evariste le prit en amitié :

— Holà, messire gérant, dit-il dans son patois des bois. Vos fidèles clients ne souffriraient-ils pas d’une sorte d’ostracisme vis-à-vis des hommes des bois ?

A vrai dire, monsieur Dupoulet se fichait de la question. Ce qu’il ennuyait, c’est que les jours de visite d’Evariste, son chiffre d’affaires tombait à zéro, que toutes ses caissières s’enfuyaient en bousculant les clients pour sortir plus vite du magasin.

Evariste compatissait aux soucis de monsieur Dupoulet.

—  Holà, messire gérant, vous voilà dans la gêne ! J’ai une idée : vendez l’odorant Evariste !

— Vous voulez dire le déodorant, homme des bois.

— Pas du tout, ce serait un produit qui distillera l’odeur d’Evariste. Ainsi vos clients pourraient s’habituer aux effluves qui s’exhalent de ma personne et ne se sauveraient plus à mon approche. En plus, ils pourraient offrir un flacon d’odorant à leurs amis pour leur faire une farce.

Ainsi fut fait. Le succès colossal du magasin de monsieur Dupoulet dépassa tout ce que l’imagination des hommes du marketing avait pu projeter.

 

 

Le chat qui n’aimait pas le caramel mou

24 août, 2022

C’est l’histoire de Natacha qui fabriquait du caramel. Son caramel était mou, beau et bio. Elle avait un chat qui s’appelait Pacha. Cela pouvait créer un joyeux malentendu lorsqu’elle disait qu’elle avait « Pacha à la maison ». Les gens comprenaient qu’elle n’avait pas chat chez elle. C’était faux.

Son chat, comme tous ses congénères n’aimait pas le caramel. Ce qui constitue déjà un début d’intrigue dans cette histoire. Un Don Juan qui passait par là (l’histoire ne dit pas d’où il sortait) s’inquiéta du sort du chat Pacha de Natacha. N’allait-elle pas l’abandonner au prétexte fallacieux qu’il n’aimait pas le caramel ?

Le Don Juan qui se nommait — comme par hasard —Juan séduisit Natacha. Il en peignit même un portait qui nous resta sous le nom de « la jeune fille au caramel ». Un conflit inévitable éclata. Juan aimait beaucoup Pacha, mais la jeune fille au caramel n’en voulait plus. La mère du couvent voisin, qu’on n’attendait pas ici, intervint et proposa une solution.

—      Holà, pourquoi ne pas faire don de votre chat aux sœurs du Carmel, reine du caramel ?

Moralité : quand on est industriel dans le caramel, il vaut mieux avoir de bonnes relations avec les carmélites.

La danse des chipolatas

22 août, 2022

C’est l’histoire d’une Espagnole qui vivait à Brignoles. Elle s’appelait Gloria et elle chantait comme un rossignol en vendant des chipolatas. Ses saucisses connaissaient un grand succès grâce à la jolie voix de Gloria, mais aussi de la bonne facture de sa charcuterie.

Un jour, un Suisse s’arrêta devant son échoppe et dit :

—      Holà, vendeuse de chipolatas, tes charcuteries sont de qualité et tu les vends bien.

A ces mots, Gloria ne se tint plus de joie. Elle ne se maria pas au Suisse (comme on aurait pu le croire dans un conte de qualité). Elle installa plutôt une entreprise d’exportation de chipolatas à l’international qui connut un grand succès. Jusqu’en Sibérie, des émeutes se produisaient chaque fois qu’un wagon de marchandises apportait des chipolatas de Brignoles.

Un jour, le cardinal de Brignoles (que personne ne connait, c’est bien dommage) entra dans l’échoppe de Gloria l’Espagnole qui vendait des chipolatas :

—      Holà, fieffée Espagnole, ne vois-tu pas que tes chipolatas suscitent de la gourmandise dans le monde entier. Et sais-tu que la gourmandise est un péché très grave ? En punition, donne-moi ton stock.

Le cardinal de Brignoles repartit en tracteur tirant une charrette lestée de 500 kilos de chipolatas. Inutile de dire que le prélat, abusant de ses fonctions, abusa aussi de la charcuterie de l’Espagnole et en mourut par étouffement. Ce qui est une morale très satisfaisante de l’histoire.

 

Comment régler ses dettes.

