Archive pour janvier, 2018
Il faut réserver !
30 janvier, 2018« Je me demande si j’ai bien ma place sur la planète. »
« Allons bon, voilà autre chose. Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? »
« Il faut toujours quémander ma place. Au restaurant, il faut réserver. A l’avance. Et ce n’est pas sûr qu’on vous prenne. Lorsque j’ai voulu aller dans la fac de mon choix, il a fallu aussi que je l’affiche sans être sûr d’être entendu. »
« C’est normal, il y a du monde qui veut la même chose que vous. »
« Oui, mais moi, ça me donne toujours l’impression d’être rejeté par la société. Ainsi quand j’arrive sur un parking public, en général c’est complet et personne ne me donne sa place pour garer ma voiture. »
« C’est normal, il faut prendre la queue. »
« Et voilà, c’est le problème ! La prolifération des files d’attente dès que je sors de chez moi : au supermarché, au péage de l’autoroute, chez le médecin, au cinéma… Nous sommes dans la civilisation de la file d’attente. »
« Certes, mais quand tout le monde veut la même chose, il faut bien s’organiser. On ne va tout de même pas retourner au temps ancien où c’est le plus fort qui avait systématiquement la priorité. Chacun, son tour ! »
« Peut-être, mais moi ça me donne l’impression de ne plus pouvoir exprimer ma personnalité. Au supermarché, je n’ai même plus le temps de draguer la caissière. Chez le médecin, j’ai la sensation qu’il ne s’occupe pas de mon cas avec plus d’application que celui qui me précède ou celui qui me suit. »
« Si je comprends bien, vous voudriez qu’on vous accueille partout comme un être humain et non pas comme un numéro. »
« Oui, au restaurant par exemple, j’aime bien qu’on m’appelle par mon nom et qu’on tienne compte de mes habitudes. Genre : par ici M.X… , on vous a gardé votre table habituelle. »
« Au péage de l’autoroute, c’est un peu compliqué. Le personnel est remplacé par des machines automatiques qui se fichent un peu de votre nom, pourvu que vous payiez. »
« C’est bien le problème ! Mais le médecin par exemple pourrait réserver une demi-journée pour moi. J’aurai le temps d’exposer en détail mon cas. Eventuellement, nous pourrions en discuter autour d’un verre. Il comprendrait beaucoup mieux ce qui m’arrive. »
« Euh… la Sécu ne va peut-être pas être d’accord… »
« Et voilà ! Tout est fait pour brider ma liberté ! Réserver sa place, ça ne me permet pas d’exprimer mes impulsions créatives. Ainsi, je devrais pouvoir me lever le matin et aller prendre l’avion pour n’importe où sans l’avoir prévu six mois à l’avance. Ou alors aller au resto sans me faire mettre à la porte au prétexte que je n’ai pas réservé. »
« Vous vous rendez compte du bazar que ce serait si tout le monde faisait comme ça ? »
« Peut-être, mais alors il ne faut pas se plaindre si les citoyens ont l’impression d’être des numéros, parce que c’est bien ce qu’ils sont ! »
Une partie en doublettes
29 janvier, 2018La déclaration
28 janvier, 2018« Constance, je me consume pour vous. »
« Non, vous ne pouvez pas dire les choses comme ça. C’est beaucoup trop littéraire. On n’est pas dans une pièce de Molière. »
« Alors, je brûle d’amour pour vous ? »
« Pas mieux. »
« Alors qu’est-ce que je dis ? »
« Il faut faire simple : Constance, je vous aime. »
« C’est dur ! Et si elle est déjà engagée par ailleurs, je vais me ramasser. Et je vais passer pour un idiot. Vous vous rendez compte de la blessure ? »
« Oui, mais c’est comme ça que ça marche. Il est probable que vous allez souffrir. Et plus vous allez insister, plus vous allez souffrir. Normalement, vous allez avoir droit au célèbre « restons bons amis ». Ceux qui sont passées par là, ne s’en sont pas relevés. »
« Et si je faisais celui qui n’est pas du tout intéressé. Ou alors en essayant d’être désagréable avec elle. »
