Archive pour juin, 2015

Leçon de drague

30 juin, 2015

« Vos yeux sont des océans de lumière dans lesquels j’aimerais me noyer. »

« Vous ne croyez pas que c’est beaucoup. »

« Alors, voilà ! Quand on vous sert du romantisme, vous vous moquez. Quand on est trop direct, ce n’est pas bien : on est tous des porcs qui ne pensent qu’à ça ! »

« Le romantisme, c’est terminé. Arrêtez de vous mettre à genoux en me tendant une rose, je vais éclater de rire. Quant au style direct, c’est la prison assurée pour harcèlement sexuel. Essayez de faire plus subtil. »

« Je peux dire que j’ai beaucoup d’argent ? »

« Euh… non, pas comme ça. Il faudrait plutôt m’inviter dans des palaces pour que je soupçonne que vous avez beaucoup d’argent. Auquel cas, en supposant que je sois une femme cupide, il se peut que vous m’intéressiez. »

« C’est que je n’aime pas beaucoup la cupidité. Je peux peut-être mettre en avant mes performances sportives. »

« Oui, mais alors, évitez de faire saillir vos biceps ou vos pectoraux sous mon nez, c’est très indélicat. Arrangez-vous pour vous habiller de façon à mettre discrètement en valeur la carrure de vos épaules. Votre imper qui pendouille… ça ne le fait pas ! »

« J’ai mis mon imper parce qu’il pleut. Vous ne tenez pas compte des intempéries ? »

« Non, absolument pas. Un homme viril ne s’habille pas après avoir consulté le bulletin météo. Une silhouette en tee-shirt, en plein hiver…. Ça pourrait me tenter… mais c’est rare. »

« Mais j’ai de la conversation, ça compte ? »

« Oui, mais vous allez encore monopoliser la parole avec vos histoires de boulot ou alors vos vacances de ski à Courchevel dont je me fiche complètement. »

« Et un silence complice ? »

« C’est encore pire, ça signifie que vous n’avez rien à dire. Et puis évitez de me faire remarquer mes contradictions : je sais que je  ne veux ni de silence, ni de conversation. Je ne veux ni un mou du genou, ni un ultra-viril.  Il me faudrait quelque chose d’autre. »

« Quoi ? »

« C’est à vous de deviner. Je ne vais tout de même pas faire votre boulot. »

« C’est un peu spécial…. Je pourrais peut-être me manifester uniquement par des beuglements bestiaux, me déplacer à quatre pattes et mordre des mollets. »

« Vous allez terminer au commissariat… »

« Vous viendriez me délivrer, folle d’inquiétude après avoir réveillé tous les meilleurs avocats de la ville. A la suite de quoi, nous finirions la nuit chez vous ou chez moi, ivres de fatigue et d’alcool. »

« Euh… on pourrait peut-être en revenir à une conversation civilisée, je ne suis pas d’humeur à courir les postes de police. »

S’engager ?

28 juin, 2015

« Moi je ne prends pas parti sur le plan politique. »

« Vous n’êtes pas courageux. Moi, je m’engage à fond pour mon parti. »

« Prendre parti, ça oblige à défendre coûte que coûte ce que décident les instances du parti. Certes, elles vous écoutent, mais elles font ce qu’elles veulent. Si vous n’êtes pas d’accord, vous êtes prié de vous aligner quand même, et de payer votre cotisation. »

« C’est normal ! C’est la démocratie ! Il faut savoir être solidaire d’un groupe ! Finalement, vous n’êtes qu’un orgueilleux ! »

« C’est possible, mais en étant seul de mon propre parti, je ne risque pas d’être en désaccord avec me direction. J’applique ce que j’ai décidé. »

« Est-ce aussi sûr que ça ? Ça vous arrive sûrement d’être en désaccord avec vous-même. Et puis savez-vous ce qui est bon pour vous ? »

« Peut-être que non. Mais quand je me trompe, je ne suis pas obligé de poursuivre dans la même voie, au seul motif qu’il s’agit des décisions du parti. »

« C’est bien ce que je pensais, vous ne pensez qu’à vous. Mais que faites-vous de la vie collective ? La question, ce  n’est pas seulement ce qui est bien pour vous, mais aussi ce qui est bon pour le groupe auquel vous appartenez. »

