Archive pour avril, 2018
Le passage du Temps
29 avril, 2018« A l’automne, je ramasse les feuilles sèches qui tombent des arbres de mon jardin. »
« Et c’est intéressant comme activité ? »
« Oui, ça permet de méditer sur la vie et sur les saisons qui passent. N’oublions pas que nos amis les arbres sont des êtres vivants. Ils perdent leurs feuilles comme nous nos cheveux. »
« On n’a pas encore trouvé le remède miracle contre le chute des cheveux, alors les arbres vont encore perdre leurs feuilles pendant un bout de temps. »
« C’est bien vrai, on ne peut pas lutter contre l’écoulement du Temps. Le jour où on pourra l’arrêter, on sera mal. Imaginez un peu que quelqu’un ait stoppé la course du temps à l’époque de Jeanne d’Arc. On en serait encore à se demander comment on pourrait bouter les anglais hors de France. »
« Donc, félicitons-nous que vous soyez obligé de ramasser les feuilles de vos arbres à l’automne. Ça ne vous fatigue pas trop ? »
« Physiquement, pas trop. Mais le moral est en baisse, je ne peux pas m’empêcher de penser que mon geste annonce l’hiver, les jours de froidure, le soleil qui se couchent tôt, tout ça… ça me donne envie de picoler… »
« Ce n’est rien. Après les mauvais jours reviennent les bons et vice-versa d’ailleurs, c’est aussi une grande leçon de la vie. »
« Vous avez raison, il faut rester optimistes. Ramasser les feuilles des arbres est un vrai contact avec Dame Nature, laquelle est un peu exaspérante tout de même lorsqu’elle déclenche un souffle de vent qui éparpille les tas que je viens de constituer. »
« Ah ! Le vent fripon de l’automne ! «
« Remarquez… Tout dépend du sens du vent. Lorsqu’il emporte les feuilles de mes arbres dans les jardins des voisins, je suis assez content. C’est toujours ça de moins à ramasser. »
« Vos voisins doivent râler ? »
« Que voulez-vous que j’y fasse, les feuilles de mes arbres ne sont pas numérotées. Je peux toujours dire que celles qui atterrissent dans leurs propriétés ne sont pas les miennes ! D’ailleurs, s’ils ne sont pas contents de partager mes feuilles, je peux toujours dire que je partage bien leurs cris joyeux et assommant lorsqu’ils plongent dans leur piscine en plein été ! »
« Et quand les feuilles sont ramassées ? »
« Je peux me dire que mon jardin est net et qu’il peut s’endormir. L’hiver peut venir pour le recouvrir de son blanc manteau. Ceci dit, ce n’est pas la fin des soucis, parce que c’est le moment où on se demande : qu’est-ce qu’on fait pour Noël ? »
« Vous avez raison. Il n’y a pas beaucoup de périodes dans l’année pendant lesquelles on ne subit pas les commandements périodiques et inexorables du passage du Temps. »
« Je ne vous dis pas … Là, au mois de juin, il va falloir faire des barbecues comme chaque année. On voit bien que ce n’est pas le Temps qui va se brûler les doigts… »
On joue en double
27 avril, 2018La rédaction
26 avril, 2018- Qu’est-ce que c’est que cette note Jojo : 2 sur 20 en rédaction ? Pourtant tu avais le choix entre plusieurs sujets !
- Justement, je les ai tous pris, mais le prof n’a pas tenu compte de mon tempérament aventureux !
- Il suffisait de ne prendre qu’un seul sujet. Par exemple, « Aimez-vous aller en classe ? », il y avait beaucoup à dire sur un tel sujet.
- Non, pas du tout. Comment veux-tu que je dise à un homme qui y passe tout son temps et y consacre sa vie que je n’aime pas sa classe. Je respecte trop les goûts de chacun. Moi je ne supporterais pas qu’il me dise qu’il n’aime pas ma chambre !
- Et celui-là : « Décrivez vos dernières vacances. » ?
- Tu crois que c’est facile d’intéresser quelqu’un en lui décrivant mémé qui court après ses vaches ou ses canards dans la campagne périgourdine. Moi-même, ça ne m’a pas passionné, alors décrire un tel spectacle !
