Archive pour mars, 2021

Les échelles de valeurs

31 mars, 2021

« Je vous estime, monsieur. »

« Vous êtes bien aimable, monsieur. Nous sommes donc amis ! »

« Non, ça n’a rien à voir. Quand nous sommes amis, nous pouvons boire un coup ensemble et raconter n’importe quoi en rigolant. »

« Alors, c’est quoi l’estime ? »

« Je vous explique. Vous avez beau prétendre le contraire, quand vous rencontrez quelqu’un vous le placez sur une échelle de valeurs selon l’intérêt qu’il présente pour vous. Pour autant, ceux qui sont en haut de l’échelle ne sont pas forcément vos copains. »

« Je comprends. Par exemple, je peux avoir de l’estime pour Henri IV, mais nous n’allons pas passer nos vacances en semble ! »

« Exact ! Moi, j’ai de l’estime pour Charlemagne qui a inventé l’école, mais on n’est pas potes ! Lorsque vous mettez quelqu’un au sommet de votre échelle de valeurs, on peut parler d’admiration. J’ai de l’admiration pour Victor Hugo, par exemple. »

« C’est intéressant. Moi, je vous mets dans l’échelle de mes valeurs à un niveau un peu moins élevé que vous me positionnez dans la vôtre. Que se passe-t-il dans ce cas ? »

« Je suis légèrement froissé, mais vous n’avez peut-être pas perçu tout l’intérêt de ma personnalité. Et puis de toute façon, quand on parle d’estime, il n’y a pas – en général – de réciprocité. On ne voit pas bien comment Henri IV pourrait nous porter de l’estime. »

« Bon, mais moi je me sens un peu gêné que l’estime que vous me portez soit supérieur à celle que que je vous porte. Vous ne pourriez pas m’abaisser un peu ? »

« Il faudrait que vous fassiez une action que je méprise. »

« Et si je vous dis que je porte une grande estime à Mollard et à Dugenou qui, de leurs côtés, me portent aussi haut dans leurs estimes. »

« Alors là, évidemment, l’estime que je vous porte baisse dangereusement. Du coup, c’est vous maintenant qui m’estimez plus que je vous estime. On ne s’en sort pas. »

« Bon, alors, je vais faire un compromis : j’estime Mollard alors que Dugenou vient de faire une chute malencontreuse de mon échelle de valeurs. »

« Là, c’est bon ! On est à peu près égaux. On va pouvoir aller boire un coup et regarder si on peut devenir copains. »

« Voilà qui me convient. Pour être copain, il faut que les niveaux d’estime réciproques soient à peu près égaux, même s’ils sont presque nuls. Par exemple, je suis copain avec Dugenou et Mollard, nous ne nous estimons pas beaucoup ; mais qu’est-ce qu’on rigole ensemble. »

« Vous n’estimez pas Dugenou ? »

« Non, il n’a pas l’air très intelligent. Il est comme moi : il ne sait parler que de foot. Vous voyez notre niveau. Avec Mollard, c’est pareil, on ne parle que de bagnole. »

« Du coup, j’abaisse encore le niveau d’estime que je vous porte. »

« Pas de chance, le niveau de mon estime pour vous vient de s’effondrer pour vous. On va pouvoir être copain comme cochons ! »

Scène de rue

29 mars, 2021

Ruth

Et Rudy

Le Russe

Rude

Et rustre

Rusent

Et se ruent

Dans la rue

Qui va vers le ru.

Plaignez-vous !

28 mars, 2021

« Oh, mon pauvre ! Toute la misère du monde vous tombe dessus : votre patron vous accable de travail, votre femme vous fait la gueule, vos gamins ne foutent rien à l’école… »

« …et en plus, tous les gens se foutent du fait que je souffre le martyre ! »

« Pas moi, je vous trouve bien courageux. Je me demande d’où vient tant d’abnégation. »

« Ah bon ? Vous trouvez ? Il est vrai que les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus souffrir en silence. Ils pourraient prendre exemple sur moi avec profit. »

« Je vais leur en parler. Il faut qu’ils sachent qu’on peut affronter les vicissitudes de la vie avec autant de dignité que vous. »

