Archive pour la catégorie 'Qu’est ce que tu veux faire quand tu seras grand?'

Qu’est-ce que tuveux faire quand tu seras grand ? (7)

30 mars, 2010

Moi, je serai désinvolte. Ce n’est pas un métier, c’est une attitude devant la vie. J’aborderai l’existence sans avoir l’air de la prendre ni de l’apprendre. J’aurai une attitude distinguée, décontractée, incroyablement libre d’esprit. On me prendra pour un dilettante, peut-être même pour un paresseux, un tire-au-flanc. Mais sous une apparence soignée de détachement et d’indifférence, seuls quelques initiés privilégiés comprendront que, dans le fond, je serai un grand amoureux de la vie, prêt à m’investir dans toutes sortes de grandes aventures humaines, tout en ayant la pudeur de ne pas paraître m’attacher affectivement aux situations et aux êtres qui traverseront ma route.

Je commencerai le jour du bac. Je ne réviserai rien, mais alors rien de rien. Mon mois de juin se passera à la piscine. Je ne me laisserai pas atteindre par un stress qui pourrait perturber mes capacités d’analyses pénétrantes et de synthèses fulgurantes. J’arriverai tout juste à l’heure de la première épreuve, en sifflotant, les mains dans les poches pour impressionner mon entourage et les autres candidats. Comme l’examen débute toujours par la philo, je suis sûr de moi. Mon recul sur l’existence, la qualité de ma réflexion personnelle, mon style littéraire étourdissant emporteront l’adhésion enthousiaste des correcteurs quel que soit le sujet. Peut-être même traiterai-je les trois sujets : c’est moi qui donnerait la chance aux profs de noter le devoir de leur choix. Après pour les maths, on avisera. Je trouverai sûrement une solution honorable. En histoire, ça devrait aller. J’ai lu toute la collection des Rois Maudits. Si le sujet tombe sur la guerre de 14, je ferai des rapprochements historiques somptueux qui laisseront pantois mon examinateur. Plusieurs spécialistes songeront à couronner mon devoir des palmes académiques.

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Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? (5)

25 mars, 2010

Moi quand je serai grand, je serai en retard. Il existe plusieurs façons d’être en retard. En gros, on peut dire qu’on peut distinguer deux catégories de retardataires : ceux qui ont laissé passé l’heure par mégarde et ceux qui le font exprès. J’ai testé les deux registres : dans les deux cas, l’effet final est assuré.

L’année dernière, j’ai fait ma première communion. Le jour dit, j’étais pourtant pétri de bonnes intentions. La veille au soir, ma mère avait soigneusement préparé mes vêtements de cérémonie à coté de mon lit. Mes chaussures, pour une fois, avaient été astiquées. Le fameux brassard blanc qui devait signaler à l’attention de l’assistance les héros de la fête, reposait délicatement sur le dossier d’un fauteuil.

A mon réveil, le brassard avait disparu. Panique dans la famille, recherches vaines dans les armoires, sous les lits, dans les commodes. Jusqu’à ce que mon père comprenne que Pompom, la chatte de la maison s’était emparée de l’objet sacré jusqu’à l’entraîner dans sa couche qu’elle estimait sans doute manquer de confort. Elle avait passé la nuit mollement pelotonnée sur l’insigne qui devait me distinguer tout au long de cette journée.

Il fallut débarrasser l’objet des poils du félin. Je pénétrai donc dans l’église, sur la pointe des pieds, largement après le début des débats. Mon arrivée allait rester dans les annales de l’évêché. Alors que l’Abbé Péruchet qui avait passé les six dernières semaines à mettre au point l’ordonnancement millimétré de la cérémonie avait entamé un sermon de haute tenue spirituelle sur l’entrée dans la vie de ces jeunes âmes sans tâches, j’essayai de me glisser comme je pouvais à ma place en bousculant une rangée de congénères qui ne purent s’empêcher d’amplifier le dérangement que je causais en criant « Aïe », « Ouïe ». Je m’arrangeai tout de même pour écraser au passage les tarses et métatarses du grand Pierrot en souvenir des crocs-en-jambe dont il m’avait gratifié lors de notre dernière partie de foot.

