Archive pour décembre, 2012

L’homme et la machine

30 décembre, 2012

« Vous n’en fichez pas une rame. »

« C’est vrai, je n’aime pas trop travailler. Je m’ennuie vite. L’ennui génère de l’oisiveté, et l’oisiveté est la mère de tous les vices. C’est bien connu. Il faut donc faire très attention. Comme personne ne prend soin de moi, je suis bien obligé de me tenir à l’écart  d’un surplus de travail par moi-même. »

« Pourtant ce n’est pas très compliqué ce que l’on vous demande, vous n’avez qu’à appliquer une série de procédures et hop !… après vous pouvez rentrer tranquillement à la maison avec la satisfaction du devoir accompli. »

« Bin… justement, je n’aime pas les procédures. Les procédures, c’est bon pour les machines. On a l’impression que vous voudriez rapprocher l’homme de l’ordinateur. C’est très contradictoire au moment où les japonais déploient des trésors d’imagination pour rapprocher l’ordinateur de l’homme. A moins que ce soient les chinois ou les américains, je ne me rappelle plus. »

« Bon d’accord. Mais enfin, mettre cent prospectus sous enveloppe par jour, c’est pas la mer à boire. Si vous n’y arrivez pas, vous allez être remplacé par une machine, à coup sûr. »

« Nous y revoilà. Décidemment l’Histoire repasse les plats les plus avariés. On menace de robotiser mon emploi si je ne me robotise pas moi-même. Figurez-vous que je protège ma créativité. L’homme se distingue de la machine et de l’animal par sa faculté d’imaginer. Si je fais cent mises en plis par jour, je me dirige tout droit vers l’animalité. »

« Bon alors qu’est-ce qu’on fait ? »

« Rien comme d’habitude… Ou alors j’ai une idée : je pourrais faire n’importe quoi, n’importe comment en fonction de mon imagination créatrice. Vous pourriez alors mettre derrière moi quelqu’un qui serait chargé de faire le tri parmi ma production entre ce qui vous intéresse ou pas. »

«Avec vous, je crains qu’il n’y est pas grand-chose qui puisse participer au projet du service ou de l’entreprise. »

« Et voilà, vous ne voulez courir aucun risque ! C’est un monde ! Vous voudriez des salariés qui appliquent les procédures en bridant leur créativité naturelle. Mais nous retournons au XIXème siècle, mon ami ! »

« En même temps, au XIXème siècle, vous auriez déjà pris la porte. »

« Mon pauvre, vous pensez bien qu’entre travailler comme une machine et sauvegarder mes facultés d’initiative inventive, je n’hésiterai pas longtemps. »

« Je vais faire un effort. Si vous mettez moins d’une semaine pour faire ce qu’une machine réalise en une heure, j’aurais de la considération pour votre capacité de création. »

« Je note que vous restez dans la politique du chiffre, ça a l’air de vous rassurer ! Dans votre façon de vous raccrocher à des réalités mesurables, il y a quelque chose qui relève de la peur de l’enfant devant l’avenir ! Moi, rien que l’idée de faire quelque chose dans un délai déterminé me tétanise de terreur, c’est fou non ? »

« Oui, c’est fou ! »

Vive l’Europe

29 décembre, 2012

Il boit comme un Polonais.

Il repousse tout aux calendes grecques.

Il parle anglais comme une vache espagnol.

En plus, il a les portugaises ensablées.

Il n’aime que la crème anglaise,

Les petits suisses,

Et l’omelette norvégienne.

Il ne redoute pas la douche écossaise.

Ni les bergers allemands.

Vive la famille !

28 décembre, 2012

Je logeais sous la tente

Avant d’entrer dans une pension de famille.

Ma sœur venait me voir. Elle était belle,

Mais ce n’était pas ma belle-sœur, juste ma sœur.

J’étais plus petit que mon père qui n’était pas, pour autant, grand-père.

Il aurait aimé que son fils fisse Polytechnique.

