Il est 20 heures, bonsoir à tous
28 février, 2013« J’ai un avis sur tout. C’est obligatoire. Sinon, vous passez pour un bêta ou alors un inculte. »
« Comment vous faites ? »
« J’écoute le journal télévisé. Il suffit de regarder les sous-titres et on est au courant. On peut aussi observer la tête du présentateur et on est informé. S’il ne rigole pas, c’est que l’affaire est grave. S’il montre sa dentition, c’est que ça va… »
« C’est peut-être un peu léger… Pour la météo, on peut s’en contenter, mais pour la dette de l’Etat par exemple, c’est plus compliqué. »
« Pas tellement, c’est un sujet qui permet de se plaindre au même titre que la météo. Ou alors les résultats de l’équipe de France de foot. »
« Bon d’accord. Prenons l’exil fiscal. On ne peut pas régler la question en cinq minutes de Journal Télévisé. Il y en a qui s’exilent dans un sens, d’autres dans l’autre… »
« Non. D’abord cinq minutes, c’est beaucoup trop long. Il suffit qu’on nous dise que tel homme très riche s’est sauvé à l’étranger. Et hop ! On tient un sujet de mécontentement qui pourra alimenter nos conversations pendant au moins quinze jours. C’est comme un distributeur automatique de barre chocolatée. Ce n’est pas compliqué une barre chocolatée et c’est d’un usage immédiat. »
« Je vois. Il n’y a pas des sujets sur lesquels vous hésitez. Ou qui mériteraient un approfondissement de votre part. »
« Euh… si…. On ne nous parle pas beaucoup de culture. J’ai du mal de temps en temps à formuler un avis sur un livre ou un bouquin. Je suis obligé de dire n’importe quoi du genre : j’adore… Il se peut que des interlocuteurs remarquent que je ne suis pas très au courant. Il faudrait que le présentateur du JT me fasse un résumé en trente secondes du livre ou du film que je suis sensé adorer. »
« En somme, vous vous fichez un peu du fond. »
« Grosso modo, oui. Moi, je me sers de ce qui est utile à faire ma place dans la société. C’est déjà compliqué, alors s’il fallait s’intéresser à ce dont on parle…. .C’est bon pour les philosophes, moi je suis un homme plongé dans l’action. »
« Vous savez quand même qu’il y a des idées de philosophes qui se sont traduites dans l’action ? »
« Ah ça… avez-vous des exemples ?… »
« La nécessité de la loi pour régler l’organisation des sociétés humaines… »
« Ah bon, c’est philosophique ça ? Ils ne l’ont pas dit au journal. »
« J’en sais rien. En tous cas, quand on y réfléchit, ce n’est pas évident. Par exemple, il y en a qui ne veulent plus se plier à la législation fiscale… ça, ils ont du en parler au journal… »