Archive pour juillet, 2009

Silence !

31 juillet, 2009

Maurice vivait en ville.

Le ronflement des moteurs, le cri strident des roues du tramway sur ses rails, les hurlements des enfants sortant de l’école. Tout l’indisposait.

Il déménagea au bord de la mer.

Le rugissement lancinant des vagues qui s’écrasaient sur le sable, les sirènes du port qui s’interpellaient, le craillement des mouettes matinales. Il ne supportait plus rien de ces bruits intempestifs.

Il partit donc pour la montagne.

Le grelot des vaches et des moutons qui montaient sur les hauteurs, les rires joyeux des vacanciers qui partaient en randonnée, le ronronnement des tracteurs qui rentraient à la ferme. Il ne pouvait décidément pas se reposer au milieu de ce vacarme.

Maurice partit pour le Pôle Nord et connut enfin le silence. Et le froid.

Un tueur en série

30 juillet, 2009

Longtemps, je me suis… Non ! Je devrais dire : les personnages qui m’habitaient se sont longtemps détestés. Très gravement. Ils n’ont pas été capables de cohabiter en dépit de toutes mes tentatives de conciliation.

D’abord, il y avait l’Autre, le pire de tous : Moi-Même. D’une prétention incroyable. Fier et arrogant. Cynique et méprisant. Il se voyait déjà à la tête du Département Juridique dès que le vieux Durin aurait tourné sa casquette. Lorsqu’il sortait en groupe, il devait obligatoirement s’asseoir au milieu de la table et tenir la vedette toute la soirée. Toutes les femmes étaient priées de tomber dans ses bras avec enthousiasme sous peine d’être traitées de poufiasses ! Croyez-moi, c’était un être éreintant à supporter !

Rapidement, Moi-Même s’était trouvé confronté avec Pépère. Pépère, il ne fallait pas trop compté sur lui les soirs de Ligue des Champions. Ces jours là, c’était pizza, pack de bières, canapé. Il ne fallait pas non plus s’attendre à ce qu’il enfile un jogging fluo, le dimanche matin, pour impressionner d’une foulée puissante et souple les étudiantes qui musardaient dans les bois voisins. Le jour du Seigneur, Pépère n’avait jamais envisagé sérieusement de mettre un pied à terre avant 11 heures du matin en arguant du fait que ce dernier ne lui adressait pas la parole depuis belle lurette.

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Un moment de communication

29 juillet, 2009

Max et Louis se rencontrent par hasard.

Max dit que c’est un heureux hasard.

Louis renchérit en affirmant qu’il faudrait que l’on se voit.

Max affirme même qu’il faudrait que l’on déjeune ensemble et que ce serait sympa.

Louis opine du chef : il va envoyer un petit mail à Max. Il réfléchit puis insiste en disant que c’est ça, on se maile !

Max déclare qu’il faudrait mieux un petit coup de fil : il a plein de problèmes avec sa messagerie !

Louis conclut qu’on fait comme on a dit et qu’on se tient au jus.

Les tours d’honneur

28 juillet, 2009

Les conjurés sont prêts au jour dit. Personne n’a trahi le serment. Louis a apporté la banderole, dissimulée sous d’amples vêtements. Jean s’est chargé de la corne de brume.  Quant à Richard, il a su trouver un haut-parleur. Marc est l’organisateur, il dirigera l’opération, il a tout planifié dans les moindres détails depuis de longues semaines.

-Tu me fais honte !

Louis n’en peut plus d’entendre cette phrase quotidienne dans la bouche de son père. Comment peut-on faire honte à ses parents ? A 14 ans, il pèse quatre vingt  kilos. Il est mal dans son corps disproportionné, adipeux et odieux. Les autres, en mal d’inspiration, l’ont immanquablement surnommé Bouboule. Lorsqu’il faut courir en classe de gym, c’est un vrai supplice. Lorsqu’il faut s’habiller, sa mère a du mal à le vêtir dans une taille adaptée. Lorsqu’il faut sortir, les coups d’oeil apitoyés ou ironiques des passants sur sa démarche le hérissent.

Le soir, Louis se regarde et maudit son anatomie. Sa souffrance se répercute sur ses résultats scolaires. Il ne peut se concentrer : devant l’immensité du dégoût que lui inspire son propre physique, les théorèmes de Thalès, Chasles et autres confrères mathématiciens lui apparaissent comme d’incompréhensibles élucubrations émises par des hommes à qui leur corps n’a jamais causé le moindre souci.

Parfois, il se révolte, Louis. Il faut qu’il existe autrement que par son poids excessif. Ainsi, il s’énerve devant sa mère qu’il craint moins que son père. Il parle mal, tape du pied, s’enferme dans sa chambre en claquant la porte. De toute façon, il sait que Paul, son géniteur, laissera tomber imperturbablement sa sentence favorite :

-          Et en plus, ce gosse est mal élevé !

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Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel !

27 juillet, 2009

Le vent du sud souffle en rafales.

Soudain la vue d’Antoine se brouille : une poussière vient de se glisser dans son œil gauche.

Une multitude de souvenirs lui reviennent à l’esprit.

La sortie de la messe le jour de son mariage avec Marthe : les enfants qui jettent des grains de riz au-dessus de leurs têtes en riant !

Le bal du 14 juillet dans son village natal sous les lampions et les confettis.

Un matin d’octobre, son arrivée dans la cour de la caserne à Toul, les gouttes de pluie le long de son visage.

Les grêlons gros comme des œufs de pigeon qui détruisirent la récolte de son père, ce fameux 15 août.

Les flocons de neige, à travers la fenêtre de la cuisine, lors de la veillée du dernier Noël.