« Oui, il faut bien reconnaître que je ne suis pas toujours en train de pleurnicher sur mon sort. Pensons à tous ces peuples qui souffrent de guerre ou de famine. Allons, allons ! »

« C’est vrai que vous vivez un chemin de croix. Je vous admire. »

« C’est bien aimable à vous. Je vous félicite. Si vous pouviez colporter dans l’entreprise le bien que vous pendez de mon attitude… »

« Je vais essayer, mais certains pensent que vous en faites des tonnes pour vous faire plaindre, alors que d’autres souffrent autant que vous. »

« S’ils étaient un peu moins égoïstes, les gens me plaindraient sans que je sois obligé d’exposer mes problèmes en détails. »

« On devrait pouvoir déposer une plainte pour absence de plainte d’une personne en besoin de plaintes ».

« Si on pouvait parler de mon martyre dans les réunions ou alors dans le journal interne de l’entreprise au lieu de s’extasier sur la victoire de l’équipe Dugenou-Mollard dans le tournoi de baby-foot, ce serait plus intéressant. »

« Vous avez raison, je vais faire des remontrances au rédacteur en chef. »

« Et si on faisait une petite video pour montrer un employé modèle qui fait passer ses problèmes personnels après les enjeux de l’entreprise. »

« Ce serait un grand moment de télévision. »

« Ah, mince ! Le patron vient de me retirer un dossier sous prétexte que j’ai trop de travail. Je vais aller protester. Si on me retire mes motifs d’accablement comment vais-je pouvoir démontrer mon courage et mon abnégation. Il ne manquerait plus que mes gamins deviennent assidus en cours ! »

« C’est vrai qu’on ne vous ménage pas. Si vous n’avez plus de charge mentale, vous pourriez vous plaindre que plus personne ne s’occupe de vous ! »

« Ce qui deviendrait intolérable. »

« Regardez Mollard. Il est en bonne santé, sa femme est charmante et aimante, ses gamins travaillent bien à l’école. Résultat : personne ne s’occupe de lui. Les gens évitent les collègues heureux. »

« Vous avez raison, il faut absolument que je conserve un souci pas trop grave, mais un peu grave quand même. Sinon que vais-je raconter à la cantine ? »

« Vous pourriez dire que vous voyez un psy ! »

Gare !

27 mars, 2021

A la gare,

Le garçon

Et son garnement

Arrivent avec cette garce

Et sa garde-robe.

Dans la gargote

L’attend le garde-barrière

Gargantuesque.

C’est de l’or !

26 mars, 2021

Je dresse l’oreille.

A l’horizon

Arrive l’horticulteur

Orgueilleux

Avec son orchestre.

Ce sont des hors-la-loi.

Ils m’horripilent.

Quelle horreur !

Hors de ma vue !

L’homme est-il mauvais ?

25 mars, 2021

« Je me suis monté le bourrichon. »

« Qu’est-ce à dire ? »

« Je crois que je me suis fais des illusions. J’ai cru que le monde était couvert d’homme et de femmes bons ! »

« Non, c’est tout le contraire, votre maman aurait dû vous prévenir. Jean-Jacques Rousseau avait tort. Il disait que l’homme est bon par nature et que c’est la société qui le déprave. »

« Et ce n’est pas juste ? »

« Non, l’homme est mauvais par nature. Je ne lui en veux pas. Il nait avec l’idée qu’il lui faut faire sa place dans le monde. Et s’il n’a pas cette idée, ses parents lui inculquent. »

« Donc l’Homme est mauvais. »

« Absolument, regardez Dugenou : il me pique mes dossiers, ma secrétaire, mon bureau et m’adresse en plus des sourires sordides. »

« Disons donc, que l’Homme est mauvais. Et après ? »

« La nature ne le déprave pas comme disait Rousseau, c’est pire : elle aggrave sa méchanceté en développant le chacun pour soi. »

« Il y a pourtant des gens qui font le bien, comme mon voisin qui va distribuer de la soupe aux miséreux. Il est bon, lui ! »

« Oui, moi je crois que quelqu’un de bien placé laisse à l’Homme quelques occasions de bonté pour qu’il ne soit pas épouvanté par sa propre méchanceté. »

« En effet, que serait le Monde, si je faisais un sale coup à tous ceux que je croise ?»

