Une journée de révolte
30 juin, 2011Le 14 juillet 1789, il se produisit un évènement extraordinaire.
Jean-Jacques Dumesnil portait un prénom de philosophe. Mais, il était loin d’en être un. Dans ma commune, c’était un être redouté. Ce grand homme à la force herculéenne se présentait comme un véritable diable noir. Son visage orné d’une barbe hirsute restait marqué par les traces de la petite vérole. Son regard terrible et ses hurlements sauvages terrorisaient la population. Souvent, les anciens du village évoquaient le diable en se signant sur son passage.
Ceux qui souffraient le plus étaient les journaliers qui travaillaient sur le domaine du marquis de Lauras dont Dumesnil était le régisseur. Ces hommes ne connaissaient pas de répit sous la férule de ce géant qui savait –au sens propre et figuré- être à la fois au four et au moulin.
Mais la propriété était parfaitement gérée. Les rendements céréaliers atteignaient des sommets. Dumesnil avait appris à compter et rendait des états impeccablement tenus à son seigneur. Les taxes étaient payées à la date voulue aux représentants des fermiers généraux Aucun méfait ne pouvait être reproché à Jean-Jacques Dumesnil malgré sa faculté à angoisser tous ceux qui l’approchaient par son comportement outrancier.
Pendant le marché aux grains du mardi, on le voyait harceler les acheteurs qui, devant la pénurie de ce bien de première nécessité, ne se faisaient pas prier pour se précipiter auprès de ses hommes. Ceux-ci s’activaient fébrilement sous les ordres que le géant hurlait, debout sur ses sacs, les mains sur les hanches. Parfois quand il venait de réussir une belle vente, ce qui n’était pas rare, on entendait Dumesnil s’esclaffer avec une voix qui portait si fort :
- Emballez ! C’est pesé !