C’est fou ce qui peut descendre du ciel sur nos têtes !

Le sens de la marche

26 juillet, 2009

 Gérard marche depuis un moment au milieu de la foule. Il vient de débarquer de son train. Dès la sortie de la gare, il s’est trouvé happé par cette vague populaire. L’air sent bon le printemps. Un doux soleil réchauffe le pavé. Mais Gérard a oublié que le mois de mai s’est installé depuis quelques jours et qu’au mois de mai en ville, on manifeste au même titre qu’on moissonne au mois d’août dans nos campagnes.

Les hommes et les femmes, criant et chantant, ont envahi la chaussée. Bras de chemise et robes légères s’agitent en cadence au rythme de tambourins invisibles. Gérard ne comprend pas ce que les gens psalmodient en choeur. De plus, il a l’impression que les manifestants ne comprennent pas ce que les haut-parleurs hurlent. Si bien que du début à la fin du défilé, les slogans ne sont pas les mêmes : ils se percutent, s’entrecroisent, fusionnent dans un brouhaha bruyant et inaudible. Par moment, Gérard croit entendre des mots : salaire, logement, papier… Mais la logique d’ensemble lui échappe. Il se demande s’il ne devrait pas consulter son othorino.

Gérard regarde autour de lui pour se rassurer. Il interroge Marcel, un jeune gars à l’air décidé qui lève le poing en éructant son mécontentement. Marcel s’indigne des licenciements dans son entreprise, il n’est pas encore dans la charrette, mais il se sent menacé. Il faudrait que Gérard comprenne que les patrons font des millions d’euros de bénéfices tout en jetant la main d’œuvre sur le pavé pour accroître encore leurs marges ! Gérard approuve fortement. Marcel s’excuse : il n’a pas que ça à faire. Il reprend sa marche en redressant sa banderole et vociférant de plus belle.

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Pour qui se prend-il ?

25 juillet, 2009

Jean était fabricant de mouchoirs ce qui expliquait qu’il ne se mouchait pas souvent du coude.

Le dimanche, il aimait aussi jardiner. On le voyait souvent bêcher son carré de carottes.

Le lundi, fier de ses exploits horticoles, il interrogeait son frère :

-          M’as-tu vu ?

Jean était doté d’un profil bizarre : une grosse tête et une silhouette maniérée.

Sa femme, une mijaurée vaniteuse quittait souvent le foyer, munie de son vanity.

Ses voisins regardaient Jean la ramener avec curiosité.

Jean les toisait alors avec morgue.

Entouré d’ennemis, il y finit. A la morgue.

Jeux de mots (suite)

24 juillet, 2009

Le serf certifia que sa servitude était une certitude.

Le mammouth but un verre de vermouth

Repu, il prit un répit, puis un repos après le repas.

La remarque de l’impertinent est-elle pertinente ?

Signons, mon mignon, notre union pour cultiver des oignons !

La patrouille bredouille rouille, ouïe, ouïe, ouïe !

A la mi-temps, d’un air mi-figue mi-raisin, il mangea la mie du pain de sa mamie et de sa tatan .

Dans son mirador, la belle mangeait une mirabelle dans sa gamelle

Guy, le guignol, guigne la gnôle dans sa bagnole.

Margot portait un fagot quand elle vit un parigot chasser les escargots : quel ostrogot !

Le rabbin mit le grappin sur le lapin au pied du sapin.

 

En avant, en arrière !

23 juillet, 2009

Pendant des mois d’intense activité professionnelle, nous avions tout échangé : regards lumineux, battements de cils incendiaires, rosissement furtif, frôlements voluptueux… La gamme des indices subliminaux mais significatifs entre deux collègues de bureau qui ont tout simplement envie de sortir ensemble avait été déclinée. Et puis, n’y tenant plus, j’ai accompli le premier pas. Je l’ai invitée à dîner. On dit qu’il n’y a que le premier pas qui coûte. Celui-ci fut cher, mais les suivants auraient affolé un indice des prix amoureux s’il existait. Je n’aurais jamais pensé atteindre ce niveau d’inflation galopante.

Dans les couloirs du bureau, Maryse se comportait comme une jeune femme modèle. Sa silhouette bien dessinée par un goût vestimentaire assuré mais sage, sa lourde chevelure brune qui soulignait ses mouvements harmonieux et son regard direct mais jamais insolent ne laissait aucun homme indifférent à son passage. Mais, elle savait restée professionnelle Maryse, jusqu’au bout de ses ongles manucurés !

Sauf avec moi. Elle avait pourtant déployé des efforts surhumains pour masquer son trouble en ma présence. Pendant les mois qui précédèrent cette soirée mémorable, Maryse avait cette façon charmante de plonger dans ses dossiers en farfouillant ses papiers ou encore de rajuster ses lunettes à grosses montures qui glissaient soudainement de son nez mutin lorsque je l’interrogeais sur un point précis. Bref, je l’impressionnais et pour tout dire, elle aussi m’émouvait.

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Un truand

22 juillet, 2009

Lucio, le gangster, estimait capital d’avoir du capital.

Son père qui accumulait déjà activement des actifs, avait très tôt repéré son intérêt pour la monnaie.

Tout ce qu’il touchait se transformait en or.

Lucio était doté d’une puissante musculature grâce à une forte consommation d’épinards qui s’ajoutait à son goût immodéré pour l’oseille.

Il accompagnait ses repas de végétarien d’une galette de blé, le tout étant largement arrosé de liquidités alcoolisées de telle sorte qu’il terminait ses agapes complètement rond.

A la fin de sa vie, ses rivaux s’énervèrent : Lucio périt sous la mitraille.

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