Archive pour décembre, 2021

Heureusement qu’il y a encore des occasions de rouspétance !

31 décembre, 2021

« J’ai encore eu un dysfonctionnement. Mon aspirateur est en panne, ma télé aussi, mon réfrigérateur ne va pas mieux. J’attends des nouvelles de ma voiture. 

« Mon pauvre, c’est normal. Plus on a de machines, plus on crée des occasions de dysfonctionnements. Il y a un vaste marché en croissance forte pour tous les spécialistes du dysfonctionnement. »

« Dans la société, c’est pareil, tout dysfonctionne : il y a le chômage, l’inflation, le virus, la violence, les agressions sexuelles… »

« On se demande ce que serait une société sans dysfonctionnement : du boulot pour tout le monde, les prix stables, tout le monde en bonne santé et vacciné… »

« Ce serait curieux comme sensation. De quoi parlerait-on au journal télévisé ? On ne peut tout de même pas nous supprimer le 20 heures sous prétexte que tout va bien. Et puis, moi j’aime bien le présentateur. C’est quasiment un copain. »

« Ne vous inquiétez pas : les journalistes ont de l’imagination. En été, ils sont capables de faire une demi-heure sur le thème : il fait chaud ! Et puis, ils trouveront bien le moyen de vous parler d’une guerre au bout du monde. »

« Et les politiciens, que feraient-ils si tout allait bien ? »

« Je pense qu’ils trouveraient le moyen de se disputer quand même. Ils diraient tous que si tout va bien, c’est grâce à eux et non pas grâce à leurs adversaires qui n’ont rien fait. »

« Certains paieront très cher des officines chargées de trouver des dysfonctionnements. »

« Heureusement, il nous reste le réchauffement climatique pour démontrer que les choses vont mal. Personne ne peut dire le contraire. »

« Et puis, il y aura toujours des dysfonctionnements entre individus. Je ne vais pas me mettre du jour au lendemain à aimer la mère de Josiane !! »

« Ce serait curieux une société où tout le monde aime tout le monde. Je devrais aimer mon patron par exemple, alors que lui ne peut pas m’encadrer. »

« Et moi, je devrais aimer mon voisin Dugenou, alors qu’il a une plus belle voiture que la mienne et une pelouse impeccable par rapport à mon champ de luzerne. »

« Si nous nous aimions tous, comment ferait-on pour choisir l’élu de son cœur ? Ce serait un appel à la polygamie ou la polyhandrie. »

« Et au moment de voter, nous n’aurions plus de critères pour choisir l’un plutôt que l’autre. »

« Quel bazar se serait ! »

« Oui ! Finalement… heureusement qu’il y a des choses qui fonctionnent mal, ça nous permet de nous tourner vers des choses qui marchent bien. »

« Et puis, on pourra continuer à rouspéter tranquillement contre les choses et les gens qui dysfonctionnent. »

« Le pire serait qu’on ne puisse plus rouspéter. Moi, j’aime bien rouspéter, ça me donne l’impression d’être quelqu’un qui ne se laisse pas marcher sur les pieds… l’impression de vivre, quoi ! »

Une campagne électorale, ça se prépare

28 décembre, 2021

« Vous me flattez, monsieur. »

« Pas du tout, je constate votre merveilleux talent. Nous avons tous besoin d’un homme comme vous. Votre dernier discours m’a subjugué ! Quelle chance avons-nous de vous avoir ! » 

« Ne seriez-vous pas en train de flagorner de manière à obtenir un avantage de ma part, peut-être. Un emploi de conseiller à ma cour ou quelque chose comme ça ! »

« C’est-à-dire monsieur, que, du fait de votre haute fonction, vous avez sûrement besoin d’être entouré de gens compétents qui soient à la hauteur. »

« Bien entendu, vous ne pensiez pas spécialement à vous. Votre modestie n’a d’égal que l’humilité dont vous faites preuve lorsqu’il s’agit de ne pas vous faire remarquer. »

« Je ne le dirais pas mieux que vous, monsieur. Mon talent, comparez au vôtre, est modeste. Néanmoins, je me plierais volontiers à votre volonté, si vous me pensiez apte à remplir quelques menus services. »

