Archive pour janvier, 2021

Bon, bon !

31 janvier, 2021

« Cher élève, bonjour, étudions aujourd’hui le mot ‘bon’. »

« Très bonne idée, maître. C’est un terme qui me pose beaucoup de questions. »

« Le mot ‘bon’ sert à tout et à rien. Nous sommes nombreux à commencer nos phrases par ‘bon’. N’est-ce pas curieux ? J’ai l’impression que nous avons peur de ce que nous avons à dire, c’est pour ça que nous avons besoin d’un petit mot pour disposer d’un court instant de répit.»

« C’est vrai, maître. Moi, je dis souvent ‘bien’, ça ne vaut pas mieux. Il faut être très fort mentalement pour se dispenser de ces mots. » 

« Rendons justice à ‘bon ‘, c’est un mot comme ‘chose’ ou ‘truc’, il sert à se faire comprendre quand on n’a pas grand-chose à dire. »

« Néanmoins, maître, le mot ‘bon’ est utilisé plutôt lorsque le locuteur est dans une attitude contentement. »

« Ce n’est pas toujours sûr. Si je vous dis que je vais vous mettre un ‘bon coup de poing’, ce n’est pas parce que je suis content. »

« En effet, nous pourrions dire que ‘bon’ exprime une notion d’excellence dans des activités qui peuvent être désagréables. Par exemple si je dis : ‘nous avons pris un bon coup de vent ‘ ou alors : ’je lui ai mis un bon coup de pied’ »

« C’est vrai, mais majoritairement, il s’agit plutôt d’activités plaisantes. Si je dis ‘le repas est bon’, c’est que j’ai bien mangé. »

« Certes, maître, mais ne peut-il pas y avoir une nuance de condescendance dans l’usage du mot. Ma concierge m’a dit que je suis un ‘bon garçon’. Je ne me suis pas senti tellement honoré. »

« Plaignez-vous ! Elle aurait pu dire ‘petit chenapan’. Il y a beaucoup à dire sur le mot ‘petit’. Mais vous avez raison, l’usage de ‘bon’ n’est pas toujours favorable. Si vous dites ‘ma bonne dame’ à votre concierge, je ne crois pas qu’elle puisse le prendre bien. »

« C’est aussi vrai quand on me dit que j’ai une ‘bonne bouille’, je suis un peu vexé. J’ai l’impression d’avoir une tête d’abruti. »

« Pas de panique. Le plus souvent ‘bon’ correspond à de bonnes situations. Si je vous dis que je vous souhaite une ‘bonne nuit’, c’est que je vous souhaite un sommeil réparateur. »

« Oui, c’est mieux que ‘bonne année’ qu’on me lance tous les 1er janvier, histoire d’avoir l’air poli, alors qu’on se fiche de l’année que je vais passer. »

« Ne soyons pas mesquin, élève ! Si je vous dis ‘bonne nuit’ ou ‘bon week-end’, ce n’est pas parce que je pense qu’il y a des nuits objectivement bonnes et d’autres objectivement mauvaises, c’est parce que je souhaite que votre nuit soit conforme à celle que vous souhaitez. Pareil pour le week-end. »

« Néanmoins, maître, je garde à l’esprit que ‘bon’ caractérise une appréciation mesurée de la qualité d’une chose ou d’un être. Si je dis : ‘c’est un bon vin’, vous n’allez pas vous précipitez sur votre verre. Il faudrait que je vous certifie qu’il s’agit d’un cru ‘extraordinaire’ ou ‘merveilleux’ »

« En effet, élève, ‘bon’ peut être aussi synonyme de ‘moyen’. D’ailleurs ne dit-on pas de vous que vous êtes dans la ‘bonne moyenne’ ? »

« C’est légèrement vexant, mais c’est tout de même mieux que la phrase de mon père quand il dit que suis un ‘bon à rien’ »

Où sont-elles ?

30 janvier, 2021

Vais-je

En Norvège

Avec Norvène ?

Où sur le lac de Constance

Avec Constance

Quand Victoria

Est sur le lac Victoria.

J’attends Charlotte qui est dans le Lot

Et Sarah qui traverse le Sahara

Quant à Sofia, bien sûr, elle est à Sofia.

L’histoire de l’Iroquois narquois

29 janvier, 2021

Quoi !

Un Iroquois

Narquois

Et Québécois !

Il reste coi

Avec son carquois

Devant le Dacquois

Turquois !

Pourquoi ?