« Vous, je sens que vous vous sacrifierez volontiers pour la collectivité. »

« Je ne sais pas, mais il ne s’agit pas forcément de se sacrifier. Il s’agit par exemple de savoir comment on répartit les ressources dans la société. »

« Vous ne craigniez pas, par exemple, que sous couvert de vouloir le bien collectif, vos chefs de parti aient le seul objectif d’accéder au pouvoir. »

« Euh… c’est un peu le but, car mais c’est le seul moyen de mettre en œuvre nos idées. »

« Surtout les leurs. Et puis être d’un parti, ça veut dire démolir systématiquement l’autre, même s’il a de bonnes idées. Ce n’est pas une attitude intellectuelle très constructive. »

« Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Moi, j’essaie de contribuer à l’accession au pouvoir de mon parti, je ne vais tout de même pas contribuer à la victoire des autres. »

« Vous avez tort : quand vous serez au pouvoir, les gens critiqueront ce que vous faites, pour la seule raison qu’ils aiment bien râler. Finalement, vous aurez gagné, mais aussi gagné le droit de vous faire écrabouiller à l’élection suivante. »

« Et alors ? Encore une fois, ça s’appelle la démocratie, monsieur ! On est d’un côté ou de l’autre, on se bat, et on perd ou on gagne, c’est comme ça. Ceux qui ne prennent pas parti en pensant qu’on peut mettre tout le monde d’accord sont au mieux des naïfs, au pire des intellectuels. »

« Moi, je ne prends pas parti ou plutôt je suis du parti de ceux qui n’aiment pas les caractériels qui estiment avoir toujours raison. »

« C’est bien ce que je disais …. Un intellectuel, quoi. »

Terre ! Terre !

27 juin, 2015

Maurice était un parlementaire

Elu du Finistère

Il n’était pas du genre à se taire.

C’était aussi un champion d’haltères.

Il s’est acheté un hélicoptère

Pour aller en Angleterre

Où il a vécu d’expédients alimentaires

Jusqu’à ce qu’on l’enterre

En pleine terre

Vive la marine !

26 juin, 2015

Ce n’est pas une vedette

Mais il a obtenu son bac

La rue connait sa démarche chaloupée,

Ses pieds grands comme des péniches

Et son allure lente comme un escargot.

Il est en galère,

Mais il est cuirassé contre les mauvais coups.

Personne n’ose le mener en bateau.

Devant lui, on n’ose pas se gondoler.

Un type bizarre

25 juin, 2015

  « Je n’ai pas de portable. »

« Comment ? Vous n’avez pas de portable ? Alors, vous faites comment pour avoir l’air important dans la rue ? »

« J’ai pas d’air. Je regarde les autres, j’écoute, je respire. »

« Mais alors, si je veux vous joindre, je fais comment ? »

« Vous attendez que je rentre chez moi ou alors vous m’envoyez un courrier par la Poste ? »

« La Poste ! Et pourquoi pas un pigeon voyageur pendant qu’on y est ? Je suppose que vous n’avez jamais entendu parler de mail ou de texto ? »

« Ces trucs bourrés de fautes d’orthographe qu’on consulte en voiture ? Non, jamais. De toute façon, je n’ai pas de voiture. »

« Il n’a pas de voiture et il me dit ça comme ça, tranquillement. Vous êtes pauvre ou quoi ? »

« Non, je gagne bien ma vie, je préfère les transports en commun que je finance – soit dit en passant – par le biais de mes impôts. »

« Bon, dites-nous la vérité. Vous faites ça pour vous faire remarquer. Pour jouer au mec qui s’oppose au modernisme dans ce qu’il a de plus aliénant. Je parie que vous allez nous dire que vous votez écolo. »

« C’est vrai que je ne tiens pas aliéner ma liberté. Mais je ne vote pas écolo, je comprends rien à ce qu’ils veulent. »

« Bon… récapitulons. Vous ne vous promenez pas la tête penchée sur votre portable en donnant l’impression de parler tout seul comme un débile, vous ne vous énervez pas dans les bouchons en jurant comme un charretier et vous ne culpabilisez personne en jouant aux écolos. Je parie que vous lisez des bouquins en ne vous contentant pas de la quatrième de couverture comme tout le monde. C’est quoi votre truc ? Vous êtes dans une secte ? »

