Archive pour septembre, 2021

Un homme rigoureux

30 septembre, 2021

« Je suis un homme rigoureux. Avec moi, je vous prie de croire qu’on ne rigole pas. »

« Ah bon ! Par exemple ? »

« Par exemple, je traverse les rues dans les passages protégés. Quand je vois tous ces écervelés qui traversent n’importe comment, je suis stupéfait. »

« Vous avez raison, il faut respecter le droit. »

« Bien entendu. A l’école, je rendais toujours mes devoirs au jour dit et même avant. Pas question de faire comme tous ces paresseux qui avaient toujours trois jours de retard. »

« En effet, votre rigueur vient de loin. »

« Et elle ne me lâche pas. Moi, je déclare mes revenus au fisc, à l’euro près. Ce n’est pas le cas de la moitié des contribuables qui se fichent complètement du déficit des finances publiques. »

« Ce sont de polissons fiscaux ! Et bien entendu, vous avez toutes vos vaccinations ? »

« Je n’en loupe pas une ! Je suis très strict sur les délais, y compris pour le chat de la famille. »

« Je suppose que vous partez en vacances. »

« Evidemment ! Et pas question de faire des folies ! Ce n’est pas parce qu’on est en vacances qu’il faut se laisser-aller. Je ne permets qu’un seul restaurant. Et pas de club Mickey pour les enfants. Ils ont une pelle, un sceau et le sable pour jouer. C’est bien suffisant. »

« Et à la maison ? »

« Les chambres doivent être rangées. Il y a des inspections tous les soirs. A l’école, les notes doivent être excellentes, sinon les sanctions tombent. »

« Les voisins se plaignent de vous. »

« Je sais ! Dugenou ne supporte pas que je l’aie dénoncé à la mairie pour avoir tondu sa pelouse un dimanche matin, alors que c’est interdit par arrêté municipal. »

« Vous faites du sport ? »

« Oui, j’ai un abonnement dans une salle que j’honore consciencieusement. Ce n’est pas comme certains que je ne nommerai toujours pas, qu’on ne voit jamais. »

« Et votre belle-mère ? »

« Ma belle-mère va très bien, je vous remercie. Je me coltine son rôti tous les dimanches, sans faire de remarques amères à Thérèse. Le rôti du dimanche, c’est la règle ! »

« Vous participez aux tâches ménagères ? »

« Bien entendu, j’ai inventé une application qui répartit les tâches. En plus, c’est moi qui inspecte le travail de Thérèse et des gamins, et je vous prie de croire que je suis très sévère. »

« Et pour les élections ? »

« Je vais honorer mon devoir de citoyen à chaque élection. Je fustige très sévèrement tous les plaisants qui s’en foutent complètement. Il faut un peu d’ordre dans ce pays, que diable ! »

« Vous prenez du thé ou du café ? »

« Comment voulez-vous que je le sache ? Les décrets ne sont pas sortis. »

L’histoire d’Odile

27 septembre, 2021

Odile et son crocodile

Est en courroux contre le roux

Qui dort dans le corridor.

Son corps se fond dans le décor.

C’est un comique cosmique.

Il se dépêche de manger une pêche

Avec le cordonnier qui compte ses deniers,

Tandis que sa harpie joue de la harpe

A Cagnes, dans son pagne.

Voyages, voyages !

26 septembre, 2021

« Voilà, ça y est, j’ai voyagé. Je n’ai pas encore jeté l’ancre. »

« Vous êtes donc un grand baroudeur. »

« Oui, j’ai été à Vierzon, Vesoul, Bretigny-sur-Orge, Montélimar, Cherbourg et je projette une excursion dans la banlieue de Tournus. »

« Ce n’est pas ce que j’appelle un grand voyageur. »

« Pardon, avec la femme de chambre de l’Hôtel de la gare à Cherbourg, j’ai connu un voyage intersidéral, un vrai conte… »

« Je ne veux rien savoir de votre vie privée. »

« A Montélimar, je me suis livré à une étude approfondie de la fabrication artisanale du nougat par des indigènes, très accueillants. »

« Oui, mais vous auriez pu aussi étudier l’artisane local à Sumatra et rapporter une merveilleuse statuette en bois représentant Ganesha ! »

« Certes, mais on ne s’imagine pas la complexité du processus de fabrication du nougat. »

« Admettons et quoi d’autre. »

« J’ai visité le musée de la chemiserie et de l’élégance masculine à Argenton-sur-Creuse. Vous feriez bien d’y faire un tour, sans vous offenser. »

« J’achète mes chemises dans les grandes surfaces, elles me vont très bien. »