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Qu’est ce que tuveux faire quand tu seras grand (4)

9 mars, 2010

Moi quand je serai grand, je serai vendeur de sensations fortes. Les gens s’ennuient, je suis sûr qu’ils s’ennuient. Je le constate chaque fois que je m’assieds sur un trottoir pour voir défiler leurs visages défaits et consternés par la banalité de leur quotidien. Il y a un marché à prendre.  

Prenons l’exemple de M.Mathurin, notre voisin : il ne lui arrive jamais rien. Sauf que, de temps à autre, sa télé tombe en panne. L’incident lui donne l’occasion d’entrer en communication avec Papa qui n’attend que ça puisque lui aussi, à part lire le journal dans un sens puis dans l’autre, personne ne lui connaît d’occupation intense dans la famille. C’est une démarche qui sort M.Mathurin de son mutisme quotidien. Il est ravi, il peut en profiter pour parler foot ou météorologie ou encore des scooters des jeunes qui font du bruit dans la rue ou des graffitis dans l’ascenseur. Ce n’est pas si mal que ça. C’est dit : je fonderai une entreprise commerciale qui vendra des appareils susceptibles de tomber en panne à tous moments. D’ailleurs, si le matériel ne connaît pas d’incidents dans les trois mois, nous proposerons une garantie : un casseur se rendra immédiatement à domicile pour détraquer votre tondeuse à gazon. Ce regrettable incident vous permettra d’entrer en contact avec le propriétaire mitoyen. Non seulement, vous bénéficierez ainsi d’une communication humaine, mais vous pourrez également mesurer le degré de solidarité de votre interlocuteur, ce qui vous donnera, si vous avez de la chance, un sujet de conversation sur la ladrerie des gens, au cas où le dit voisin ne manifesterait aucune intention de vous prêter la tondeuse de dernier cri qu’il vient d’acquérir auprès de la jardinerie la plus proche.

J’ai pensé à un autre créneau : la vitesse. Les gens paient très cher leur séjour d’une semaine sur les pentes neigeuses pour se donner l’impression d’être les rois de la glisse. J’inventerai le logiciel qui leur donnera, en restant chez eux, le sentiment de descendre la piste du Kandahar à la même allure que le dernier champion olympique en titre. Le produit existe déjà sur Internet, me dira-t-on ? Oui, mais le mien comprendra un mécanisme qui enverra dans la figure ravie de l’Internaute, confortablement installé dans son salon, la même tempête que doit affronter un champion de ski dans sa descente préférée. Ça devrait décoiffer !

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Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? (3)

28 février, 2010

Quand je serai grand, je voudrais être gardien de zoo. Mais attention ! Gardien, et non pas garçon d’écurie chargé de nourrir les animaux. Je n’ai pas l’intention de terminer ma carrière à moitié estropiée par un lion pris d’un accès de mauvaise humeur ou un crocodile mal embouché. Les gens qui disent aimer les animaux savent rarement à quel point ceux-ci peuvent être voraces ou indisciplinés quand l’heure du déjeuner vient à sonner.

J’aurai plutôt un bel uniforme vert et ma tâche sera de circuler à bord d’une automobile électrique dans les allées du parc zoologique. Une voiture comme celle que conduit Georges Bush d’un air goguenard lorsqu’il va jouer au golf. Elle ne fera pas de bruit tout en étant très maniable. Je serai également doté d’un sifflet jaune comme celui des arbitres de foot qui me permettra d’interpeller bruyamment les enfants qui jouent sur les pelouses alors que cela est sévèrement interdit ! Combien de fois faudra-t-il le leur répéter !

