Archive pour juillet, 2010

Entre le paradis et l’enfer

31 juillet, 2010

Marie a un visage d’ange.

A vingt ans, elle croit encore au Père Noël.

On lui donnait le Bon Dieu sans confession.

Elle n’a jamais fait de mal à personne : c’est une sainte nitouche.

Elle rêve de voyages dans une île paradisiaque.

Et voici que, par une opération du Saint-Esprit sans doute, elle se retrouve devant le juge.

C’est que Marie a fréquenté un malfrat sorti de Dieu sait où.

Elle est bienheureuse de ne pas finir en prison.

Grâce au ciel, le Tribunal a reconnu sa bonne foi.

Sur un papier vierge, elle va écrire son aventure.

Il y a de l’humidité dans l’air

30 juillet, 2010

L’Auteur arrose ses géraniums en maugréant.

A la sortie de son dernier livre, il s’était fait une vague illusion sur son succès.

Mais il a pris une douche froide.

Son éditeur lui a envoyé une lettre trempée de vitriol.

Il s’était mouillé dans cette affaire.

Et il se retrouve le bec dans l’eau.

Pourtant, le roman de l’Auteur dégoulinait de bons sentiments.

Il avait transpiré pour trouver le dénouement.

Il ne s’attendait pas à cette pluie de reproches !

La dame blanche

29 juillet, 2010

Lorsque Léonard déboula dans sa gendarmerie, Justin le brigadier sut que le même problème  tarabustait encore le paysan et que, par voie de conséquence, il allait être fortement dérangé dans sa routine habituelle.

Léonard, vêtu de son meilleur gilet et des brodequins de cérémonie, tortilla sa moustache blanche d’une main et son béret crasseux de l’autre, tout en se dandinant convulsivement. Justin eut un instant de réflexion devant cette danse improvisée qui agitait bizarrement la silhouette corpulente de l’homme avec lequel il avait usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’école du village.

-          Justin, tu ne vas pas me croire !

L’entame de la conversation renforça le gendarme dans la conviction qu’il allait être la victime d’une avalanche d’ennuis. Son supérieur hiérarchique le Commandant Lambert qui hantait de son élégance altière les meilleurs salons du chef-lieu de canton n’appréciait pas d’être dérangé pour ce qu’il appelait « n’importe quoi ». A vrai dire, le Commandant Lambert n’aimait pas du tout les questions dont la réponse était inconnue des règlements.

-          Je l’ai encore vue !

Léonard avait sa voix enrouée des mauvais jours. Depuis quelques temps, d’ailleurs, il avait perdu de sa gouaille. Son langage, autrefois célèbre par un style d’une certaine verdeur, était devenu étrangement châtié et même correct !

(suite…)

Un brin de conduite

28 juillet, 2010

Les travailleurs de l’usine ont débrayé.

Ils estiment que le code du travail n’est pas respecté.

Même Jean dont la conduite à l’atelier est exemplaire.

Il sait accélérer la cadence quand il le faut.

Chez lui, il a mis un frein à ses dépenses inutiles.

Lorsque son budget aura atteint sa vitesse de croisière,

Il disposera surement d’un petit volant de crédits.

Pour le moment, c’est lui le moteur de l’action syndicale dans son entreprise.

Il se retrouve sous les feux de l’actualité.

L’histoire de la déception de Martin, le garçon-boucher

27 juillet, 2010

Il y a trois mois, Mauricette Dumourier était entrée pour la première fois dans la boutique de Marcel, le patron de la boucherie Bourdarel qui emploie Martin comme apprenti. Le jeune homme aime bien Marcel, aime bien son boulot, aime bien le quartier. Bref, Martin est paisible et heureux. Avec sa tignasse blonde, ses yeux clairs et illuminés, Martin ne manque pas d’atouts pour passer des soirées pleines de charme avec les filles du quartier.  Les épaules carrées qu’il cultive assidûment dans la salle de sport municipale font rêver les midinettes de son immeuble et bien au-delà. Des concours s’organisent entre les jeunes filles plus ou moins délurées du voisinage : c’est à celle qui « sortira » le plus longtemps avec le beau garçon boucher et éventuellement, à celle qui ira le plus loin dans leurs ébats avec ce bel athlète. 