« A Pessac, j’ai visité le centre commercial. Très agréable. Je me suis acheté une glace à la pistache. »

« C’est un peu partout pareil. Moi, figurez-vous que je suis parti sur les traces de Rimbaud lors de mon dernier voyage en Ethiopie »

« Personnellement j’ai été beaucoup ému par un merveilleux coucher de soleil sur le site EDF de Gravelines, juste avant de déguster un bon ragout au bar des amis ! »

« C’est très intéressant. On voit que vous avez le sens de l’aventure. Moi, je me suis contenté de déguster une soupe de riz au yaourt, plat typique de l’Azerbaïdjan ! »

« Effectivement, je ne peux voyager sans gouter la gastronomie locale. Je me gausse des prétendus voyageurs qui commande une bouillabaisse à Strasbourg ! »

« Il parait, chose extraordinaire, que vous avez vécu une demi-journée dans le pays d’Andorre. »

« Oui, notre guide nous a conduit jusque dans cette charmante contrée. Il avait le besoin de refaire son stock de tabac. »

« Et on raconte que vous vous seriez perdu dans la forêt domaniale de Seillon dans l’Ain. N’avez-vous eu peur d’une mauvaise rencontre. »

« Non, je raconte cette anecdote amusante dans mon livre. Je me suis trompé de chemin et n’ai pu retrouver mon hôtel quatre étoiles que tard dans la soirée vers 19h 30. »

« En effet, quelle aventure ! Moi, pendant ce temps j’ai vécu six mois chez le peuple Kawahiva en pleine forêt d’Amazonie. »

« Bon, allez, c’est dit : vous pourrez me suivre dans ma prochaine excursion à Balaruc. »

La foire aux poires

24 septembre, 2021

C’est la foire

Aux poires.

C’est à voir,

Il faut le croire.

On peut boire,

Sur les bords de la Loire,

Le soir,

Avant qu’il ne fasse noir.

Quelle histoire !

Mon sondage

23 septembre, 2021

« Je fais des sondages. »

« Ah bon ? Comment faites-vous ? »

« Je tire un échantillon de population et je sais tout sur vous ?  Par exemple, vous aimez mieux les tomates que les épinards. »

« C’est passionnant. Est-ce que j’aime mieux ma maitresse Josiane ou ma femme ? »

« Dans l’immédiat, vous préférez Josiane, mais ça vous coûte beaucoup d’ennuis. Vous préfèreriez ne pas être obligé de choisir. »

« Est-ce que je suis assez bien payé par mon patron ? »

« Non, sûrement pas. Vous êtes en colère parce qu’on ne vous considère pas assez. D’ailleurs vous êtes tout prêt de repasser votre gilet jaune. »

« Suis-je satisfait des programmes de télé ? »

« Non, pas du tout. Ils sont trop bêtifiants pour vous. Vous n’êtes pas du genre à absorber les mêmes séries américaines tous les soirs. »

« Pourtant, je les regarde… »

« C’est un effet de vos nombreuses contradictions. D’ailleurs, le choix des émissions de télé arrive au premier rang des motifs de disputes conjugales. »

« Et au deuxième rang ? »

« Nous avons votre réticence incompréhensible à passer vos week-ends chez vous beaux -parents. Ex-aequo avec votre façon décontractée de laisser trainer vos chaussettes sales. Thérèse envisage des sanctions. »

« Je ne suis pas étonné qu’elle soit d’accord avec ce sondage. Au fait, comment savez-vous qu’elle s’appelle Thérèse ?»

« C’est immanquable, vous choisissez vos femmes avec des prénoms qui arrivent en tête des prénoms les plus banals. »

« Evidemment, je suppose que vous savez pour qui je vais voter ? On peut même se demander pourquoi je vais voter. »

« Bien sûr que je le sais. A moins qu’au dernier moment, vous changiez d’avis. Nous savons qu’il y a des délinquants qui modifient leur vote au dernier moment pour le plaisir de déjouer nos sondages. C’est fortement interdit. »

« Pendant que vous y êtes vous pourriez me prendre dans votre échantillon pour votre prochain sondage. »

« Non, c’est un métier ! Il faut un bon profil. Nous n’avons que faire d’originaux comme vous. Il nous faut des gens qui pensent comme tout le monde. »

« Je vous conseille mon voisin Dugenou. Il pense comme le journaliste des actualités de 20 heures lui dit de penser. Il est d’accord sur la baisse du niveau scolaire, sur les violences policières, sur le dérèglement climatique… »

