Archive pour février, 2022

Problèmes éducatifs !

27 février, 2022

« Vos enfants sont-ils obéissants ? »

« Euh… non, pas tellement !  Et les vôtres ? »

« Pas davantage. Pour obtenir quelque chose d’eux, il faut souvent ruser. »

« Comment faites-vous ? »

« Par exemple, je propose une rémunération contre un service. C’est une manière de leur apprendre la dureté de la vie dans laquelle on n’a rien sans rien. »

« Oui, mais on pourrait aussi leur apprendre la générosité qui consiste à donner quelque chose d’eux sans forcément attendre de retour. »

« C’est vrai, mais c’est rare. Il faut déjà être content si on arrive à leur inculquer le sens de l’effort, c’est-à-dire qu’on n’obtient quelque chose qu’en souffrant un peu. Nos pères nous apprenaient à bosser dur pour obtenir ce qu’on voulait ! »

« Oui, mais non. Les jeunes d’aujourd’hui n’aiment pas tellement se donner la peine d’avoir ce dont ils ont envie. »

« Remarquez que lorsqu’ils deviennent adultes, ils constatent que c’est la loi du moindre effort qui prévaut dans la vie sociale. Par exemple, ils ne se fatiguent plus à cuisiner. On leur livre des plats tout préparés ! Comment leur apprendre quelque chose dans ces conditions ? »

« En plus, avez-vous remarqué que tout se loue : voitures, habitations, meubles, costumes, machine à laver… On ne peut plus dire aux jeunes : si vous voulez vous installer confortablement, il faut travailler dur. Le sens de la propriété se délite. »

« On peut tout de même leur commander d’aller chercher le pain ! »

« Ce n’est pas sûr. Les miens font un calcul économique : c’est possible s’ils récupèrent la monnaie ou un sac de bonbons à la boulangerie. »

« Je crois qu’ils renâclent devant tout ce qui provient de l’Autorité. »

« Remarquez, je les comprends. Moi, j’ai horreur d’être constamment dirigé au bureau. Mon patron me sort par les yeux, justement parce qu’il est patron. »

« Finalement, on peut se demander si c’est une bonne chose de leur inculquer la docilité. On pourrait leur apprendre au contraire à se révolter contre tout ce qui fait obstacle à leur liberté individuelle ? »

« Oui mais non ! On ne peut pas en faire des révoltés permanents, ils ne doivent pas oublier qu’ils auront à vivre en collectivité, donc à faire des compromis. »

« Je me demande s’il faut vraiment chercher à leur apprendre quelque chose. Tout ce que je dis est considéré comme complètement nul. »

«Chez moi aussi. C’est considéré comme l’expression de notre volonté de brider leur liberté et éventuellement de les torturer cruellement. »

« Beaucoup de gens prétendent que ça irait beaucoup mieux s’il y avait davantage d’autorité à la maison, à l’école et dans la rue. »

« On voit bien qu’ils ne connaissent pas Jonathan et Marie. En fait, ce sont les jeunes qui exercent leur autorité, maintenant. Et nous on lutte pour résister ! »

Drôle de famille

24 février, 2022

Le jockey coquet a le hoquet.

Son aimée Aimée est camée.

Sa tante, sous sa tente,

Est une harpie qui joue de la harpe.

Son père erre

Dans la rue, nu.

Sa mère, maire,

Est bohême et lit des poèmes.

Son parrain est marin.

Jean-Jacques Rousseau avait-il tort ?

22 février, 2022

« Dans l’ensemble, je suis assez pessimiste. Quand on entend toutes les mauvaises nouvelles qu’on nous donne au journal télévisé, il y a de quoi être inquiet. »

« Mais ne pensez-vous pas qu’il faut croire que l’avenir sera meilleur ? »

« Ben… je ne sais pas faire. Jean-Jacques Rousseau avait tout faux : l’homme n’est pas né bon. Il est né cupide et guerrier. »

« Ah bon, selon vous le philosophe s’est trompé ? »

« Lourdement ! Dès le départ de sa vie, la préoccupation du bébé est de faire sa place sur Terre par tous moyens. La preuve, c’est qu’il hurle comme un sauvage dès qu’il n’a pas ce qu’il veut. »

« Certes, mais dès l’âge de raison, il acquiert l’art du compromis pacifique. Il sait qu’il a intérêt à échanger une barre chocolatée contre un sac de billes. »