Lorsque Mauricette Dumourier poussa la porte de l’échoppe de Marcel Bourdarel, personne ne la reconnut tout de suite. Il faut dire qu’il aurait été bien difficile de reconnaître le commissaire de police qui déchainait l’audimat tous les samedis soirs dans cette silhouette engoncée dans une parka aux formes approximatives et si peu féminines. C’est lorsque Mauricette ôta ses lunettes noires pour examiner la vitrine du père Bourdarel que celui-ci poussa discrètement du coude son commis fort occupé à cet instant précis à découper deux côtelettes de porcs pour la mère Dupuis. Le Commissaire Miller achetait deux tranches de jambon ! Comme tout le monde ! Et comme tous les honnêtes clients elle sortait avec précaution un petit porte-monnaie de sa poche pour payer son emplette ! 

Lorsque Martin lui tendit son achat soigneusement emballé dans un papier au nom de ma boutique, il eut le temps de croiser le visage de la vedette de la télé. Contrairement à son image de star, le visage de Mauricette paraissait fatigué. Sa bouche était entourée de deux plis amers, la peau de ses joues qu’elle savait garder si fraîches au plus fort de ses exploits télévisuels, était marquée de tâches rosées, voire même foncées à certains endroits. Seuls ses yeux verts d’eau d’un éclat doux et tranquille, rappelaient la présence du célèbre policier de feuilleton.

(suite…)

Bon appétit, Victor!

26 juillet, 2010

Victor mange toutes ses économies dans les librairies.

Il dévore les livres qu’il achète.

Il est toujours très absorbé dans ses lectures,

Tout en croquant son chocolat préféré.

En classe, il savoure ses premier prix en français.

Par contre en maths, qu’est-ce qu’il déguste.

En géométrie surtout, il se ronge les sangs.

En algèbre, il boit la tasse.

Son père ne mâche pas ses mots !

Victor a du promettre de grignoter quelques places au classement de sa classe.

Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? (19)

25 juillet, 2010

Moi, dès ma majorité, je serai avare et, peut-être immigré au Sénégal. Je n’arrête pas de le dire autour de moi : il faut économiser car on va bientôt manquer de tout : argent, eau, pétrole, air pur, peut-être même de chewing-gums ou de jeux vidéos ! Les budgets de l’Etat, de
la Sécu, de la SNCF présentent des déficits chroniques. Chez moi, nous avons disposé des casseroles sur toute la surface du jardin pour récupérer l’eau de pluie. Les voisins se plaignent amèrement du manque d’esthétisme du paysage, mais nous sommes les seuls à pouvoir arroser nos fleurs en été devant leurs mines envieuses. Mon père ne met plus d’essence dans sa voiture, mais il a caché en réserve des jerricanes remplis de carburant au cas où il faille s’enfuir un jour devant l’avancée d’un envahisseur comme son grand père a du s’y résoudre en 40. L’air pur me pose un problème, personne ne peut se l’approprier. Pendant les dernières vacances d’été dans les Alpes, j’ai néanmoins tenté d’enfermer l’oxygène des sommets dans un bocal à confiture de ma mère. On ne sait jamais, ça peut servir en cas de pollution atmosphérique extrême.

Il ne faut pas hésiter à amasser de l’argent. Bientôt, l’industrie et les services ne créeront plus d’emplois. Les pompistes ont été remplacés par des robots. Prochainement, les caissières de supermarchés n’auront plus leurs places. La seule chose qui pourra travailler et nourrir les familles ce sera leurs comptes en banque. Ou plutôt, leurs comptes d’épargne. Ceux qui ne mettront rien de coté auront de moins en moins. Ceux qui économiseront gagneront de plus en plus.

