Archive pour août, 2017

Ne rien faire

31 août, 2017

« Les médecins ont découvert récemment que ne rien faire est vital pour la santé et pour la mémoire. »

« Moi, je ne suis pas médecin, mais il y a longtemps que j’ai eu cette intuition. »

« Attention, il ne s’agit pas de paresser comme vous. Il faut se laisser aller de façon à ce que les nouvelles informations que nous recevons de toutes parts s’organisent entre elles et par rapport aux informations anciennes. »

« Il est vrai que nous sommes bombardés chaque jour d’une multitude d’informations dont certaines pourraient nous être épargnées. Qu’est-ce qu’on a à en faire de la dernière tenue de la reine d’Angleterre, hein ? »

« Rien, en effet. Mais comme on vous charge la tête de ce genre de renseignements, il faut que vous preniez le temps de l’éliminer. »

« D’accord, donc je vais me poser plus souvent. Ce sera de la faute des autres et notamment des journalistes qui n’en manquent pas une pour me raconter n’importe quoi. »

« C’est difficile de ne rien faire intelligemment. »

« Ne craignez rien, je m’entraine durement. »

« Il ne faut pas avoir un sentiment de culpabilité. Encore moins une sorte de déprime parce que vous n’avez rien à faire alors que vous avez autour de vous plein de gens qui sont débordés. »

« Le pire, c’est que les débordés sont les plus valorisés. Il ne s’agit pas de dire au bureau que vous n’êtes absolument pas débordé, c’est très mal vu ! »

« On a même vu des suicidaires qui disaient avoir tout leur temps, alors qu’il était question de leur donner un boulot supplémentaire. »

« Ne rien faire est une activité réservée à des aventuriers. Ceux qui explorent les méandres de leur esprit et de leur mémoire. C’est très risqué. Il faudrait les couvrir de lauriers au lieu de les traiter de fainéants. »

« C’est vrai qu’il ne faut pas confondre, les fainéants sont ceux qui refusent de travailler. Nous, ce qu’on veut c’est ‘ne rien faire’. »

« Euh … mon patron n’est pas tout à fait d’accord. Il m’a demandé si, entre deux séances de non-activité, je ne pouvais pas consacrer quelques minutes à mon poste de travail. »

« C’est un réflexe classique. Il n’a pas compris que ne rien faire, n’a rien à voir avec prendre une pause ou un temps de repos. »

« C’est exact. Désormais, après ma pause-café, ma pause-cigarettes, je vais instituer un moment de non-action ce qui devrait me mener jusqu’à l’heure de la cantine. »

« Vous avez raison. La sagesse est de notre côté. Laissons les gens débordés se noyer tous seuls. Passez-moi la crème solaire. »

L’histoire du berger barbare

30 août, 2017

Claire, c’est clair.

Tu as les chocottes, Cocotte.

Car j’ai hébergé un berger

Au buste robuste,

Au mental monumental.

Il a la barbe d’un barbare.

C’est un barde avec des hallebardes.

Voici qu’il se dépêche d’aller à la pêche.

Ce n’est pas glamour, amour.

 

Histoire de ponctuer

29 août, 2017

Comme d’habitude, la virgule, très empruntée ne savait pas où était sa place. Elle s’infiltrait n’importe où, parfois là où personne ne l’attendait si bien qu’on respirait à contre-temps au lieu de poursuivre la lecture.

Par contre, le point lui était très sûr de lui. Là où il se posait, il n’était pas question de passer. Il fallait stopper sa course et réfléchir avant de la reprendre.

Parfois le point appelait judicieusement un confrère en renfort. Ils se superposaient l’un sur l’autre pour signifier que ce qui suivait était important.

Le point-virgule trouvait malin de se transformer en agent double. Il trouvait sa place en découpant une phrase après avoir observé les alentours pour constater qu’il n’y avait ni point, ni virgule.