« Vos yeux vont vous trahir. Elle va s’en amuser jusqu’à ce qu’elle vous dise que vous lui cassez les pieds, auquel cas vous allez doublement souffrir : d’abord parce qu’elle ne vous aime pas, ensuite parce que vous l’avez importunée ! »
« C’est compliqué ce truc. Le mieux, ce serait qu’elle devienne amoureuse. Si j’accomplissais un exploit surhumain devant elle ? »
« Moi, je veux bien, mais vous ne pouvez pas trouver une occasion de sauver le monde tous les matins. En plus, il faudrait qu’elle soit présente pour assister à votre œuvre. »
« Et si je faisais le modeste, celui qui ne fait rien d’intéressant. »
« Elle va vous prendre pour quelqu’un d’inintéressant. »
« Bon, alors il faudrait que je fasse quelque chose de viril ! Si je pars sur les chemins, sac au dos, dans les steppes de l’Asie Centrale, vous croyez que ça peut le faire ? »
« Vous pouvez toujours essayer, mais ce n’est pas garanti. »
« Vous avez raison. Et puis avec la chance que j’ai, je risque de tomber sur une grève des pilotes et de dormir trois jours parterre dans un aéroport. Bon… j’ai une autre idée : je prends l’air mystérieux. »
« Il y a longtemps que votre air mystérieux n’intrigue plus personne. Vous risquez de passer pour un malade mental, ce qui n’est guère attirant. »
« Finalement, le mieux, c’est de ne rien faire. »
« Ce n’est pas mal, sauf qu’il y a un risque. Si vous ne faites rien, il ne se passera rien. Le mieux, quand même, c’est que vous l’intéressiez. »
Euh… !
27 janvier, 2018C’est le C
26 janvier, 2018Les choses qui comptent
25 janvier, 2018« Quelles sont les deux choses les plus incontestables sur Terre ? »
« Qu’est-ce que vous entendez par là ? »
« Les deux choses qui s’imposent d’elles-mêmes, comme des vérités immanentes que personne ne songe à remettre en cause. »
« Le foot à la télé et le gratin dauphinois. »
« Pas du tout. »
« Alors quoi ? »
« Le soleil et la pluie. Essayez – par exemple – de contester le soleil, vous m’en direz des nouvelles ! »
« Si on va par là, il y a aussi la vie et la mort. »
« Non ! La vie, les médecins la contestent en essayant de l’allonger. Par le fait même, ils contestent la mort. Certains en seraient même revenus ! »
« Bon d’accord, le soleil et la pluie. Et après ? »
« Et après, je trouve que c’est fantastique de penser que dans trois cent ans, les soucis majeurs des hommes seront le soleil et la pluie. Les présentatrices de bulletin météo ont une longue carrière devant elles. »
« C’est vrai, les parapluies et les ombrelles seront des objets qui traverseront les siècles, voire plus. »
« Oui, mais ils évolueront. Je pense que nous aurons bientôt des drones-ombrelles et des drones-parapluies qui suivront leurs propriétaires pas à pas, pour les protéger des ardeurs du soleil ou des pluies diluviennes. »
« Ce serait pas mal, en effet. J’ai toujours tendance à oublier mon pépin, quand je me rends quelque part. Le drone-parapluie me rendrait un fier service en me suivant sans que j’y pense ! »
« Pendant que j’y pense, on pourrait aussi imaginer un drone-service. Ce serait un drone qui nous suivrait en se chargeant de tout ce qu’il ne faut pas oublier quand on part de chez soi le matin : portefeuille, carte bancaire, carte de parking, téléphone portable… »
« Oui et par moment, il ne nous suivrait pas, mais il nous montrerait la direction, ça m’éviterait d’oublier de passer à la boulangerie pour acheter une baguette en rentrant chez moi, ou d’aller au pressing pour récupérer la jupe de Josiane. »
« En plus, vous pourriez coupler votre drone et votre hologramme. »
« Ah bon, comment ça ? »
« Imaginez que vous n’avez aucune envie d’aller chez votre belle-mère. Vous envoyez votre hologramme qui sera guidé par votre drone et hop ! Le tour est joué ! »
L’enterrement du corsaire
24 janvier, 2018Vivement le mois de mars !