« C’est vrai que nous avons toujours besoin d’un plus petit que soi, comme dit le fabuliste. Mais vous me semblez vraiment très petit. »

« Vous avez raison. Peu de gens font attention à ma personne, tant je me glisse partout dans l’indifférence générale. »

« Nous pourrions faire de vous un excellent espion. »

« Oui, mais alors pas dans un contexte trop dangereux. Je ne suis pas très courageux. Et puis j’aime bien ma tranquillité. »

« C’est-à-dire que la prochaine campagne électorale ne sera pas très tranquille. Les citoyens sont nombreux à vouloir exprimer un mécontentement. »

« Ah bon ? Vous avez été pourtant exemplaire. Je pourrais être chargé, dans votre entourage, de recueillir les témoignages de satisfaction. »

« Vous n’aurez pas beaucoup de travail. Un élu sortant fait rarement l’objet d’une campagne de satisfaction »

« Je pourrais la susciter. Rien de plus facile que de vous envoyer une montagne de textos ou de tweets louangeurs. Je pourrais aussi faire jeter des fleurs sur votre passage. »

« A propos vous avez des références ? »

« Tout à fait, j’ai participé à la dernière campagne de Dugenou qui m’appréciait beaucoup ! »

« Dugenou ? Mon adversaire politique ? Ne seriez-vous pas enclin à passer d’un camp à l’autre sans vergogne ? Ne seriez-vous pas un traitre capable de trahir son camp en fonction de ses intérêts ? »

« Euh…oui, mais je ne trahis pas, monsieur, je survis. Si vous croyez que c’est facile ! »

« Non, je ne crois pas. Remarquez, j’aime bien les traitres qui ne manquent pas de cynisme. On sait à quoi s’attendre, on est rarement déçu. »

« En effet, monsieur, je me flatte d’avoir une belle carrière de traitre ! Je trahis avec beaucoup d’élégance. Quand je changerai de camp, vous pourrez vous indigner et vous faire passer pour une victime. Les électeurs aiment bien les victimes. »

Encore un dragueur !

27 décembre, 2021

« Mademoiselle, je vous vois bien farouche ! »

« C’est que je connais vos intentions, monsieur. Aussi je préfère ne pas m’attarder. »

« Vous vous méprenez, mademoiselle. Mes intentions sont parfaitement honorables. »

« Ce n’est pas ce que dit la belle Anabelle que vous avez fortement importunée, le mois dernier, alors qu’elle patientait dans l’attente de l’omnibus, devant la gare. »

« Je m’insurge, mademoiselle. La vérité c’est que c’est la belle Anabelle qui m’a abordé sous le fallacieux prétexte de me demander les horaires de l’omnibus. »

« Il n’empêche que vous en avez profiter pour entretenir avec elle une conversation galante. »

« Pas du tout. Elle s’est étonnée de la fraîcheur matinale et je me suis permis de lui rappeler qu’un tel phénomène était fréquent au printemps. »

« Je vous interdis donc de m’entretenir du temps qu’il fait, monsieur. On sait bien comment ça commence et comment ça finit. »

« Je suis un homme du monde, mademoiselle. Une conversation sur la météorologie, c’est bon pour les rustres. Nous pourrions aborder un autre sujet. Comment va votre maman ? »

« Laissez donc ma maman tranquille, monsieur. C’est comme ça que vous avez séduit la belle Henriette, l’été dernier. »

« Allons, allons ne comparons pas. La beauté de la belle Henriette n’a rien à voir avec l’éclat de votre visage, la délicatesse et vos traits et la finesse de votre silhouette. »

« Et voilà, ça commence ! Vous parlez de moi de manière libidineuse. Et vous croyez que c’est comme ça que je vais succomber à vos charmes. Ne me confondez pas avec la belle Karine. »

« Ce qui est impossible, mademoiselle. La belle Karine a l’air d’un artichaut sur pattes à côté de l’élégance naturelle de votre présence. »

« Nous frisons l’insolence, monsieur. Je vais devoir prévenir la maréchaussée puisque vous vous entêtez à me harcelez de compliments. »

« Dois-je en conclure, mademoiselle, que vous ne goûtez pas la galanterie des éloges que votre apparition m’inspire ? Comment dois-je faire état de mon admiration, alors que votre beauté naturelle me bouleverse et m’émeut ? »