Le point d’exclamation, lui, n’avait pas de problème existentiel. Il permettait tout simplement de s’exclamer. Avec lui, on sentait que ça ne rigolait pas. Il avait vocation d’affirmer ce qu’on disait sans détour et même de se disputer.

Son frère, le point d’interrogation avait une fonction bien précise. Sans lui, il n’était pas question de se poser des questions. Que serait devenu le monde, si personne n’avait pu s’interroger ?

Quant aux points de suspension qui sortaient toujours en groupe de trois, les autres les considéraient comme des polissons, parce qu’on ne savait jamais vraiment ce qu’ils avaient derrière la tête. Comme leur nom l’indique, ils laissaient tout en suspens, sans apporter de réponse précise.

Un autre coquin était le tiret. C’était en fait une famille de nomades qui se posaient ici et là, souvent pour permettre aux gens de parler entre eux. Les autres ne savaient pas toujours les reconnaitre et les dénommer. Entre le tiret long, le tiret court, le cadratin… On se perdait : ils se ressemblait tous. Il semble même qu’un parent éloigné se soit imposé sans vergogne : le tiret semi-cadratin.

Les parenthèses regardaient tout ce monde d’un œil impavide. C’était deux sœurs jumelles qu’on appelait à la rescousse dès qu’il fallait expliquer quelque chose de manière plus précise. Et elles fonctionnaient par deux. Il n’était pas envisageable d’employer celle d’ouverture sans celle de fermeture.

Quelquefois, entre elles, les parenthèses invitaient des cousins : les crochets, dont le rôle obscur était d’apporter une précision au sein de leur explication.

Les frères guillemets étaient dans le même cas puisqu’ils allaient toujours par deux. Ils avaient une fonction de faire-valoir pour mettre en évidence un mot ou une expression qui avait envie de se pavaner. Parfois les guillemets se glissaient dans un texte pour donner malicieusement une note d’ironie aux mots employés.

Il restait le cas d’un étranger sans papier : l’apostrophe. Aucun dictionnaire ne lui reconnaissait le statut de signe de ponctuation. Les autres ne l’aimaient pas. On lui reprochait de ne pas influer sur le sens, la sonorité et le rythme de la phrase. Mais quand même… pour éviter des chocs malencontreux de mots, il était bien pratique.

En mai, je fais ce qu’il me plaît

28 août, 2017

C’est

Un fait

Quand mai

Naît,

Je suis gai.

Je vais

Dans la baie

Manger des mets

Et boire du lait

D’un seul jet.

Des vraies bêtes !

27 août, 2017

« Nous sommes tous bêtes. »

« C’est vrai qu’il y a dans chaque être humain, une bonne couche de bêtise. De nombreux publicitaires l’ont déjà remarqué. »

« Le plus remarquable, c’est que nous avons tous besoin de cultiver notre couche de bêtise. »

« Exemple de bêtise : nous regardons les émissions de télé réalité alors que tout le monde sait qu’elles sont complètement nulles. »

« Ou alors nous regardons des émissions dans lesquelles un tas de gens connus rigolent, en espérant rigoler nous-même. »

« On peut très bien satisfaire son coefficient de bêtise sans regarder la télé. On peut aller au stade pour hurler sur 22 types qui se disputent un ballon. »

« Ceux qui sont payés très cher pour nous permettre de brailler comme des imbéciles dans les tribunes ? »

« Eux-mêmes. Mais on peut aussi descendre dans la rue pendant la nuit de la Saint-Sylvestre pour hurler ‘bonne année !’. C’est aussi assez nul. »

« Il y a aussi beaucoup d’autres façons de savourer sa bêtise. Traverser la rue en courant, si possible en dehors des clous, en faisant le pari que les automobilistes se débrouilleront pour nous éviter. »

« Moi, j’aime bien partir dans le Midi pour prendre mes vacances. Le 14 juillet, c’est encore mieux. On est sûr d’arriver complètement crevés. »