23 janvier, 2018« Quel est le mois de l’année que vous préférez ? »
« Moi, c’est le mois de mars, à condition que Pâques tombe en avril. »
« C’est curieux comme choix. »
« Non, c’est le mois le plus tranquille. Il n’y a aucune fête, rien à célébrer. On se contente d’égrener paisiblement 31 jours, sans être obligé de se demander ce qu’on va faire pour honorer la saint-Truc ou la saint-Bidule. »
« Pourtant, vous avez le mois de mai qui est pas mal avec pleine de ponts ! »
« Non, justement ! On est obligé de se demander ce qu’on va faire pendant les ponts. En plus, il y a un vice fondamental dans le mois de mai, c’est que le 8 tombe 7 jours après le 1er, si bien que si le 1er mai est un dimanche, le 8 est aussi un dimanche et vous l’avez dans l’os ! »
« Et le mois d’août ! Ne me dites pas que vous n’aimez pas le mois d’août ! »
« Je hais le mois d’août. C’est encore un mois où il faut absolument « partir ». Résultat on se retrouve à plusieurs millions sur les autoroutes, suant comme des porcs, puis sur les plages pour prendre des ballons de volley dans la figure. Ou pire encore dans les aéroports pour dormir parterre parce que les pilotes sont en grève. »
« Moi, j’aime bien le mois de février. Le ski, les soirées au coin du feu, tout ça… »
« Vous trouvez ? Les routes sont enneigées, vous vous gelez les doigts parce que vous ne savez pas monter vos chaînes sur vos pneus et au final vous avez le plaisir de passer une nuit dans un centre d’hébergement en attendant que la route soit dégagée. »
« Vous ne voyez que le mauvais côté des choses. »
« Vous avez raison. Le mois de février a deux avantages. Le premier, c’est la Chandeleur, j’aime bien les crêpes. Le second, c’est qu’il est le mois le plus court, ce qui permet d’arriver rapidement au mois de mars. »
« Je ne vous parle pas du mois de décembre, évidemment ! »
« Il ne vaut mieux pas. Chercher des cadeaux qui vont finir au fond des placards. Bouffer comme quatre pour avoir mal à la tête le lendemain. Souhaiter la bonne année à des gens qui se fichent de celle que vous allez passer. Merci bien ! »
« Et le mois d’octobre, ce n’est pas mal, non ? Il n’y a rien. »
« Justement, comme il n’y avait rien, on est allé chercher Halloween chez les Américains. Le résultat, c’est comme je n’ai jamais de bonbons pour les enfants qui viennent sonner chez moi, je passe pour le vieux rapiat du quartier. »
« On n’a encore pas parlé de novembre. »
« C’est le pompon ! Aller sur les tombes sous lesquelles on finira bientôt. Merci ! C’est bon pour mon moral ! »
« Juillet et septembre, je suppose que ce n’est pas la peine d’en parler ? »
« Juillet, c’est le tour de France que les français ne gagnent plus depuis 40 ans ! Septembre, c’est le souvenir de ces jours maudits pendant lesquels j’ai eu mal au ventre à chaque rentrée des classes. »
« Il nous reste janvier. »
« Non plus, c’est le mois pendant lequel je passe mon temps à me dire qu’il va falloir se taper une dizaine d’autres mois complètement pourris. »