« Ben non… on l’a déjà pris. Il a tout déréglé le sondage. Sa femme a un prénom bizarre. »

S’envoyer en l’air

21 septembre, 2021

« Dans cinquante ans, nous voyagerons tous par les airs puisqu’il n’y aura plus de place pour toutes les voitures sur Terre. »

« Comment voyez-vous ça, maître ? »

« Nous aurons un petit gilet, muni d’une petite fusée dans le dos qui nous permettra de nous déplacer, à notre guise, dans toutes les directions. »

« Ce sont les pigeons du quartier qui vont être surpris ! Pourvu qu’ils ne prennent pas l’idée d’atterrir et de marcher sur le sol pour nous remplacer. »

« Donc, vous irez au bureau en surplombant les embouteillages provoqués par ceux qui sont contre les déplacements par fusée. Parce qu’il y aura sûrement ceux qui sont contre ; en France, il y a toujours des gens qui sont contre. »

« Ceux qui arriveront en retard au bureau seront sanctionnés. »

« Oui, puisque vous pourrez régler la vitesse de votre gilet à votre convenance. Ce sera la première fois que vous vous précipiterez à votre bureau à Mach 2. »

« Mon collègue Dugenou qui habite en face du bureau pourra sauter directement de la fenêtre de sa chambre jusqu’à son fauteuil. »

« Dans les airs, il faudra une réglementation. Si vous rentrez dans un nuage en même temps que votre voisine, madame Duplantier, il y a des risques de collision. »

« On ne pourra plus dire d’un air polisson qu’on va s’envoyer en l’air puisque c’est précisément ce qu’on fera. »

« Dans le même ordre d’idée, votre voisin, monsieur Duplantier, ne pourra plus prétendre qu’il a les pieds sur Terre, contrairement à vous ! »

« Et en cas de pluie ou de neige ? »

« Pas de problème, il suffira de vous élever au-dessus des nuages en faisant attention de ne pas vous cogner aux satellites ou aux avions gros porteurs. »

« Faire coucou aux passagers d’un Boeing par le hublot, ce sera sympa ! »

« Le petit problème, c’est qu’il n’y aura plus de frontières entre pays ! »

« Oui, on règlera d’une seul coup les problèmes d’immigration. On ne pourra pas installer un douanier derrière chaque nuage. »

« Il parait que le gilet-fusée pourra être utilisé aussi dans les couloirs du bureau. Nous irons plus vite, d’où gain de productivité. »

« Mon patron continuera à me dire que je ne touche plus terre ou que je me donne des grands airs ! »

« Il y a quand même le risque d’être détourné. Je ne serais pas étonné qu’un hacker trouve le moyen de prendre le contrôle de notre gilet et vende son logiciel en ligne. »

« Ce qui permettrait à Thérèse de m’enfiler le gilet en douce, le dimanche matin, et de m’envoyer chez sa mère pour le déjeuner ! »

« Oui, reconnaissons-le : le progrès présente toujours de effets pervers. »

Ci-gît !

20 septembre, 2021

Sur la Gironde,

La gironde

Gisèle

Gîte

Avec son gitan

Et son gibus.

Dans son giron

Un gigot

Gît.

Coups de gueule

19 septembre, 2021

« C’est un scandale ! »

« Qu’est-ce qui vous arrive ? Il est où le scandale ? »

« Je ne sais pas, mais ça m’arrangerait si vous aviez un scandale sous la main. Pour se faire remarquer aujourd’hui, il faut dénoncer un scandale ! »

« La pénurie de médecins dans nos campagnes, ça vous irait ? »

« Non, tout le monde le sait. Il faut surprendre. »

« Comment faites-vous pour vous indigner ? »

« Je pousse un coup de gueule. Vous n’avez pas remarqué ? Tout le monde pousse un coup de gueule actuellement. »

« C’est vrai, mais où ça nous mène tout ça ? »

« Aucune idée. L’important, c’est que je puisse pousser mon coup de gueule. Il devrait exister un droit au coup de gueule. »

« Est-ce que vous n’avez pas envie de dire des choses constructives plutôt que vous énervez contre n’importe quoi ? »

« Vous rêvez ! Comment se faire remarquer en disant des choses positives ? Si je n’aime pas le chapeau de la reine d’Angleterre, j’ai le droit de m’énerver dans tous les journaux ! »

« Ce n’est pas ce qui la fera changer de chapeau. Elle est têtue, vous savez ! »

« J’espère bien. Comme ça, faute d’autre chose, je pourrais toujours pousser un coup de gueule contre ses tenues. Je la surveille de près. »

