Archive pour janvier, 2012

Dialogue

31 janvier, 2012

« Si vous pouviez éviter de finir mes phrases… »

« Vous n’avez qu’à parler plus vite, votre lenteur m’énerve ! »

« Vous pourriez aussi faire le début, pendant qu’on y est ! »

« Puisque vous le dites, je vais y songer… Finalement, vous n’avez pas besoin de parler, ni même d’être là ! On s’entendrait beaucoup mieux. Je crois que j’exprime mieux que vous ce que vous pensez, surtout quand c’est conforme à ce que je pense. Ce n’est donc pas la peine que vous répétiez mon avis, c’est sans intérêt ! »

« Je pourrais avoir une opinion contraire à la vôtre ! »

« C’est bien pour ça que je finis vos phrases, pour ne pas vous laisser aller au bout de vos opinions. Je vous rends service, vous comprenez ? »

« Il y a quelque chose qui cloche dans votre système : nous sommes en train de discuter honnêtement. Nous échangeons des phrases complètes sur notre manière de discuter. C’est une impression bizarre, vous ne trouvez pas ? »

« Ah oui ! Mince ! Je n’avais pas remarqué. Commencez une phrase pour que je la finisse à ma façon ! »

« Je suis consterné par cette conversation !»

« Non, ça ne va pas, c’est une opinion complète ça ! Je ne peux pas compléter quelque chose de complet. Et puis, c’est trop court, je n’ai pas eu le temps de vous couper pour vous faire dire autre chose. Mettez-y du vôtre. Si je ne peux même plus vous manipuler, ça ne va pas être marrant. Je me demande sui je vais continuer à discuter avec vous. Vos idées pourraient me gêner, surtout si vous arrivez à les exprimer.  Il faudrait quand même que vous vous décidiez à écouter les miennes ! »

Mesurons-nous

30 janvier, 2012

Il me regarde avec hauteur.

Il parait que c’est une pointure dans son job,

Mais ce n’est pas une raison pour me casser les pieds dans les grandes largeurs.

Il a de bonnes mensurations.

Mais physiquement, je suis aussi bien proportionné.

Intellectuellement, j’ai de la dimension.

Il croit me faire peur : il attend que je me taille.

Euh… je vais peut-être y aller, armé de mon gros calibre

Je le regarderai dans la profondeur de ses yeux.

Car  je ne reste jamais à la surface des choses.

Mais, je saurai garder le sens de la mesure.

Robert

29 janvier, 2012

C‘est vrai que je ne suis pas mal. Mes jambes surtout. Je me demande de qui je tiens ces jambes. Ce galbe du mollet ! Je serais un homme, je serais sidéré par le fuselage de mes cuisses.

« T’as changé la caisse du chat ? »

Robert a toujours la bonne question. Au bon moment.

En minijupe, je suis torride. Ces messieurs me regardent d’abord par le bas. Lorsqu’ils aperçoivent la régularité de mon corps et de mes traits, c’est l’hallali. La douceur de mes yeux, l’ovale de mon visage les rendent fous.

C’est même assez gênant. Dans la rue, j’en suis venu à porter un foulard. Des lunettes noires et des habits qui masquent ma perfection. C’est mieux pour moi et pour eux.

« Je mangerais bien un petit gratin, ce soir. Tu t’en occupes ? Pense à mettre du fromage. Pas comme la dernière fois. Ça faisait l’eau ! »

Robert a faim.

Malgré mon succès, j’ai un maintien modeste. Devant les hommes, je baisse les yeux. Je n’ai pas d’attitude aguichante.

« T’as pensé à payer les factures ? »

Oui, Robert, j’ai pensé à tout.

Je me rends compte que pour les hommes, ma vue doit être infernale à supporter. La fermeté et la souplesse de mon corps doit les effrayer. Sans parler du grain soyeux de ma peau dorée !

Si encore, je n’étais qu’un bel objet ! Mais je suis très cultivée.

« Tu crois que les voisins du 5ème sont partis en vacances ? »

Aucune idée, Robert.

J’ai de la conversation. Je lis. Je vais au ciné.

« T’as pensé à acheter le pain. »

Oui, Robert, il y a du pain pour le souper.