« Ce n’est pas sûr. Certains chenapans en profitent pour se délester d’une barre chocolatée périmée. J’ai déjà vu ça. L’homme est né cupide et devient retors ou sournois. »

« Mais certains peuvent apprendre la solidarité en partageant des barres chocolatées. Non périmées évidemment. »

« Vous plaisantez. Les gamins prennent rapidement conscience que leur place dans le monde dépendra de leur valeur monétaire. Ceux qui sont savants et débrouillards seront les plus riches. Ceux qui ne font rien à l’école deviendront pauvres et filous. »

« Ne peut-on pas être heureux de vivre, hein ? »

« Si, on peut jouer au tennis si on aime ça, mais entre deux parties, il faut trouver de quoi payer sa cotisation au club. »

« Oui, mais pendant un moment, on s’est fait plaisir. »

« C’était une métaphore pour dire que même les moments de plaisir, il faut les payer ! »

« Oui, mais regardez les grands hommes et les grandes femmes : Vercingétorix, Jeanne d’Arc, Victor Hugo, Louis pasteur et Marie Curie… Ils et elles ont eu des vies passionnantes. »

« Vous avez raison. Une fois ou deux par siècle, un grand esprit s’élève au-dessus de la fange. C’est ce qui nous permet de continuer. »

« Donc avec un peu de volonté, on peut devenir l’un d’eux. »

« Pour le présent siècle, il ne faudra pas trop compter sur moi. En fait, sur 100 bébés nés guerriers, 99 sont battus en rase campagne et doivent aller de compromis en compromissions. Par exemple, vous ! Etes-vous heureux de vous entasser dans le métro pour aller bosser ? »

« Euh… non ! Mais je crois que je vais y aller en vélo. »

« Et voilà où on en est ! On passe son temps à trouver des astuces pour contourner toutes les contraintes de l’existence. Par exemple, le samedi, je vais faire mon jogging pour ne pas me marcher sur les pieds avec Josiane. Résultat : je suis crevé tout le week-end et elle me reproche d’être tout le temps fatigué. »

« En effet, on devrait apprendre aux enfants l’art du compromis, dès l’école ! Le bébé est né guerrier, mais pas forcément fin stratège. »

Drôle d’époque !

18 février, 2022

« On ne va jamais s’en sortir. Dès qu’on en a fini avec un variant, un autre arrive. On remet le masque, nouveau rappel, etc… etc… »

« Je comprends, mon bon. Je trouve que nous entrons dans une nouvelle ère où il nous faudra vivre sous assistance médicale permanente. »

« Et en plus avec cette insécurité à tous les coins de rue, il faut faire très attention. On peut être agressé pour un oui ou un non. »

« On peut dire qu’il nous faudrait aussi une assistance policière permanente. »

« Moi, j’ai déjà mis mes gamins sous assistance scolaire. Et en plus, j’ai payé une assistante maternelle à Thérèse pour qu’elle conserve ses belles mains. »

« Si je comprends bien, on devient incapable de se débrouiller tous seuls. On est assisté pour tout et n’importe quoi. »

« En effet, si vous ajouté à tout ça la Sécu et toutes vos assurances, vous êtes garanti contre tout. Nous dérivons petit à petit vers le statut de poireau. On arrivera sur Terre, on sera planté quelque part et on ne bougera plus puisqu’il y aura plein de gens pour s’occuper de nous. »

« Vous exagérez, mais le fait est que c’est la loi du moindre effort qui va bientôt guidée nos vies. Par exemple, avec la voiture autonome, plus la peine de passer son permis, plus la peine de se fatiguer à conduire. En plus si elle est volante, il n’y aura même plus le moyen de s’énerver dans les embouteillages »

« Il ne faut pas s’étonner si nos gamins sont des chiffes molles. Ils n’apprennent plus rien à l’école puisque tout est sur Wikipédia. »

« Et les traducteurs automatiques ? Vous avez vu ? Plus la peine d’apprendre l’anglais. Vous pouvez arpentez les rues de Londres avec votre traducteur… vous n’aurez aucun problème de communication. »

« Le pire, ce sont les sites de rencontres. Vous ne vous fatiguez plus à chercher l’amour de votre vie. Elle vous croise dans la rue et hop ! C’est bon ! »

« Je me demande comment on va occuper tout ce temps libre, ça devient vertigineux. »

« Heureusement toutes ces machines tombent en panne. Plus vous avez des trucs électroniques, plus elles tombent en panne et plus vous pestez en passant du temps à chercher un réparateur qui va vous dire qu’il faut en acheter un autre. »