« Pour bien faire, il faut être méchant avec les gens qui ont été méchants avec vous. Malheureusement ce n’est pas aussi simple. Disons par exemple que vous volez l’ordinateur de Dugenou parce qu’il vous a pris votre secrétaire. »

« Très bonne idée ! Mais il va gueuler ! »

« Oui probablement, parce qu’il dira que s’il vous a volé quelque chose, c’est parce que c’est vous qui avez commencé. Et vous direz la même chose. »

« Si le comprend bien, l’Homme est méchant, mais comme son voisin lui répond par une méchanceté, on ne sait jamais quel est le premier qui a commencé à être méchant. »

« Exactement. Le mieux serait peut-être de répondre à une méchanceté par une bonté. »

« Mais Dugenou va ricaner ! Il va en profiter pour m’embêter encore plus. »

« En fait, il faudrait rappeler Rousseau pour lui dire que l’Homme est mauvais et en plus idiot puisqu’il ne s’en aperçoit pas. »

« Quand il disait que la société déprave l’Homme, il n’avait pas tout à faire tort, sauf que face à l’inconséquence de l’Homme, la société ne fait que prendre sa revanche. »

« Donc moralité : l’Homme est mauvais, et la société en lui rendant la monnaie de sa pièce le rend encore plus mauvais. On n’est pas sorti de l’auberge ! »

Sacrée Louise !

24 mars, 2021

Louise est dans la mouise.

Elle est ma muse, elle m’amuse.

Elle est avec un amer américain

Qui sort du bagne avec sa bagnole

Et son cabot, ce cabotin.

Sous la charmille, ce charmeur

Joue de la cornemuse de tout son corps.

Le moine et son moineau s’envolent.

Ma sœur, quels mœurs !

Des mots….

23 mars, 2021

« Quand les jeunes vous disent :’c’est clair’, méfions-nous, c’est qu’il n’y a rien de clair. »

« Euh … je crois qu’ils disent comme ça pour exprimer leur accord sur ce qu’on vient de leur dire ! »

« Ce serait tout de même plus simple, s’ils disaient :’je suis d’accord avec vous ‘ ! »

« C’est comme quand ils vous disent :’grave’. Il ne faut pas s’inquiéter, il n’y a rien de grave. Il s’agit d’une sorte de superlatif. Exemple : je suis grave content, ça peut se traduire par : je suis très content ! »

« Et s’ils disaient : je suis très content, ce ne serait pas mieux ? »

« Non, à toutes les époques les jeunes ont voulu avoir leur langage. Le plus connu est le verlan. Quand ils disent : je suis vénère, c’est dangereux de vous énerver, car ce sont eux qui sont énervés. »

« C’est simple leur truc ! »

« Remarquez que nous les adultes, nous ne faisons pas beaucoup mieux. Nous raccourcissons nos phrases comme si on trouvait fatiguant d’aller au bout. Quand vous dites : à plus, moi il faut que je comprenne : à plus tard ! »

« Bon, c’est vrai. Je dis souvent : comme d’hab à la place de : comme d’habitude. Mais enfin, ça se comprend mieux que : wesh, wesh ! »

« Faites attention, mon vieux ! La langue des jeunes évolue très vite. N’allez plus dire : boloss, il parait qu’il faut dire ‘miskine’ et ne me demandez pas pourquoi. »

« De toute façon, mon gamin procède par onomatopées ou grognements. Je vais embaucher un spécialiste de la préhistoire pour savoir ce qu’il veut dire. Je suis sûr que l’homme de Cromagnon parlait la même langue. Enfin si on peut appeler ça une langue. »

« Nous devrions faire notre mea culpa. Nous n’inventons pas de nouveaux mots, mais nous les volons à l’étranger. Comme tous les anglicismes que nous utilisons. Il parait que 90 % des français parlent franglais. Cela relève beaucoup du snobisme. »

« C’est vrai. Moi, j’ai du mal à parler de mon look ou de dire que je suis overbooké pour faire mon malin auprès des collègues. »

