Archive pour août, 2014

Les bonnes images

31 août, 2014

« Je trouve que je n’ai plus beaucoup l’occasion de m’émerveiller. »

« Euh… c’est vrai, je vous trouve un peu blasé. Regardez donc cette vidéo d’un petit nourrisson, tout frais, tout rose qui s’éveille à la vie. N’est-ce pas émouvant cette image ? »

« Non. Quand on sait ce qu’il devient après… J’en ai trois à la maison. Alors merci bien. »

« Bon, alors ? Un lever de soleil sur les gorges du Colorado ? N’avez-vous pas l’impression d’assister à la naissance du monde ? »

« J’ai vu le film à la télé. »

« Alors ? Emu ? »

« J’ai zappé pour regarder le foot sur une autre chaîne. »

« Evidemment dans ces conditions, vous n’êtes pas prêt à vous enthousiasmé pour quelque chose. Et un bon film romantique ? Ça ne vous remue pas ? »

« Non. Je vais au cinéma surtout pour les comédies pour pouvoir me marrer. »

« Bon, je vois. On va faire plus simple. Le Tour de France qui sillonne les paysages riants de notre beau pays au milieu de foules populaires et vibrantes aux exploits des champions, ça, ça doit vous passionner ! »

« Vous rigolez ! Il n’y a plus un français pour gagner le Tour de France. Et puis de toute façon, ils sont tous drogués. Ce n’est plus un spectacle, c’est un défilé de publicités pour des marques de médicaments. »

« Euh… si rien ne vous émeut, vous allez mal finir. Pour bien vivre, il faut se passionner ! C’est obligatoire ! Essayez au moins de vous remémorer des instants de joie. Quand vous vous êtes marié par exemple… »

« Euh… »

« Ou lorsque votre premier enfant a fait ses premiers pas. »

« Ce n’était pas trop tôt. Il a fallu attendre vingt mois. On ne se rend pas compte, la mère porte l’enfant neuf mois et le père pendant les deux ans suivants… »

« Bien, vous déprimez quoi… »

« Oui, si vous pouviez me conseiller un petit remontant, je vous promets de m’enthousiasmer pour n’importe quoi. Le ruisseau qui coule chez ma belle-mère. Ou la victoire d’étape d’un danois inconnu au bataillon. »

« Euh… je n’ai pas de paradis artificiel à votre disposition, ce n’est pas comme ça que ça marche ! »

« Vous voyez dans quelle mélasse vous me mettez, vous me faites rêver à des images extraordinaires et puis après, vous me faites redescendre sur Terre. Bon… il faut que j’aille bosser. Je vais essayer de me pâmer d’émotion pendant les réunions de service de Dugenou. Ça va être le pied ! »

« Concentrez-vous sur ce que vous aimez ! La choucroute à la cantine, par exemple ! »

Nos mauvais poèmes

30 août, 2014

Il est parti du Luxembourg

Pour faire le chemin à rebours

Jusqu’à Edimbourg.

En Ecosse, il laboure

Son champ de topinambours.

Il n’est pas à la bourre.

Il a le temps de faire des calembours

Et de jouer du tambour.

Notre cousin germain

29 août, 2014

Jean était soumis aux diktats de sa femme

Elle lui ordonnait de ne pas sortir de son bunker.

Mais il a réussi son putsch.

Il est sorti par le vasistas.

Il l’a envoyée valsée.

Il a nettoyée sa vie au karcher.

Il va pouvoir rejouer au handball

A lui les bonnes choucroutes

Arrosées de vermouth.

Moi d’abord

28 août, 2014

« Moi, je ne pense qu’à mes intérêts. »

« C’est du joli ! Vous n’êtes qu’un égoïste ! Vous croyez pouvoir vivre sans les autres ? »

« Euh… je ne sais pas, mais je m’occupe de moi parce qu’il y en a pas beaucoup qui s’intéresse à mon cas. »

« Je crois que ça se comprend. Si vous étiez plus ouvert à autrui, peut-être qu’on s’intéresserait davantage à vous. »

« Si quelqu’un veut bien s’intéresser à moi d’abord, je me ferai un plaisir de m’intéresser à lui, ensuite ! »

« C’est mal barré, votre affaire. Il faut commencer par être désintéressé pour espérer attirer l’intérêt des autres. »

« Bon, alors d’accord ! Je me fiche de ma santé et vous, comment allez-vous ? »