« Vous ne comprenez rien, monsieur. Vous ne devez pas exprimer votre admiration avec des mots ensorceleurs qui pourraient à inviter à un rapprochement parfaitement immoral. »

« Alors, comment faire ? »

« Vous devez utiliser une attitude réservée, tout à vous montrant à la limite de l’éblouissement lorsque je parais dans votre champ de vision. »

« Puis-je ma pâmer ? »

« Certainement pas. Voilà qui serait indécent. Par contre la lumière de vos yeux pourrait exprimer un certain ravissement, sans aller jusqu’à l’extase bien entendu. »

« Très bien ! Je vais essayer. Nous pourrions maintenant décider du degré de fascination qui m’est autorisé. J’hésite encore : dois-je être envoûté ou simplement ensorcelé par votre sourire ?

L’humoriste

25 décembre, 2021

« Il parait que vous voulez vous moquer de moi ? »

« Oui, si ça ne vous dérange pas, ça m’arrangerait. Il faut savoir que je me moque de tout le monde, je suis humoriste. »

« Peut-être, mais enfin, vous me blesseriez cruellement. Vous pourriez éviter de vous moquer des êtres humains. »

« Je ne vais tout de même pas tourner une paire de chaussettes en dérision. »

« Pourquoi pas ? C’est une question d’imagination. »

« Mais les gens aiment mieux que je raille leurs contemporains. C’est comme les jeux du cirque : tant qu’ils ne sont pas eux-mêmes dans l’arène, ça les distrait. »

« Mais pour faire rire, il faut être capable de détecter le ridicule. Or moi, je ne suis pas plus ridicule que vous ! Et je n’ai pas envie d’être dans l’arène. »

« Vous avez certainement des tocs ou des habitudes dont je peux tirer parti. Par exemple, vous dites souvent : c’est clair ! »

« Et alors ? C’est le cri de ralliement de la jeunesse : c’est clair ! »

« Vous voyez, vous êtes ridicule. Donc je vais vous singer : j’en ris d’avance. C’est clair ? »

« Vous n’exercez pas votre métier de manière très intelligente. Vous pourriez faire des jeux de mots très spirituels comme Raymond Devos. Par exemple : à quand le car pour Caen, c’est une phrase célèbre qui mérite de rentrer dans l’Histoire. »

« Certes, mais je voudrais faire rire sans trop me casser la tête. Alors me moquer de vous, c’est ce qu’il y a de plus simple. Si vous pouviez être un peu prétentieux, ça m’arrangerait. »

« Ben… non, pas moi. Vous pourriez vous ficher de votre propre figure. Je trouve qu’il y a de quoi faire au lieu de vous en prendre aux autres. »

« Ben… non, moi ça ne me ferait pas rire de m’agonir de railleries.  Si je ne me marre pas comment voulez-vous que je fasse marrer les autres ? »

« Attaquez-vous aux politiciens ou aux belles-mères. Tout le monde fait ça ! »

« Justement, ce n’est pas original. Tandis que vous, personne ne vous connait, je peux donc vous démolir à fond. »

« Bon ! Puisqu’il en est ainsi, moi je vais me moquer de vous ! Je vais rédiger un pamphlet cinglant dont vous me donnerez des nouvelles. »

« Vous feriez ça ! Ce n’est guère sympathique. Un homme dont je me moque ne doit pas se rendre compte qu’il est raillé. Ce n’est pas du jeu. »

« Puisque c’est comme ça, je vais devenir quelqu’un de complètement lisse. Comme ça vous n’auriez rien pour vous moquer de moi. »

« Parfait, vous allez ennuyer tout le monde. Je pourrais m’esclaffer de votre tendance à être sans personnalité. Les gens vont mourir de rire ! »

« Et si je me rebelle, je suis sûr que vous stigmatiseriez mon absence d’humour ! Quelle ignominie ! »»

Une arrestation musclée

19 décembre, 2021

« Allez hop ! En cellule de dégrisement ! »

« Qu’est-ce que j’ai encore fait ! »

« Monsieur défile pour réclamer une société plus juste et solidaire ! Et en plus, il se permet de demander ce qu’il a fait ! »

