Archive pour juin, 2011

Une journée de révolte

30 juin, 2011

Le 14 juillet 1789, il se produisit un évènement extraordinaire. 

Jean-Jacques Dumesnil portait un prénom de philosophe. Mais, il était loin d’en être un. Dans ma commune, c’était un être redouté. Ce grand homme à la force herculéenne se présentait comme un véritable diable noir. Son visage orné d’une barbe hirsute restait marqué par les traces de la petite vérole. Son regard terrible et ses hurlements sauvages terrorisaient la population. Souvent, les anciens du village évoquaient le diable en se signant sur son passage. 

Ceux qui souffraient le plus étaient les journaliers qui travaillaient sur le domaine du marquis de Lauras dont Dumesnil était le régisseur. Ces hommes ne connaissaient pas de répit sous la férule de ce géant qui savait –au sens propre et figuré- être à la fois au four et au moulin. 

Mais la propriété était parfaitement gérée. Les rendements céréaliers atteignaient des sommets. Dumesnil avait appris à compter et rendait des états impeccablement tenus à son seigneur. Les taxes étaient payées à la date voulue aux représentants des fermiers généraux Aucun méfait ne pouvait être reproché à Jean-Jacques Dumesnil malgré sa faculté à angoisser tous ceux qui l’approchaient par son comportement outrancier. 

Pendant le marché aux grains du mardi, on le voyait harceler les acheteurs qui, devant la pénurie de ce bien de première nécessité, ne se faisaient pas prier pour se précipiter auprès de ses hommes. Ceux-ci s’activaient fébrilement sous les ordres que le géant hurlait, debout sur ses sacs, les mains sur les hanches. Parfois quand il venait de réussir une belle vente, ce qui n’était pas rare, on entendait Dumesnil s’esclaffer avec une voix qui portait si fort : 

-          Emballez ! C’est pesé !

(suite…)

Prénoms ?

29 juin, 2011

J’ai mis mon robert.

Puis j’ai observé la trêve pascale.

Ensuite je me suis assis sur la pierre

Où j’avais fait une marque.

J’ai lancé des louis d’or dans la mare,

Bien que je ne sois pas un richard.

J’attendais Berthe qui se faisait désirer

Tout en dégustant des coquilles Saint-Jacques.

Puis, nous sommes partis chez les hellènes

A dos d’âne,

En passant par le pôle Nord.

L’odeur de Lucien

28 juin, 2011

« Lucien, j’aime ton odeur ! On dirait de la fraise ! » 

« Çà tombe mal, c’est « framboise des bois ». Tu as de la chance, d’habitude je mets « jambon de Parme » ! » 

« C’est dégoutant ! Comment peut-on faire un parfum avec ça ? »  

« Il faut savoir sortir des normes, Madeleine ! Nous étouffons sous le poids des conventions sociales, Madeleine ! Je te prends un exemple : qui a décidé qu’il valait mieux être grand que petit ? Au nom de quoi ? Hein ? 

Il y a des dictateurs de partout ! Finalement, je me demande si je décide quelque chose par moi-même ! 

Et puis d’abord, c’est dit, je vais décider !  Je vais décider de mettre des chaussettes blanches. Ça va m’attirer encore des histoires avec ma femme, mais tant pis. Ginette devra s’y faire. Et puis je vais faire un site à destination de ceux qui n’osent pas mettre des chaussettes blanches.  Il faut organiser la résistance. Et si je faisais alliance avec ceux qui ne peuvent pas mettre des costumes à rayures alors qu’ils en meurent d’envie ? Ou alors avec ceux à qui on interdit d’aller au boulot en short et en tongues ! A bas la bien-pensance dictatoriale ! 

Le plus fort c’est que nous subissons une dictature sans savoir qui sont les dictateurs. On a l’impression que tout le monde est dictateur. Mais si je prends d’assaut mon voisin sous prétexte que c’est un dictateur de la pensée, il va me dire que lui aussi, c’est une victime qui aimerait bien se parfumer à l’eau de vaisselle ou aller au bureau en tongues. Je serai obligé de le relâcher avent qu’il m’accuse moi-même de dictature !  Finalement, on vit dans la dictature, mais entre démocrates !  Tu comprends, Madeleine ? » 

« Rien du tout… » 

« J’ai une intuition : est-ce que je ne m’inflige pas à moi-même des règles dictatoriales ? Je ne vais tout de même pas me lyncher moi-même ! Çà devient compliqué ! 

Il me faudrait un vrai dictateur contre lequel je pourrai me révolter ! Ginette par exemple ! Je me demande si, depuis quelque temps, elle ne me regarde pas avec un rictus féroce de souveraine omnipotente en dépit de ses yeux de biche. Tu crois qu’elle se doute pour nous ? Il ne manquerait plus que ça…. 

Euh ! Finalement compte-tenu  de la qualité de son pot au feu, je vais ne rien dire pour cette fois. Je vais plutôt focaliser ma révolution démocratique contre Dumortier, mon chef de service  et ses airs supérieurs. Heureusement qu’il est là, celui-là ! » 

Leçon de géographie bien léchée

27 juin, 2011

Je fais ma traversée du désert,

Tout en fayotant au bureau, car c’est la loi de la jungle.