« Mon dieu, mon dieu ! Quelle société nous préparons-nous ! »

« Heureusement désormais, nous prenons soin nous même de notre santé. Je vais deux fois par semaine au Fitness, ça fait du bien au corps… »

« Et voilà où nous en sommes. Le progrès technique nous libère de toutes sortes de contraintes matérielles, mais comme nous ne sommes plus assez fatigués par les affaires quotidiennes, on va dans des endroits où on est sûrs de souffrir comme des bêtes : les salles de sport. »

« Vous avez raison, c’est comme si le corps réclamait d’être mis à mal quelques soient les circonstances ! »

« Il ne manquerait plus qu’on invente les machines qui fassent les exercices de fitness à notre place. »

Vilain

16 février, 2022

« Dans l’ensemble, je suis assez laid. »

« En effet, chez vous, il n’y a rien d’harmonieux. Vous avez des bras trop longs, des épaules voutées, une démarche en canard. »

« Et vous n’avez pas vu le reste : mes genoux cagneux, mon nez camus, mes yeux chassieux, ma peau vérolée, et mes dents cariées. »

« C’est un vrai désastre, mais ça n’a pas l’air de vous complexer. Comment faites-vous pour assumer une telle laideur ? »

« Je me dis qu’avec tout ça, j’ai une vraie personnalité. Ce n’est pas comme Mollard qui est très beau, mais qui est invisible dans la foule des gens beaux. »

« En effet, Mollard file un mauvais coton. Il plaît tellement aux femmes qu’elles se méfient toutes de son charme ravageur. »

« Tandis qu’avec moi elles n’ont rien à craindre. Avez-vous entendu parler de l’érotisme de la laideur ? Je peux vous confirmer que ça existe. Elles veulent toutes sortir avec moi pour connaître des sensations particulières ! »

« Il parait que vous faites peur aux enfants. Certains vous jettent des pierres en hurlant ! Les mères de famille s’inquiètent. »

« Pas toutes. Pour certaines, je sers de mauvais exemple. Si les enfants ne font pas d’activité physique, elles peuvent leur montrer ce qu’ils peuvent devenir. »

« Et au bureau, comment ça se passe ? »

« J’ai une paix royale : personne ne veut partager un bureau avec moi !  En plus, à la cantine, je dispose d’une table pour moi tout seul. »

« Je suppose qu’en vacances vous disposez de la plage pour vous seul aussi. »

« Oui, même le club Mickey a déménagé. »

« Mais cette solitude, ce n’est pas trop pesant ? N’avez-vous pas envie d’améliorer quelque chose dans votre apparence si … enfin si… »

« Non, les collègues ont fait une pétition pour que je ne touche à rien. Il parait que je les rassure sur leur propre compte. »

« Il parait aussi que vous vous êtes acheté une voiture superbe… »

« … avec toutes les économies que je fais sur les produits de beauté ! Dans l’univers masculin, une belle bagnole, ça vous classe un homme. »

« Et pour les élections, vous faites quoi ? »

« J’étais prêt à proposer mon soutien à tous les candidats, mais personne n’en veut ! »

« Vous êtes peut-être moche, mais je vous trouve très sympathique. Il a là une sorte de contradiction, ça ne vous dérange pas ? »

« Ah, mince ! Il va falloir que je fasse des efforts sur ce plan-là. Je pourrais devenir jaloux de Molard, amer et acariâtre. »

Mon éloge

13 février, 2022

« Qu’est-ce que vous faites sans indiscrétion ? »

« J’essaie d’écrire mon éloge. »

« Ah bon ? C’est permis d’écrire son propre éloge ? Il faut beaucoup de prétention pour se couvrir de louanges ! »

« Si ne m’y attèle pas, qui le fera ? Mes voisins s’en fichent, ma famille n’est pas très éloquente à mon sujet. Au bureau, tant que je fais le boulot, les chefs sont contents. Alors ? »

« Et qu’est-ce que vous mettez dans votre éloge ? »

« C’est compliqué, parce qu’il ne faut pas que je parle des circonstances dans lesquelles j’ai été particulièrement mauvais. »

« C’est juste ! »

« Par exemple, je n’aimais pas l’école, je m’ennuyais profondément. Je ne peux tout de même pas dire ça à la nouvelle génération. »

« Non, mais vous pouvez parler de toutes ces cours de récréation où vous avez appris les vertus du collectif et de la socialisation. »