Et ne fréquente pas le couvent pour y prier avec les frères.

Il en a discuté avec le maire

Dont la femme s’appelait Agnès, la nièce de mon beau-frère,

Que je surprenais parfois, se parant de ses plus beaux bijoux.

De l’autorité

27 décembre, 2012

« J’ai peur de tout. »

« Ah bon ? »

« Oui, dès que je croise quelqu’un j’ai l’impression qu’il va abuser de son autorité sur moi : mon chef de service, un agent de police, une femme….  Toutes sortes d’autorités : institutionnelles ou naturelles. L’autorité peut s’exercer par le seul regard sur l’autre. C’est le pire des cas. »

« Ce n’est pas très courageux. »

« Je serais sûrement plus courageux si quelqu’un pouvait me concéder une parcelle d’autorité. Je pourrais alors vous impressionner par ma seule présence. Mais moi, je serais magnanime, je m’arrangerais pour ne pas vous faire subir mon pouvoir. Il y a quelque chose de grand à ne pas utiliser le pouvoir qu’on a sur quelqu’un en se mettant à sa portée. »

« Le seul problème, c’est que c’est moi qui ait une sorte d’autorité naturelle sur vous. Je n’ai pas trop envie d’inverser les rôles. Si vous tentez de prendre l’ascendant, ça va m’énerver. Vous savez bien que vous ne supportez la violence verbale. »

« Oui, vous faites bien de le dire. Mais on pourrait chercher un compromis. Par exemple, vous pourriez éviter de me regarder avec cette assurance tranquille comme si vous saviez à l’avance tout ce que je vais dire. Inquiétez-vous un peu de mes réactions. »

« C’est difficile. Vous êtes un peu primaire… »

« Bon, alors interrogez-moi sur ce que je pense de la situation. Généralement, c’est celui qui peut faire état de ses analyses qui domine l’autre. »

« Euh… bin, c’est que je me fiche un peu de votre avis. »

« Bien, je vais me taire et regarder ma montre d’un air impatient. Comme ça, j’aurais l’air de vous prendre pour une quantité négligeable à coté de mes nombreuses obligations. Vous comprendrez alors que vous me faites perdre un temps précieux et vous vous sentirez nettement inférieur à un homme aussi important. »

« Euh … si on pouvait faire vite, parce que j’ai des rendez-vous à l’autre bout de la ville. Je n’ai pas que ça à faire. »

« Bon… là, je me tais…………………….et hop, je regarde ma montre ! Mince, elle est arrêtée. Il va falloir que je change la pile ! Encore un souci ! »

« Mon pauvre, comment voulez-vous que j’ai peur de votre autorité avec votre histoire de pile ? Dites-moi au moins que vous n’avez pas le temps de vous en occuper ! »

« Vous ne comprenez pas. Je suis un homme plus demandé que vous, mais j’étais en train de me mettre à votre niveau en vous faisant partager un souci ménager. Je ne voulais pas vous mettre mal par mon allure déterminée d’homme d’affaires surbooké ! »

« Oui, mais le problème, c’est que je ne suis pas du tout mal à l’aise avec vous. Vous me rassurez.»

Une bonne cueillette

26 décembre, 2012

Je suis tombée dans les pommes.

Parce qu’il me cassait les noix.

Il ramenait sa fraise à tout bout de champ.

En me prenant pour une bonne poire.

Il me poursuivait dans tous les coins.

Pour me proposer ses bonbons à l’orange.

Ou alors d’aller à la pêche avec lui.

La cerise sur le gâteau

C’est qu’il était avocat

Et qu’il travaillait pour des prunes.