« On ne vous a pas demandé de ne pas parler de votre santé. Si vous avez un problème, parlez-en incidemment, comme si de rien n’était. Lorsque j’aurais parlé de mes rhumatismes, par exemple. »

« C’est difficile. Si j’ai une pathologie plus grave que la vôtre, je vais avoir l’air de vouloir attirer l’attention sur moi, si elle est moins grave, je passerai pour le type qui veut absolument se faire plaindre avec des vétilles. »

« Le mieux serait qu’on ait tous les deux des rhumatismes, si possible au même endroit. »

« Bon, ça devient compliqué ! Je vais plutôt parler de mes vacances. Cette année, je m’offre un croisière haut de gamme, avec visite des ports de la Méditerranée et pollution de la lagune de Venise. »

« Et vous êtes content de vous ? Vous avez donné au Téléthon ? »

« C’est un vrai problème. Si je donne, ça me déstabilise et si je ne donne pas, ça me culpabilise. Je me bats pour mes intérêts, mais j’aimerais bien le faire en ayant l’esprit tranquille. Je ne vois pas pourquoi, étant égoïste par nature, je devrais en plus avoir l’esprit torturé par le scrupule. »

« En effet, c’est ennuyeux. Et si vous arrêtiez d’être égoïste ? »

« Comment ? Vous voudriez que je sacrifie les loisirs et donc l’avenir de mes enfants ! Que vont-ils penser de moi ? Et de vous ?  »

« Peut-être qu’ils ne sont pas égoïstes, eux ! Et qu’ils se conteraient de vacances sur la plage de Palavas-les-Flots ? »

« Vous avez raison, je vais les mettre en pension pour tout l’été à l’hôtel de la plage, ma croisière sera plus calme et me reviendra moins cher ! »

Folie douce

27 août, 2014

Jules est sans diplôme : il a perdu ses facultés de vue

A toutes les portes, pour un boulot, il a sonné.

Il  a ramé pour un espoir allumer.

Il a envoyé des CV bien timbrés.

Contre la paresse, il est piqué.

Il sait se servir d’un marteau

Ou se déguiser en Dingo.

Il ne perd pas le nord, même s’il a perdu sa boussole.

Nos rêves d’adolescents

26 août, 2014

« Je suis très audacieux. Par exemple, je parle aux gens que je ne connais pas dans la rue. »

« Et il vous répondent ? »

« Pas tous. Certains disent qu’ils n’ont pas le temps. D’autres me demandent d’arrêter les conneries. Les femmes sortent leurs bombes lacrymogènes ou alors s’enfuient en hurlant. »

« Et ceux qui vous répondent ? »

« Ils me demandent si je vais bien, d’un air de s’interroger sur ma santé mentale. »

« Ah bon ! »

« Je les rassure tout de suite. Je leur demande s’ils ont la vie qu’ils souhaiteraient avoir. Alors ils me redemandent si je suis sûr que ça va bien. »

« C’est vrai que c’est une question difficile à entendre. »

« Quelques-uns réfléchissent une seconde et me disent que, s’ils commencent à se demander s’ils ont fait ce qu’ils ont voulu, ils vont être vite malheureux. »

« Vous ne pourriez pas poser des questions plus optimistes ?  Vous savez bien qu’à partir de 30 ans, on est obligé d’abandonner ses réveries d’adolescents ? »

« Cela n’empêche pas de trouver du plaisir où il y en a. Et puis, si on n’en trouve pas, on en fabrique. L’un d’entre eux m’a dit qu’il était particulièrement heureux d’avoir appris le matin-même, grâce à la télé, qu’on prononçait ‘reblochon’ et non pas ‘roblochon’ »

« C’était de l’humour ironique. »

« Euh… peut-être, mais on a le droit de regarder la vie avec de la distance, plutôt que de s’impliquer jusqu’au cou dans une existence fastidieuse. »

« Vous imaginez une société où chacun aurait la vie qu’il a toujours désirée ? Elle ne serait composée que d’actrices, d’acteurs, de pilotes d’avions, de pompiers, de joueurs de foot… Il faut bien que 90 % de la population se résigne à faire ce qu’on lui permet de faire pour que les dix autres pour cent s’amusent un peu. La société a besoin d’éboueurs, de femmes de ménages, de comptables, de ministres…. »

« C’est-à-dire que moi, je n’ai pas tellement envie que vous deveniez un acteur de cinéma célèbre pendant que je lutterai pour survivre quotidiennement dans un anonymat sordide et un job qui me sort par les yeux. »

« Bon, alors, arrêtez de poser des questions idiotes dans la rue puisque vous connaissez la réponse et que cette dernière vous plonge dans la jalousie morbide et un risque de dépression approfondie. »

« Si je comprends bien, selon vous, il vaut mieux ne pas s’interroger entre nous. »

« Si ! Vous pouvez vous interroger vous-même, mais n’obligez pas les autres à avouer leurs échecs. C’est très cruel. »

Bon appétit !