« Il parait que vous voulez vous énerver contre l’équipe de France de foot. »

« Evidemment, ce n’est pourtant pas compliquer de mettre sur le terrain les joueurs que je conseille. Donc, allez hop : coup de gueule contre le sélectionneur, non mais alors ! »

« Vous êtes extrêmement sévère ! »

« Peut-être, mais vous avez remarqué ? Je suis à la pointe de l’actualité. On ne parle que de moi. D’ailleurs, il va falloir que j’arrête de vous parler gratuitement. Quand je donne un interview, c’est 120 000 euros les cinq minutes : allez hop ! »

« N’avez-vous pas envie de pousser un coup de gueule contre les gens qui poussent des coups de gueule à propos de n’importe quoi ?»

« Je vous vois venir ! Vous faites partie de ces minables petits intellos qui estiment qu’il faut des motifs sérieux pour s’indigner publiquement. »

« C’est mieux ! A force de pousser des coups de gueule, plus personne ne vous prend au sérieux. Vous perdez toute crédibilité. D’ailleurs, moi, l’expression coup de gueule me fait bien rire. »

« Vous préférez peut-être que je vous tacle sévèrement ? Avec vos questions idiotes, et votre façon de m’extorquer un interview gratuit, j’ai de quoi faire le malin pendant 15 jours. J’ai une idée ! On organise un débat télévisé entre nous deux et je quitte le plateau, très énervé, en vous traitant de crétin ou de connard. Au choix ! »

Tour à tour

18 septembre, 2021

A Tours

Autour

De la tour

Il y a des Vautours.

Fais le tour.

Ça vaut le détour.

Contourne

La tourbe

Sur ton retour.

Transparence

16 septembre, 2021

« C’est ainsi : quand je suis quelque part, c’est comme si je n’y étais pas. J’ai l’impression d’être transparent. Personne ne fait attention à moi. »

« Il est vrai, mon pauvre, que vous n’avez pas beaucoup de présence physique. Je ne sais même pas si vous êtes présent quand je vous parle. »

« Il y a pire. Quand je dis quelque chose, personne n’en fait cas, personne ne répond. C’est comme si je n’avais rien dis. »

« Vous êtes l’homme invisible. Vous êtes sur que vous avez une ombre ? »

« C’est ça. Des fois, des gens me marchent sur les pieds et ne s’excusent pas. Si je leur casse la figure, ils vont dire qu’ils se sont pris la porte sur le nez. »

« Si personne ne vous remarque, cela peut être un avantage : vous pouvez écouter ce que disent les gens ou regarder ce qui ne vous regarde pas. »

« J’aimerais mieux qu’on tienne compte de ma présence sur Terre. »

« Mon pauvre, nous serons bientôt dix millions, alors s’il faut tenir compte de l’amour-propre de chacun. »

« En plus, quand nous sommes plusieurs personnes à table, je me tape toujours le bout de table. Ou alors à côté d’une personne encore plus transparente. On ne tient pas compte de moi, sauf pour partager l’addition finale. »

« Il faut vous reprendre, mon vieux ! Faites quelque chose d’exceptionnel ! »

« Je me suis pourtant qualifié pour la finale du concours des spaghettis bologneses, mais personne n’a perçu l’importance de l’évènement. »

« Et quand vous n’êtes pas là, qu’est-ce qui se passe ? »

« Rien. Quand le rien n’est pas là, il ne se passe rien. Personne ne me demande où j’étais. Personne ne se souvient de mon absence. »

« C’est curieux, en effet. Le mieux ce serait que vous vous liez avec quelqu’un qui soit encore plus nul que vous. Ce serait le moins que rien. »

« Vous croyez ? S’il est moins que rien, je ne vais pas le remarquer. »

« Dites-vous que vous rassurez les gens qui se prennent pour quelqu’un. Et croyez-moi, ils sont très nombreux dans tous les domaines. »

« Si je vous suis bien, je pourrais rassembler les moins que rien et devenir quelqu’un dans le domaine de la nullité. »

« Ce ne serait pas si mal que ça. »

« Est-ce que je n’aggrave pas mon cas ? Un rien qui parle au nom de plusieurs riens, ça donne quoi. »

« Il est vrai qu’il vous faudrait un sujet. Dite n’importe quoi, de toute façon, comme vous êtes transparent, ça ne dérangera personne.  Vous pourriez même vous habillez n’importe comment, personne ne le verra. »

« Résumons-nous. Je suis un rien qui parle des riens, en disant n’importe quoi, habillé n’importe comment. Il faudra juste que je ne me fasse pas remarquer. »

123