« C’est un délit de penser à une société meilleure ? »

« Il avoue ! Monsieur rêve ! Donc vous avouez que vous êtes un mauvais salarié. Si vous étiez investi dans votre travail, vous n’auriez pas le temps de rêver ! »

« Et vous, vous ne pensez jamais à une société plus équitable ? »

« De mieux en mieux, monsieur argumente pour détourner les forces de l’ordre de leur mission de maintien des différences sociales ! C’est de la corruption intellectuelle ! »

« Qu’est-ce que je dois faire pour être bon citoyen, selon vous ? »

« Voyez ! Il ne sait même pas ce que c’est qu’un bon citoyen ! C’est pourtant simple, vous devez travailler, rentrer chez vous, retourner au boulot et ainsi de suite. Seuls les activistes de la pire espèce trouvent le temps de réfléchir. Et pourquoi ne pas écrire un livre pendant que vous y êtes ? »

« Vous tolérez les écrivains et les journalistes ? »

« Uniquement ceux qui n’écrivent pas des choses intéressantes et que personne ne lit. Sinon, ça provoque des idées dans l’esprit des citoyens. »

« Et alors ? »

« Et alors, l’idée qu’une autre société est possible, cela est nuisible et rend malheureux les gens. Heureusement que nous sommes là pour éviter qu’il se fassent des illusions. »

« Nous sommes dans un régime totalitaire, je proteste ! »

« Et voilà, vous recommencez ! Pour protester, il faut prendre le temps de réfléchir et vous n’avez pas à réfléchir. Le gouvernement s’en occupe pour vous. Vous devriez le remercier. »

« Pourtant, il y a des milliers de gens qui réfléchissent autour de moi. Pourquoi ne sont-ils pas arrêtés ? »

« Comment ? Monsieur soutient que nous n’effectuons pas notre travail ? Monsieur aggrave son sort ! Et en plus il ne dénonce pas des citoyens qui réfléchissent ! »

« De la dénonciation ? Moi, jamais ! »

« Sachez que nos moyens sont insuffisants pour réduire à néant toutes les impulsions démocratiques. Les citoyens comme vous ne se rendent pas compte de l’effet des coupes budgétaires. »

« Donc vous laissez en liberté des chenapans qui rêvent d’une société plus juste. »

« Oui, nous allons d’ailleurs nous mettre en grève pour obtenir plus de de moyens. »

« Allez-y, je soutiens votre grève ! Nous pourrions défiler ensemble !  Nous pourrions casser les vitrines et là, vous pourriez m’arrêter et vous arrêter vous-même pendant qu’on y est ! »

« Je vois ce que c’est, monsieur fait dans l’ironie ! Monsieur est un délinquant chevronné ! »

What ?

18 décembre, 2021

« Il parait qu’il y a une nouvelle loi : il faut parler français. »

« Ah bon ? Je ne peux plus dire que je vais faire un running ce week-end avec mes friends. C’est dommage, c’était facile. »

« Il faut dire que vous allez faire de la course à pied ce dimanche avec vos amis. »

« Voilà qui sonne moins bien, ça ne fait pas très moderne. Est-ce que je pourrais dire que je suis un peu surbooké ? »

« Non plus, vous n’êtes pas surbooké. Votre charge de travail est excessive, à la rigueur. »

« Mais quand on le dit en français, personne n’y croit ! Ah ! La ! La ! »

« Les Anglais nous ont bien eus. Moi qui croyais que Jeanne d’Arc les avait boutés hors de France ! Elle aurait pu terminer le travail comme il faut ! »

« Il faut dire que parler anglais, ça va beaucoup plus vite et que la vitesse est une des clés de la vie moderne. Pendant que vous dites « téléphone intelligent », j’ai le temps de dire trois ou quatre fois « smartphone » ! »

« Peut-être, mais enfin, si je parle comme ça, je ne pourrais plus faire profiter les autres de la subtilité de ma pensée. »

« Bon, j’ai compris ! Venez au brunch de Dugenou demain ! Vous aurez l’occasion d’upgrader votre vocabulaire, j’ai l’impression que c’est urgent. »

« Puisque c’est comme ça, je vais apprendre le parler des jeunes. Tranquille…quoi. Si on m’embête, je dirai : wesh ! wesh ! … à tout propos. »