Béat d’admiration

28 janvier, 2021

« Qu’est-ce que c’est que cet air béat ? »

« C’est mal d’avoir l’air béat, maître ? »

« Disons que ça vous donne un côté niais. »

« Pourtant, si je suis béat d’admiration devant une œuvre d’art, ça veut dire que je n’aurais jamais pensé qu’on puisse produire quelque chose d’aussi harmonieux. Je ne suis pas niais pour autant. »

« Vous avez à la fois tort et raison, élève. Si vous vous extasiez devant un beau tableau, c’est légitime, mais ça veut dire aussi que vous êtes un peu maladroit, godiche, niais pour tout dire. »

« Ah zut, alors ! On ne peut plus s’extasier ? »

« Si, mais pas d’un air niais comme vous. Etymologiquement, niais désigne un oiseau qui n’est pas sortie du nid. C’est-à-dire un être qui ne connait rien de la vie. Devant un tableau, il faut donc vous extasier en ayant l’air d’en avoir déjà vu beaucoup. »

« Sans m’exclamer, je peux rester béat ? »

« C’est un peu mieux, mais ce n’est pas terrible. Anciennement, béat qualifiait un homme ou une femme capable d’accéder à la béatitude. Mais le terme a été dévoyé en deux étapes : d’abord, un béat c’est quelqu’un qui prend des poses exagérées et hypocrites pour montrer sa foi. Puis béat qualifie maintenant celui qui prend volontairement ou non un air vaguement hébété. »

« On apprend beaucoup de choses avec vous, maître. »

« Je vous en prie, élève. Si vous pouviez penser à mon petit cadeau… »

« D’accord, désormais, je vais essayer d’admirer des trucs sans prendre l’air béat ou niais. Mais comment puis-je communiquer mon admiration à l’auteur de l’œuvre, maître ? »

« Donnez vous l’air expert et dites que l’œuvre est d’une grande qualité. »

« Et si c’est une œuvre qui dépasse tout ce qu’on a connu jusqu’ici. Puis-je émettre des cris d’admiration ou des applaudissements ? »

« On n’est pas dans un concert de Madonna. L’hystérie, c’est encore pire de la niaiserie. Cela signifie que vous avez perdu la maîtrise de vos nerfs. »

« C’est difficile d’admirer avec sérénité, maître. Puis-je au moins lever le pouce en l’air pour signifier mon contentement à la vue d’un spectacle qui m’enchante. »

« Je trouve que ça fait un peu vulgaire. Vous pouvez vous contenter de laisser courir sur vos lèvres un léger sourire de satisfaction. »

« Par exemple, quand je constate l’étendue de votre savoir, je peux me contenter de vous montrer un léger sourire de contentement ? »

« Euh… non, il faudrait commencer par me payer mon salaire, ça me ferait plaisir. Ensuite, vous pourriez me dire que vous êtes ravi de mon enseignement, ça me ferait plaisir aussi. »

« En même temps, vous ne faites que régurgiter ce que vous avez appris, je me demande si un tel métier est digne d’admiration. »

« Admirez mon sens de la pédagogie, mais pas avec votre air niais ou béat, ça m’énerve. »

Les mots

27 janvier, 2021

« Pour bien parler, il faut connaître beaucoup de mots. »

« Certes, il faut connaitre beaucoup de mots pour exprimer votre pensée de manière juste et nuancée. »

« Il parait qu’à 15 ans un adolescent normal connait environ 20 000 mots. Mon gamin ne doit pas être tout à fait normal : à part « grave », « kif », « venère », il ne sait pas grand dire grand-chose. On a l’impression qu’il se sert d’un dictionnaire d’onomatopées. »

« Ne vous inquiétez pas, c’est normal. Les 20 000 mots, il les connait, mais les gamins de son âge considèrent que s’en servir, c’est une sorte d’aliénation au système. C’est pour ça qu’ils se sentent obligés d’inventer de nouveaux termes. Quant aux onomatopées, je ne peux pas grand-chose pour vous ! Lorsque les gamins deviennent adultes, l’étendue de leur vocabulaire s’accroit. Dans le meilleur des cas, on peut atteindre 30 à 40 000 mots. Balzac en connaissait 50 000. »

« Vous êtes sûr ? Parce qu’il me semble que les patrons n’en connaissent pas plus que certains adolescents. Quand ils ont dit : rendement, évaluation, licenciements… on a l’impression qu’ils ont fait le tour de ce qu’ils ont à dire. »

