Archive pour août, 2020
Les objets, objets de notre attention
30 août, 2020« Figurez-vous que j’ai perdu hier mon passeport, puis je l’ai retrouvé ce matin. J’ai été saisi d’un intense soulagement. »
« C’est encore le témoignage du pouvoir immense que les choses ont sur nous. »
« Oui, quand j’ai perdu mon trousseau de clés, non seulement j’ai ressenti un soulagement de le retrouver, mais je me suis trouvé nul de l’avoir perdu. Les objets sont capables ne nous conduire à nous déconsidérer nous-mêmes. Quelle puissance de tir ! »
« Ceci dit, ils n’ont pas intérêt à abuser de leur force de frappe, car un objet ça se remplace. Et parfois avantageusement ! »
« Croyez-vous, maître, que nous soyons en guerre contre les objets qui nous entourent ? »
« Je pense que c’est une sorte de guerre froide. Mon Pc, par exemple, il me regarde d’un air souriant, mais j’ai l’impression qu’il attend que j’aie besoin de lui en urgence pour me lâcher. »
« Les choses ont des attitudes hypocrites parfois. »
« La plupart des objets sont fabriqués pour faciliter la vie de l’homme, du porte-manteau mais jusqu’au smartphone. Le problème, c’est qu’on passe rapidement de la facilitation à l’addiction. Essayez donc de vous passer de votre porte-manteau, alors le téléphone, je ne vous dis pas… »
« C’est vrai, l’objet qui serait complètement inutile reste à inventer. »
« C’est un vrai défi. Même un pot de fleurs à une utilité décorative. Il faudrait aussi que l’objet inutile soit très moche. »
« L’inventeur du truc qui ne sert à rien n’est pas encore né puisque tout peut faire l’objet d’un échange monétaire sur un marché. C’est la loi du capitalisme : tout ce qui ne sert à rien est rejeté. Par exemple, le travailleur non qualifié qui ne sait rien faire … Allez hop ! Au chômage. »
« Pour en revenir aux objets, maître, je trouve que le problème essentiel, c’est qu’ils flattent les plus bas instincts humains : la jalousie, par exemple. Si mon voisin a une voiture plus belle que la mienne, j’en suis malade … »
« Raisonnons un peu : tous les objets doivent leurs vies à l’existence d’utilités qu’ils sont sensés satisfaire. Mais ce faisant, ils activent chez l’homme de bas sentiments, à commencer par le sentiment de possession. »
« Et quand le sentiment de possession n’existe pas, les vendeurs le fabriquent dans l’esprit de l’acheteur. Ainsi, moi j’ai l’impression de circuler dans MA voiture, alors qu’elle est la propriété du banquier. C’est moi qui me trompe, mais la voiture est complice de cette tromperie. »
« D’un autre côté, qui pourrait vivre sans objet ? »
« L’homme préhistorique a essayé, mais son sort était lié à celui de son arc et de ses flèches. Le jour où son arc s’est cassé, il a dû ressentir un profond sentiment de trahison et beaucoup d’amertume s’il était poursuivi par une bête sauvage au même moment. »
« A mon avis, la conclusion c’est qu’il faut être prudent avec les sentiments que nous portons à nous objets, car ils peuvent facilement nous manipuler. »
« C’est pourquoi, je regarde mon aspirateur avec un rictus de dédain. »
Fifi !