« Le mieux serait que vous mélangiez l’anglais managérial avec le parler jeune… »

« Plus personne ne me comprendrait. »

« C’est le but du jeu ! Vous avez remarqué le nombre de gens qui vous coupent la parole avant que vous ayez fini une phrase complète. Vous pouvez donc dire n’importe quoi, ça ne dérange personne. »

« Quelle catastrophe linguistique ! Le mieux serait peut-être le silence ! »

« Non ! Si vous vous taisez, c’est que vous n’êtes pas communiquant, ce qui est considéré comme un grave péché par les temps qui courent. »

« Et chez moi, je peux parler français ? »

« Pas trop quand même. N’hésitez pas à dire que : vous gérez le couvert au lieu de : je vais mettre le couvert. On n’est pas chez votre grand-mère tout de même ! Et ne reprenez pas votre gamin s’il vous dit qu’il surkiffe la crème glacée ! »

« Et pour parler d’amour avec ma maîtresse Louise, je fais comment ? »

« Vous plaisantez ! Dites-lui : Louise, je t’aime pendant que vous y êtes. Vous allez encore passé pour un vieux ringard ! A la rigueur, dites que vous la kiffez, mais je ne vous garantis pas le résultat. »

« Et pour lui demander un rendez-vous ? »

« Non, pas comme ça ! Il faut lui demander un date !  Et ne vous offusquez pas, si elle vous répond mdr ou que vous lui faites pitié. »

Gilles, Alexandre et Rose

15 décembre, 2021

Gilles, agile,

Est agronome à Grenoble.

A Gap, il fait des agapes

Avec Alexandre qui rédige des alexandrins

Qui amusent sa muse.

Pendant ce temps Rose arrose ses roses.

Elle est venue de Luchon avec son baluchon

Où elle batifolait avec son feu follet,

Un vrai benêt sous son bonnet.

Un drôle de héros

13 décembre, 2021

Le héros enfile son boléro.

Ce bourgeois est en joie.

C’est un bravache, un peu vache,

Un despote qui n’a pas de pote.

A Golfe Juan, c’est un don Juan.

Elegant, il porte des gants.

Il a un émule qui voyage sur une mule avec des mules.

Cette recrue est recrue de fatigue.

Vive le troc !

12 décembre, 2021

 «Je vous cède un aspirateur. Qu’est-ce que vous me donnez en échange ? »

« Rien. Je n’ai pas vraiment prévu de vous faire un cadeau. »

« Il ne s’agit pas de cadeau. Je vous propose de revenir au temps du troc, c’est beaucoup plus sain que les opérations monétaires. »

« Oui, mais moi, je n’ai rien à faire de votre aspirateur. J’en ai déjà un qui marche très bien. »

« Je vois que vous avez besoin d’une table de jardin. Je vous échange la mienne contre la niche de votre chien. »

« Non, Papouf aime bien son petit coin. Pas question ! »

« Je vois ce que c’est, monsieur est plus favorable à la financiarisation de l’économie qu’à une économie locale basée sur le bon voisinage. »

« Parfaitement, je garde mon argent, je le fais travailler et lorsque je trouve le meuble de jardin qui me plait, hop ! Je l’achète ! »

« Dites tout de suite que ma table de jardin est pourrie ! »

« Je vous dis que mon chien adore sa niche. Mettez de l’argent de coté pour en acheter une neuve pour votre clébard. »

« Ben non ! Youpi préfère l’ancien au moderne, c’est son droit ! »

« Ecoutez ! Cela a pris des siècles pour que nous nous dotions d’instruments monétaires et financiers cohérents. Nous n’allons pas revenir en arrière. »

« Vous trouvez que c’est un progrès ! Les banquiers se livrent à toutes sortes d’entourloupes pour concentrer la finance entre leurs mains cupides de capitalistes endurcis. »

« Oui, mais grâce à eux, l’investissement se développent : nous avons des écoles, des hôpitaux, des routes, des industries de pointe… »

« Pour qu’ils gagnent encore plus de pognon. Ils se fichent bien de l’endroit où dort Youpi ! »

« C’est sûr que ce n’est pas leur première préoccupation. »

« Vous ne seriez pas partisan d’une mondialisation heureuse ? »

« C’est-à-dire que je suis plutôt partisan de m’acheter ce que je veux, quand je veux, sans être obligé de tenir compte des états d’âme de Youpi.»