Mon chef a passé le cap de la quarantaine avec espérance

Mais il est dans un océan d’angoisse.

Il atteint parfois des sommets de stress.

Bien qu’il fasse du step pour se détendre.

Et du foot aussi : il a marqué un but en tirant dans une forêt de jambes.

Je vais souvent chez le glacier pour lui acheter un sorbet

Même si les autres font des gorges chaudes devant mon sens du dévouement.

Un an après

26 juin, 2011

« Vraiment mémorable, cet anniversaire… ». Ce matin là, Marcus, le porte-clefs des cachots insalubres réservés aux gueux, n’a pas pu s’empêcher d’ironiser en lui apportant son écuelle quotidienne. Marcus sait qu’Emilien est enfermé depuis un an tout juste. 

Le prisonnier n’a plus figure humaine. Ses membres décharnés se tordent de douleurs sur sa paillasse. Seul son regard reste mobile et luit dans la pénombre au milieu d’un visage dévoré de pilosités. Ce faciès impressionne le geôlier. Marcus évite de croiser les yeux de l’homme dont il a la charge. Parfois, malgré son esprit simple et fruste, Marcus est inquiet. Si le prisonnier vient à mourir, Monsieur le Gouverneur n’appréciera pas. Ce n’est pas qu’il tienne particulièrement à sauver la peau de ce voleur, mais sa place est enviée. Peu de travail, une bonne rétribution. Et toute la journée disponible pour boire et jouer. 

Un an déjà. Mais Emilien n’est plus en mesure de mesurer le temps. La fièvre le saisit fréquemment. Pendant l’hiver, il a failli trépasser. Il a gémi plusieurs semaines sur sa paillasse. Une religieuse alertée par Marcus est venue et s’est penchée sur Emilien. Lui, dans son délire, il a eu soudain l’impression de revoir les doux traits de sa mère lorsqu’elle se courbait au-dessus de son lit d’enfant. Le médecin de Monsieur le Gouverneur a bien voulu venir aussi dans ce cachot humide. D’un air dégouté, avec le bout des doigts, il a palpé ce qui restait du corps famélique d’Emilien. Puis, il a recommandé à Marcus une décoction de sa composition et s’en est allé au plus vite. 

Au printemps, contre toute attente, Emilien a repris un peu de forces. Dans ses moments de lucidité, il est le premier à la regretter. Pourquoi donc le Tribunal ne l’a pas condamné à la pendaison ? Il aurait moins souffert ! C’est une véritable erreur judiciaire. Les juges l’ont sûrement oublié dans ce trou à rats avec l’ignoble Marcus pour seul compagnon !

(suite…)

Un an après

26 juin, 2011

« Vraiment mémorable, cet anniversaire… ». Ce matin là, Marcus, le porte-clefs des cachots insalubres réservés aux gueux, n’a pas pu s’empêcher d’ironiser en lui apportant son écuelle quotidienne. Marcus sait qu’Emilien est enfermé depuis un an tout juste. 

Le prisonnier n’a plus figure humaine. Ses membres décharnés se tordent de douleurs sur sa paillasse. Seul son regard reste mobile et luit dans la pénombre au milieu d’un visage dévoré de pilosités. Ce faciès impressionne le geôlier. Marcus évite de croiser les yeux de l’homme dont il a la charge. Parfois, malgré son esprit simple et fruste, Marcus est inquiet. Si le prisonnier vient à mourir, Monsieur le Gouverneur n’appréciera pas. Ce n’est pas qu’il tienne particulièrement à sauver la peau de ce voleur, mais sa place est enviée. Peu de travail, une bonne rétribution. Et toute la journée disponible pour boire et jouer. 

Un an déjà. Mais Emilien n’est plus en mesure de mesurer le temps. La fièvre le saisit fréquemment. Pendant l’hiver, il a failli trépasser. Il a gémi plusieurs semaines sur sa paillasse. Une religieuse alertée par Marcus est venue et s’est penchée sur Emilien. Lui, dans son délire, il a eu soudain l’impression de revoir les doux traits de sa mère lorsqu’elle se courbait au-dessus de son lit d’enfant. Le médecin de Monsieur le Gouverneur a bien voulu venir aussi dans ce cachot humide. D’un air dégouté, avec le bout des doigts, il a palpé ce qui restait du corps famélique d’Emilien. Puis, il a recommandé à Marcus une décoction de sa composition et s’en est allé au plus vite. 

Au printemps, contre toute attente, Emilien a repris un peu de forces. Dans ses moments de lucidité, il est le premier à la regretter. Pourquoi donc le Tribunal ne l’a pas condamné à la pendaison ? Il aurait moins souffert ! C’est une véritable erreur judiciaire. Les juges l’ont sûrement oublié dans ce trou à rats avec l’ignoble Marcus pour seul compagnon !