20 août, 2022

C’est l’histoire du tailleur Dumollard qui habillait la duchesse. Mais il arriva qu’un malandrin, malappris, entraine le duc, le mari de la duchesse, dans une série d’opérations financières particulièrement maladroites. Bientôt, la duchesse ne put plus payer les vêtements somptueux que Dumollard lui proposait. Néanmoins, en se faisant chattemite et en montrant mille grâce à l’artisan, la duchesse réussissait à amadouer son créancier. Pour chaque bal, elle paraissait dans une robe nouvelle aux milles dentelles et broderies qui éblouissait le plus modeste des nobliaux de sa région.

Pendant ce temps-là, la comtesse tempêtait. Le tailleur servait au mieux la duchesse, tandis qu’elle dut à plusieurs reprises se vêtir d’une robe déjà vue dans les festivités de la saison précédente.

Le comble, c’était que la duchesse n’avait plus un sou pour payer le tailleur, tandis que la comtesse réglait ses vêtements rubis sur l’ongle.

Le comte, fort marri de cette aventure, s’indigna auprès de Dumollard :

—      Holà, tailleur du diable ! Comment la duchesse peut-elle être mieux vêtue que mon épouse la comtesse alors que le duc est dans le plus grand des embarras financiers.

—      C’est que madame la duchesse est d’une beauté exceptionnelle, monsieur le comte.

Le comte maugréa, mais en son for intérieur, il savait bien que le tailleur avait raison : habiller la comtesse de robes brillantes ce serait gaspillage, car madame la comtesse était moche.

Pour le comte, la seule façon de se tirer de ce mauvais pas était de convoquer le duc en duel. Il l’extermina en un tour de main, puis il divorça de la comtesse moche et enfin se remaria avec la duchesse belle qui put enfin — grâce à son argent — honorer les traites du tailleur Dumollard.

L’ours Marius

16 août, 2022

C’est l’histoire de l’esquimau Momo qui fait sa ballade du soir sur la banquise.

L’homme, un peu interloqué, croise sur sa route Marius, l’ours blanc. L’animal porte un message à son cou. Et notre esquimau, toujours un peu étonné (on le serait à moins), détache le pli et en prend connaissance.

—      Quelle horreur ! Se dit-il in petto. La Reine des Neiges est prisonnière d’un brigand dans un igloo proche du mien.

Heureusement, la souveraine a pu compter sur Marius, son ours blanc pour appeler au secours. Momo d’un mot rassure l’ours : il va s’en occuper !

Momo appelle la gendarmerie de la banquise. Mais il tombe sur Scrogneu, le gendarme grognon qui lui réponds peu chaleureusement (ce qui est préférable sur la banquise).

—      Holà, monsieur Momo, ne savez-vous pas que la reine des neiges fabule ? Elle se prétend kidnappée tous les huit jours.

Peut-être manque-t-elle de compagnie ? Se dit Momo avec un certain sens de la compassion. Il est vrai que sur la banquise, les courtisans de la Reine ne se bousculent pas.

Sur ces entrefaites, Momo entend frapper à la porte de son igloo : toc ! toc ! Il ouvre et tombe sur la Reine des Neiges qui est de fort méchante humeur :

—      Holà, monsieur Momo ! Je suis fort fâchée ! La reine appelle au secours et vous ne vous précipitez pas au grand galop sur votre ours blanc.

A ces mots, Momo de Meaux (il y avait habité avant sa carrière d’esquimau), Momo — disons-nous — rougit.

—      Holà, Maitresse des Neiges, il parait que vous fabulez tous les huit jours. Ne seriez-vous pas atteinte de mythomanie ?

La Reine des Neiges confuse admit qu’elle fabulait un peu. Elle jura, honteuse et confuse, jura mais un peu tard qu’on l’y prendrait plus.

Moralité : quand on se promène sur la banquise, il faut se méfier des ours blancs surtout s’ils s’appellent Marius.

Une histoire de contrebande

14 août, 2022

C’est l’histoire de Faustine, une contrebandière maudite. Pour faire des affaires, Faustine tentait d’introduire toutes sortes d’objets contrefaits dans le pays. Mais, ses entreprises étaient immédiatement arrêtées par les douaniers.

Ce matin-là, Faustine — déguisée en conductrice de corbillard —conduisait un corbillard (ce qui est assez logique) en espérant déjouer la perspicacité des douaniers. Son corbillard contenait un faux cercueil rempli de passoires ménagères de contrebande.