« Vous allez rire : en plus je ne suis pas endetté jusqu’au cou ! »

« Vous m’effondrez ! Il faudrait consulter ! Il y en a qui sont en maison de repos pour moins que ça. »

« C’est obligatoire maintenant d’acheter plein de trucs, très chers qui vous créent tous les ennuis que vous pourriez ne pas avoir gratuitement ? »

« Oui, c’est obligatoire. Vous n’êtes rien, si vous n’avez pas de portable, de tablette, plein de cartes de crédit, sans compter le GPS dans votre bagnole… Vous devriez être dénoncé pour usage excessif de la liberté individuelle. »

« Pourtant, j’avais le Minitel… »

« Ecoutez, vous pouvez vous racheter. On va transformer votre maison en musée. On fera venir des enfants pour qu’ils voient votre misère : votre Minitel, votre écritoire et la plume d’oie qui va avec, votre téléphone à manivelle… Ce sera comme un sanctuaire qui honorerait le passé. En sortant, ils gouteraient mieux la chance qu’ils ont de vivre dans une société ouverte, connectée, vivante quoi… ! Peut-être même que – pris de pitié – ils vous laisseront un pourboire pour vous aider à vous réinsérer ! »

Salon de coiffure

24 juin, 2015

La reine a un favori

Ensemble, ils pêchent le merlan

Ou la raie.

Puis ils vont manger des crêpes

A la banane.

La reine lui voue une affection permanente,

Même s’il est court sur pattes.

C’est sûr, ils sont de mèches

Avec les anglaises.

Un tricheur

23 juin, 2015

« J’ai passé ma vie à tricher. »

« Et vous dites ça, comme ça. Sans vergogne. »

« Oui, ça a commencé avec mes dispenses de gymnastique au lycée. Toutes falsifiées. J’ai été aussi très souvent malade les dimanches matin, lorsque l’abbé du catéchisme décrétait  une messe obligatoire. »

« C’est gênant, non ? »

« Pas vraiment. Je n’ai jamais eu la foi. Pour le bac et à la fac, je ne me suis pas amélioré. J’ai passé mes examens en attaquant les révisions huit jours avant la date fatidique. Quand je pense à toutes les impasses que j’ai faites, je peux dire que la chance m’a toujours souri. »

« Vous allez me dire que vous avez réussi professionnellement malgré tout. »

« Oui, d’autant plus que je n’ai pas arrêté de tricher dès que je suis entré dans la vie active. »

« De quelle manière ? Ça m’intéresse. »

« La triche de base, c’est la langue de bois. A partir du moment où vous adoptez le « bon » vocabulaire, le fond importe peu. Dites : performance, évaluation, stratégie, projet, feed-back, bottom-up, bilan de compétence, coaching, management par objectifs… et c’est bon. »

« Oui, mais enfin ce n’est pas suffisant, il y a certains dirigeants qui ont fait des études et qui deviennent méfiants… »

« C’est vrai, mais il y a des stratégies de tricherie quotidienne qui fonctionnent bien. »

« Comme partir le soir après les autres, en passant devant le bureau du chef pour qu’il remarque votre investissement. »

« Oui, c’est ce qu’il y a de plus classique. Je l’ai longuement pratiqué. Mais il y a pire. S’asseoir auprès de son chef à la cantine et se lever dès qu’il a besoin de quelque chose. Ou alors solliciter humblement son avis sur tout sujet, même quand on n’en a pas besoin. Enfin, il y a de quoi faire un dictionnaire… »

« Vous n’êtes pas coupable, tout le monde triche un peu… »

« L’ennui, c’est que la plupart des gens ne s’aperçoivent même plus qu’ils trichent. Moi, j’en suis conscient bien que je ne puisse pas m’en passer. Donc, je souffre. »

« C’est vrai qu’il ne faut pas trop se poser de questions sur ce qu’on fait… »