(suite…)

Dans notre grande série : les plus mauvais poèmes

24 juin, 2011

Le soleil brille dans le jardin.

Ma mie, sortons  la main dans la main.

Le rossignol chante sous la tonnelle.

Ecoutons ensemble sa ritournelle.

Les papillons volètent dans la brise légère.

Goûtons ces quelques secondes passagères.

Quelques notes de piano s’égrènent au loin.

Chantons en chœur :  tagada-tsoin-tsoin.

Les roses rougissent dans le bosquet.

Ça y est, je n’ai plus le hoquet !

Quel boulot!

23 juin, 2011

Je prends congé de vous, madame, avant de partir en congés

Pendant mes vacances,

Mon logement sera vacant.

Avec mes jours de RTT, j’aurai le temps de faire du VTT.

En faisant le pont, je pourrai pêcher dans la rivière.

Avec  mes récup’, je regarderai la finale de la Cup à la télé.

Quant à mes journées de maladie, je les garde pour ma grippe du mois d’août.

Parce qu’au mois de juillet, il faut que je garde mes enfants qui seront eux-mêmes malades en vacances.

Quelle malchance !

Resumons nous…

22 juin, 2011

Il faut penser à éteindre les lumières en sortant des pièces pour économiser l’énergie. 

Il faut que j’arrête de prendre un bain par jour : l’eau devient rare. 

Je vais restreindre mes dépenses : mon budget diminue. 

Je dois limiter mes déplacements qui coûtent cher et qui polluent. 

Et puis prendre l’avion au lieu du train pour diminuer les pertes de temps. 

Oui, mais je pollue encore plus ! 

Et puis si j’arrêtais de manger des cochonneries pour sauvegarder ma santé ? 

Je lirai moins, ça me fait mal aux yeux et puis ça me donne des idées. 

Je vais marcher moins vite pour ne pas user mes chaussures qui sont fabriqués par des petits chinois de 10 ans. 

Je regarderai un peu plus la télé pour trouver des programmes débiles qui me convaincront de la regarder moins. 

Il faut que je réduise mon temps de travail pour avoir moins de soucis de boulot. 

Je dois aussi restreindre mes activités ludiques parce que mes séances de peinture sur soie du jeudi soir, hein, j’en ai rien à faire… 

Je diminuerai mes fréquentations parce que, de toute façon, les vrais amis, il n’y en a pas tant que ça. 

Je vais rétrécir mon espace vital. Je pourrais dormir dans la cuisine, par exemple. 

Je penserai à limiter mes gestes en utilisant des télécommandes pour tout et n’importe quoi. 

Je vais me payer un coach pour maîtriser le rétrécissement de mon mal de vivre. 

Et puis, pendant que j’y suis, je vais me réduire moi-même en me roulant en boule. 

La loi de la jungle

21 juin, 2011

Le roi Lion, Maurice Ier, régnait sans partage sur la forêt des animaux ce qui lui semblait parfaitement naturel puisque les fauves étaient, par nature, les seigneurs de ces lieux. 

Ses plus fidèles courtisans savaient lui donner l’impression qu’il était un grand souverain. Le Tigre, son Principal Ministre louait l’habileté manœuvrière de son suzerain à tout propos. Lorsque les Hyènes furent lourdement taxées  sur le produit de leur chasse au motif qu’elles faisaient trop de bruit en ricanant, Principal Ministre, sut soudoyer une cohorte de mammifères cupides qui vinrent manifester devant Sa Majesté leur reconnaissance pour avoir mis fin à ces nuisances sonores. 

Mais l’influence de « Principal Ministre » sur le roi était très jalousée. Goupil, le Renard, qui était aussi le chef du Parti Majoritaire Entièrement Dévoué à Sa Majesté ne l’entendait pas de cette oreille. Il se rendait régulièrement dans l’antre de son suzerain pour lui apporter des présents ou des victuailles qu’il avait chapardés dans les fermes environnantes. Goupil lorgnait sur la place de « Principal Ministre » avec insistance tout en s’offusquant avec indignation chaque fois qu’on lui prêtait cette intention maligne. On murmura même qu’à une certaine époque, Maître Goupil volait des fromages chez le Corbeau pour satisfaire l’appétit du Roi qu’il savait friand de camembert de Normandie. 

Le Roi Lion savait diviser pour régner. Ainsi, il avait fait nommer des chefs dans chaque catégorie d’animaux. Albert, par exemple, était le responsable des crocodiles. Cette distinction ne servait à rien puisque la loi de la jungle privait Albert de tout pouvoir sur ses congénères. Néanmoins, Albert était particulièrement fier de cette distinction, tandis que les autres crocodiles n’aspiraient qu’à parvenir à ce stade ultime de leur hiérarchie.  Le Roi et ses conseillers avaient instauré l’autorité de l’un sur les autres en sachant très bien que, très occupés à se jalouser le long de la rivière, ces monstres sauriens complètement idiots ne fomenteraient aucun projet de révolte contre le pouvoir royal.

(suite…)

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