« C’est pas mal ça. Et pour les profs que je n’aimais pas, il faut le dire ? »

« Non, dites plutôt que vos études au lycée vous ont permis de développer votre esprit critique. »

« Bon d’accord. Et pour la recherche d’un premier job, je vais dire que j’ai lutté vaillamment pour trouver ma place dans une société particulièrement sélective. »

« Oui, c’est bien ! N’allez pas dire que c’est votre père qui vous a fait entrer au Ministère de la pêche. »

« Je vais mettre en avant le merveilleux couple que je forme avec Josiane. Vingt ans d’amour et deux beaux enfants, ça compte, non ? »

« Euh, peut-être, mais évitez de raconter que vos enfants sont embarqués par les flics chaque fois qu’ils participent à une manif contre la mondialisation. »

« Bon d’accord, ils sont un peu coquins. Je vais plutôt me concentrer sur mes réalisations. Ma maquette au 1/ 100e du navire de Christophe Colomb, ça compte ça ? »

« Oui, vous pouvez. Votre première place au concours de châteaux de sable de Palavas-les-flots, vous pouvez en parler aussi, ça donnera un air de vacances à votre éloge. »

« Il faudrait que je parle de ma lutte pour un monde plus propre. Par exemple, je ne confonds plus la poubelle jaune et la poubelle grise. »

« Si vous voulez, mais dans un éloge, c’est mieux de vous concentrer sur vos qualités humaines. Enfin, si vous en avez ! »

« Bien sûr, j’ai de grandes qualités de cœur. Je lutte contre la misère humaine. Je donne des trucs à la banque alimentaire en faisant mes courses. »

« C’est bien, mais il faudrait des actions de grande ampleur ? Vous n’avez rien ? »

« Si, si ! Par exemple, je fais preuve d’une remarquable empathie avec autrui. J’écoute tous les lundis la mère Poulard raconter son week-end chez sa belle-mère. »

« La mère Poulard ? C’est bien elle qui décide de vos primes de fin d’année ? « 

ça y est, les chemises de l’archiduchesse sont sèchent !

11 février, 2022

L’archiduchesse et la duchesse

Crèchent en Ardèche.

Elles sèchent leurs mèches.

Elles sont un peu revêches.

Dans la dèche, elles pêchent.

Ce sont des pimbèches (pas des flèches)

Qui empêchent le prêche

Du prélat, là.

Encore des sondages !

9 février, 2022

« Monsieur, d’après les résultats d’un sondage de l’institut de sondage de sa majesté, vous devez partir pour les galères de sa Majesté. »

« Pardon, pardon, monsieur ! Je dispose d’un autre sondage de la même origine. 80 % des personnes vous condamnent à l’échafaud ! »

« Faites excuses, monsieur. A-t-on tenu compte de la marge d’erreur ? »

« Tout à fait, monsieur, je passe un mail de ce pas à monsieur le bourreau. »

« Bon d’accord ! Voici une enquête d’opinion très intéressante qui montrent que 82 % des sujets de sa majesté estiment que la baronne votre épouse a comploté contre la Reine. J’informe sa Majesté ou préférez-vous le faire vous-même ? »

« Tout doux, mon bon ! Ces sondages, c’est vraiment n’importe quoi ! Je vous propose de réfléchir avant d’en tirer des conclusions ! »

« Certes, mais ils représentent l’opinion du peuple : les paysans, les serfs, les esclaves, les bourgeois, les domestiques… ça fait du monde monsieur. »

« Le mieux, ce serait que nous interrogions que les nobles. Justement, j’en ai un qui stipule que vous vous empressez outrageusement auprès de la comtesse pour 75 % des interrogés. Le comte est très remonté depuis que les résultats sont parus dans la presse royale. »

« Il n’a pas fini de s’émouvoir. Moi, j’ai d’autres résultats qui pensent que vous auriez intérêt de régler au plus vite vos dettes du jeu auprès du comte. »

« Quelle indignité ! La vie de la Cour ne devrait pas être dirigée par les sondages ! »

« Je suis de votre avis monsieur. Depuis toujours, la vie des courtisans est réglée par les rumeurs méchantes, les manœuvres perfides et les fausses informations. Nous devrions en rester là. »

« Le mieux, ce serait de faire un bon débat ! »

« Prenons garde, monsieur. Le débat entre monsieur le duc et la vicomtesse s’est terminé par un pugilat verbal. L’un parlait constamment sur l’autre et on ne comprenait rien ! »