« Evidemment, je suis passé de femmes en femmes en jurant à chacune qu’elle était la bonne. Je vous demande un peu pourquoi j’éprouve le besoin de raconter n’importe quoi dans ce genre de circonstances. »

« Il est probable que ça vous désinhibe. »

«  Bon, d’accord, mais alors … quand arrête-t-on de tricher ? »

« J’en sais rien. Vous avez demandé à l’abbé ? »

« Oui, il m’a dit de prier et qu’on verrait ça à la fin de tout. C’est sympa, mais en attendant je continue à inventer des trucs pour tricher, et en plus ça ne me dérange absolument pas. »

« Même pas un peu ? »

« Non, c’est la normalité. L’extraordinaire, c’est quand on a fini de tricher. »

A dada

22 juin, 2015

Son cavalier

N’est pas chevalier

Ni cavalier.

Mais il a des manières cavalières.

Avec les femmes, c’est un cavaleur.

Maintenant, il est en cavale.

Poursuivi par la police, il s’est caché dans la cavalcade.

Puis il cavalé

Au milieu du carnaval.

A l’assaut !

21 juin, 2015

« Moi, j’appelle un chat un chat. Je n’ai pas peur d’être très clair. »

« Pas moi. J’aime bien entretenir une ambiance de doute et de mystère autour de moi. »

« Vous vous rendez compte ? C’est très gênant pour les autres.»

« C’est un fait exprès. Personne ne sait ce que je pense. Même pas moi-même, parfois. C’est un système de défense. »

« Et vous êtes content de vous ? »

« Le problème n’est pas d’être content ou pas content. Le problème, c’est de se défendre contre les agressions. Les gens sont obligés de prendre des précautions pour m’aborder car ils n’ont aucune idée de mes réactions. J’ai le temps de les voir venir de loin. »

« C’est comme au Moyen-âge. Vous vous enfermez dans votre château fort et vous observez l’ennemi qui arrive à fond de train dans la plaine avant de piétiner sous vos murs en se demandant comment ils vont vous attaquer. »

« C’est exactement ça. Si vous êtes tout le temps clair avec les autres, c’est comme si vous abaissiez le pont-levis pour laisser entrer le tout-venant. »

« Vous n’avez jamais imaginé qu’on puisse vous aborder sans vouloir vous attaquer. »

« Et le drapeau blanc ? C’est fait pour les chiens ? Rien n’empêche de négocier dans le respect mutuel. Je convaincs alors les assaillants d’aller porter le conflit chez le voisin. Tout le monde y gagne, sauf le voisin. »

« Je voulais dire qu’on peut très bien parler des relations humains autrement qu’en termes guerriers ! »

« Absolument. Je peux très bien m’entendre avec mon assaillant, former une coalition avec lui sur la base d’un contrat librement consenti et aller attaquer le voisin pour lui prendre son bien. »

« Vous ne comprenez rien. De toute façon, on est sorti du Moyen-Age aujourd’hui. Plus personne n’attaque son voisin. »

« Vous avez raison : les grandes firmes s’entendent entre elles pour ne laisser aucune chance aux petites et aux consommateurs, c’est beaucoup mieux qu’à l’époque médiévale. Au bureau, je me suis entendu avec Dugenou pour traiter les dossiers intéressants sans Mollard. »

« Donc vous avez été très clair avec Dugenou… »

« Non, je maintiens une ambiance un peu mystérieuse entre nous pour qu’il sente que je pourrais très bien changer de camp. Le doute sur ce que je vais faire ou ce que je pourrais faire, c’est mon arme favorite. »

« Ce qui est clair, c’est que vous n’êtes qu’un vieux pervers. »

« Même pas, tout le monde en fait autant. Par exemple, Mollard m’a laissé entendre qu’il a invité Dugenou à diner pour que je me perde en suppositions à propos de ce qu’ils ont pu se dire. »

Quoi ?

20 juin, 2015

C’est l’histoire d’un iroquois.

Né à Dax, c’était un dacquois.

Dans son regard, il y avait un je-ne-sais-quoi

De narquois.

Comme les indiens, il portait ses flèches dans un carquois.

Il était bavard, jamais coi.

Un jour, il partit pour le pays québécois.

Dieu sait pourquoi.

Cette histoire, c’est n’importe quoi.

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