« Les dictionnaires les plus simples comportent environ 60 000 mots. Pour l’anniversaire de votre chef, vous pourriez lui en offrir un, ça le ferait rire ! »

« Je ne pense pas. Il parait que certains savants ont mis en évidence un lien entre l’intelligence et l’étendue du vocabulaire. Comme mon patron n’a pas beaucoup de mots à la bouche, je vous laisse deviner son niveau intellectuel. »

« Il est vrai que l’entreprise, ce n’est pas un milieu très favorable pour envisager d’enrichir son vocabulaire. »

« C’est exact. La télé non plus. On peut même dire qu’on appauvrit son nombre de mots en regardant certaines émissions. »

« Le mieux c’est de lire des livres, mais c’est un effort que tout le monde n’est pas disposer à faire. Ne vous en faites pas, bientôt vous aurez un assistant numérique qui s’exprimera à votre place de manière riche, sans même que vous ayez à ouvrir la bouche. »

« Comment ça marchera ? »

« C’est simple, vous vous adresserez à votre assistant avec votre modeste vocabulaire d’homme de la rue et votre machine traduira en utilisant un discours châtié. Il existe déjà des traducteurs pour vous faire comprendre à l’étranger. »

« Si je comprends bien, le prochain progrès consistera à nous dispenser de parler un français correct. Notre charabia sera considéré comme une langue étrangère par les machines. C’est gai. »

« Oui, nous allons vers ce genre d’excès. Si on va encore plus loin, on pourrait se demander si aller à l’école est bien nécessaire. Pourquoi apprendre autant de mots ? On va vers un monde où les dialogues seront des discussions entre machines ! »

« Les gamins n’ont déjà plus à savoir compter puisque leur téléphone le fait à leur place. Plus de vocabulaire, plus de calcul, ils pourront passer directement du CP à l’Université ! »

« Nous allons vers des générations d’élites diplômés de 10 ou 11 ans. »

« Remarquez, c’est déjà l’âge mental de certains de nos politiciens ! »

L’histoire de Thomas et l’espion

25 janvier, 2021

Thomas a de l’estomac.

Il est dans l’estaminet avec son minet.

Il mange une poire en gardant espoir.

Il attend l’estafette qui fait la fête.

C’est un espion qui avance ses pions.

Son esprit est mis à prix.

C’est un cadre de l’escadre.

Sur son cargo, il élève des escargots.

Il a rapporté un pagne d’Espagne.

Querelle de ménage

24 janvier, 2021

« Madame, l’amant de madame est ici. »

« Armand, qu’est-ce que c’est que ces manières, monsieur Duchnoc est un ami ! »

« Parfaitement, madame. Mais, je me permets de remarquer que monsieur Duchnoc est très présent auprès de madame, surtout quand monsieur s’absente. »

« Pure coïncidence, Armand ! »

« Certes, mais madame devrait faire attention aux retours inopinés de monsieur. La semaine dernière, j’ai dû aider monsieur Duchnoc à s’échapper par la fenêtre de la salle de bains de madame qui est particulièrement exiguë. »

« Et vous trouvez ce petit incident suffisant pour imaginer que monsieur Duchnoc est mon amant ? Quelle impertinence ! »

« Madame a raison. Le fait que Joséphine la chambrière ait retrouvé une chaussette de monsieur Duchnoc sous le matelas de madame ne saurait être qu’un petit souci sans conséquence. Dois-je la faire rapporter à monsieur Duchnoc ? »

« Armand ! Voulez-vous bien vous tenir ! »

« Tout à fait madame. En attendant, je crois entendre la voiture de monsieur qui vient de franchir la grille du parc. Dois-je éconduire monsieur Duchnoc qui fait antichambre ! »

« Evidemment Armand ! Qu’attendez-vous ! »

« L’ennui c’est que l’amant de madame va croiser le mari de madame. Je suggère un stratagème. Nous pourrions affirmer que monsieur Duchnoc est un vil marchand qui importune madame pour lui vendre des voilages de tulle. »

« Mon ami Duchnoc n’est pas vil ! »

« Surement madame, mais pour donner plus de crédibilité à sa présence en ces lieux, je pourrais le chasser comme on chasse un quémandeur, en le gourmandant vivement ! »

« Gardez votre calme, Armand ! Monsieur Duchnoc est un homme honorable ! »

« Ah ! J’entends monsieur qui vient de rencontrer monsieur Duchnoc dans l’antichambre. Il me semble que monsieur manifeste son étonnement. »

