Archive pour mars, 2017
L’histoire du carnet noir
30 mars, 2017« Comment vous appelez-vous ? Je dois vous noter sur mon carnet noir. »
« Ah bon ? Pourquoi ? »
« Parce que je ne vous aime pas beaucoup. Tous les gens que je n’aime pas se retrouvent dans mon carnet noir. »
« Mais on ne se connait pas. »
« Aucune importance. C’est instinctif. La vision de votre corps et de votre allure m’inspire de l’antipathie. Et je ne vous parle pas de votre regard. »
« C’est très déstabilisant. Je n’ai donc aucune chance de sortir de votre carnet noir ? »
« C’est rare. Pour commencer, il faudrait que vous évitiez de me parler. Dès que vous l’ouvrez, je vous aime encore moins. »
« C’est intéressant. D’habitude, les gens qui ne m’aiment ne me le disent pas. Ils me notent sur leur carnet noir sans m’en informer. »
« Ce n’est pas très fair-play. »
« Bon, moi je vais vous noter sur mon carnet gris, celui où je recense les gens à propos desquels je ne me suis pas encore prononcé. Il y a des chances que vous atterrissiez sur mon carnet rose : les privilégiés que j’aime bien. »
« Ce serait ennuyeux. Si vous êtes sur mon carnet noir et moi sur votre carnet rose, il y comme un dysfonctionnement. Je ne saurai plus si je vous aime ou pas. »
« Le mieux serait que nous ayons un carnet rouge où l’on rangerait tous les gens avec lesquels nous avons des divergences d’appréciation réciproque. »
« C’est une bonne idée. Nous pourrions même avoir un carnet jaune sur lequel figureraient les noms des gens qui ne nous aiment pas, mais qu’on aime bien quand même. »
« Euh… oui, mais ça complique un peu les choses… parce que moi, je serai sur votre carnet rouge, mais vous serez sur mon carnet jaune !! »
« C’est compliqué les relations humaines !! »
« Oui, d’autant plus que nous pouvons passer d’un carnet à l’autre au cours du temps, en fonction de nos rapports. »
« On va simplifier. Ayons un seul carnet sur lequel nous mettrons des notes aux gens selon que nous les aimons ou non. Je vous mets un 3/10 … et c’est bien payé. »
« Moi, je vous mets 7/10. J’aime bien votre façon de vous énerver pour rien. »
« Oui, mais alors notre relation atteint la moyenne. C’est très embêtant, elle a une note supérieure à ma relation avec Dugenou. Pouvez-vous baisser un peu ma note? »
« Non, vous venez de grimper dans mon estime. Rares sont les personnes qui me disent ce qu’elles pensent comme vous. »
Des mots !
29 mars, 2017Bonjour !
28 mars, 2017« Vous pourriez me dire bonjour. »
« Mais je ne vous connais pas ! »
« Raison de plus pour être poli avec moi. Je pourrais très mal prendre votre indifférence. Puisque vous ne me connaissez pas, vous prenez un grand risque en m’ignorant. »
« Vous vous rendez compte du bazar, s’il fallait dire bonjour à tous les gens que l’on croise sur le trottoir. »
« Ce serait plutôt sympa et puis ça attirerait les touristes. Rendez-vous compte : nous serons la ville où tout le monde dit bonjour à tout le monde. »
« Et puis d’abord, pourquoi ce n’est pas vous qui me diriez bonjour en premier. »
« Bon d’accord ! Disons que c’est le plus jeune qui doit saluer d’abord. »
« Oui, mais il faudrait que je connaisse votre âge. Je suis peut-être plus vieux que vous ou plus jeune. Ni vous ni moi n’en savons rien. On ne va tout de même pas se promener avec sa carte d’identité en bandoulière. »
« Pourquoi pas ? On pourrait avoir une pancarte sur la poitrine avec son âge, son état-civil, son histoire, ses centres d’intérêt. Comme ça, tout le monde se connaitrait. »
« Euh… vous connaître ne m’intéresse pas forcément. J’ai déjà du mal à m’intéresser à moi-même. »
« Donc, vous vous fichez de moi ! »
« Chacun ses problèmes. Si je m’intéresse aux vôtres en plus des miens, je ne m’en sors plus. Je veux bien vous saluer, mais pas me charger de vos difficultés. »
« Je pourrais me charger des vôtres. »
« Si on échange nos problèmes, je ne vois pas où est le progrès. Je serai toujours aussi embêté qu’avant par la vie. »
« Bon, vous avez raison. Ma vie n’est pas terrible, mais je n’ai pas envie de partager votre existence pourrie. Vous pouvez ne pas me saluer. »
« Bin… si, maintenant, j’ai changé d’avis. J’ai envie de vous dire bonjour. »
« Ah ! Excusez-moi j’ai un appel au téléphone. «
« Ce n’est pas vrai, vous avez fait exprès de le faire sonner pour vous débarrasser de moi. »
« Bon, d’accord. Alors finalement, on se dit bonjour ou pas ? »
« Après cet échange, on se connait un peu. Donc on peut se dire bonjour. »
« Je préfèrerais : bonne journée ! Si ça ne vous dérange pas. Comme ça si on se croise dans l’après-midi, nous pourrions nous dire : bonne fin de journée ! Et puis alors ce soir : bonne soirée. Et cette nuit : bonne fin de nuit ! »
C’est de l’or !
