Un homme de haute moralité
31 mars, 2020« Moi, monsieur, j’ai une morale. Je sais où est le Bien et où est le Mal. »
« Ah bon ? Mais il me semble que vous ne pensez qu’à courtiser pour bien vous placer auprès de sa Majesté, en médisant sur le reste de la Cour. Est-ce le Bien, cela ? »
« Quel rapport ? Je fais mon devoir ! J’ai un domaine, une famille et des maîtresses à entretenir, moi ! »
« Donc, votre caractère servile et obséquieux est purement alimentaire. C’est ça faire le Bien ? »
« Parfaitement, ne négligeons pas le fait que je suis les offices religieux du père Sienne, chaque dimanche matin ! Et tous mes gens font leur Pâques ! »
« Vous pourriez faire preuve de générosité en distribuant du pain aux miséreux. »
« Comment ? Mais vous ne savez pas que ces manants me cherchent querelle dès que je sors de l’église. Je suis obligé de sommer mes valets de les chasser. Comment pourrais-je m’occuper de leur détresse matérielle dans ces conditions ? »
« Il me semble aussi que vous vous montrez très pressant auprès de la comtesse, en profitant des absences du comte qui guerroie au loin pour la gloire du royaume. »
« Je soutiens la comtesse dans cette pénible circonstance. La comtesse a l’oreille de la duchesse qui elle-même est très appréciée par sa Majesté la reine, laquelle est très influente auprès du Roi. Vous n’allez tout de même pas m’accuser de trafic d’influence alors que ma seule préoccupation est le bien-être de la comtesse et de ses amis ! »
« Si on parlait de l’affaire de la fausse monnaie ! »
« Monsieur ! Il s’agit là de ragots que certains ont fait courir sur mon compte parce qu’ils sont jaloux de la bienveillance dont m’honore Sa Majesté. D’ailleurs, le coupable a avoué. »
« Sous la torture. Comment expliquez-vous le montant de votre fortune ? »
« J’ai des terres, monsieur qui me permettent d’entretenir ma famille dans la modestie et la frugalité qui sied à des âmes soucieuses de leurs saluts. »
« Elles ne voient pas beaucoup le fruit des impôts dont vous accablez vos fermiers. D’ailleurs, j’ai ouï-dire qu’ils se révoltent. N’auraient-ils pas un peu mis le feu à vos écuries ? »
« Vous galéjez, monsieur ! Une petite bande de joyeux de godelureaux à souhaiter me faire une farce et vous, tout de suite, vous parlez de révolte ! Je m’esbaudis, monsieur. »
« Peut-être, mais vous avez été obligé de vous enfuir en chemise de nuit chez votre cousin ! »
« Pas du tout ! Nous avions une soirée costumée ! »
« A propos, votre cousin se porte-t-il bien ? On dit que vous avez intrigué pour lui faire obtenir la charge de chargé de l’entretien des pâquerettes dans les jardins royaux. Tout ça pour une bouchée de pain, évidemment ! »
« Mais tout à fait, mon cousin est très féru d’horticulture, je travaille pour que toutes les compétences du royaume soient utilisées au mieux au service du Roi. »
« Votre compétence en manigances m’impressionne, monsieur ! »
« Monsieur ! Ne seriez-vous pas en train de m’offenser ! Arrêtez de me chanter vos sornettes ! Dois-je vous rappeler que je suis dans les meilleurs termes avec monsieur le bourreau du Roi ! Dois-je parler de vous à mon cousin, un excellent duelliste, je vous le rappelle ! Sachez que vous ne trouverez pas, dans le royaume, un serviteur de sa Majesté d’une moralité aussi irréprochable que la mienne. »