C’est plus comme avant

25 décembre, 2012

« Autrefois, la vie était simple. On naissait, on allait à l’école, on apprenait un métier, on faisait son service militaire pour les garçons, on se mariait, on avait des enfants, on partait à la retraite avec un cadeau et on mourait. »

« Oui, mais ça a changé. Sauf pour naître et mourir. Et encore ! On s’arrange pour mourir moins vite ! Et plus tranquillement quand c’est possible. Pour le reste, ce n’est plus comme ça que ça se passe. On peut exercer plusieurs métiers successivement ou simultanément. On peut avoir plusieurs conjoints, si possible l’un après l’autre. Dans ce domaine la simultanéité est encore mal vue. Une opinion mal informée assimile cet état à de la polygamie. Et puis il faut savoir bouger, déménager plusieurs fois d’un bout à l’autre du pays. Bref, il faut être souple. Pas comme vous. »

« Comment ça, pas comme moi ? Je suis très heureux, moi ! »

« Non, vous n’êtes pas heureux. Vous habitez au même endroit depuis trente ans, vous avez toujours le même travail, vous vivez toujours avec la même femme. Vous ne remplissez pas du tout les critères. Vous n’êtes donc pas heureux. Vous êtes à la limite de la catégorie des assistés. Remarquez… tout compte fait, vous pourriez quand même servir à quelque chose. Vous pourriez être le vestige d’une civilisation disparue. Une sorte d’exemple de ce qu’il ne faut pas faire à montrer aux nouvelles générations. En quelque sorte, un musée des pratiques d’autrefois. Vous êtes d’accord bien entendu, sinon vous allez rejoindre les assistés. Je jetterai l’opprobre sur vous. »

« Et si mes jeunes visiteurs trouvaient que la vie était plus simple avant qu’on ne décrète qu’elle doit être compliquée. »

« Ce sera interdit. Il y aura une réglementation très stricte. Il faut absolument compliquer l’existence des jeunes. Heureusement des mesures on déjà été prises : un jeune veut faire des études de psycho…. Il n’y a plus de place ! Hop, en géographie ! Un jeune veut s’informer sur son avenir ? Hop, créons un quatorzième service d’information pour qu’il ne se retrouve plus dans le maquis administratif ! Un jeune veut créer une entreprise innovante ? Hop… un nouveau statut auquel il ne comprendra rien. C’est comme ça qu’on la forme la jeunesse, vous comprenez ? »

« Euh… non, pas tellement … »

« Bon, écoutez…. Vous ne voulez pas être un musée historique ? Je suis d’accord. Je ne laisserai personne sur le bord du chemin. Je vois que vous avez besoin de suivre un stage de réorientation. J’ai ce qu’il vous faut. Vous avez de la chance, c’est un stage très demandé. C’est à l’autre bout du pays, mais il va falloir que vous trouviez un financement, un logement temporaire, que vous arrêtiez de vouloir à tout prix vous occuper de vos enfants tous les soirs. Après ce stage, je vous garantis que vous serez un homme neuf comme transformé. Adaptable en quelque sorte. Vous partirez travailler en Roumanie avec enthousiasme. Vous changerez d’adresses tous les six mois et de femmes aussi souvent que de voitures… En un mot, vous serez souple. Alors, vous signez ? »

« Euh… non ! » 

Du souffle

24 décembre, 2012

Il a eu vent de ma présence.

Je ne peux pas me déguiser en courant d’air.

Il souffle le chaud et le froid.

Il sort des arguments en rafale.

Pour me tenir en haleine.

Il faut faire attention, il a peut-être un grain ce type.

Je ressens des bouffées de chaleur.

Il me les brise menues.

Autant en finir tout de suite.

Il faut que je sorte pour respirer un peu.