« Ce n’est pas mal comme ânerie. Moi j’aime bien dire n’importe quoi, pour pouvoir être bête tranquillement. Par exemple : la vérité sort de la bouche des enfants. »

« En matière d’idées reçues, il y a le choix. Mais il y a encore plus fort pour arriver à être très bête. Par exemple, téléphoner à son opérateur téléphonique en espérant tomber directement sur une voix humaine qui vous répondra intelligemment, au lieu d’attendre une demi-heure en écoutant de la musique. »

« Effectivement, c’est intéressant. On peut aussi devenir complètement idiot en espérant qu’un français va gagner le Tour de France, cette année. »

« Moi, j’aime bien être bête en faisant exprès de ne pas remarquer qu’un commerçant vend un objet 9,99 euros pour que je sois heureux de ne pas payer un prix à deux chiffres. Je sens tout de suite que je ne suis pas pris pour un imbécile. »

« Dans le domaine économique, les occasions de bien gérer sa bêtise sont nombreuses. Par exemple, moi je suis ravi que ma banque me verse des intérêts positifs sur mon argent placé. Evidemment, je ne regarde pas les frais de gestion qu’elle me pique. Allons, allons. »

« J’adore aussi l’idée de payer un abonnement annuel très cher à ma salle de sport pour ne plus y aller après le 30 septembre. « 

« Là, c’est fort ! Payer pour avoir l’impression de faire du sport ! On pourrait aussi payer un concessionnaire automobile pour avoir l’impression de conduire une de ses voitures de sport! »

Les bruits courent

26 août, 2017

J’en ai ma claque.

Je suis paf,

Sur mon pouf,

Avec ma toque

Et mes tics.

Je suis cuit ! Cuit !

Je cherche ma houe,

Hou ! Hou ! Où est ma houe ?

Sous le houx ?

Où est ma chute ?

L’histoire d’un cubain

25 août, 2017

Ce concubin cubain

Est noir, en passant devant le manoir.

Il verse sous l’averse.

Il est en rage sous l’orage.

Il est sidéré, mais pas considéré.

Sur sa mule, il n’a pas d’émule.

A la gare, il y a eu de la bagarre

Lors de l’hommage au chômage.

Ii va vers l’horloge où il loge.

Le malheur des uns…

24 août, 2017

« Qui c’est qui pourrait me consoler ? »

« Qu’est-ce qui vous arrive ? »

« Mon copain m’a largué, j’ai échoué à mon examen, je suis au chômage, je n’arrive pas à perdre du poids. Bref, il faudrait me consoler. »

« Ma pauvre, il faudrait vous reprendre en mains. Ne vous laisse pas aller. »

« C’est dur. Tout me tombe sur la tête. »

« En gros, ça s’appelle la vie. Il faut affronter l’adversité, c’est le seul moyen de se donner une chance de retrouver une éclaircie. »

« Ce que vous me dites, c’est qu’il faut accepter ce qui m’arrive comme la pluie ou le soleil. Je trouve que vous ne consolez pas bien. »

« Bon, alors, faites un bilan sur vous-même : où sont vos points forts, vos points faibles. Après il sera plus facile de travailler sur les points faibles. »

« Pour les points faibles, je vois bien. Pour les points forts, j’ai des interrogations. Mais votre comptabilité ne me console toujours pas. »

« Je ne vais pas vous dire : ah ! Ma pauvre, je compatis à vos malheurs ! Vous avez bien raison, tout le monde vous en veut ! … Ce ne serait pas une façon de vous aider ! »

« Vous ne pourriez même pas pleurnicher un peu avec moi sur mon sort ?»

