On pense que le français a disparu vers les années 2050.
Ça prenait beaucoup trop de temps de se parler dans les entreprises. D’ailleurs de nombreux salariés n’écoutaient plus personne. Dans les réunions, quand il y en avait encore, chacun essayait de placer sa phrase sans s’occuper de celles des autres.
Certains hommes préféraient dessiner. On a retrouvé par exemple un vieux dessin qu’on peut dater de 2019, figurant le chef de Duplancher par exemple.
Dans les sociétés, on préférait écrire des mails et puis s’interroger ensuite à la cantine d’une phrase simple « T’as eu mon mail ? ». A la fin, le seul critère de recrutement dans les bureaux était la capacité des candidats à écrire des mails pendant toute une journée. Il semble que des écoles de formation spécialisées aient été ouvertes pour répondre à ce nouveau besoin. La profession « d’écrivains de mails » a connu une période de développement remarquable.
Les premiers signes de dégénérescence de la langue sont apparus vers les années 2000. On s’est mis à écrire comme on parlait. Les jeunes disaient « c’est clair » à tout bout de champ, par exemple. Ou encore « à plusse ! » quand ils se quittaient. L’expression « à plus tard » était considérée comme beaucoup trop longue.
Dans les couples, on ne se parlait plus beaucoup. On a retrouvé les traces d’une coutume curieuse. On s’écrivait sur des petits carrés de papier jaune qu’on collait sur la porte du frigo familial. C’était des phrases comme : « Qu’est-ce qu’on fait pour les vacances ? », « Y’a ta mère qui a appelé », « Pense à passer au pressing ».
A la télévision, il fallait que les invités fassent des phrases de plus en plus courtes sinon l’animateur l’interrompait de plus en plus rapidement en disant « Oui… oui… on va en reparler ! ». Très souvent, c’est l’animateur qui parlait à la place de l’invité, celui-ci pouvait néanmoins sourire à certains moments.
Parfois des hommes cultivés s’inquiétaient de ce laisser-aller et affirmaient qu’il fallait prendre le temps de parler des choses importantes. Mais leurs discours n’intéressaient personne. Les émissions télévisées où les gens s’exprimaient passaient très tard le soir. Les directeurs de programme estimaient qu’il fallait laisser de la place aux émissions où l’on ne disait rien qui étaient beaucoup plus faciles à suivre pour le peuple.
Dans les films les dialogues se réduisaient de plus en plus pour qu’on puisse entendre des bruits que les gens trouvaient beaucoup plus intéressants : des coups de feu, des tremblements de terre, des cris de dinosaures ou d’animaux féroces … Par exemple.
Cependant, certains hommes prenaient encore des morceaux de papier pour écrire. On a retrouvé les notes de pressing de Duplancher ou encore ses factures de restaurant. Entre nous, Duplancher ne se privait de rien lorsqu’il était en mission.
On a aussi découvert les billets doux de Duplancher à Hélène. Il semble qu’il lui ait parlé pendant une époque mais que ça n’ait pas duré très longtemps. En effet on a aussi trouvé trace de son deuxième divorce avec une dame qui s’appelait aussi Hélène.
Curieuse époque !