29 août, 2020Goûts et couleurs
28 août, 2020Le lien social
27 août, 2020« Comment voulez-vous que je fasse l’appoint : depuis ce matin, le gouvernement a supprimé la circulation des pièces et des billets. »
« Voilà encore un geste ancestral qui s’en va : tirer de la ferraille de sa poche pour payer ces cigarettes au bureau de tabac. »
« Ou alors laisser une petite pièce de pourboire dans la soucoupe du serveur au bistrot. C’était sympa, ça créait du lien. »
« Comment voulez-vous glisser un petit billet à votre gamin pour son anniversaire avec un coup de smartphone ? Le lien social tout le monde s’en fout. »
« En plus, quand vous sortiez des billets de votre portefeuille, vous sentiez physiquement ce que vous étiez en train de faire, ça vous faisait un peu mal. Quand vous sortiez de gros billets, la douleur agissait comme un signal avertisseur. »
« Maintenant, avec le paiement virtuel, vous ne sentez plus rien du tout. Résultat : vous faites n’importe quoi ! »
« Moi, je ne sais même plus combien je paie d’impôts. Ils peuvent les augmenter quand ils veulent ! »
« La seule douleur, c’est quand le banquier vous fait remarquer à la fin du mois, avec un sourire en coin, que votre découvert atteint des profondeurs abyssales. »
« Je vais vous dire, monsieur. Tout est fait pour nous pousser à acheter. Il y soixante ans, « ils » ont inventé le crédit pour que nous dépensions l’argent que nous n’avons pas. Maintenant, que nous ayons ou pas de l’argent, c’est complètement indifférent, puisque nous ne le voyons même plus. »
« Ah, « ils » sont forts, très forts ! Qu’est-ce qu’on peut faire ? »
« Tout est fait pour détruire le lien social. Par exemple, quand je vois arriver les mails préfabriqués et automatisés qui me sont envoyés pour le nouvel an, je suis bien obligé de constater qu’aucune personne humaine n’a vraiment pensé à me souhaiter une bonne année. Vous croyez avoir un correspondant, et en fait, c’est personne. »
« Tout ça, ça a commencé avec les accueils téléphoniques. Vous savez : si vous voulez faire ceci, taper le 1, si vous voulez faire cela, taper le 2… Eh bien, vous me croirez si vous voulez, mais il n’y a jamais la modalité qui m’intéresse, si bien que je tape n’importe quoi. »
« Oui, « ils » ignorent complètement le bien que ça faisait d’entendre une voix chaude de standardiste en chair et en os. »
« Et le télétravail ? Plus de réunion à rallonge auprès de la machine à café. C’est pourtant là que s’échangeait les infos utiles, celles que la direction croyait nous cacher ainsi que les ragots croustillants sur les amours de service. »
« On ne peut même plus s’engueuler en réunion ou jalouser son voisin de bureau. Tout est fait pour augmenter la productivité. »
« Et si on faisait la grève des smartphones ? «
« Vous avez raison, ça aurait aussi pour avantage d’éviter des drames conjugaux. Je ne vous dis pas la tête de Suzanne lorsqu’elle est tombée sur les textos de Thérèse. »
« Nous pourrions nous écrire avec de l’encre et du papier, vous vous souvenez comment on fait ? »
La biquette de Miquette
26 août, 2020Matage
26 août, 2020« Je vous observe, mademoiselle. »
« Je vois ça, c’est extrêmement gênant. Nous sommes à la limite du harcèlement sexuel. Veuillez détourner votre regard. »
« C’est-à-dire que vous êtes charmante et mes yeux sont irrésistiblement attirés par votre allure. Je dois lutter pour regarder le monsieur qui est à côté de vous et qui n’est pas très intéressant. »
« Vous pourriez vous contenter de me jeter un œil sans pour autant me dévisager comme si j’étais la sainte vierge. »
« Bon, voilà un coup d’œil. »
« Non, ça ne va pas ! Votre coup d’œil est encore libidineux, je voudrais un regard indifférent. Comme si j’étais votre lampe de chevet. »
« C’est-à-dire que je n’ai jamais vu de lampe de chevet avec des yeux aussi superbes que les vôtres. Je fais ce que je peux pour les ignorer, mais votre beauté ne m’aide pas beaucoup. »
« Ah bon, ça va être encore de ma faute ! Tournez-vous ! »
« Comme ça, je vais être obligé de descendre du bus à reculons. Si vous croyez que c’est facile ! »
« C’est de votre faute ! Si vous croyez que je n’ai pas vu que vous lorgnez sur mes jambes ! Certes, elles sont parfaitement galbées, mais enfin tout de même… »
« Comment font les gens pour vous parler sans vous regarder ? Et quand ils vous regardent, comment font-ils pour ne pas laisser transparaitre une lueur concupiscente dans leurs globes oculaires ? »
« Vous ne savez pas qu’il existe désormais des formations : comment regarder une jolie femme ou un beau mec, sans leur donner l’impression d’être un affamé de sexe ? »
« Je vais me renseigner, je vous promets qu’à partir de la semaine prochaine, je vous regarderai comme une pauvre demeurée. »