Mauvaises nouvelles

23 décembre, 2012

« Les mauvaises nouvelles sont plus utiles que les bonnes pour entretenir les relations entre les individus. Ceux qui sont porteurs d’informations désastreuses sont plus sympas, presque humains. Par exemple, quand je suis enrhumé, mon chef me parle beaucoup plus gentiment au bureau. Lorsque je suis en bonne santé, j’ai toujours l’impression de l’énerver. Si je pouvais être encore plus atteint par les microbes, je pense que ça le rassurerait. »

« C’est vrai. Hier, j’ai pris l’air catastrophé en déclarant que j’avais du transporter en urgence mon petit chat chez le vétérinaire. Mon supérieur hiérarchique m’a dit qu’il était navré pour lui et s’est abstenu de me faire remarquer mon retard. »

« La crise économique est également un sujet très intéressant. Les êtres deviennent plus compréhensifs. Ainsi ma femme a très bien admis que les restrictions budgétaires imposent de ne pas aller passer nos vacances chez sa mère, dans le Périgord. A vrai dire, on aurait peut-être pu se déplacer, mais je n’en avais pas tellement envie. La hausse du coût de l’essence m’a sauvé la mise. »

« Oui. Heureusement qu’on a des mauvaises nouvelles de temps en temps, ça permet de cimenter les familles. Si mon gamin travaillait bien au collège, je me demande de quoi on pourrait parler le soir. Avec ses résultats, on peut au moins lui faire peur de son avenir. »

« Ça le touche ? »

«Pas tellement, c’est classique. Mais le lendemain, je peux me désespérer au bureau en évoquant l’indolence des jeunes et leurs pertes de repères alors que leurs parents sont tant attachés à la valeur-travail. Le chef de service devient d’un seul coup très compréhensif. »

« Pour améliorer encore plus nos relations avec les autres, il faut savoir atténuer les mauvaises nouvelles qu’on vient de répandre. Moi je parle des mauvaises nouvelles qui nous concernent, mais aussi de celles qui atteignent les autres.  En général, ça passionne mon entourage. Ainsi lorsqu’on se plaint de la météo autour de moi, je fais allusion aux tornades qui ravagent certains coins des Etats-Unis. A la télé, on voit des maisons s’envoler et retomber en petits morceaux. L’image glace d’effroi mes interlocuteurs et nous tombons d’accord sur le fait que nos petits brouillards matinaux n’ont pas grande importance à coté des désastres causés par les tempêtes américaines. »

« Autrement dit, il faut être assez astucieux pour nous étendre sur les mauvaises nouvelles, tout en faisant remarquer qu’elles pourraient être pires. C’est comme ça qu’on dédramatise les situations défavorables qu’on a parfois nous-mêmes créées. Par exemple, les impôts vont augmenter est une information qui consterne. Ils vont augmenter moins qu’ailleurs soulage. En deux phrases, les gens se sont sentis vivre : fâchés puis soulagés ».

« C’est ça la solution : émouvoir. Si on est zen, c’est plat. Rien ne se passe. Aucune mauvaise nouvelle à ressasser ou à éteindre par une bonne aussitôt démentie par une autre mauvaise nouvelle. Quand les gens sont ballotés entre crainte et espoir, c’est mieux. »

« Je suis d’accord. D’ailleurs, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous, suivie d’une bonne. A cause de la crise, je ne peux pas vous rendre votre argent. La bonne c’est que vous allez pouvoir vous plaindre de ma mauvaise gestion. »

Du mouvement !

22 décembre, 2012

Il faudrait passer à la pompe, dit-elle.

Notre vieille Traction Avant consomme beaucoup d’essence.

Puis nous irons à la petite sauterie.

Maurce ne viendra pas, ça lui court sur les nerfs.

Il va sûrement faire faux bond.

Il s’en tirera par une pirouette.

Il préfère faire des galipettes.

Ou aller à la pêche au lancer

Grosses légumes

21 décembre, 2012

Une aubergine m’a collé un PV.

Est-ce la fin des haricots ?

Non,  les carottes ne sont pas encore cuites.

Je ne suis pas dans les choux !

 Je ne suis pas un navet !

Ni une patate, d’ailleurs.

Encore moins un cornichon.

Même si je n’ai plus un radis.

Qu’est-ce que c’est que ces salades ?

Je vais prendre un avocat.

Et je remettrai du beurre dans les épinards.

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