« Non, ce serait des larmes de crocodile. Je vous dis de travailler sur vous-même pour mieux vous intégrer socialement. »

« Et voilà, j’en étais sûre ! Il faut adopter les bons codes. Pleurer sur soi-même n’est pas permis dans cette société. Et visiblement, pleurer sur le sort de quelqu’un qui pleure sur son sort, c’est interdit aussi. »

« Bon, moi je veux bien pleurer, mais ce n’est pas ce qui vous fait avancer. »

« Je préférerais faire un peu de surplace si ça ne vous dérange pas. Je suis habituée à mes malheurs. »

« Bon, alors essayons autre chose. Mes gamins ne fichent rien à l’école, mon patron me harcèle, mon mari s’en fout, mes parents m’exaspèrent… »

« Ah ben, voilà qui est plus intéressant ! Vous en avez aussi, ma pauvre des malheurs ! Je vous plains beaucoup ! Je sens que je vais verser une larme ! »

« Si je comprends bien, un malheureux est moins malheureux quand il s’aperçoit que tout le monde est malheureux. »

« Vous êtes marrante, on se sent moins seule ! Être malheureux avec des malheureux, c’est plus consolant que s’entendre dire qu’il faut se prendre en mains pour être moins malheureux. »

« Finalement vous avez raison, mes malheurs me semblent d’un coup plus légers. »

Bout à bout

23 août, 2017

Au bout

Du boulevard

Le bouffon

Danse la bourrée.

Le boulanger

Roulé en boule

Boude

Avec sa bouteille

Sans bouchon.

Elle est finie, la boum !

Tous des objets

22 août, 2017

« Je fais partie des gens qui restent chez eux et qui ne font rien. »

« Rien ? Ce n’est pas possible de rien faire. »

« Ah si ! Je m’enfile un plein bol de céréales le matin. »

« Ah ! Vous voyez ! Vous êtes bien obligé de faire quelque chose puisque vous allez au supermarché pour renouveler votre paquet de céréales. »

« Non, pas du tout ! Je me le fais livrer. »

« Et voilà, l’hypermarché était le dernier lieu d’une pseudo-socialisation des isolés comme vous. Et même ça, ça disparait ! »

« Vous avez l’air de penser que je vis comme à l’âge de pierre. »

« Non, même les hommes de Cro-Magnon vivaient en bandes, en s’appuyant les uns sur les autres. Vous, vous avez un destin de légumes. »

« Non, je vais devenir un objet, comme tout le monde. Mais attention, pas n’importe quoi : un objet connecté, tout de même ! »

« Quel intérêt ? »

« Tout deviendra plus facile à gérer. Aujourd’hui l’être humain a encore des sentiments : il se marie, puis il divorce quelques années plus tard, ça entraine des coûts supplémentaires. En période de restrictions budgétaires, vous comprenez… Quand on sera tous des objets, le problème sera résolu… »

« Comment vous faites pour ne rien faire, ça doit être compliqué ! »

« Non, pas tellement. Le progrès aide l’homme à ne plus en foutre une rame. Je ne lave plus ma salade qui est livrée en sachet. Je ne vais plus à la salle de sport, je me branche sur des électrodes qui font bouger mes muscles sans moi. J’utilise un robot au lieu de me fatiguer à passer l’aspirateur. Bref…. Je vais vers le rien, le néant absolu… »

« Vous vous entendez bien avec vos voisins ?»

« On ne s’entend ni bien, ni mal. On ne s’entend pas. Il faut dire que l’un appartient à la catégorie des gros nuls qui vont dans les clubs de strip-tease. Il finira sa vie en objet de mon opprobre. L’autre qui ne parle que de foot qui achèvera son existence en objet de ma compassion. »

« Et vous, quelle sorte d’objet, voulez-vous être ? »

« Il n’y aura bientôt plus d’objet utilitaire, puisqu’on ne construira plus rien. Je préfèrerais être un très bel objet décoratif. Comme un pot de fleurs. Ou alors un portrait historique, un peu comme le portrait de mes ancêtres accrochés dans l’escalier. »

« Vous êtes sûr que vous ne déprimez pas un peu ?»

« Non. Mais on va arrêter l’interview. En faisant de moi l’objet de votre attention vous retardez ma mutation. » 

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