Bref, j’en assez d’être reluquée par les hommes. J’ai hâte de rentrer tous les soirs. Avec Robert, il n’y a aucun risque d’être importunée par son admiration excessive.

Douceurs

28 janvier, 2012

Je dégustais mon velouté d’asperge

Quand j’entendis le son doux du hautbois, un soir au fond des bois.

J’avais de l’allure avec mes longs cheveux de soie

Dans ma robe de satin.

La lumière tamisée

Et le doux murmure de la rivière

Accompagnaient  la mélodie harmonieuse

Dans une ambiance suave.

Ce souvenir sucré

S’acheva par une note de restau salée.

Terreur

27 janvier, 2012

A l’âge ingrat,

Maurice était moche.

Il était bas de plafond

Repoussant continuellement le moment de la douche.

Il rêvait de monstres horribles.

Ou répugnant.

Plus tard il devint beau comme quatre.

On peut dire comme dix, gracieux et élégant.

Il voyagea en France et surtout, vit l’Ain.

Et son vignoble.

Il se maria et des enfants en fit deux.

 

Leçon de grammaire

26 janvier, 2012

Marcel est un écrivain sans succès.

Il a pour parent Thèse, un autre auteur très connu et pour amie Aline Héa une romancière qui défraie la chronique littéraire.

Il met un point d’honneur a dédicacé ses livres à sa famille.  Lorsqu’il les lit à haute voix, son accent grave donne de la vie à ses récits.

Parfois, il s’exerce dans des concours littéraires. Il participe. Passé le moment de l’envoi, il attend fiévreusement le résultat.

Sa dernière œuvre parle d’un prisonnier libéré conditionnel, présent à toutes les pages de son roman.

Ses personnages sont des êtres peu fréquentables. C’est nécessaire. Pour lui, on peut même dire que c’est impératif.

Les gens plus que parfaits, ça ne l’intéresse pas.

Mais les hommes qu’il décrit sont en accord avec eux-mêmes et ne cherchent pas à recomposer leur passé qui, de toute façon, ne sont pas simples.

Aujourd’hui, il attend le résultat du Grand Prix du Roman. La récompense est élevée. Pour son revenu, ce serait un complément, objet de toutes les convoitises. Un échec serait synonyme de faillite personnelle. Son compte en banque souffre de la conjonction de ses achats impulsifs et de ses goûts de luxe.

Récemment, il a rencontré Jules, un de ses anciens subordonnés qui lui a fait une proposition relative à sa situation personnelle.

Marcel pourrait faire l’article pour ses produits. Il a du talent pour apostropher le chaland. Il a le verbe haut. Il est démonstratif. Son discours est direct. Bref, il a toutes les qualités d’un bon vendeur.

Dans le futur, il pourrait être déterminant dans l’entreprise de Jules. Pour attribut, il pourrait avoir le titre de directeur commercial. C’est synonyme d’une bonne paie. A titre indicatif, Jules parle de trois mille euros par mois.

Marcel est resté interrogatif. C’est un travail singulier qui lui est demandé là. Peut-être ne devrait-il pas laissé passer cette chance ? D’habitude c’est un sujet qu’il préfère éviter. Il ne devrait pas décliner cette invitation.

Au coin du feu

25 janvier, 2012

Feu mon grand-père

Aimait bien les feux d’artifice

Il allait souvent les voir au Bengale

Où il a connu les feux de l’amour avec Ginette.

A laquelle il a offert le feu d’un diamant.

En ville, il respectait scrupuleusement les feux rouges,

Car il n’avait jamais le feu au derrière.

Mais il connu les feux de la détresse,

Le jour où l’amant de Ginette mit le feu aux à son ménage.