« Ne soyons pas trop franchouillard. Connaissez-vous le nombre de mots d’origine étrangère ? Quand vous mangez des spaghettis, vous parlez italien ! »

« C’est pratique à prononcer. Je ne vais tout de même pas dire : je mange des pâtes de vingt centimètres de long. »

« Et quand vous allez faire la fiesta, vous parlez espagnol. »

« Il n’empêche : le parler des jeunes n’est pas une vraie langue. J’espère bien que mon gamin comprendra qu’il faut parler à peu près français pour décrocher un job. »

« Oui, normalement, ils comprennent. »

« Parler français, c’est déjà compliqué… Mais pour l’orthographe, je vous dis pas la cata.. »

« Oui, enfin, vous voulez dire que c’est catastrophique, je suppose. Ne vous inquiétez pas les miens aussi. »

« A plus ! »

Grosse fatigue en montagne

22 mars, 2021

Et vlan !

A Villard-de-Lans,

Tout est blanc.

Je me sens lent

Un vrai flan

Sur le flanc.

Comme un gland,

Je n’ai plus de plan.

Les sosies

21 mars, 2021

« Vous avez vu ? Vous avez la même tête que moi. Vous êtes mon sosie ! »

« Et pourquoi, ce serait moi qui serais votre sosie, c’est peut-être vous qui êtes mon sosie. »

« Disons que nous sommes le sosie l’un de l’autre. C’est extraordinaire : en vous regardant, j’avais l’impression d’avoir déjà vu cette tête là quelque part. »

« Ce n’est pas aussi surprenant. Il n’y a pas des milliards de façons de disposer une paire d’yeux, un nez, une bouche et des cheveux sur une tête. »

« En plus, vous haussez les sourcils de temps en temps, comme moi, avec un air ahuri ! »

« Ahuri vous-même ! »

« C’est bien ce que je dis. C’est tout de même étonnant de se rencontrer alors que nous sommes bientôt dix milliards sur Terre. »

« Pas tant que ça, je nous suis déjà croisé à Moscou, la semaine dernière. »

« Qu’est-ce que nous faisions à Moscou ? »

« Nous prenions tranquillement un chocolat sur la place Rouge. Vous ne vous souvenez pas ? »

« Par contre, je vous vois tous les matins dans mon miroir. Si on cherche plusieurs exemplaires de notre tête, c’est assez facile d’en trouver. »

« Et qui vois-je là-bas ? C’est votre femme, Josiane ? C’est marrant, elle ressemble trait pour trait à Thérèse. Nos femmes sont aussi sosies l’une de l’autre. »

« Voilà qui va énerver Josiane. Elle ne supporte déjà pas de croiser la même robe que le sienne dans la rue. Alors la même tête… »

« Ne m’en parlez pas. Thérèse me fait une vraie scène quand je dis qu’elle ressemble à sa mère. »

« Nous pourrions se faire un petit restau à quatre. Rien que de voir la tête du maître d’hôtel, j’en rigole d’avance. Il va avoir un malaise : ne voit-il pas double ? »

« En effet ! Et puis nous pourrions échanger nos femmes ! Thérèse ne vous tente pas ? »

« Non, quitte à changer, je préfèrerais vraiment changer ! »

« Et vos enfants ! Vous avez vu vos enfants ! Ils ressemblent exactement aux miens ! »

« Super ! Nous sommes peut-être en train de générer une humanité où tout le monde ressemble à tout le monde, ça va être le pied ! »

« C’est le début d’un film catastrophe. Il faudrait trouver d’urgence un moyen de se différencier. Laissez-vous pousser la moustache ! »

« Pourquoi moi ? Vous n’avez qu’à le faire. La moustache ne me va pas du tout. »

« Alors marchez en penchant la tête. Et puis pendant que vous y êtes, modifier Josiane. Envoyez-là chez le coiffeur. »

« Ce n’est pas la peine, elle y va toute seule. »

« Tiens ! Qui vois-je ? Encore moi ? Mais je suis combien comme ça ? »

« C’est monsieur Dugenou, je ne voulais pas vous inquiéter, mais tous les trois nous somme des tri-sosies ! »

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