- Jojo ! Je t’interdis de critiquer le mode de vie de ta grand-mère !
- Je ne critique pas, je dis simplement que c’est indescriptible.
- Alors tu aurais pu choisir un sujet sympa, comme « Décris ton meilleur ami ».
- Non, ce n’était pas possible. Manu interdit qu’on parle de lui sans son autorisation. Il exige de pouvoir maitriser sa communication.
- Parce que môssieur Manu gère sa propre communication à 11 ans !
- Oui ! Je crois que tu ne comprends pas l’embarras dans lequel je me serais trouvé si je lui avais rapporté un 2 sur 20 après avoir l’avoir décrit en détail.
- En effet, je ne préfère pas imaginer. Pourquoi ne pas avoir pris « Que voudriez-vous faire quand vous serez grand ? »
- Entre nous soit dit, le prof ne se foule pas beaucoup pour trouver des sujets originaux. Comment veux-tu que je m’exprime avec jubilation et pétillance sur un tel sujet ?
- Enfin, tout de même, Jojo, il s’agit de ton avenir. Tu n’as donc rien à dire sur ton avenir. Ne me dis pas que ça ne t’intéresse pas.
- Si je dis que je ne veux pas m’ennuyer 10 heures par jour dans un bureau sinistre comme toi, tu vas encore me crier dessus.
- Il n’empêche que le bureau sinistre te permet de vivre bien.
- Et voilà, on rentre dans une discussion purement matérialiste. Moi ça me déprime, ça ne m’exalte pas du tout. Je ne peux pas écrire sur un sujet aussi vide.
- Mais enfin, entre nous, qu’est-ce que tu veux faire quand tu auras fini tes études ?
- Rien ou alors batteur dans un group de rock alternatif anglais. Mais va donc expliquer ce que c’est que le rock alternatif anglais dans une rédaction de sixième. Tu sais ce que c’est, toi ?
- Jojo ! Tu ne dois pas parler de rock alternatif avec moi ! Je suis ton père tout de même ! Un peu de respect ! Et là, qu’est-ce que je vois : un dernier sujet dont tu aurais pu parler longuement : de quoi voudriez-vous parler ? Pourquoi n’as-tu rien dit ?
- J’ai trouvé que c’est une façon un peu perverse de chercher à contourner mon aversion pour tous les exercices de rédaction. C’est ce que j’ai écrit, juste en bas, là. Je crois que monsieur Boulard n’a pas vraiment apprécié. C’est probablement ce qui doit expliquer ma note.
- Quel manque d’humour !
- Non seulement il n’a pas d’humour, mais en plus il m’a filé deux heures de colle.
Hue, cocotte !
25 avril, 2018Cri-cri !
24 avril, 2018Réincarnation
22 avril, 2018« Moi, je crois à la réincarnation. Vous ne trouvez pas que je ressemble à Napoléon Bonaparte ? Comme ça, de profil par exemple ? »
« Même si vous êtes Napoléon, ça ne veut pas dire que vous aurez le même destin. »
« Personne ne le sait. Pour le moment, je reconnais que Napoléon affecté au service du courrier, ça n’en impose pas tellement. »
« Vous ne paraissez pas avoir une allure de conquérant. En fait, la réincarnation, ça ne marche que pour l’enveloppe corporelle. Vous avez le cerveau et l’esprit de quelqu’un d’autre. »
« Pourtant ce qui a marché une fois avec Napoléon, devrait pouvoir marcher une seconde fois. J’ai essayé de prendre d’assaut le bureau du patron, mais ça n’a pas marché, il m’a viré. Pourtant, lui ressemble à rien. »
« Vous devriez retravailler votre personnage. Napoléon était aussi un grand amoureux. »
« Ça ne marche pas non plus. La standardiste n’a pas voulu être ma Joséphine. Mais dites-moi, vous qui ressemblez à Victor Hugo, vous vous en tirer comment. »
« Pas très bien. Mon chef trouve que mes notes de service sont incompréhensibles et me les fait recommencer. Victor Hugo, obligé de recommencer ses pages d’écriture ! Vous vous rendez compte ? »
« Vous n’avez pas hérité du génie du grand poète, ça ne m’étonne pas. Mon père ressemblait à Rodin, il a essayé de faire des bonhommes en pâte à modeler, mais ça n’a pas été un franc succès. Pas plus que les châteaux de sable qu’il nous faisait sur la plage, pendant les vacances d’été. »