« C’est normal, Armand. Je n’avais pas prévenu monsieur de mon entretien avec monsieur Duchnoc à propos de la rénovation des rideaux de notre chambre. »

« Ah ! Monsieur vient de hausser légèrement le ton ! Il me semble qu’il vient de traiter monsieur Duchnoc de paltoquet ! »

« Il serait peut-être temps d’intervenir. Dites à monsieur Duchnoc que je suis souffrante et que nous parlerons de nos rideaux plus tard. Insistez-bien sur les rideaux. »

« Je vais faire pour le mieux, madame, mais il me semble que monsieur vient de convoquer monsieur Dugenou en duel. Puis-je proposer mes services en tant que témoin ? »

« Armand ! Ce n’est pas le moment ! Intervenez ! »

« Je vais de ce pas m’opposer à la lutte qui vient d’éclater. Madame souhaite-t-elle que je rappelle à monsieur son rendez-vous avec mademoiselle Duboudin, cela pourrait calmer monsieur ? »

Un homme dans le paysage

22 janvier, 2021

Dans le ciel, des dieux odieux

Et un corbeau beau.

Dans la rade crade,

Un navire vire.

Le vent balaie l’auvent.

Près d’un mur murmure

Un forban sur un banc.

Il a une moustache qu’il tache.

Il est sans chaussures, c’est sûr.

Ne soyons pas narquois, quoi !

Droits et devoirs

21 janvier, 2021

« Nous avons tous des droits et devoirs, élève. »

« Par exemple, le droit de voter et le devoir de payer ses impôts. »

« Oui, encore que certains contournent leurs devoirs et réclament plus de droits. »

« Oui, moi par exemple, je réclame le droit de dire ce que je pense. »

« Mais vous l’avez déjà, élève, ça s’appelle la liberté d’expression. »

« Pourtant lorsque j’ai dit à mon père qu’il n’a rien compris aux jeunes, j’ai pris un coup de pied au derrière. Ma liberté d’expression a été bafouée. »

« Il faut tenir compte des conventions sociales. On ne peut pas dire n’importe quoi à n’importe qui. Heureusement qu’il existe un droit à l’hypocrisie. »

« Donc mes droits peuvent être limités par le poids des usages sociaux ! »

« Oui … enfin non… Vous avez le droit de vous déplacer où vous voulez par exemple. Personne ne peut vous en empêcher. »

« Euh… quand j’ai voulu aller dans le midi le 15 juillet dernier, j’ai été bloqué une journée sur l’autoroute. C’est de l’obstruction. »

« Certes élève, mais si tout le monde va au même endroit au même moment, vous comprenez bien qu’il y a un obstacle physique à votre déplacement. »

« Alors, il y a aussi la physique qui s’en mêle. Bonjour la liberté ! »

« Mais vous avez aussi le droit de voter par exemple. »

« Oui, mais la dernière fois, il n’y avait plus que deux candidats dont les opinions ne me convenaient pas. Alors je fais comment pour m’exprimer ? Mon vote blanc ne compte pas ! »

« Oui, là ce sont les institutions politiques qui vous bâillonnent un peu. Mais enfin, ne vous plaignez pas, il vous reste le droit de propriété par exemple… »

« Vous en avez de bonne. Ma maison appartient à ma banque. Ma voiture appartient au constructeur qui me la loue. Ma télé est au grand magasin où je l’ai acheté… Quand on y réfléchit, je ne possède pas grand-chose, maître ! »

« Votre enfant a quand même le droit à l’éducation… »

« Quand les profs sont présents. Si je résume, maître : j’ai des droits, mais la physique, l’économie, la politique, les usages sociaux me les rabotent à qui mieux mieux ! »

« Bon… alors, on va parler de vos devoirs, ce sera plus simple. Par exemple, vous avez le devoir de connaître les lois ! »

« Mais le gouvernement en fait le plus possible pour que je ne les connaisse pas ! »

« Bon alors, vous devez obéir aux forces de l’ordre. »

« D’accord, à la prochaine manif, je les laisserai me piétiner avec plaisir. »

« Vous avez aussi le devoir de ne pas faire preuve de mauvais esprit dès que je vous dis quelque chose. Je vous soupçonne d’être un peu gilet jaune ou même black bloc, élève ! »

Le roi dans le bois

20 janvier, 2021

Dans le bois,

Dans mon habit de soie,

Je vois

Une croix

Sur un toit,

Et un homme qui mange des noix

Et des pois.

Quoi !

C’est le roi !

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