C’est comme ça, c’est la loi de la vie en société. Il ne faut rien donner sinon on s’élève contre l’ordre naturel. Les foyers sont sollicités de toutes parts : les Restos du Cœur, la lutte contre le sida, le denier du culte… Mon père ne répond à aucune demande de fonds. L’Oncle Picsou a entièrement raison : si l’on commence à faire don d’une seule une pièce d’or, on ouvre la porte à tous les excès. Même lorsque le vol est légal, il faut céder le moins de terrain possible : nous, nous avons fait expertiser six fois notre déclaration de revenus. Economie réalisée : vingt euros par an. C’est toujours ça de pris !

(suite…)

Effluves

24 juillet, 2010

Maurice embaumait les morts.

C’était un être insupportable qui puait de suffisance.

Toute sa personne respirait sa bêtise.

Il s’aspergeait d’eau de Cologne si bien que lorsqu’il vous côtoyait, on sentait passer le vent du boulet.

En plus flottait autour de lui comme un parfum de scandale.

Il  était nulle part en odeur de sainteté.

Aussi prenait-il seul son petit déjeuner à l’arôme chocolaté.

Partons chez la duchesse

23 juillet, 2010

La duchesse tira sa révérence devant la reine.

La duchesse avait revêtu sa plus belle robe de bal, tout en drapés.

On pouvait dire qu’elle avait mis les voiles.

Elle avait adopté un maquillage curieux qui lui faisait des  sortes de valises sous les yeux.

Sa coiffure était parsemée d’éclats de lumière : on y avait essaimé de la poudre d’escampette.

La duchesse devait chanter devant la souveraine. Elle demanda la note au pianiste et s’exécuta.

Pendant ce temps, la comtesse filait en douce ses bas en s’approchant de la jambe de bois du baron.

Après le premier refrain de la duchesse, tout le monde partit !

D’un rire tonitruant.

George, un homme d’ordre

22 juillet, 2010

C’est ainsi depuis longtemps. Georges a toujours dénoncé. C’est naturel. Georges ne supporte pas les tentatives de déstabilisation de l’ordre. Son premier exploit s’est déroulé lors de la composition de maths du dernier trimestre de sixième. Lorsqu’il a vu Morissot sortir de sa chaussette une bandelette de papier froissé qui lui rappelait la formule de la surface du triangle, George n’a pas pu se retenir. Il s’est indigné.  L’affaire est remontée haut. Jusqu’à Bartissol, le légendaire surveillant général de l’époque. Lors d’une entrevue demeurée célèbre, entre Georges et Morissot, à l’ombre des WC de la cour des petits, Morissot a montré toutes les peines du monde à comprendre que la dénonciation dont il avait été l’objet grâce à Georges avait été diligentée pour son plus grand bien. Georges avait pourtant insisté lourdement sur la nécessité qu’il y avait à l’âge de Morissot, qui était aussi le sien, d’apprendre à respecter loyalement les règles du jeu social. Une fois à terre, Georges avait même courageusement ajouté que ce n’est pas en lui éclatant une arcade sourcilière que Morissot allait affronter son avenir socioprofessionnel dans les meilleures conditions. 

En seconde, Georges s’était particulièrement distingué dans la mise au jour d’un sombre trafic de photos féminines dénudées en pleine classe de français, alors que Madame Barbichon s’ingéniait de mille façons à intéresser les élèves aux déboires d’Iphigénie en Tauride. Grâce au ciel et aux policiers composant le dispositif antiviolence scolaire, Georges fut immédiatement tiré du coma lorsqu’une horde indisciplinée de lycéens barbares le firent inopinément tomber dans le caniveau à la sortie de l’établissement. 

Le jour du bac, Georges dont on ne soulignera jamais assez l’altruisme, s’était spontanément proposé pour seconder le surveillant des épreuves afin que celles-ci se déroulent dans la régularité qui convenait à une si noble institution. Le chargé de l’ordre loua une telle initiative citoyenne, mais il assura Georges que tout était prévu pour qu’aucune ruse perverse ne vienne troubler l’ordre de  l’examen. Il s’en portait garant.

(suite…)

1234