Soucis

24 janvier, 2012

« La pastille est dure à avaler »

« Non, on dit la pilule… »

« Ça dépende de la maladie. Moi, je voulais juste dire que je suis un petit peu déçu par la vie. Un peu amer, mais pas trop quand même. Vous voyez ce que je veux dire ? »

« Qu’est-ce qu’il vous arrive ? »

« Oh ! Pas grand-chose. J’ai pris trois kilos en faisant du sport au lieu de maigrir. Mon PC est en panne, je vais perdre tous mes fichiers. Mon gamin ne fiche rien à l’école, je suis encore convoqué en tant que parent irresponsable. J’ai oublié de payer la note de téléphone. Le chien est malade et le vétérinaire est parti au ski. Y’a plus de café à la cuisine. J’ai sommeil. Un imbécile a rayé la carrosserie de ma bagnole. Le gouvernement a produit un nouveau plan de rigueur. Il y a encore du couscous à la cantine. J’ai les jambes lourdes. Mercadier veut son rapport sur son bureau pour ce soir. Je vais sans doute me remettre à fumer pour pouvoir descendre sur le trottoir. Marie-Thérèse veut partir à Venise. En ville, il y a des travaux partout, on ne peut plus se garer. J’ai égaré mes photos de lycée, notamment celle où j’étais à coté de Gros-Cul. Le gosse de la voisine a les oreillons, c’est très contagieux. Il faut que j’achète un carnet de timbres. Je n’ai plus de pile dans mon portable  et j’ai perdu le chargeur. Ma carte bleue est périmée. La Sécu me demande de rembourser le trop-perçu de je-ne-sais-quoi. Mes notes de frais sont trop élevées, parait-il. Il faut que j’aille au coiffeur, il va sûrement vouloir me faire la conversation. Le couscous de la cantine m’est resté sur l’estomac. Le printemps mets un temps fou à arriver. Les programmes de la télé sont débiles. Ça fait trois ans que je ne suis plus allé au cinéma. Je ne vais plus à la messe. Je ne crois plus en Dieu… enfin je crois que je ne crois pas. La guerre en Afghanistan n’en finit plus. Georgette, la poissonnière me trouve bel homme. Je suis tout le temps dans les échantillons des instituts de sondage. J’ai mis la même cravate qu’hier. La France a perdu en foot et en rugby. Je n’ai pas mangé cinq fruits et légumes aujourd’hui. Je vais sûrement oublier l’anniversaire de Judith. »

« C’est tout ? »

« Ah ! Non ! J’oubliais : je n’ai pas fait ma prière aujourd’hui. »

 

Histoire triste qui finit bien

23 janvier, 2012

Le paysage d’automne est triste.

Jean est désolé.

Un  cafard court dans la cuisine.

La maison de son enfance respire la pauvreté.

Il aura de la peine à la redresser.

Il ressent de l’amertume

Devant les ravages du temps.

Ses souvenirs sont anéantis.

C’est alors que son banquier  bouleversé

Par tant de désolation

Apparait au loin et lui propose un prêt à un taux misérable.

 

Au travail !

22 janvier, 2012

« Je n’ai pas de conseil à donner, mais… »

« Hé bien, alors n’en donne pas, ça vaudra mieux pour tout le monde. De toute façon, il vaut mieux avoir un œil neuf sur la question. »

« Bon d’accord. Alors qu’est-ce que tu en dis avec ton œil neuf ? »

« Je pense qu’il ne faut pas se précipiter car les enjeux sont énormes pour l’institution. Il faudrait faire un groupe de travail. »

« Et qui tu verrais dans ton groupe de travail ? Maréchal ? »

« Il est trop bavard. Quand il part dans ses digressions, ça n’en finit plus. Il est capable de parler de n’importe quoi sans rapport avec le sujet. »

« Ou alors, Berthier ?

« Ouh ! Là ! Il est négatif, il est contre tout, et puis de toute façon, il ne vient pas aux réunions, il a toujours quelque chose d’autre à faire ! »

« Si on prenait Chaleyssin, il part à la retraite dans six mois, il sera d’accord sur tout ! »

« Ou alors Mademoiselle Thomas, elle ne comprend rien. Elle dira « oui » à tout ce qu’on lui dira ! Elle n’a jamais d’idée originale, on sera tranquille ! « 

« Et Portier, on le prend ? »

« Oui, lui, il suffit qu’on lui dise qu’il est compétent dans quelque chose et il nous laissera travailler ! »

« Et pour les compte-rendu, on fait comment ? »

« Un petit relevé de conclusions suffira ! »

« Il faut éviter de faire trop de réunions ! Les agendas se remplissent vite ! »

« Pour éviter trop de réunions, on peut toujours travailler par mail ! »

« Finalement, on pourrait faire un groupe sans faire un groupe ! »

« C’est quoi le sujet déjà ? »

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