« Finalement, vous n’êtes qu’un petit rouage dans un vaste système qui vous domine, alors que je vous proposais de prendre en main votre destinée de consommateur. »

« Faites comme moi : achetez quelques actions ou obligations et attendez que la rente tombe. Vous aurez le temps de construire une cabane pour Youpi. »

« Comment ? Vous suggérez que je vende mon âme au capitalisme libéral triomphant ? Vous vous moquez, monsieur ? »

« Pas du tout. Je cherche à vous faire profiter du développement économique général au lieu de chercher à m’arnaquer par le biais de l’échange plus ou moins inégal. Nous aurions une relation plus apaisée entre voisins. »

Les recettes du succès (par Maurice Dugenou)

7 décembre, 2021

« Maurice Dugenou, comment faites-vous pour avoir autant de succès populaire dans tous les domaines professionnels ou privés ? Pouvez-vous nous donner votre recette ? Comment faites-vous pour que les gens vous aiment ? »

« C’est simple ! La première des choses, c’est de faire en sorte qu’ils aient besoin de vous. Par exemple, au lycée, je faisais les devoirs pour la moitié de la classe. Tous mes camarades m’aimaient. »

« Certes, mais tout le monde n’a pas vos capacités intellectuelles. »

« Oui, je vous l’accorde, mais on peut raisonner en sens inverse. Si vous êtes très mauvais sur le plan professionnel, les gens adoreront vous fréquenter puisque vous ne représentez aucun danger pour leurs carrières. »

« C’est que moi, je n’ai pas trop envie d’être mauvais… Vous n’auriez pas une autre technique.»

« Si… vous pouvez intriguer. Commencez par prendre des airs mystérieux. Puis choisissez une commère qui colportera à coup sûr ce que vous allez lui dire. Laissez tomber, comme par hasard, que vous écrivez et que vos livres ont du succès. Les marques de sympathie vont affluer et en plus, vous aurez l’air modeste puisque vous avez caché votre succès ! »

« Pas mal ! Le petit problème, c’est que je n’ai aucun don ! »

« Vous pouvez essayer l’humour. C’est un article assez recherché. Mais attention ! Evitez le style « gros rigolo », ça peut marcher un temps, mais ça devient vite vulgaire. Le pince-sans-rire s’en sort mieux ; il peut s’installer dans le temps. »

« Bon ! Admettons ! Mai je ne peux pas me précipiter sur les gens pour leur faire part d’une bonne vanne, en supposant que j’en ai une. »

« Non, effectivement ! Il faut cultiver la rareté. Sachez-vous retirer des groupes, de façon que votre présence soit désirée. Lorsque vous arrivez dans une conversation, faites comme si vous passiez par hasard et retirez-vous rapidement en prétextant quelque chose d’urgent. »

« Donc, il faut briller par son absence… »

« Tout en laissant traîner un peu de soi. »

« Et comment faire si je dois affronter quelqu’un qui a autant de succès que moi ? »

« L’essentiel, c’est de ne pas avoir l’air jaloux ou envieux, c’est très mauvais. Affichez plutôt un léger sourire quand il sort une vanne pour donner à penser qu’à vous on ne la fait pas ou que la vanne de votre concurrent est amusante, mais sans plus. »

« J’imagine qu’avec toutes ces techniques, le succès auprès des femmes est assuré. »

« Non, là on aborde un terrain délicat. Si elle vous prend pour un rigolo, vous êtes foutu. Il faut inverser l’ordre des facteurs. Au lieu de vous préoccuper de vous, donner lui l’impression qu’elle est particulièrement drôle et intéressante. »

« Et ça marche ? »

« Pas forcément, mais l’échec fait partie de la vie. En désespoir de cause, vous pouvez jouer le mec naturel. Soyez comme vous êtes, ça ne peut pas être pire que vos recettes pour plaire que ce soit auprès des femmes ou de votre patron. »

« … d’autant plus, qu’elles ou ils doivent avoir l’habitude des gens qui ont des astuces pour avoir du succès ! »

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