« Vous avez raison, ils ont tous terminé aux galères, même la vicomtesse ! »

« Pourtant, il nous faut un espace démocratique pour nous exprimer. J’ai rédigé un magnifique libelle qui vous dépeint comme un monstre assoiffé de sang. Qu’en pensez-vous ? »

« Très joli, moi, j’ai fait rédigé par le service royal des pamphlets une déclaration hilarante sur les infidélités de votre épouse ! »

« Je suis indigné, monsieur. Puisqu’il en est ainsi, je vais organisé une causerie pour parler des fonds que vous avez détournés des subventions royales destinées aux armées de sa Majesté. »

« Parfait, nous pourrons comparer nos forfaits respectifs. J’ai là des documents qui montrent ce que vous vous êtes mis dans la poche à l’occasion des fêtes données en l’honneur de l’anniversaire de sa Majesté ! »

« Nous sommes de fieffés coquins, monsieur. Heureusement que sa Majesté ne fait pas de sondages sur nos friponneries. »

« Taisez-vous, il parait que le baron veut créer un institut de sondages indépendant ! »

De Rose à Margot

7 février, 2022

J’ai pris un râteau, tôt au château.

Alors, je suis parti pour Berlin en berline.

J’étais morose en pensant à Rose.

J’ai habité chez Margot et ses lingots.

Dans sa niche, elle est riche, cette biche.

C’est une neuve veuve,

De Charles, un charlatan,

Un marlou, un loup, ce loulou.

Les affaires ont repris !

6 février, 2022

« Je suis un mouchard. »

« Et vous êtes fier de vous ? »

« Je ne sais pas ! C’est comme une seconde nature. Dès l’école primaire, je dénonçais facilement mes camarades à la maîtresse. »

« C’est une vraie maladie. »

« Peut-être ! Moi, j’ai choisi mon camp !  J’aime l’ordre et je n’aime pas ceux qui mettent la pagaille. Si tout le monde suivait les instructions, ça irait mieux. »

« Ce n’est pas sûr. Mais de toute façon, vous n’avez pas à dénoncer vos semblables aux autorités, c’est de la trahison. »

« Tout de suite les grands mots. Moi, ça me valorise d’être du côté du Bien contre le Mal. »

« Pour qui vous prenez-vous ? Vous n’êtes pas le Bon Dieu. Vous ne savez pas ce qui est Bien ou Mal pour les autres. Je m’insurge vivement ! »

« Je fais confiance à l’Autorité que nous avons élue démocratiquement. Je ne suis pas de ceux qui élisent une Autorité pour avoir le plaisir de l’agonir d’injures par la suite. »

« Et ma liberté individuelle ? Qu’est-ce que vous en faites ? »

« A partir du moment où vous vivez en collectivité, vous devez vous plier aux règles. En voiture, vous circulez à droite, même si votre liberté individuelle vous commande de conduire à gauche. »

« En fait, je crois qu’il faut distinguer d’un côté la loi qui oblige ou interdit et d’un autre côté les conventions sociales que je peux très bien ignorer. »

« Par exemple ? »

« Je pourrais dire dans tout le quartier que vous êtes un mouchard. Vous dénoncez les voisins à la mairie quand ils font du bruit. Je vous désignerais à la vindicte populaire ! »

« De mieux en mieux, vous organisez les tribunaux du peuple ! Bon… on peut s’arranger. Vous laissez vos voisins tranquilles et moi je ne dis rien pour votre tondeuse que vous passez le dimanche matin alors que j’ai tellement besoin de dormir. »

« C’est du chantage !  Puisqu’il en est ainsi, si vous parlez de ma tondeuse, moi je parle de votre haie dont la hauteur dépasse les 2.5 mètres réglementaires. C’est intolérable ! »

« Bon, je vois ce que c’est : l’équilibre de la terreur ! Je suis bien déçu, moi qui aime tant la vie paisible de notre quartier ! »

« Si vous ne dénonciez pas tout le monde à tour de bras, nous serions tranquilles. C’est votre arrogance qui met la pagaille. »

« Je vous propose une solution : je suis rémunéré par la mairie pour dénoncer ! Vous n’avez qu’à me payer plus cher pour ne pas dénoncer ! »

« Donc, vous êtes un traitre vénal et amoral. Vous changez de camp pour cent sous en plus ! »

« Un peu plus. C’est un peu le système du mercato au foot. Vous me payez plus cher que les autres, alors je joue dans votre équipe. Personne ne crie à la trahison ! »

12