« Voilà donc qui confirme l’hypothèse que nous ne nous réincarnons que d’un point de vue physique. Reste à savoir de qui nous vient notre esprit. »
« Moi, je pense que ça me vient de Maurice Dugenou. »
« Qui est-ce ? »
« Un paysan de mes ancêtres. Il vivait au XII e siècle. Il n’avait aucune ambition. Il vivait dans sa ferme et ne voulait pas en sortir et il était complètement analphabète. »
« C’est effectivement tout votre portrait. Moi, j’ai plutôt l’esprit de Valentin Biniou. »
« Qui c’est ? »
« C’est un des compagnons de Jeanne d’Arc. Il était fort et valeureux. Un peu comme moi, mais il s’est fait piquer la place de capitaine par Jeanne. Un peu comme moi aussi, c’est la mère Mollard qui a eu le poste de chef de service que je convoitais. »
« Vivement l’autre monde que je puisse me réincarner en quelque chose d’intéressant. On devrait avoir le choix. Moi, je veux bien me réincarner en Napoléon une nouvelle fois, mais il me faudrait l’état d’esprit de Louis Boudingrin. »
« Qui c’est ? »
« Le nouveau patron. »
Ôtez-vous de là !
21 avril, 2018Les créateurs
19 avril, 2018« Quand on voit tout ce que l’intelligence humaine a créé, il a de quoi être optimiste pour l’avenir : l’imprimerie, la Joconde, les Trois mousquetaires, le palais de Versailles, l’ordinateur, la télé, le téléphone portable… »
« Le problème, c’est qu’il n’y a qu’une élite de créateurs qui créent, les autres regardent. Ils, prennent le métro chaque matin et vont s’ennuyer ferme dans les entreprises. »
« Pour bien faire, il faudrait que chaque travailleur puisse exprimer ses potentialités créatrices quel que soit le domaine. Il se sentirait sûrement mieux. »
« Tout ça, c’est bien beau, mais quand Dumoulin me donne un dossier à traiter dans les trois jours, je ne crée pas grand-chose. En mettant les choses au mieux, j’applique des règles.»
« Autrement dit, il a des millions de salariés qui abandonnent leurs facultés de création contre un bon salaire. »
« Vous exagérez ! Quand ils ont fini de travailler, les gens peuvent faire des choses intéressantes. »
« Comme regarder des émissions débiles à la télé ou alors aller hurler comme des crétins au stade municipal. C’est très valorisant. On se demande ce que fait le ministère de la Culture. »
« Je n’en sais rien, tout ce que je sais, c’est qu’il faut que je passe le prochain dimanche, chez ma belle-mère, ça va être gai ! »
« Vous devriez faire comme Dugenou qui voyage dès qu’il peut ! C’est instructif, ça. »
« Oui, enfin sauf qu’il a dormi trois jours par terre dans un aéroport asiatique à cause le grève des pilotes. »
« Bon, alors créez votre entreprise, ça se fait. »
« Pour payer des taxes au gouvernement, merci bien ! »
« Vous pourriez vendre des idées intelligentes pour les salariés qui en manquent après leur travail. Ce serait de l’after-work ! »
« Si je comprends bien, quand les gens sortent de l’aliénation de votre travail, vous voudriez qu’ils soient soumis à une autre injonction : celle de faire quelque chose d’intelligent. Et ceux qui ne veulent rien faire ? Je ne vois pas pourquoi il serait interdit de vouloir rien faire. Que faites-vous de la liberté individuelle ?»
« Bon d’accord, vous pourriez dans votre entreprise expliquer comment on glande. Un stage de glandouille serait surement très couru. »
« Vu comme ça, pourquoi pas. Je commencerai par un chapitre « Comment glander sans culpabiliser. »
« C’est vrai. L’auto-culpabilisation est le mal du siècle. On la subit dans tous les cas de figure. Quand on bosse, on sent coupable de ne pas s’occuper de sa famille. Quand on ne fait rien, on se culpabilise aussi en pensant qu’on pourrait faire quelque chose. »