J’aurai la sensation de liberté dans ma petite voiture, tout en étant proche de la nature, ce qui ferait plaisir à mes parents qui sont de tendance écolo depuis qu’ils passent leur samedis à trier les déchets de nos poubelles selon des critères que je n’ai pas encore très bien compris.

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Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grande ? (2)

25 février, 2010

Je voudrais être la cigale ou la fourmi. Ou les deux à la fois, je ne sais pas trop. Et puis le corbeau pendant que j’y suis, mais pas le renard. Les personnages de La Fontaine me paraissent trop caricaturaux, il faudra que j’emprunte quelque chose à chacun d’entre eux. Et puis de toutes façons, ses fables ont été jusqu’ici mal étudiées, il faut absolument les revisiter pour bien comprendre la psychologie des personnages. Je vais réhabiliter la cigale, la fourmi et le corbeau.

Ses derniers disques ayant eu un succès considérable, la cigale a fait ses valises et est partie tout l’été, en tournée dans le Midi. C’est normal : les grandes vedettes se doivent à leur public. Mais on voit bien que La Fontaine n’a pas l’habitude de fréquenter le show-biz. Comment voulez-vous que la cigale qui sort de concert épuisée à une heure du matin ait le temps de passer à Carrefour pour s’acheter des provisions ?  Tout le monde sait que le grand magasin ferme ses portes à 22 heures au plus tard !

La cigale se réveille vers midi, juste à temps pour reprendre la route vers une nouvelle destination où des milliers de fans l’attendent. C’est ça, la vie d’artiste, Monsieur de La Fontaine ! Je reconnais que le Grillon et le Cricket, ses imprésarios, pourraient s’occuper un peu mieux de l’avenir de la chanteuse, tout de même ! Mais ces gens-là se comportent comme des tiroirs-caisses. Tout ce qui leur importe c’est que cette pauvre cigale draine les foules dans leurs spectacles. La cigale n’est qu’une victime du star système, Monsieur de
La Fontaine. Mais quel talent ! Quel jeu de jambes ! Et quelle abnégation ! Enfin une artiste qui se sacrifie toute entière à son public sans penser un seul instant à son propre bien être ! Quelle vie d’amour, de chansons et de patachon !

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Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? (1)

21 février, 2010

Moi, je serai aventurier. Je ne sais pas encore dans quelle partie, mais je dois m’enivrer d’aventures. Et j’ai grande soif !

D’abord, il faudra que l’on puise m’identifier par un vrai look. Comme Tintin au Tibet ou alors l’aventurier de l’Arche perdue. Je me coifferai d’un béret basque, m’entourerai le cou d’une écharpe jaune et porterai une toge rouge dont je m’envelopperai pour affronter les sables du désert ou les frimas de l’Alaska. Une vieille carabine à plombs en bandoulière complétera judicieusement mon accoutrement. Ainsi paré, je parcourrai le monde à la recherche des vestiges de civilisations anciennes que les plus grands spécialistes ignoreront.

Je pourrai commencer par une expédition chez les bergers qui vivent sur les hauts sommets alpins. Ce n’est pas très loin, me dira-t-on. Justement, j’y serai plus vite. Je vivrai avec eux leur vie rude, au contact de la nature, de l’air pur et des moutons paisibles. J’en sauverai quelques uns des loups dont on repeuple nos montagnes. Le soir, alors que le ciel d’été s’assombrira doucement dans des teintes mauves ou flamboyantes, nous rentrerons d’un pas lourd et serein à la bergerie. Pas trop tard quand même pour ne pas manquer le journal de vingt heures. Après la soupe aux légumes variés dont l’authenticité n’aura rien à voir avec les produits en sachets que maman achète au supermarché, nous partagerons la gnaule traditionnelle. Solide et majestueux, je siroterai sans sourciller le breuvage que les autochtones me tendront, celui que personne n’aura osé mettre dans les réservoirs d’avion à réaction de peur de les endommager.

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