25 août, 2014

Louis a la frite

Il a quitté la mer où il se baignait.

Désormais, il met les bouchées doubles.

Il fréquente le gratin.

Il a une belle brochette de relations.

Il est friand

De galette.

La dernière conquête qui est tombée dans ses filets

N’est pas tarte.

Elle est suprême.

Un conformiste

24 août, 2014

« Je suis très conformiste. Je ne fais rien d’original. »

« Vous ne devez pas être très amusant. »

« Peut-être, mais je suis rassurant. Je dis toujours ce qui est attendu. Quand le temps est mauvais, on peut compter sur moi pour dire qu’il n’y a plus de saison… Il faut bien que quelqu’un se dévoue pour le dire ! En plus, ce n’est pas très fatigant ! »

« Comment voulez-vous que l’humanité progresse, si chacun répète la même chose que les autres ? »

« Il faut des gens qui répètent bêtement ce qu’on dit pour alimenter les conversations banales devant la machine à café, ça rassure. Tout le monde se sent au niveau de la conversation. Je suis très mal à l’aise avec Dugenou. Il cherche toujours à dire quelque chose d’original pour faire l’intéressant. »

« Il faut aussi que quelqu’un prenne le risque de sortir des sentiers battus. Il faut des innovateurs et des répétiteurs. Si personne n’innove, vous allez manquer d’idées reçues à répéter. Finalement, votre tempérament conformiste pourrait vous être reproché ! »

« Euh… vous avez peut-être raison… vous n’auriez pas une idée neuve que je pourrais colporter. Enfin, une idée pas trop dérangeante non plus, je ne voudrais passer pour un révolutionnaire… »

« Vous pourriez dire que le travail sédentaire de bureau provoque des déformations du dos. »

« Ce n’est pas nouveau ! Je le dis souvent ! Tout le monde s’en fout, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le répéter. »

« Oui, mais la nouveauté, c’est qu’une étude américaine vient de le démontrer. Pour relancer un sujet complétement éculé, il n’y a rien de mieux que d’affirmer avoir lu une étude pour démontrer ce que tout le monde sait. En plus, si vous dites que l’étude est américaine, c’est encore mieux ! »

« Merci de votre aide, ça va me permettre de rester conformiste, tout en faisant preuve d’un remarquable esprit d’ouverture à la nouveauté, surtout lorsqu’elle n’apporte pas grand-chose de neuf ! »

« Ceci dit, rien ne vous empêche d’être anticonformiste de temps en temps. Je dirai même qu’à l’heure actuelle, il est très conforme à la tendance d’être anticonformiste. Pas trop, mais un peu. Vous pourriez dire par exemple que vous n’êtes pas pour l’égalité des sexes ! »

« Je vais me faire tuer ! »

« Pas du tout, vous nuancez votre propos, en disant qu’un homme et qu’une femme, c’est différent et que différent, ça n’a jamais voulu dire inférieur ou supérieur. »

« Euh… c’est peut-être un peu trop anticonformiste pour moi… j’ai des ennuis avec ma femme en ce moment… alors vous comprenez que j’évite ce genre de sujet ! »

Nos mauvais poèmes

23 août, 2014

Lucien conduit des ambulances

Dans les rues de Lens

Ce n’est pas une invraisemblance.

Dans son métier, il ne fait pas preuve de nonchalance

Il est plutôt dans la vigilance.

Quand on le relance

Il dit qu’il préfèrerait vendre des balances.

C’est, du moins, ce qu’il nous lance.

Leçon de solfège

22 août, 2014

J’en ai plein de dos.

Je retourne chez moi, sur l’ile de Ré.

Je ne mangerai que du pain, surtout la mie.

Je ne suis pas un fat.

Mais je suis attaché à mon sol.

Je suis là et bien là.

La branche qui me soutient, je ne la coupe pas à la scie.

De mon pré, personne ne fera la partition.

Où ai-je mis ma clé ?

 

1234