27 mars, 2017Un cauchemar
26 mars, 2017« Vous savez que nous sommes plus de 7 milliards d’êtres humains sur Terre. »
« Oui, et alors ? »
« Alors, la probabilité est forte qu’il existe quelqu’un, quelque part, qui vous ressemble fortement, traits pour traits. Votre double, en quelque sorte. »
« C’est vrai, ce serait curieux de se rencontrer. »
« Peut-être pas. Imaginez que votre double soit le pire des gangsters que la Terre n’ait jamais porté. Vous faites quoi ? »
« Je me cache dans un coin. S’il est recherché par la police, je risque de passer un mauvais moment. Je n’ai pas l’intention d’être arrêté à sa place. »
« Je dis ça, mais votre réplique peut être quelqu’un de très bien. Si c’était un saint, prêt à être béatifié par le Vatican ? »
« Ça m’arrangerait pour ma carrière. Mon patron finirait peut-être par découvrir mes immenses qualités managériales. Peut-être même qu’il m’augmenterait pour éviter que le Vatican me propose mieux. »
« Bref, le plus probable, ce sera que votre faux jumeau soit un homme banal, comme tout le monde. Comme vous, par exemple. Vous faites quoi, alors ? »
« Rien. On prendra un café et on parlera de la morosité de la vie quotidienne. »
« Et s’il s’est marié avec une femme splendide qui ne ressemble pas du tout à la vôtre. »
« Alors, là, il est vrai que je regarderais Josiane d’un autre œil. Le mieux ce serait que ce soit ma femme qui soit plus belle que la sienne, ça me rassurerait et puis je pourrais lui taper gentiment sur l’épaule d’un air compatissant pour le consoler. »
« Et si en plus d’une ressemblance physique, il vous ressemblait exactement sur le plan du caractère. »
« C’est horrible, votre truc. Je serai obligé de me dire qu’il y en a un de nous deux qui est de trop sur Terre. Le problème, c’est que lui aussi se fera la même remarque. »
« On pourrait aussi tirer parti de la situation. Vous pourriez l’envoyer au bureau à votre place, par exemple. »
« C’est vrai, maintenant que vous le dites, je ne sais pas si mon patron est toujours le même. »
« Bon, imaginer maintenant que vous n’avez pas un double sur Terre, mais une centaine. Sur 7 milliards d’êtres, ce n’est pas strictement impossible. »
« Ce serait géant, j’appartiendrais à une tribu de Dugenou. Nous pourrions fonder un état où tout le monde ressemblerait à tout le monde. Mais il faudrait qu’il y ait des femmes qui nous ressemblent pour générer des enfants à notre image. »
« Bon, n’y pensons plus. Ce serait un vrai cauchemar. »
Hum ! Hum !
25 mars, 2017Vive le petit commerce !
24 mars, 2017Les bons et les méchants
23 mars, 2017« Pourquoi tant de haine ? »
« C’est normal, chacun de nous haïssons quelqu’un ou même de nombreuses personnes : le gouvernement, les patrons, les chanteurs de variété, son ex, sa belle-mère etc.. Nous nous construisons dans l’adversité. »
« Moi, j’aime des gens, pourtant. »
« Comme tout le monde. Il y a deux camps : ceux qu’on aime et ceux qu’on déteste. Les bons et les méchants. On en est tous encore là. »
« Vous êtes sûr ? »
« Evidemment, quand vous allez au foot, vous considérez que votre équipe locale est la plus forte et qu’il est donc naturel qu’elle gagne. Si vous soutenez l’équipe visiteuse, vous allez vous faire casser la figure. »
« Mais quand même… les bons contre les méchants, c’est un peu puéril, vous ne trouvez pas ? »
« Si, mais c’est comme ça. Personne n’a encore très clairement identifié les mi-bons, mi-mauvais. Ce serait une grande nouveauté. »
« Mais, moi j’aime tout le monde. »
« Vous ne pouvez dire que vous aimez plus votre patron que votre mère ou vice-versa, vous faites forcément une hiérarchie. Ceux qui sont au bas de la hiérarchie vont considérer que vous les aimez moins, puis par un glissement sémantique que vous les détestez. »
« C’est compliqué, votre truc. »
« Oui, d’autant plus que vous allez vous faire avoir. Si vous dites que vous aimez tout le monde, il y a forcément des gens qui vous détestent et qui vont profiter de votre insondable naïveté. Du coup, vous aurez deux solutions : ou bien vous ne vous apercevez pas de leurs détestations, les autres se moqueront de vous et vous finirez par les détester au bout d’un certain temps, ou bien, vous prenez leur haine en considération et vous les haïrez tout de suite. Dans tous les cas, ça se passe mal.»
« C’est vrai, je suis coincé dans tous les cas de figure. Et si je restais indifférent aux autres ? Il semble que ça se fasse. Il suffit de dire qu’on se fout de son prochain. »
« Il faut s’en foutre si vous voulez, mais ne pas le dire, sinon tout le monde va vous tomber dessus en dénonçant votre égoïsme. »
« Bon, alors je fais quoi ? »
« Constituez l’équipe de ceux que vous aimez et celle de ceux que vous détestez. Les bons contre les mauvais. En général, ça dégénère en bagarres. C’est comme ça que ça marche depuis que les hommes sont les hommes. »
« Mais moi, je n’ai pas tellement envie de me battre ! »
« Si vous ne voulez pas vous battre contre ceux que vous détestez, il vous reste une solution. Allez prendre le thé avec un de ceux que vous détestez. On vous le reprochera dans votre camp. Prenez alors un air indigné en disant que nous sommes entre êtres humains et que nous pouvons dialoguer de manière civilisée avec des adversaires. Personne ne vous dira le contraire. »