En voyant apparaître le véhicule s’approcher de la douane, Ignace — que ses camarades appelaient Le Tenace — s’écria :

—      Tiens, les gars, voilà Faustine.

Comme d’habitude, il réduisit à néant et d’un seul coup d’œil les efforts qu’avaient fournis Faustine pour se grimer en conductrice de corbillard.

—      Voyons ce qu’elle essaie de passer en fraude, ce matin, ajouta Ignace le Tenace d’un air jovial.

Quand Ignace le Tenace et ses camarades découvrirent le contenu du cercueil, ils s’offusquèrent auprès de Faustine :

—      De mieux en mieux ! Nous on veut bien que tu tentes de passer en fraude de la drogue, des dollars, des armes… mais là, il s’git clairement d’une tentative d’attentat contre l’industrie nationale de la passoire ménagère. Cette fois, tu vas dormir en prison, coquine !

Moralité : notons que le pays passa à deux doigts de la crise de la passoire ménagère. Analysées par un laboratoire spécialisé, il apparut que les passoires de contrebande (celles que Faustine avait tenté d’introduire) égouttaient très mal la salade.

La lanterne terne

12 août, 2022

C’est l’histoire d’une lanterne terne qui éclairait assez mal le chemin. Néanmoins un Radin qui n’avait pas un radis s’en servait pour progresser.

—      Holà, sire Radin, dit le chevalier qui vint en passer. Que fais-tu avec une lanterne qui n’éclaire rien ?

—      Je participe au Plan National pour l’Economie d’Energie, sire Chevalier.

—      Je t’achète ta vieille lanterne qui ne sert à rien pour deux lui, sire Radin.

Le Radin céda donc sa vieille lanterne au chevalier. Ce qui devait arriver arriva, le Radin se trouva dans le noir complet en compagnie de ses deux louis.

L’histoire ne s’arrête pas là.

En tâtonnant longuement, le Radin retrouva le lit de sa belle. Il se coucha dans ses draps et entre ses bras pour y connaître mille plaisirs. A ce stade, notons qu’on ne sait pas si sa belle était belle puisque tout se déroulait dans le noir.

De son côté, le chevalier entra dans la chambre de sa belle et constata qu’elle était belle. Malheureusement, la faible lueur que dispensait la lanterne terne montra que le chevalier avait triste figure. Effrayée, la belle appela la garde. Le chevalier à la triste figure fut jeté au cachot avec sa lanterne terne qui présentait tout de même l’avantage d’éclairer sa paillasse humide.

Moralité : la seule chose positive dans cette histoire, ce sont les deux sous gagnés par le Radin. On se demande ce qu’il en a  fait.

Le bourgeois triste

10 août, 2022

C’est l’histoire de Lucienne de Sienne. Lucienne faisait toujours des siennes. C’était une véritable coquine dont il nous faut narrer les exploits. Ajoutons pour bien comprendre la suite qu’elle était gaie, vive et charmante de corps et d’esprit.

Le matin, sur son lopin de terre, elle jouait avec ses lapins et son cabot qui n’était pas beau. Puis elle se rendait sur la falaise pour rejoindre son bourgeois sans joie. Il se nommait Gilles et ne lisait que l’évangile au lieu de se contenter de son hebdomadaire de télé comme tout le monde.

—      Holà, mon bourgeois, dit Lucienne. Ne peux-tu pas ressentir un peu de joie dans cette vie ?

Le dit bourgeois la regardait avec un air de commisération :

—      C’est que je trouve cette vie bien triste, ma bourgeoise.

A ces mots, Lucienne rejoignit son cours d’abdos-fessiers et pour ne point trop grossir de façon à être toujours accorte pour son bourgeois. Ce dernier ne s’aperçut pas des efforts de son épouse et — pour tout dire — il s’en ficha complètement. Lucienne en fut fortement affectée :

—      Ah, ça ! Tu t’en fiches, riche bourgeois ? Eh bien tu vas voir !

Lucienne résilia son abonnement à sa salle de sport. Elle devint ronde, mal fichue, aux cheveux fourchus. Même Charles, le charlatan qui la courtisait changea de ville. L’époux de Lucienne qui était toujours bourgeois se rendit compte de sa transformation. Il nous faut dire ici, avec une certaine tristesse, qu’il se montra un peu pathétique :

—      Ah, enfin ! déclara-t-il. Voilà tout ce que ma vieille carcasse mérite : un laideron rond !

Moralité : Voilà un conte bien cruel.

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