« Vous pourriez prendre exemple sur mon voisin de gauche qui m’ignore complètement, voilà ce que j’appelle du respect. »
« Vous n’avez pas remarqué qu’il est accompagné de sa femme et qu’il vient de se prendre un bon coup de pied dans les tibias pour avoir essayé de vous lorgner du coin de l’œil ? »
« Je parie que vous allez descendre du bus au même arrêt que moi, comme tous les jours. Si vous étiez correct, vous descendriez un ou deux arrêts avant. Un peu de marche à pied vous ferait du bien. »
« Vous avez vu qu’il fait un froid de canard ? »
« Puisque c’est ainsi je ne vais plus me maquiller, plus me coiffer, m’habiller avec des sacs poubelles et je vais me débrouillez pour sentir mauvais ! Une odeur de graillon, ça vous irait ? »
« Tout de suite des menaces. Je suis désolé, votre destin est d’être maté par des gros lourds comme moi. Vous devriez fonder un club de matées. »
« Bon, je vais prendre des mesures. A partir de demain, j’invite des copines à prendre le bus avec moi et on va vous mater pendant tout le parcours, ça vous apprendra. »
« Très bien, je sortirai ma technique du contre-matage. On verra qui c’est le plus fort. »
Jo n’est pas beau
24 août, 2020Un doux rêveur
23 août, 2020« On peut rêver ! »
« Oui, mais ce n’est pas toujours bien vu. Si vous rêvez trop, vous êtes considéré comme « un doux rêveur », alors qu’aujourd’hui ceux qui ont le vent en poupe ce sont ceux qui agissent. »
« Parfois je rêve que je suis président de la république, mais dans la vraie vie, j’hésite à poser ma candidature. C’est tout de même beaucoup de soucis. »
« Mieux ne vaut pas raconter que vous avez ce genre de rêve. »
« Ah bon ? Pourquoi ? »
« Si vous rêvez à quelque chose de grand que vous n’êtes pas en mesure de réaliser, vous allez passer pour un velléitaire, c’est encore pire que trop rêver ! »
« Et si je fais un cauchemar ? Par exemple, si je suis attaqué par une horde de chiens en furie, commandez par mon chef de service qui ne m’aime pas. »
« Alors là, il faut encore moins le raconter parce que vous allez passer pour un détraqué à soigner d’urgence. Et pensez à la tête de votre chef de service, si vous le soupçonnez d’une telle vilénie ! »
« Si je comprends bien, mieux vaut ne pas parler de mes rêves, même si c’est doux. Par exemple, si je rêve d’un avenir radieux avec ma bien-aimée Annabelle. »
« Ouh là ! là ! Ça ne va pas non plus. C’est beaucoup trop fleur bleue. Il faut avoir des rêves beaucoup plus virils. Et puis de toute façon, vous vous trompez. Vous n’aurez jamais d’avenir radieux avec Anabelle puisqu’elle n’aime pas les rêveurs. Ce qui lui faut c’est un homme d’action. »
« Bon d’accord ! Je vais lui dire que je ne rêve jamais à elle. Elle va être contente. »
« Essayez d’avoir des rêves qui témoignent d’un bon gros problème existentiel. Par exemple, perdez toutes vos dents. Et faites-vous soigner. Avoir son psychiatre personnel, c’est très cher, donc c’est très bien vu. »
« Je préfèrerais des rêves low-coast. Par exemple, mon patron m’offre un séminaire tous frais payés avec Josiane la secrétaire du service. »
« Non là, on tombe sur la catégorie des rêves irréalistes. N’en parlez pas non plus. Imaginer la tête de Josiane, si elle apprend que vous rêvez d’elle, à demi-nue sur une plage de sable chaud au Maroc ! Comment voulez-vous lui demander de faire vos photocopies après ça ? »
« Bon alors qu’est-ce que vous me conseillez ? »
« Faites des rêves à votre hauteur. Comme vous n’êtes pas très considéré au bureau, contentez-vous de rêver qu’il restera de la crème brulée quand vous arriverez à la cantine. »
« Ce n’est pas très stimulant ! »
« Je dis ça pour votre bien. Vous risquez d’être déçu aux prochaines élections présidentielles. Les sondages ne vous placent pas vraiment dans le peloton de tête. »
« Comment fait-on pour maîtriser ses rêves, maître ? »
« On ne fait pas. Ce serait mieux que vous ne rêviez à rien ou alors que vous ayez tout oublié en vous réveillant, ça vous évitera de passer pour un crétin. »
« Si je comprends bien, même quand je dors, je ne fais pas ce que je veux ! »
Poème approximatif
22 août, 2020— Monsieur, il faut que je vous réprimande.
— Vous voulez me morigéner à Mende ?
— Et pourquoi à Mende, je vous le demande !
— Pour la rime, tiens ! Voulez-vous une amande ?
— Il me semble que votre regard s’est posé
— Sur un endroit que la loi juge osé.
— Quelle affaire, madame, pour une œillade !
— De vos yeux, c’est une vraie fusillade !
— Accordez-moi, madame, cette danse
— Non, je n’aime pas votre outrecuidance !
— Je suis vaincu, j’avoue ! J’ai vu vos genoux !
— Tiens donc ! Mes genoux ? Votre réponse me noue !